Le 30 mars dernier, une vaste opération policière dans huit régions différentes a conduit à l’interpellation de onze néonazis du réseau Blood & Honour (BH) : au cours des perquisitions, onze armes d’épaule, deux revolvers gomme-cogne, 28 armes blanches, des gilets pare-balles, des casques lourds et divers bibelots nazis ont été découverts. Pour mieux comprendre de quoi il retourne, voici une petite présentation de l’histoire, des animateurs et des activités de ce réseau néonazi français.

https://lahorde.samizdat.net/blood-honour-hexagone-du-bruit-des-coups-des-armes

lundi 11 avril 2016

Blood & Honour Hexagone logo

[Mise à jour du 12 avril]

 

Alors que l’état d’urgence est prolongé jusqu’au 26 mai, que des milliers de perquisitions, des centaines de gardes-à-vue ont été menées sur de simples présomptions, les trois principaux membres de Blood & Honour, en dépit du stock d’armes découvert chez eux, sont ressortis libres (sous contrôle judiciaire) après leur mise en examen pour “association de malfaiteurs, acquisition, detention et cession d’armes en bande organisée et participation à un groupe de combat” (ouf !) : pour le parquet de Marseille, « le trouble à l’ordre public est loin d’être évident  ». Quelque chose nous dit qu’il en aurait été autrement si les trois interpellés s’étaient appelés Ahmed, Ibrahim et Abdel, et si on avait trouvé chez eux des exemplaires du Coran à la place de Mein Kampf … Mais il se trouve que nos pieds nickelés s’appellent Loïc Delboy, David Dumas et Pierre Scarano, trois militants néonazis “bien de chez nous” du Réseau Blood & Honour Hexagone [ Nous avions hier cité par erreur les noms de Romain Balchon et Jérémy Recagno, deux autres membres de BH Hexagone, qui n’ont pas été mis en examen dans cette affaire. ]

Bloudounounours made in France

À visage découvert, Ian Stuart Donaldson.

Rappelons que tout au long des années 2000, divers groupes en France vont se réclamer de Blood & Honour, un réseau anglais qui depuis trente ans fait la promotion de groupes de musique néonazis. Le site antifasciste REFLEXes a rappelé que l’une de ces sections locales, la section BH Midgard, a entretenu des liens étroits avec le groupe de RAC Fraction dans lequel se produisaient les fondateurs des Identitaires, Fabrice Robert et Philippe Vardon, ce dernier étant aujourd’hui cadre au Front national : ce proche de Marion Maréchal Le Pen a même été nommé récemment responsable FN de la première circonscription des Alpes-Maritimes…

Jean-Yves Wébert (de Toul, encore)
Yoann Lodbrok (Bourgoin)
Jonathan Bottin (Genève)
Alexis Peissonneaux (Lyon)
Romain Blachon (Lyon)
Loïc Delboy (Marseille, chef de B&H Hexagone)
Xavier Bourgeois (Collombey-Muray, Suisse)
Nicolas Gayraud (tatoueur faf aussi, chez Misanthrop’Ink, à Monthey, Suisse)
Loïc Staïanov (Toulouse). [Merci à Louise Michel pour la photo]

Or Blood & Honour Hexagone est justement issu de la fusion de différentes sections BH en France, dont la section BH Midgard. Bien implantée dans le Sud de la France, Blood & Honour Hexagone organise ainsi un ou deux concerts par an, avec une technique bien rôdée, également utilisée par les néonazis allemands pour organiser des concerts néonazis dans l’est de la France : louer une salle municipale d’un petit bled sous un faux prétexte, le plus souvent une fête d’anniversaire.

Le livret de l’album de Frontine.

C’est Loïc Delboy qui, après la fermeture de la section BH Milgard, monte en 2010 Blood & Honour Hexagone. Delboy faisait alors partie du groupe Frontline (attention : ne pas confondre avec la marque de vermifuge pour chat), avec Michael Moustier (responsable des Jeunesses identitaires sur Aix, animateur du fanzine skinhead No one like us , il rejoindra ensuite le groupe Haï et Fier), Alexandre Garcia (qui fut le premier trésorier des Identitaires) et Michael Dumas (qui a depuis monté un business de vêtements en ligne, Fleur de Bagne), frère de David Dumas, qu’on retrouve lui dans le groupe Bordels Boys.

Des hommes, des vrais, des tatoués

En dehors de quelques randonnées et autres sorties nature, la division 28 [1] française organise à partir de 2011 un concert par an ainsi qu’une fête pour le solstice d’été à la mi-juin.

À gauche : l’affiche du premier concert de BH Hexagone. À droite, l’un des solstices fêtés par BH : guitare sèche, tendres accolades, veillées autour du feu… Eh les gars, vous êtes des skins ou des hippies ?

Mais ces dernières années, le réseau a diversifié son activité en organisant des compétitions de free fight ou MMA  [2] : une première édition a lieu le 7 juin 2014, à Pollionnay, une petite ville à proximité de Lyon, rassemblant environ 150 personnes, puis une seconde l’été dernier, cette fois à Talencieux, près d’Annonay, dans le nord de l’Ardèche.

Les deux éditions des compétitions de MMA organisées par BH Hexagone. À droite, le groupe Légitime Violence, qui y a joué en juin 2015.

Pour organiser ces évènements, BH Hexagone s’appuie sur Pride France, une boutique en ligne de vêtements de marques d’extrême droite. Derrière cette boutique, on trouve Tomasz Szkatulski, alias Gamin, un skin néonazi de la région lilloise, actif depuis la première moitié des années 2000. Il avait déjà à l’époque tenté de monter une structure Blood & Honour avec l’aide d’un chapitre hollandais dans le nord de la France. Il avait ensuite donné dans le soutien aux prisonniers politiques néonazis, mais l’initiative c’était mal terminée, avec une histoire d’argent détourné. Depuis quelques années, il a donc lancé sa boutique de vêtements en ligne et il parcourt l’Europe pour participer en tant que combattant à des tournois de MMA organisés par des structures d’extrême droite.

Tomasz “Gamin” en tant que combattant de MMA et avec l’équipe de B&H.

Ces compétitions de MMA sont également soutenues par White Rex, une marque de vêtements sportifs d’extrême droite, basée en Russie et qui tente de monter en Europe de l’Ouest (en particulier en Italie) une série d’évènements pour promouvoir la marque auprès des milieux nationalistes et des skins néonazis. Dans leur partenariat avec Blood & Honour Hexagone, ils se chargeaient d’apporter tout ce qui concernait l’infrastructure technique pour la tenue des combats, ainsi que des récompenses pour les gagnants.

Enfin, parmi les autres activités organisées par le BH Hexagone dans la région lyonnaise, on trouve des conventions de tatouages, comme le Oi ! Tattoo Fest. Ces évènements sont organisés avec l’aide logistique de Lyon Dissident, ancien groupe de skins nazis lyonnais qui fut actif durant quelques années au début des années 2010, autour de leur local Bunker Korp et du groupe RAC Match Retour. Jérémy Recagno, qui a été entendu dans l’affaire, est lui aussi tatoueur (il tenait un salon sur Marseille), et s’est retrouvé l’an passé derrière les barreaux pour détention d’armes.

Lors du dernier concert de BH Hexagone, la police s’est invité pour préparer son coup de filet : le 5 mars dernier, à l’appel de Blood & Honour Hexagone, 400 crânes rasés se sont en effet rassemblés à Torchefelon, près de La Tour-du-Pin (Isère), pour écouter les douces mélodies de Bunker 84 qui s’était reformé pour l’occasion, mode du vintage oblige. Les flics en ont profité pour effectuer des contrôles massifs, saisissant au passage cocaïne, amphèts et diverses armes blanches, et pour noter méticuleusement les plaques d’immatriculation des véhicules de nos joyeux drilles. Résultat, moins d’un mois plus tard, perquisition chez les principaux animateurs du réseau, dans huit région différentes, avec le résultat que l’on sait.

Delboy avec ses amis de l’AF.

Il serait prématuré de parler de fin, même temporaire, de BH Hexagone, puisque ce dernier, via les sections étrangères, a confirmé qu’elle maintenait les évènements annoncés pour les mois à venir. Et si BH Hexagone venait à disparaître, d’autres mouvements sont prêts à occuper le champ laissé libre en France, comme les Hammerskins ou le Front des Patriotes, qui semble vouloir se développer hors de ses frontières historiques. Par ailleurs, comme on peut le voir sur une des vidéos postées sur le Facebook de l’Action française où l’on aperçoit Loïc Delboy, ces skins néonazis peuvent toujours servir de force d’appoint pour les différents groupuscules d’extrême droite.
La Horde

Notes

[1Les néonazis ont l’habitude d’utiliser un code chiffré, chaque lettre étant désignée par sa place dans l’alphabet : ainsi, les initiales d’Adolf Hitler sont codées 18, Heil Hitler 88 et donc Blood & Honour 28.

[2Le MMA, Mixed Martial Art ou Free Fight n’est en rien lié à l’extrême droite, faut-il le rappeler. Si sa pratique est légale en France, l’organisation de compétitions officielles est bloquée par le Ministère des sports pour des raisons fallacieuses. Si ce sport connaît des difficultés pour se développer aujourd’hui, c’est surtout du aux pressions des fédérations de karaté et de judo qui voient d’un mauvaise œil une pratique qui rencontre du succès se développer en dehors de leur contrôle. En d’autres temps, le full-contact ou la boxe thaïlandaise ont également connu les mêmes problèmes de la part de ces mêmes instances.

Un tournoi de free-fight néonazi dans la région lyonnaise

Un tournoi de free-fight néonazi dans la région lyonnaise

[MàJ] De quoi renforcer la mauvaise réputation de place forte de l’extrême droite radicale pour Lyon. La deuxième agglomération de France n’est pas seulement un fief de plusieurs groupuscules identitaires ou nationalistes, pour la seconde fois, un tournoi de free-fight néonazi devait se dérouler ce samedi dans les environs de la ville.

Le tournoi s’est finalement tenu dans le nord de l’Ardèche, dans la petite commune de Talencieux, près d’Annonay.

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Un des combats de free-fight de l’édition 2014 qui a lieu dans la région lyonnaise. Capture d’écran de la Vidéo de White Rex

Ce samedi, à proximité de Lyon, on attendait près de 200 personnes en provenance des quatre coins de la France mais aussi de Grèce, d’Allemagne, d’Italie et des pays de l’Est de l’Europe. Elles ont assisté ou participé à un tournoi de free-fight (ou MMA), suivi de deux concerts.Jusqu’à samedi milieu d’après-midi, nous n’avions pas connaissance du lieu, tenu secret jusqu’au dernier moment. Sur les réseaux sociaux, les organisateurs parlent seulement de Lyon. Nous savions seulement que le tournoi devait se tenir dans la campagne environnante, toujours pour une question de discrétion.Cela a déjà été l’option choisie le 7 juin 2014, lors de la première édition, par les organisateurs qui avaient jeté leur dévolu sur Pollionnay, une petite commune à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Lyon.Il y a un an, les forces de l’ordre disaient n’avoir été au courant de l’emplacement exact que quelques heures avant le début des réjouissances, qui avaient rassemblé 150 personnes.Ce samedi de juin 2014, la salle municipale de Pollionnay avait été louée, soit-disant pour un « anniversaire », comme le rapportait le commandant de gendarmerie cité par le Progrès.

Le quotidien de Lyon avait été alerté par ses lecteurs qui s’étaient « émus » de ce rassemblement de plusieurs dizaines de personnes « crânes rasés et tatouées ». En entrant dans « sa » salle, le maire avait découvert le ring au milieu d’un charmant public.

Toujours les mêmes organisateurs néonazis

Comme en juin 2014, l’événement est co-organisé par Blood and Honour et Pride France, deux structures que l’on peut rattacher à la mouvance néonazie.

A Lyon, nous connaissons déjà Blood and Honour. Ce réseau, qui tire son nom de la devise des Jeunesses hitlériennes, organise essentiellement des concerts de groupes de RAC (Rock Against Communisme).

Ses membres lyonnais avaient créé un local à Gerland, le « Bunker Korps Lyon » fermé en mai 2011 sur décision de la Ville de Lyon. Sa philosophie pourrait se résumer à « bière, foot et baston », sans rechigner aux bras tendus. Dernièrement, ils ont tenté d’ouvrir un nouveau lieu à Sainte-Foy-lès-Lyon en association avec le GUD.

Mais très marqué et donc davantage repérable par les autorités de police, Blood and Honour a pris le nom, pour cet événement, d’« Hexagone », tout en gardant le même symbole.

Capture d'écran du tournoi de free-fight 2014
Capture d’écran du tournoi de free-fight 2014

C’est l’autre organisateur, Pride France, qui assure essentiellement la communication en France. Elle se fait surtout via les réseaux sociaux et mails.
A la fois « team » de combattants de free-fight et marque de vêtements « faits par les blancs, pour les blancs », Pride France est rattaché à un site Internet « White Clothing 88 » aujourd’hui fermé. Le chiffre « 88 » renvoyant, dans cette symbolique, aux « H » de Heil Hitler.

Le propriétaire de la marque est un néonazi connu de Lille, surnommé « Gamin », qui s’est fait tatouer une croix gammée, le visage de Rudolf Hess et « white power » dans le cou.

Si cette année l’affiche intitulé « Day of glory vol. 2 » a été expurgée d’un grand nombre de symboles nazis, celle de 2014 était beaucoup plus explicite. On y voit un combattant qui a tatoué la croix de fer allemande et l’emblème SS de la troisième Panzerdivision Totenkopf.

Capture d'écran de l'affiche du tournoi 2014
Capture d’écran de l’affiche du tournoi 2014

Ultranationalistes russes et musique RAC

Outre les deux organisations françaises, le tournoi se fait, toujours, sous le haut patronage de White Rex, un réseau européen très actif basé en Russie. Ces suprémacistes blancs mêlent également organisation de tournois de free-fight et vente de vêtements. Ce sont eux qui organisent la venue de combattants étrangers à Lyon.Dans leur post titré « White Rex 34 in Lyon (France) ! », ces ultranationalistes russes rappellent leur doctrine que nous pouvons traduire de la sorte :« Sous les attaques de la propagande étrangère, nous, les Européens, avons perdu l’esprit (…) de combattant ! L’un des buts de White Rex est de revivre cet esprit. »C’est encore White Rex qui a mis en ligne la vidéo/compte-rendu de l’édition 2014 (voir ci-dessous) où l’un des membres du staff présente l’événement (en anglais) comme ayant pour finalité « l’unité blanche européenne ».

Cette année encore les combattants et les spectateurs sont venus de toute l’Europe. Côté concert, on note une internationalisation avec la présence de deux « pointures » du milieu RAC : le groupe québécois Legitime Violence et les Italiens de Gesta Bellica qui ont notamment à leur actif une chanson faisant l’éloge d’Erich Priebke, responsable nazi du massacre des Fosses ardéatine en 1944 à proximité de Rome.

Demande d’interdiction

La Licra, via son délégué régional Patrick Kahn, a alerté les autorités. Ce dernier a le sentiment qu’on a tiré aucune expérience de l’année dernière, pour anticiper l’événement et l’interdire :

« L’annonce circule depuis deux mois sur les réseaux sociaux. On a l’impression que ces néonazis européens ont pris confortablement leurs quartiers dans la région. »

La préfecture du Rhône affirme ne pas connaître le lieu. « Tous les services de sécurité sont très attentifs », expose un porte-parole, en précisant que le préfet se « réserve la possibilité d’intervenir en cas de besoin ».

Contactés par Rue89Lyon, les organisateurs n’ont pas donné suite.

200 personnes dans un petit village près d’Annonay

Finalement, les organisateurs ont choisi le village de Talencieux, près d’Annonay, à 75 km au sud de Lyon. Ils ont loué la salle municipale de cette commune de 1 000 habitants.

Les participants, un peu moins de 200 personnes, sont arrivées dans le village dans le courant de l’après-midi de samedi .

Le village a connu un important déploiement de gendarmes mais ils ne sont pas intervenus pour empêcher la tenue du tournoi de free-fight.

Le maire de la commune a pris un arrêté pour « marquer sa désapprobation », selon France Bleu Drôme Ardèche.

Robert Seux a expliqué au Dauphiné Libéré comment il avait été dupé, de la même manière que le maire de Pollionnay l’année dernière :

« Deux jeunes du coin sont venus réserver pour une « soirée privée ». On n’imaginait pas que ça pouvait être une soirée comme celle-ci… ».

Photo publiée dimanche 7 juin sur la page Facebook de l'organisateur "Pride France" et titrée "Day of glory vol II". Capture d'écran
Photo publiée le lendemain du tournoi, le 7 juin, sur la page Facebook de l’organisateur (Pride France) et légendée « Day of glory vol II ». Capture d’écran

Article mis à jour le dimanche 7 juin à 20h30 après la tenue du tournoi dans la commune de Talencieux.


Les tournois de free-fight interdits en France
Le MMA ou Mixed Martial Arts ou arts martiaux mixtes ou free-fight désignent un sport de combat où l’on peut avoir recours à plusieurs techniques provenant de différents arts martiaux (par exemple, boxe thaï, jiu-jitsu brésilien, lutte). Sur le ring, les deux combattants peuvent donc utiliser coups de genou et de coude, mais aussi des techniques de soumission (comme l’étranglement).

Le free-fight, considéré comme extrêmement violent, vient d’être toutefois partiellement autorisé en France : on peut s’entraîner mais les tournois ou compétitions restent interdits.