Facs, agressions et néonazis : on vous dit tout sur le retour du GUD | FACTS

Le GUD, c’est l’acronyme le plus célèbre de l’extrême droite étudiante.

Créé il y a 55 ans, le groupe est connu pour sa violence et ses liens avec le FN.

Reformé en 2022, composé de néonazis entraînés au combat, il défile dans les rues de Paris.

MENACE FASCISTE : CARTOGRAPHIE DES GROUPUSCULES FRANÇAIS

Les Français ont qualifié au second tour Emmanuel Macron et Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement national a comptabilisé près de 23% des suffrages au premier tour, une performance qui s’explique notamment par sa capacité à dédiaboliser son parti. Une normalisation de son image facilitée par la radicalité d’un Éric Zemmour. Mais derrière la façade plus ou moins institutionnalisée, l’extrême droite reste parcourue par des mouvements et des courants très radicaux et parfois violents. Des groupes toujours actifs, de plus en plus actifs. Aujourd’hui, Blast vous propose de faire la cartographie de ces mouvances très diverses. Lyon, Montpellier, Angers, Nantes, Toulouse et même des villes plus petites, un peu partout en France, des militants font le coup de poing contre leurs opposants. Un véritable maillage du territoire se dessine. Mais qui désigne-t-on sous ce terme de “groupuscule d’extrême droite” ? Comment s’organisent-ils ? Où sont-ils ? Y a-t-il des liens entre eux et le Rassemblement national et Reconquête ?

Une vidéo co-écrite avec Thierry Vincent, spécialiste de ces mouvances. Journalistes : Antoine Etcheto, Thierry Vincent Montage : Delfina de Oliveira Cézar Images : Arthur Frainet Son : Baptiste Veilhan Graphisme : Adrien Colrat Diffusion : Maxime Hector Production : Thomas Bornot Direction des programmes : Mathias Enthoven Rédaction en chef : Soumaya Benaissa

Le 30 mars dernier, une vaste opération policière dans huit régions différentes a conduit à l’interpellation de onze néonazis du réseau Blood & Honour (BH) : au cours des perquisitions, onze armes d’épaule, deux revolvers gomme-cogne, 28 armes blanches, des gilets pare-balles, des casques lourds et divers bibelots nazis ont été découverts. Pour mieux comprendre de quoi il retourne, voici une petite présentation de l’histoire, des animateurs et des activités de ce réseau néonazi français.

https://lahorde.samizdat.net/blood-honour-hexagone-du-bruit-des-coups-des-armes

lundi 11 avril 2016

Blood & Honour Hexagone logo

[Mise à jour du 12 avril]

 

Alors que l’état d’urgence est prolongé jusqu’au 26 mai, que des milliers de perquisitions, des centaines de gardes-à-vue ont été menées sur de simples présomptions, les trois principaux membres de Blood & Honour, en dépit du stock d’armes découvert chez eux, sont ressortis libres (sous contrôle judiciaire) après leur mise en examen pour “association de malfaiteurs, acquisition, detention et cession d’armes en bande organisée et participation à un groupe de combat” (ouf !) : pour le parquet de Marseille, « le trouble à l’ordre public est loin d’être évident  ». Quelque chose nous dit qu’il en aurait été autrement si les trois interpellés s’étaient appelés Ahmed, Ibrahim et Abdel, et si on avait trouvé chez eux des exemplaires du Coran à la place de Mein Kampf … Mais il se trouve que nos pieds nickelés s’appellent Loïc Delboy, David Dumas et Pierre Scarano, trois militants néonazis “bien de chez nous” du Réseau Blood & Honour Hexagone [ Nous avions hier cité par erreur les noms de Romain Balchon et Jérémy Recagno, deux autres membres de BH Hexagone, qui n’ont pas été mis en examen dans cette affaire. ]

Bloudounounours made in France

À visage découvert, Ian Stuart Donaldson.

Rappelons que tout au long des années 2000, divers groupes en France vont se réclamer de Blood & Honour, un réseau anglais qui depuis trente ans fait la promotion de groupes de musique néonazis. Le site antifasciste REFLEXes a rappelé que l’une de ces sections locales, la section BH Midgard, a entretenu des liens étroits avec le groupe de RAC Fraction dans lequel se produisaient les fondateurs des Identitaires, Fabrice Robert et Philippe Vardon, ce dernier étant aujourd’hui cadre au Front national : ce proche de Marion Maréchal Le Pen a même été nommé récemment responsable FN de la première circonscription des Alpes-Maritimes…

Jean-Yves Wébert (de Toul, encore)
Yoann Lodbrok (Bourgoin)
Jonathan Bottin (Genève)
Alexis Peissonneaux (Lyon)
Romain Blachon (Lyon)
Loïc Delboy (Marseille, chef de B&H Hexagone)
Xavier Bourgeois (Collombey-Muray, Suisse)
Nicolas Gayraud (tatoueur faf aussi, chez Misanthrop’Ink, à Monthey, Suisse)
Loïc Staïanov (Toulouse). [Merci à Louise Michel pour la photo]

Or Blood & Honour Hexagone est justement issu de la fusion de différentes sections BH en France, dont la section BH Midgard. Bien implantée dans le Sud de la France, Blood & Honour Hexagone organise ainsi un ou deux concerts par an, avec une technique bien rôdée, également utilisée par les néonazis allemands pour organiser des concerts néonazis dans l’est de la France : louer une salle municipale d’un petit bled sous un faux prétexte, le plus souvent une fête d’anniversaire.

Le livret de l’album de Frontine.

C’est Loïc Delboy qui, après la fermeture de la section BH Milgard, monte en 2010 Blood & Honour Hexagone. Delboy faisait alors partie du groupe Frontline (attention : ne pas confondre avec la marque de vermifuge pour chat), avec Michael Moustier (responsable des Jeunesses identitaires sur Aix, animateur du fanzine skinhead No one like us , il rejoindra ensuite le groupe Haï et Fier), Alexandre Garcia (qui fut le premier trésorier des Identitaires) et Michael Dumas (qui a depuis monté un business de vêtements en ligne, Fleur de Bagne), frère de David Dumas, qu’on retrouve lui dans le groupe Bordels Boys.

Des hommes, des vrais, des tatoués

En dehors de quelques randonnées et autres sorties nature, la division 28 [1] française organise à partir de 2011 un concert par an ainsi qu’une fête pour le solstice d’été à la mi-juin.

À gauche : l’affiche du premier concert de BH Hexagone. À droite, l’un des solstices fêtés par BH : guitare sèche, tendres accolades, veillées autour du feu… Eh les gars, vous êtes des skins ou des hippies ?

Mais ces dernières années, le réseau a diversifié son activité en organisant des compétitions de free fight ou MMA  [2] : une première édition a lieu le 7 juin 2014, à Pollionnay, une petite ville à proximité de Lyon, rassemblant environ 150 personnes, puis une seconde l’été dernier, cette fois à Talencieux, près d’Annonay, dans le nord de l’Ardèche.

Les deux éditions des compétitions de MMA organisées par BH Hexagone. À droite, le groupe Légitime Violence, qui y a joué en juin 2015.

Pour organiser ces évènements, BH Hexagone s’appuie sur Pride France, une boutique en ligne de vêtements de marques d’extrême droite. Derrière cette boutique, on trouve Tomasz Szkatulski, alias Gamin, un skin néonazi de la région lilloise, actif depuis la première moitié des années 2000. Il avait déjà à l’époque tenté de monter une structure Blood & Honour avec l’aide d’un chapitre hollandais dans le nord de la France. Il avait ensuite donné dans le soutien aux prisonniers politiques néonazis, mais l’initiative c’était mal terminée, avec une histoire d’argent détourné. Depuis quelques années, il a donc lancé sa boutique de vêtements en ligne et il parcourt l’Europe pour participer en tant que combattant à des tournois de MMA organisés par des structures d’extrême droite.

Tomasz “Gamin” en tant que combattant de MMA et avec l’équipe de B&H.

Ces compétitions de MMA sont également soutenues par White Rex, une marque de vêtements sportifs d’extrême droite, basée en Russie et qui tente de monter en Europe de l’Ouest (en particulier en Italie) une série d’évènements pour promouvoir la marque auprès des milieux nationalistes et des skins néonazis. Dans leur partenariat avec Blood & Honour Hexagone, ils se chargeaient d’apporter tout ce qui concernait l’infrastructure technique pour la tenue des combats, ainsi que des récompenses pour les gagnants.

Enfin, parmi les autres activités organisées par le BH Hexagone dans la région lyonnaise, on trouve des conventions de tatouages, comme le Oi ! Tattoo Fest. Ces évènements sont organisés avec l’aide logistique de Lyon Dissident, ancien groupe de skins nazis lyonnais qui fut actif durant quelques années au début des années 2010, autour de leur local Bunker Korp et du groupe RAC Match Retour. Jérémy Recagno, qui a été entendu dans l’affaire, est lui aussi tatoueur (il tenait un salon sur Marseille), et s’est retrouvé l’an passé derrière les barreaux pour détention d’armes.

Lors du dernier concert de BH Hexagone, la police s’est invité pour préparer son coup de filet : le 5 mars dernier, à l’appel de Blood & Honour Hexagone, 400 crânes rasés se sont en effet rassemblés à Torchefelon, près de La Tour-du-Pin (Isère), pour écouter les douces mélodies de Bunker 84 qui s’était reformé pour l’occasion, mode du vintage oblige. Les flics en ont profité pour effectuer des contrôles massifs, saisissant au passage cocaïne, amphèts et diverses armes blanches, et pour noter méticuleusement les plaques d’immatriculation des véhicules de nos joyeux drilles. Résultat, moins d’un mois plus tard, perquisition chez les principaux animateurs du réseau, dans huit région différentes, avec le résultat que l’on sait.

Delboy avec ses amis de l’AF.

Il serait prématuré de parler de fin, même temporaire, de BH Hexagone, puisque ce dernier, via les sections étrangères, a confirmé qu’elle maintenait les évènements annoncés pour les mois à venir. Et si BH Hexagone venait à disparaître, d’autres mouvements sont prêts à occuper le champ laissé libre en France, comme les Hammerskins ou le Front des Patriotes, qui semble vouloir se développer hors de ses frontières historiques. Par ailleurs, comme on peut le voir sur une des vidéos postées sur le Facebook de l’Action française où l’on aperçoit Loïc Delboy, ces skins néonazis peuvent toujours servir de force d’appoint pour les différents groupuscules d’extrême droite.
La Horde

Notes

[1Les néonazis ont l’habitude d’utiliser un code chiffré, chaque lettre étant désignée par sa place dans l’alphabet : ainsi, les initiales d’Adolf Hitler sont codées 18, Heil Hitler 88 et donc Blood & Honour 28.

[2Le MMA, Mixed Martial Art ou Free Fight n’est en rien lié à l’extrême droite, faut-il le rappeler. Si sa pratique est légale en France, l’organisation de compétitions officielles est bloquée par le Ministère des sports pour des raisons fallacieuses. Si ce sport connaît des difficultés pour se développer aujourd’hui, c’est surtout du aux pressions des fédérations de karaté et de judo qui voient d’un mauvaise œil une pratique qui rencontre du succès se développer en dehors de leur contrôle. En d’autres temps, le full-contact ou la boxe thaïlandaise ont également connu les mêmes problèmes de la part de ces mêmes instances.

Nouveau look, nouveaux dangers : le retour des extrémistes en Europe.

Des soupes gauloises, des apéros saucisson et pinard, plusieurs invasions de restaurants halal… Depuis deux ans, le Bloc identitaire multiplie les opérations coups de poing avec un seul mot d’ordre : la lutte contre l’islamisation de la France. Leur médiatisation est le signe de l’émergence de nouvelles mouvances radicales un peu partout en Europe. Rôdées aux techniques de communication, ces dernières tiennent un discours décomplexé. Lequel séduit de plus en plus. À tel point que certains ont atteint des scores historiques aux élections et ont fait une entrée fracassante aux parlements, comme en Hongrie où le Jobbik provoque des conflits interethniques en accusant les Roms de tous les maux. Mâchoires serrées, discipline de fer, rangers et bombers noirs : des « patrouilles d’autodéfense » ont pris possession de plusieurs villages du nord-est du pays pour lutter contre la « criminalité tzigane » qui terroriserait le reste de la population. Défense de l’identité, lutte contre le multiculturalisme et l’islam : ces formations puisent leur force dans les mêmes sources mais ne portent pas forcément le même masque. Outre-manche, l’English Defence League, menée par Tommy Robinson, tente de se donner une image démocratique tout en recrutant dans le milieu hooligan et en menant une guerre sans merci contre les musulmans. En Allemagne, des militants du Parti National démocrate (NPD) s’inscrivent dans une autre logique en se regroupant dans des villages autoproclamés « zones ethniquement pures ». Qui sont ces nouveaux visages de la droite radicale ? Quels sont leurs motivations et leurs modes d’action. Immersion dans une Europe qui vire au brun.

  • IMAGE: Arthur Clemot et Bertrand Rube
  • MONTAGE: Sébastian Perez et Manuel Guillon
  • PRODUCTION: Isabelle Mehouel
  • ENQUÊTEUR: Guillaume Cauchois
  • GRAPHISME: Sébastien Eppinger