« Depuis 2017, onze attaques de la droite radicale ont été déjouées » (Nicolas Lebourg, historien et chercheur spécialiste de l’extrême droite)

ENTRETIEN – Dans une interview accordée à La Tribune Dimanche, Nicolas Lebourg, historien et chercheur spécialiste de l’extrême droite, décrypte les particularités du mouvement nationaliste révolutionnaire.

LA TRIBUNE DIMANCHE – Comment définir la mouvance nationaliste révolutionnaire  ?

NICOLAS LEBOURG – Ils s’affirment néofascistes mais aussi antibourgeois, européens et anti-­impérialistes : ils dénoncent l’Occident et l’amitié avec les États-Unis et Israël, auxquels ils préfèrent le Venezuela, l’Iran ou la Palestine.

Peut-on les qualifier de néonazis  ?

Il y a toujours eu des militants néo­nazis chez eux mais le courant n’est pas néonazi. François Duprat, figure tutélaire du milieu en France, avait un absolu mépris pour les thèses sur l’inégalité des races. Le reproche fait aux Juifs est d’être des agents du projet mondialiste auquel est assimilé le sionisme, pas d’appartenir à une race.

« Antifas » et militants de gauche sont-ils toujours leurs cibles de prédilection  ?

Dans les années 1978-1980, les néonazis tiennent le haut du pavé et les cibles sont juives ou communistes. Entre 1980 et 1983 il y a un changement, jamais démenti, avec une hausse de 225 % des violences contre les Maghrébins. Les forces de l’ordre font partie des cibles. À Romans-sur-Isère, elles ont été attaquées deux fois au mortier. Mais le schéma classique est territorial : il y a un espace, un quartier, un bar, où un intrus (antifa, maghrébin) pénètre et il est frappé pour « récupérer » la zone.

Quel est leur projet politique  ?
Celui, traditionnel, de l’extrême droite radicale : forger un homme nouveau dans un ordre nouveau. Mais aujourd’hui, fonder des ethno-États blancs - qui organisent ses populations pour qu’elles soient ethniquement homogènes - est un thème prégnant.

Ont-ils des caractéristiques sociologiques et géographiques  ?

Le couloir rhodanien de Lyon à ­Marseille puis la région niçoise sont le cœur. La région parisienne, l’extrémité nord ou Nantes comptent aussi. Les métropoles sont l’affaire des groupuscules néofascistes constitués de jeunes hommes. Il y a maintenant dans de petites villes de territoires ruraux des profils plus âgés, sous forme de réseaux plus que de ­groupuscules.

Le GUD d’aujourd’hui est-il différent de celui des années 1980 ?

Le GUD des années 1970 était néo­fasciste et occidentaliste. À partir des années 1980, il devient nationaliste-révolutionnaire et antisioniste radical. Mais GUD, c’est un étendard plus qu’une structure militante.

Les dissolutions de ces groupes sont-elles utiles  ?

Elles font baisser l’activisme mais créent des vocations terroristes chez des militants livrés à eux-mêmes. Il y a eu tant de dissolutions que le paysage radical est surtout composé de groupuscules locaux avec un retour de la référence nationaliste-révolutionnaire au détriment de l’identitaire, beaucoup plus légaliste. Surveiller une mouvance si fragmentée est complexe.

Le nombre de ces militants est-il stable  ?

L’estimation officielle de leur nombre c’est 3.000, alors qu’elle était de 2.500 entre 1968 et les années 2000. Sur la base de divers indices, on peut considérer cette estimation basse. Le climat du milieu est beaucoup plus tendu et les militants sont beaucoup plus obsédés par la question ethnique qu’avant 2015 ; or, statistiquement, le mobile ethnique est un facteur de radicalisation violente.

Les forces de police les considèrent-elles comme plus dangereux ou moins dangereux que les militants de l’extrême gauche radicale  ?

Les radicaux de gauche posent un problème d’ordre public, comme on l’a vu à Notre-Dame-des-Landes ou avec les black blocs, mais ce sont à 65 % des attaques contre les biens. La motivation ethnique rend la violence de droite plus interpersonnelle : entre 1986 et 2016, on relève 299 agressions par des militants de droite contre 40 à gauche, 48 morts à droite contre 5 à gauche, 158 attentats à droite contre 73 à gauche. Depuis 2017, les services de police ont déjoué 11 attaques issues de la droite radicale.

Ces groupuscules sont-ils des atouts ou des freins pour le RN et Reconquête  ?

Ils permettent au RN de les accuser de constituer l’extrême droite qu’il ne serait pas. Le FN était un « compromis nationaliste », une plateforme où tous les courants étaient invités à être présents. C’est fini et certains cadres - le député Jean-Philippe Tanguy, le maire Louis Aliot - ont particulièrement marqué la distance. Reconquête a récupéré ce statut de compromis nationaliste pour pouvoir se construire.

 

La Tribune

Facs, agressions et néonazis : on vous dit tout sur le retour du GUD | FACTS

Le GUD, c’est l’acronyme le plus célèbre de l’extrême droite étudiante.

Créé il y a 55 ans, le groupe est connu pour sa violence et ses liens avec le FN.

Reformé en 2022, composé de néonazis entraînés au combat, il défile dans les rues de Paris.

Le 30 mars dernier, une vaste opération policière dans huit régions différentes a conduit à l’interpellation de onze néonazis du réseau Blood & Honour (BH) : au cours des perquisitions, onze armes d’épaule, deux revolvers gomme-cogne, 28 armes blanches, des gilets pare-balles, des casques lourds et divers bibelots nazis ont été découverts. Pour mieux comprendre de quoi il retourne, voici une petite présentation de l’histoire, des animateurs et des activités de ce réseau néonazi français.

https://lahorde.samizdat.net/blood-honour-hexagone-du-bruit-des-coups-des-armes

lundi 11 avril 2016

Blood & Honour Hexagone logo

[Mise à jour du 12 avril]

 

Alors que l’état d’urgence est prolongé jusqu’au 26 mai, que des milliers de perquisitions, des centaines de gardes-à-vue ont été menées sur de simples présomptions, les trois principaux membres de Blood & Honour, en dépit du stock d’armes découvert chez eux, sont ressortis libres (sous contrôle judiciaire) après leur mise en examen pour “association de malfaiteurs, acquisition, detention et cession d’armes en bande organisée et participation à un groupe de combat” (ouf !) : pour le parquet de Marseille, « le trouble à l’ordre public est loin d’être évident  ». Quelque chose nous dit qu’il en aurait été autrement si les trois interpellés s’étaient appelés Ahmed, Ibrahim et Abdel, et si on avait trouvé chez eux des exemplaires du Coran à la place de Mein Kampf … Mais il se trouve que nos pieds nickelés s’appellent Loïc Delboy, David Dumas et Pierre Scarano, trois militants néonazis “bien de chez nous” du Réseau Blood & Honour Hexagone [ Nous avions hier cité par erreur les noms de Romain Balchon et Jérémy Recagno, deux autres membres de BH Hexagone, qui n’ont pas été mis en examen dans cette affaire. ]

Bloudounounours made in France

À visage découvert, Ian Stuart Donaldson.

Rappelons que tout au long des années 2000, divers groupes en France vont se réclamer de Blood & Honour, un réseau anglais qui depuis trente ans fait la promotion de groupes de musique néonazis. Le site antifasciste REFLEXes a rappelé que l’une de ces sections locales, la section BH Midgard, a entretenu des liens étroits avec le groupe de RAC Fraction dans lequel se produisaient les fondateurs des Identitaires, Fabrice Robert et Philippe Vardon, ce dernier étant aujourd’hui cadre au Front national : ce proche de Marion Maréchal Le Pen a même été nommé récemment responsable FN de la première circonscription des Alpes-Maritimes…

Jean-Yves Wébert (de Toul, encore)
Yoann Lodbrok (Bourgoin)
Jonathan Bottin (Genève)
Alexis Peissonneaux (Lyon)
Romain Blachon (Lyon)
Loïc Delboy (Marseille, chef de B&H Hexagone)
Xavier Bourgeois (Collombey-Muray, Suisse)
Nicolas Gayraud (tatoueur faf aussi, chez Misanthrop’Ink, à Monthey, Suisse)
Loïc Staïanov (Toulouse). [Merci à Louise Michel pour la photo]

Or Blood & Honour Hexagone est justement issu de la fusion de différentes sections BH en France, dont la section BH Midgard. Bien implantée dans le Sud de la France, Blood & Honour Hexagone organise ainsi un ou deux concerts par an, avec une technique bien rôdée, également utilisée par les néonazis allemands pour organiser des concerts néonazis dans l’est de la France : louer une salle municipale d’un petit bled sous un faux prétexte, le plus souvent une fête d’anniversaire.

Le livret de l’album de Frontine.

C’est Loïc Delboy qui, après la fermeture de la section BH Milgard, monte en 2010 Blood & Honour Hexagone. Delboy faisait alors partie du groupe Frontline (attention : ne pas confondre avec la marque de vermifuge pour chat), avec Michael Moustier (responsable des Jeunesses identitaires sur Aix, animateur du fanzine skinhead No one like us , il rejoindra ensuite le groupe Haï et Fier), Alexandre Garcia (qui fut le premier trésorier des Identitaires) et Michael Dumas (qui a depuis monté un business de vêtements en ligne, Fleur de Bagne), frère de David Dumas, qu’on retrouve lui dans le groupe Bordels Boys.

Des hommes, des vrais, des tatoués

En dehors de quelques randonnées et autres sorties nature, la division 28 [1] française organise à partir de 2011 un concert par an ainsi qu’une fête pour le solstice d’été à la mi-juin.

À gauche : l’affiche du premier concert de BH Hexagone. À droite, l’un des solstices fêtés par BH : guitare sèche, tendres accolades, veillées autour du feu… Eh les gars, vous êtes des skins ou des hippies ?

Mais ces dernières années, le réseau a diversifié son activité en organisant des compétitions de free fight ou MMA  [2] : une première édition a lieu le 7 juin 2014, à Pollionnay, une petite ville à proximité de Lyon, rassemblant environ 150 personnes, puis une seconde l’été dernier, cette fois à Talencieux, près d’Annonay, dans le nord de l’Ardèche.

Les deux éditions des compétitions de MMA organisées par BH Hexagone. À droite, le groupe Légitime Violence, qui y a joué en juin 2015.

Pour organiser ces évènements, BH Hexagone s’appuie sur Pride France, une boutique en ligne de vêtements de marques d’extrême droite. Derrière cette boutique, on trouve Tomasz Szkatulski, alias Gamin, un skin néonazi de la région lilloise, actif depuis la première moitié des années 2000. Il avait déjà à l’époque tenté de monter une structure Blood & Honour avec l’aide d’un chapitre hollandais dans le nord de la France. Il avait ensuite donné dans le soutien aux prisonniers politiques néonazis, mais l’initiative c’était mal terminée, avec une histoire d’argent détourné. Depuis quelques années, il a donc lancé sa boutique de vêtements en ligne et il parcourt l’Europe pour participer en tant que combattant à des tournois de MMA organisés par des structures d’extrême droite.

Tomasz “Gamin” en tant que combattant de MMA et avec l’équipe de B&H.

Ces compétitions de MMA sont également soutenues par White Rex, une marque de vêtements sportifs d’extrême droite, basée en Russie et qui tente de monter en Europe de l’Ouest (en particulier en Italie) une série d’évènements pour promouvoir la marque auprès des milieux nationalistes et des skins néonazis. Dans leur partenariat avec Blood & Honour Hexagone, ils se chargeaient d’apporter tout ce qui concernait l’infrastructure technique pour la tenue des combats, ainsi que des récompenses pour les gagnants.

Enfin, parmi les autres activités organisées par le BH Hexagone dans la région lyonnaise, on trouve des conventions de tatouages, comme le Oi ! Tattoo Fest. Ces évènements sont organisés avec l’aide logistique de Lyon Dissident, ancien groupe de skins nazis lyonnais qui fut actif durant quelques années au début des années 2010, autour de leur local Bunker Korp et du groupe RAC Match Retour. Jérémy Recagno, qui a été entendu dans l’affaire, est lui aussi tatoueur (il tenait un salon sur Marseille), et s’est retrouvé l’an passé derrière les barreaux pour détention d’armes.

Lors du dernier concert de BH Hexagone, la police s’est invité pour préparer son coup de filet : le 5 mars dernier, à l’appel de Blood & Honour Hexagone, 400 crânes rasés se sont en effet rassemblés à Torchefelon, près de La Tour-du-Pin (Isère), pour écouter les douces mélodies de Bunker 84 qui s’était reformé pour l’occasion, mode du vintage oblige. Les flics en ont profité pour effectuer des contrôles massifs, saisissant au passage cocaïne, amphèts et diverses armes blanches, et pour noter méticuleusement les plaques d’immatriculation des véhicules de nos joyeux drilles. Résultat, moins d’un mois plus tard, perquisition chez les principaux animateurs du réseau, dans huit région différentes, avec le résultat que l’on sait.

Delboy avec ses amis de l’AF.

Il serait prématuré de parler de fin, même temporaire, de BH Hexagone, puisque ce dernier, via les sections étrangères, a confirmé qu’elle maintenait les évènements annoncés pour les mois à venir. Et si BH Hexagone venait à disparaître, d’autres mouvements sont prêts à occuper le champ laissé libre en France, comme les Hammerskins ou le Front des Patriotes, qui semble vouloir se développer hors de ses frontières historiques. Par ailleurs, comme on peut le voir sur une des vidéos postées sur le Facebook de l’Action française où l’on aperçoit Loïc Delboy, ces skins néonazis peuvent toujours servir de force d’appoint pour les différents groupuscules d’extrême droite.
La Horde

Notes

[1Les néonazis ont l’habitude d’utiliser un code chiffré, chaque lettre étant désignée par sa place dans l’alphabet : ainsi, les initiales d’Adolf Hitler sont codées 18, Heil Hitler 88 et donc Blood & Honour 28.

[2Le MMA, Mixed Martial Art ou Free Fight n’est en rien lié à l’extrême droite, faut-il le rappeler. Si sa pratique est légale en France, l’organisation de compétitions officielles est bloquée par le Ministère des sports pour des raisons fallacieuses. Si ce sport connaît des difficultés pour se développer aujourd’hui, c’est surtout du aux pressions des fédérations de karaté et de judo qui voient d’un mauvaise œil une pratique qui rencontre du succès se développer en dehors de leur contrôle. En d’autres temps, le full-contact ou la boxe thaïlandaise ont également connu les mêmes problèmes de la part de ces mêmes instances.