Call of Terror 5 le 24 février et Hot Shower 9 le 16 mars 2024 [revue de presse]

Call of Terror ET Hot Shower :

 

International media :

Rapports d’études Counter Extremism Project :

(c) Couter Extremism Project 2020 – “Violent Right-Wing Extremism and Terrorism – Transnational Connectivity, Definitions, Incidents, Structures and Countermeasures”
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l’équipe de sécurité du Call of Terror 2017, avec les Hammerskins suisses Gaël Renevey et Michaël Biolley et le néonazi français Tomasz Szkatulski, adepte des sports de combat à la tête de la boutique en ligne Pride France. © Documents Exif

 


 


  • la préfecture du Rhône a pris un arrêté d’interdiction pour empêcher le concert de se tenir sur son territoire.

  • Difficile de savoir si les services de l’État pourront le faire respecter.

  • Il faudrait pour ça qu’ils connaissent le lieu précis où le concert est organisé.

    Rue89Lyon

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  • Interdiction administrative

 


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https://www.mediapart.fr/journal/international/310124/race-aryenne-reveille-toi-de-lyon-milan-une-internationale-de-la-musique-nazie-se-reunit
  • « Race aryenne, réveille-toi ! » : de Lyon à Milan, une internationale de la musique nazie se réunit

Après quatre années d’interruption, le Call of Terror et le Hot Shower, deux des principaux festivals de black metal national-socialiste, font leur retour en Rhône-Alpes et en Lombardie les 24 février et 16 mars. Sans être, à ce stade, empêchés par les autorités des deux pays.

Mise en garde
Cet article fait notamment état d’appels au meurtre, de propos antisémites, racistes, xénophobes et glorifiant l’Holocauste, de récits d’assassinat sataniste et de profanation de sépulture. Sa lecture peut être difficile et choquante.

D’ordinaire, les événements néonazis clandestins ne font l’objet que d’une publicité discrète. Afin d’éviter toute interdiction préalable, leurs promoteurs distillent les informations au compte-gouttes dans des cercles restreints d’initiés. Cette fois, le festival de black metal national-socialiste (NSBM) Call of Terror, dont la cinquième édition est censée se tenir le 24 février dans un lieu indéterminé en Rhône-Alpes, ne cherche pas spécialement à se camoufler et a sorti l’artillerie lourde sur les réseaux sociaux, avec un compte Instagram et un canal Telegram ouverts au public. Lire la suite

Diffusé le 5 décembre 2023 et également repéré par Libération, le flyer aux teintes criardes joue sur les codes des affiches traditionnelles de metal, allant jusqu’à emprunter le slogan « See you in hell » (« Rendez-vous en enfer ») au Hellfest, le plus important rassemblement de musiques extrêmes en France. Y figurent deux casques spartiates, un symbole belliqueux répandu dans l’extrême droite violente, utilisé par les groupuscules Division nationaliste révolutionnaire puis Honneur & Nation ou le club de boxe identitaire L’Agogé, à Lyon. Le choix du 24 février ne doit rien au hasard : c’est la date anniversaire de la fondation du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), à Munich, en 1920.

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Les flyers des éditions 2017, 2018, 2019, 2020 et 2024 du Call of Terror. © Photomontage Mediapart

La tête d’affiche, Graveland, est un groupe phare de la scène NSBM. Originaire de Wrocław en Pologne, active depuis le début des années 1990, la formation multiplie dans ses morceaux épiques les références à la mythologie germanique, se réclamant du culte de Wotan – qui est à la fois la version en vieux haut allemand du dieu suprême Odin et l’acronyme du slogan américain « Will of the aryan nation » (« Volonté de la nation aryenne »).

Admirateur revendiqué d’Adolf Hitler, qui a accompli selon lui « le véritable destin caché dans le sang des personnes blanches », son leader Robert Fudali, 54 ans, est connu de longue date pour ses appels au meurtre et ses saillies antisémites, suprémacistes et xénophobes.

« Race aryenne, réveille-toi ! La nouvelle ère du paganisme et des ténèbres arrive. Graveland vous montrera le chemin. Recommencez l’holocauste, tuez les juifs et les chrétiens. […] Nous avons choisi la voie de la guerre, parce que nous devons faire la guerre aux races sous-humaines de Turquie, d’Afrique et de Roumanie. Détruisez les nègres et autres sous-hommes, qui sabotent nos traditions et notre culture. L’Europe doit être nettoyée de cette putain de merde ! », proclamait-il en 1996 dans la revue musicale Pit Magazine.

« Nos traditions et coutumes indigènes sont remplacées par le folklore africain. Les Blancs sont bombardés d’une pop culture moderne et vide de sens qui plonge notre civilisation dans la décadence et la superficialité spirituelle. Le puissant lobby pro-juif est responsable de cette situation parce que les juifs ayant peur d’un nouvel Holocauste, ils soutiennent toutes les activités anti-extrême droite », assénait-il encore au mensuel américain Decibel Magazine en 2006.

Le groupe Graveland en marge d’un concert clandestin dans le nord-est de la France, en septembre 2023. À gauche : le leader Robert Fudali. © Compte Instagram de Graveland

Récemment, Robert Fudali saluait sur son compte Facebook le « courage » du rappeur américain Kanye West de poser avec un tee-shirt à l’effigie de Burzum, un célèbre groupe de NSBM norvégien : « Il [West] risque d’attirer sur lui la colère de toute l’industrie musicale, qui est complément contrôlée par un “certain groupe”. »

Drakkar Prods maison de disque de Cyril Mendre de Peste Noire, Gestapo 666 (C) Midi Libre

Graveland, qui collabore avec le label Drakkar Productions établi à Millau (Aveyron), s’était entre autres produit au Ragnard Rock Festival, à Simandre-sur-Suran (Ain), en juillet 2016. Au cours du concert, des saluts nazis et des tee-shirts à la gloire du Troisième Reich avaient été observés dans l’assistance, à la suite de quoi la justice avait été saisie.

(C) Le Figaro 2016

 

https://antipestenoire.noblogs.org/files/2016/03/antifa-berlin-pagan-front-234x300.jpgAu Call of Terror 2024, Graveland partagera l’affiche avec un autre groupe polonais, Kataxu, membre comme lui du Pagan Front (« Front païen »). Ce mouvement, qui fédère une trentaine de formations de NSBM européennes et slaves, expliquait ainsi sa stratégie métapolitique dans le magazine allemand A-Blaze, en 2008 : « Nous comprenons notre musique comme un moyen adapté de transmettre un message qui peut aller au-delà du simple plaisir esthétique. L’auditeur devrait être encouragé à penser. […] Et c’est pour cela que nous cherchons à motiver nos compagnons et nos fans à aller sur la voie de l’activisme politique. »

Un manifeste, publié sur son site en 2007, dressait la liste des douze « commandements » du Pagan Front. Parmi ceux-ci : « Fiers nationaux-socialistes », « Contre toute influence judéo-chrétienne », « Tolérance zéro pour les ennemis de notre race » ou « Rassemblement sous la bannière du svastika ».

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Le Call of Terror programme également les Italiens de SPQR. Le groupe tire son blase de la devise de l’Empire romain (« Senatus populusque Romanus », soit « Le Sénat et le peuple romain »), emblème récupéré a posteriori par le régime fasciste de Benito Mussolini, qui souhaitait ressusciter l’histoire culturelle de la Rome antique.

En septembre 2022, les musiciens de SPQR sont montés sur la scène de la Direzione Rivoluzione, la fête annuelle organisée par le parti néofasciste CasaPound Italia à Grosseto (Toscane), où le mari de la vice-présidente de Reconquête Marion Maréchal, l’eurodéputé Vincenzo Sofo, avait été convié. En ce début d’année, le quatuor romain a diffusé le clip de sa nouvelle chanson « Il mio nome è vendetta » (« Mon nom est vengeance »), à la gloire de la brigade Azov, cette unité militaire ukrainienne connue pour ses affiliations néonazies et ultranationalistes.

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Le concert du groupe SPQR au festival annuel de CasaPound Italia, en septembre 2022. Le logo du parti néofasciste est volontairement pixellisé. © Compte Instagram de SPQR

Le quatrième et dernier groupe à l’affiche, Leibwächter, n’a pas d’existence documentée mais pourrait constituer un alias de la formation de NSBM lyonnaise Leibstandarte – du nom de la 1re division Schutzstaffel (SS) chargée de la garde personnelle de Hitler.

Contactés par Mediapart, les organisateurs du Call of Terror n’ont pas donné suite. Selon nos informations, la soirée du 24 février se déroulera entre Lyon et Genève, et le tarif des préventes est fixé à 28 euros (35 euros sur place). Plusieurs centaines de spectateurs et spectatrices débarqué·es de plusieurs pays d’Europe sont attendu·es.

Sollicitées, les préfectures du Rhône, de l’Ain, de l’Isère, de Savoie et de Haute-Savoie, cinq départements où est susceptible de se dérouler l’événement, n’ont pas réagi. Dans un autre registre, la préfète de l’Ain a pris, le 25 janvier, un arrêté portant interdiction d’une représentation – prévue le lendemain – de l’humoriste Dieudonné, en raison de ses condamnations pour antisémitisme.

En février 2023, après les révélations de Mediapart, six préfets et préfètes de la région Grand Est avaient interdit, sur instruction du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, le festival NSBM Night for the Blood. L’organisateur et le lieu du concert, la salle polyvalente de Remomeix (Vosges), avaient été identifiés par les autorités, et le concert finalement annulé à la dernière minute.

Pour organiser leurs événements, les promoteurs néonazis usent souvent du même stratagème : louer la salle des fêtes d’une petite commune sous un faux motif. En 2020, ultime édition en date du Call of Terror, c’est l’Espace culturel de rencontre de Châtillon-la-Palud (Ain, 1 649 habitant·es) qui en avait fait les frais.

« Ils avaient l’air sympas, avec un look un peu rocker et des boucles d’oreilles, pas le style skinheads, avait raconté l’employée de mairie chargée de la location de l’équipement. Ils m’ont assuré que c’était juste une soirée privée avec de la musique. Ils ont visité la salle et ont payé. Ils m’ont dit qu’il y aurait seulement une centaine d’invités. »

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En 2018, le Call of Terror s’était installé à Longes (Rhône, 964 habitant·es) puis, en 2019, à Trêves (Rhône, 735 habitant·es). Alors que les prises de vue sont généralement proscrites dans ces événements, deux clichés issus de cette édition 2019, que Mediapart s’est procurés, montrent des participants effectuer des saluts nazis pendant les concerts des groupes Absurd (Allemagne) et Goatmoon (Finlande).

Profanation de sépulture, assassinat de curé et provocation à la haine raciale

Trois semaines après le Call of Terror, le 16 mars, un autre rendez-vous majeur du genre NSBM se tiendra de l’autre côté des Alpes : la neuvième édition du Hot Shower Fest, dont le nom (« douche chaude ») se réfère aux chambres à gaz des camps d’extermination nazis, organisée dans la région de Milan, au nord de l’Italie. Avec, à l’affiche, des groupes américano-vietnamien (Vothana), brésilien (Walsung), autrichien (Knochenhorde) et français (Seigneur Voland).

Native de Toulon (Var), cette dernière formation propage un black metal ouvertement antisémite, avec des textes aussi explicites que « Des juifs et autres germes de pourriture », « Quand les svastikas étoilaient le ciel », « Sur les ruines et les cendres de Sion » ou « Les douze tribus [d’Israël – ndlr] exterminées par le dernier bastion blanc du IIIe Reich allemand ».

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(c) journal Libération

Le leader de Seigneur Voland (nom donné au diable dans le nord de la France au Moyen Âge), Anthony Mignoni, a été condamné en octobre 1997 à quatre ans de prison pour avoir exhumé et profané la sépulture d’Yvonne Foin, une septuagénaire enterrée vingt ans plus tôt, dans un cimetière toulonnais. Adepte à la fois de Satan et d’Hitler, il a justifié son geste par un rejet de l’humanité.

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Le curé de Kingersheim Jean Uhl était apprécié de tous. Il est mort à cause de thèses satanistes totalement délirantes. Photo archives L’Alsace /Jean-Paul FREY
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(C) Le Soir Belge – Le père curé Jean Uhl assassiné

En avril 2001, le même Anthony Mignoni a été appelé à la barre des témoins de la cour d’assises de Colmar parce que considéré comme le gourou de David Oberdorf, un jeune homme condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour l’assassinat, en décembre 1996, du curé de Kingersheim (Haut-Rhin). « David a fait ça parce qu’il a voulu faire mieux que moi dans l’horreur. C’est pour ça qu’il a signé son crime de 33 coups de couteau et d’une étoile gravée dans la main du curé », a déclaré le chanteur au tribunal.

Dans un entretien accordé à l’été 2023 à L’Alsace, qui retrace ce procès, l’avocat de la partie civile, Thierry Moser, évoque « un assassin sous influence et un auteur moral qui a échappé à la justice ».

 

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En février 2004, Anthony Mignoni mais aussi Laurent Franchet, guitariste de Seigneur Voland, ont été condamnés pour provocation à la haine raciale et menaces de mort à l’égard de la journaliste Anne Sinclair, de l’ancienne ministre Simone Veil et de Patrick Gaubert, alors président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra).

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archives REFLEXes – Zik et zina : Quand la musique fait Boum

Étaient visés des écrits imprimés dans le fanzine Wotan, bulletin mensuel de rééducation, édité par le groupuscule Charlemagne Hammer Skins.

(c) France Politique

 

(C) Discogs vouïvre – Xaphan Anthony Migni, Florian Denis de St Chirat, autours de Sün labellisé LMH

Reformé en 2019 après quinze ans de séparation, Seigneur Voland s’est depuis produit en Finlande, en Belgique, en Allemagne, en Ukraine, au Japon, au Royaume-Uni, au Portugal, et, en septembre 2023, lors d’un événement clandestin dans le nord-est de la France, en compagnie de Graveland et Kataxu (les deux têtes d’affiche polonaises du Call of Terror), selon les informations de Mediapart.

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Les quatre membres de Seigneur Voland au cours de leur tournée japonaise en 2020 : Laurent Franchet, Valentin Dolatowski, Anthony Mignoni et Yann Munch. © Document Mediapart

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(C) BELLINGCAT At Ukraine’s Asgardrsrei, A French Connection

 

L’ombre du néonazi allemand Hendrik Möbus

Contactés par mail, les organisateurs du Hot Shower Fest ont esquivé en demandant à être rappelés sur le numéro de téléphone fixe d’une pizzeria située à Naples (voir en Boîte noire). Sollicitée, la préfecture de la région de Milan n’a pas donné suite.

Selon le site Antifascist Europe, piloté par la fondation berlinoise Rosa-Luxemburg, l’accueil, la logistique et la sécurité du festival sont coordonnés par la branche italienne des Hammerskins, un gang criminel néonazi dédié à la « défense de la race blanche », aux ramifications internationales et à la hiérarchie stricte. Le média d’investigation allemand Exif a relevé que des Hammerskins français et suisses ont aussi assuré la sécurité de la première édition du Call of Terror en 2017. Le festival rhône-alpin peut en outre s’appuyer sur des groupuscules d’extrême droite particulièrement implantés à l’échelle locale.

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À gauche : le local de la branche milanaise du gang criminel des Hammerskins, où les premières éditions du Hot Shower Fest ont été organisées. À droite : l’équipe de sécurité du Call of Terror 2017, avec les Hammerskins suisses Gaël Renevey et Michaël Biolley et le néonazi français Tomasz Szkatulski, adepte des sports de combat à la tête de la boutique en ligne Pride France. © Documents Exif

Derrière les deux événements français et italien plane l’ombre du néonazi allemand Hendrik Möbus, figure tutélaire de la scène NSBM. À la tête de son label Darker Than Black Records, l’influent musicien a édité les disques de plusieurs groupes présents à l’affiche et a lui-même joué, avec son projet Absurd, au Hot Shower Fest 2018 et au Call of Terror 2019. Selon Thorsten Heindrichs, musicologue à l’université de Mayence (Allemagne), le militant de 48 ans serait même « le fournisseur de billets » pour le festival transalpin.

Condamné en 1993 pour le meurtre d’un camarade de classe à Sondershausen en Thuringe, Hendrik Möbus est libéré de prison en 1998.

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(c) 2000 – archive Intelligence Report / Southern Poverty Law Center

 

https://antifainfoblatt.de/sites/default/files/styles/responsive_3_2_300w/public/Hendrik.m%C3%B6bus.jpg?h=bd571149&itok=Y_fgRVvnDe nouveau condamné pour ses activités néonazies en 1999, il s’enfuit aux États-Unis pour échapper à une nouvelle incarcération et travaille pour William Luther Pierce III, chef de l’Alliance nationale, une organisation suprémaciste basée en Virginie-Occidentale. Extradé en 2001 en Allemagne, il est emprisonné jusqu’en 2007 et fait depuis l’objet de plusieurs procédures judiciaires.

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Hendrik Möbus (rechts) beim „Rock gegen Links“-Konzert im Oktober 2017 in Themar (Thüringen).

 

Le reportage documentaire sur la nébuleuse des rassemblements néonazis C18, Blood and Honour, Kampf des Niebelung, Arische Bruderschaft, Schild & Schwert (SS) & Co. – , … diffusé en 2018 par la télévision allemande propose évidement un chapitre sur le réseautage inter-nazi-onal de la NSBM  du promoteur et meurtrier néonazi Hendrik Möbus.

10:38 Tomasz Szkatulski Pride France @ RAC de Ostritz, en Allemagne à la frontière polonaise.
22:15 Hendrik Möbus, meurtre, cavale aux USA, …
@ RAC de Ostritz, en Allemagne à la frontière Polonaise
@ Hot Shower, en co-production avec Hammerskins à Milan dans le Nord de l’Italie à proximité de la France et La suisse : Graveland, Sacrificia Mortuorum amputé de sa croix celtique, … une accumulation turbonazi affichée.
24:35 - Asgardsrei de AZOV à Kiev en Ukraine, le plu gros rassemblement NSBM nommé d’un tire de Absurd l’orchestre nsbm autours de Hendrik Möbus.
Olena Semenyaka et Aleksey Levkin de M8l8t.H, Wotanjugend et Militant Zone.25:41 - Olena Semenyaka et Hendrik Möbus en Allemagne @ DerIIIweg

Surveillé de près par les services de renseignement de son pays, Hendrik Möbus mise donc sur l’étranger pour faire fructifier son entreprise extrémiste. Le chercheur Thorsten Heindrichs observe que « Möbus est bien mieux connecté au niveau international que la majorité des néonazis allemands ». Autre indice qui tend à corroborer cette analyse : l’artiste était impliqué dans l’organisation du festival NSBM ukrainien Asgardsrei qui, de 2015 à 2019, a attiré chaque année jusqu’à 1 500 participant·es venu·es du monde entier à Kyiv.

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Le musicien néonazi allemand Hendrik Möbus avec les deux principaux organisateurs du festival Asgardsrei à Kyiv, en 2018 : Olena Semenyaka, idéologue du mouvement Azov, et Alexeï Levkine, un néonazi russe expatrié en Ukraine, à la tête du groupe M8l8th et du label Militant Zone. © Capture d’écran Youtube

Dans le cadre du colloque paneuropéen « Pact of steel » (« Pacte de fer », du nom de l’alliance militaire germano-italienne scellée en 1939), organisé en marge de l’édition 2018 de l’événement, Hendrik Möbus avait donné une conférence sur le baron Roman von Ungern-Sternberg, général anticommuniste de la guerre civile russe. À ses côtés : la co-cheffe d’orchestre d’Asgardsrei, Olena Semenyaka, que le spécialiste français de l’extrême droite ukrainienne Adrien Nonjon qualifie de « première dame » du nationalisme ukrainien puisqu’elle est « la figure de proue féminine du mouvement Azov ».

 

En introduction du colloque, la philosophe de formation, qui dirige par ailleurs le club métapolitique Plomin, assumait parfaitement le fait d’associer dans un même endroit concerts de metal et tables rondes militantes. « [Asgardsrei] n’a jamais été un événement purement musical, tout comme le genre même de black metal qui, dans sa forme originelle, dépasse la seule musique. »

À l’occasion de son audition, en janvier 2023, devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg, Nicholas Potter, chercheur à la Fondation Amadeu-Antonio, une ONG allemande en pointe dans la lutte contre le racisme et l’extrémisme de droite, mettait en évidence le fait que « les festivals de rock et les tournois d’arts martiaux mixtes servent d’espaces de radicalisation, de recrutement et de collecte de fonds ».

Europol, l’agence européenne de police criminelle, n’en pense pas moins, jugeant ce genre de manifestation crucial pour la sphère néonazie. « Outre leur activisme en ligne, [ses militants] accordent une grande valeur aux réunions physiques et aux activités de groupe », notait-elle dans un rapport sur l’état de la menace terroriste publié en octobre.

Si vous avez des informations sur les extrêmes droites à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse extremedroite@mediapart.fr.

https://twitter.com/Mediapart/status/1752728780295094404

 


  • 27.01.2024 «Call of Terror» : un nouveau festival néonazi organisé en France

LibérationQuatre groupes de hard rock nazi sont à l’affiche de cet événement qui pourrait se tenir fin février en région lyonnaise. Joint par «Libération», le ministère de l’Intérieur n’était pas en mesure à ce stade d’apporter plus de précisions.

L’affiche de l’événement fixe le rendez-vous au 24 février, date d’anniversaire de la création, en 1920, du NSDAP, le parti national-socialiste d’Adolf Hitler

Après quatre années de sommeil, le «Call of Terror» («appel de la terreur») est de retour. En 2020, la dernière édition en date de ce festival nazi avait rassemblé quelques centaines de mélomanes, venus tendre le bras sur des sérénades beuglardes gloriant la haine. Libération s’est procuré l’affiche de ce nouveau rendez-vous, le cinquième du genre : elle annonce la présence de quatre groupes de NSBM (pour «National-socialist Black Metal», du hard rock nazi) et fixe le rendez-vous au 24 février. La date n’a pas été choisie au hasard par ces nostalgiques du IIIe Reich : elle correspond à l’anniversaire de la création, en 1920, du NSDAP, le parti national-socialiste d’Adolf Hitler. Si le lieu de cette soirée est soigneusement tenu secret, elle devrait, selon nos informations, se tenir en région Auvergne-Rhône-Alpes, quelque part entre Lyon et la frontière Suisse. Joint par Libé, le ministère de l’Intérieur n’était pas en mesure à ce stade d’apporter plus de précisions sur l’événement, qui devrait mobiliser les forces de l’ordre locales.

Sur l’affiche du Call of Terror 2024, des casques de légionnaires romains stylisés et une phrase : «See you in hell» («rendez-vous en enfer»). Parmi les groupes annoncés, la formation polonaise de black metal Graveland, connue et populaire au sein de cette sphère musicale, mais pointée pour ses accointances nazies. Notamment au vu de textes publiés sur son blog, selon lesquels «nous avons tous besoin de ségrégation raciale pour préserver notre propre culture et notre spiritualité» ou encore «la confrontation entre la civilisation occidentale blanche et la civilisation des immigrés de couleur est imminente». Le groupe y tenait également des propos ouvertement antisémites et homophobes. Graveland s’était déjà produit en France en 2016 lors d’un festival de «metal viking». Lors de son passage sur scène, de nombreux saluts nazis avaient été constatés dans la foule.

Festival en sommeil depuis quatre ans.
Star du concert à venir, qui a notamment été annoncé sur l’un des principaux canaux néonazis français, la chaîne Telegram Ouest Casual, Graveland partagera la scène avec les Polonais de Kataxu, tout aussi radicaux. Et avec les Italiens de SPQR (pour Senatus populusque romanus, «le Sénat et le peuple romain», devise la Rome antique), proches de la pire extrême droite transalpine et dans les concerts desquels les bras tendus sont légion. Aussi mentionné, un mystérieux groupe dénommé Leibwächte, «garde du corps» en allemand. Cette formation, qui n’a pas d’existence en ligne, est la seule dont les organisateurs du Call of Terror ne précisent pas la nationalité. Selon une source bien informée au sein de la mouvance, ce pourrait être un alias créé pour l’occasion, afin de cacher le nom du vrai groupe qui se produira. Pourrait-il renvoyer aux Français du groupe Leibstandarte, du nom de la division SS chargée de la protection rapprochée d’Adolf Hitler ?
Cela fait quatre ans que le Call of Terror était en sommeil, après les premières éditions organisées entre 2017 et 2020. Ces événements se sont tous tenus dans la grande région lyonnaise, en Auvergne-Rhône-Alpes. A la manœuvre, selon une autre source au fait de cette mouvance : des réseaux liés aux suprémacistes du mouvement Hammerskins France, émanation d’un gang néonazi américain violent dont la branche allemande, très connectée à ses homologues français, vient d’être interdite.
Interdiction d’un événement similaire en 2023.
Selon Rue89 Lyon, les précédentes éditions étaient plutôt pilotées par le groupuscule Blood and Honour Hexagone, section française du mouvement skinhead fondé en 1987 par Ian Stuart, chanteur anglais du groupe de RAC (pour «rock anticommuniste») Skrewdriver et interdit dans plusieurs pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou le Canada. Blood and Honour Hexagone, considéré comme un «groupe de combat», a été dissous par l’Etat en juillet 2019 car il diffusait «une idéologie néonazie, raciste et antisémite, exaltant la “race blanche”, appelant à la haine, à la discrimination et à la violence», notamment par «l’organisation de concerts de musique néonazie». Ses membres ont également été impliqués dans des violences, souvent à caractère raciste. En mars 2016, un vaste coup de filet avait débouché sur l’interpellation de onze militants et la saisie de 11 armes d’épaule, 28 armes blanches, des gilets pare-balles, des casques lourds et des objets ou drapeaux nazis.
En 2023, l’annonce d’un événement similaire en région Grand Est, le «Night for the Blood» («nuit pour le sang»), avait mobilisé les autorités. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait réagi en personne et demandé aux «six préfets potentiellement concernés», ceux des départements où la soirée était susceptible de se tenir, de tout mettre en œuvre pour «interdire le concert», qui l’avait effectivement été.
Sans doute échaudés, les organisateurs du Call of Terror 2024 gardent jalousement le secret du lieu de rendez-vous pour le 24 février. Une pratique classique pour ce type d’événements, dont l’adresse, le plus souvent des salles des fêtes de petites communes réservées sous des faux prétextes, n’est communiquée qu’au dernier moment et aux seuls détenteurs d’une place, afin de contourner les interdictions. Le jeu du chat et du nazi.
Maxime Macé et Pierre Plottu (Libération)
publié le 27 janvier 2024 à 8h04

Libération

 


Un festival de black metal néonazi prévu près de Lyon

[…] on retrouve Graveland. […] Le groupe était présent en 2016 dans la région lyonnaise, à l’affiche du festival Ragnard Rock, à Simandre-sur-Suran, dans l’Ain. Un lecteur de Rue89Lyon, présent au festival, témoignait des saluts nazis aperçus durant leur passage sur scène : « les cas de mains levées durant sont bien réels, j’en ai compté plus d’une trentaine. Ce n’était pas un cas isolé, c’était plusieurs rangées de festivaliers ». […]

Le 24 février, Graveland retrouvera ses camarades polonais de Kataxu […] Les deux groupes sont membres du Pagan Front […] Les programmateurs du « Call of Terror » sont allés chercher dans divers pays d’Europe.

On retrouve également un groupe italien, SPQR. Leur nom vient de la devise romaine « Senatus populusque Romanus », qui signie « Le Sénat et le peuple romain ». Loin d’être une référence à la démocratie antique, le sigle est plutôt emprunté au régime fasciste de Benito Mussolini, qui en avait fait un de ses slogans. Selon Mediapart, le groupe était présent en septembre 2022 à la Direzione Rivoluzione, la fête annuelle organisée par le mouvement nationaliste et néofasciste italien Casapound.

Dernier sur l’affiche, figure le groupe Leibwächter (garde du corps en français), dont on ne sait pas grand chose. Il pourrait s’agir d’un nom d’emprunt pour le groupe de NSBM de Lyon, Leibstandarte. Contactés, les organisateurs du Call of terror n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Selon Adrien Nonjon, doctorant à l’Institut national des langues et civilisations
orientales (Inalco), spécialisé dans les nationalismes et mouvements d’extrême droite est-européens, ce type de festival n’est pas seulement un moment musical, mais aussi politique : « Les concerts de NSBM, avec leurs textes et leur esthétique, sont un moyen de promouvoir une vision du monde et de rassembler une communauté. Ils s’adressent à un public déjà idéologisé. L’invitation de groupes étrangers peut permettre de faire se rencontrer des militants d’extrême droite de plusieurs pays. » Dans son livre sur le bataillon Azov – bataillon nationaliste ukrainien, où l’on peut retrouver des militants néonazis – il raconte avoir rencontré le programmateur du Call of terror dans une base militaire à Kyiv, en recherche de groupes ukrainiens à mettre à l’afche d’une prochaine édition.

Un festival néonazi qui s’appuie sur un réseau régional et
lyonnais

« Après la chute de l’URSS, il y a eu une radicalisation anti-communiste en Europe de l’Est. Cela coïncide avec l’émergence du NSBM, dont Graveland est l’un des premiers groupes. Le NSBM s’est ensuite déporté vers l’Ukraine, puis la Russie. La France a réussi à se greffer à cette mouvance et en est devenu un des principaux pôles, notamment grâce aux groupes Peste Noire ou Baise ma hache », analyse Adrien Nonjon.

Les organisateurs du Call of terror peuvent en effet s’appuyer sur une scène rhône-alpine de NSBM plutôt dynamique.

Le groupe savoyard Baise ma hache était à l’affiche des éditions de 2017 et 2019. Cette fois, s’ils ne se produiront pas sur scène, ils seront tout de même présents. Le groupe a annoncé sur ses réseaux sociaux qu’il tiendrait un stand sur le site du festival. Outre leur logo qui utilise les symboles des jeunesses hitlériennes (la hache et l’os), Baise Ma Hache reprend intégralement un poème de Robert Brasillach, écrivain collaborationniste et antisémite fusillé en 1945, dans une de ses chansons. Le groupe a également rendu hommage à Dominique Venner, un idéologue d’extrême droite, dans un post Facebook aujourd’hui passé en privé. Le lendemain du concert de 2017, une rencontre avec le groupe avait eu lieu dans le local du groupuscule d’extrême droite Gud (devenu Bastion social puis Lyon Populaire) à Lyon.

Concernant la cinquième édition du Call of Terror, la préfecture du Rhône a indiqué qu’elle prendrait un arrêté d’interdiction dans les prochains jours.

Contactées, les préfectures de l’Ain, de la Savoie, de la Haute-Savoie et de l’Isère n’ont pas répondu à nos sollicitations.

En novembre 2023, un concert de RAC (rock anti-communiste) et néonazi devait se tenir près de Lyon. Après avoir été annulé puis interdit par la préfecture du Rhône et de plusieurs départements, dont l’Isère, il s’était finalement tenu en taille réduite dans un restaurant loué sous un faux prétexte.

 


 


  • European branch of @FightExtremism, a not-for-profit, international policy organization formed to combat the growing threat from extremist ideology.

https://pbs.twimg.com/media/EnQV-d5XMAI3MuL?format=jpg&name=900x900

https://pbs.twimg.com/media/EnQV_ddW4AAF-zy?format=jpg&name=900x900

https://www.counterextremism.com/sites/default/files/styles/large/public/press_image/financial%20strategies%20right-wing%20extremist%20orgs%20and%20actors%20in%20uk%20and%20germany.png?itok=km6PgN91

 

 


  • Scénographie armée de Graveland : casque d’armure, lames d’épée et de poignard.

Graveland @ Eternal Hate fest. juillet 2023

 


  • Vice News : Traduction

https://video-images.vice.com/articles/65c9f08173422818afed0a94/lede/1707740100529-screenshot-2024-02-12-at-120857.png?crop=1xw:0.829523346303502xh;center,center&resize=500:*
Screenshot 2024-02-12 at 12 Polish band Graveland are described as “one of the stars of the international National-Socialist black metal-scene.” Photo: Instagram

Deux grands concerts de musique néonazis auront lieu en France et en Italie au cours des prochaines semaines, dans les semaines à venir, que les experts de l’extrémisme alertent comme d’importants événements de mise en réseau et de collecte de fonds pour l’extrême droite européenne.

Le concert français, Call of Terror, doit se tenir dans un lieu inopiné dans le sud-est de la région de l’Auvergne-Rhône-Alpes le 24 février, tandis qu’un concert italien appelé Hot Shower se tiendra quelque part dans le nord de l’Italie trois semaines plus tard. Les événements marquent le retour des concerts, facturés par leurs organisateurs comme des festivals et tous deux des rencontres établies sur la scène musicale underground d’extrême droite en Europe, pour la première fois depuis qu’ils ont été interrompus par la pandémie de coronavirus.

LIRE: Le coronavirus a fermé la scène néonazie du festival de musique néo-nazie en Europe

Les concerts figureront quelques-uns des plus grands noms du genre musical explicitement néo-nazi connu sous le nom de « black metal national-socialiste » ou NSBM. L’idéologie raciste du genre est clairement diffusée sur une affiche diffusée sur les médias sociaux, qui comporte un rat de bande dessinée – Splinter des tortues ninjas – portant une étoile juive de David, avec un Klansman à capuche.

« S’il vous plaît, arrêtez de comparer les Juifs à la vermine – c’est insultant à la vermine », peut-on lire sous l’affiche sur la page Facebook du concert.

Thorsten Hindrichs, un musicologue de l’université Johannes Gutenberg de Mayence, qui se spécialise dans les sous-cultures musicales d’extrême droite, a déclaré à VICE News que les concerts sont deux des événements majeurs de la comédie musicale néo-nazie en Europe.

« Les deux festivals sont d’une importance capitale pour la scène internationale NSBM, parce qu’ils ont déjà établi une certaine tradition, et parce que les line-ups comportent généralement des bandes nazies de « haut calibre », a-t-il déclaré.

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Call of Terror, qui est proposé pour la cinquième fois, affiche le groupe polonais chevronné Graveland, décrit par Hindrichs comme « l’une des étoiles de la Scène internationale de la NSBM ».

Formé à Wroclaw en 1991, le groupe a fait interdire les albums en Allemagne, et apparaît sur une liste des groupes de « musique de haine ». Le fondateur du groupe, qui utilise le nom de scène « Rob Darken », a déclaré à un interviewer en 2006 que la plupart des gens qualifieraient sa politique de « convictions nationales-socialistes de droite ».

Parmi les autres actes de la formation Call of Terror, on peut citer le groupe italien SPQR – une phrase faisant référence à la République romaine – qui a promu son apparition au festival avec son dernier vidéo musical, qui présente des images de soldats ukrainiens au combat et est dédiée aux unités de combat d’extrême droite ukrainiennes, y compris la brigade Azov, le secteur droit et le corps des volontaires russes. Le groupe polonais de la NSBM Kataxu, qui, comme SPQR, était « très bien connu dans la scène », a déclaré Hindrichs.

La France était connue pour avoir l’une des scènes NSBM les plus fortes et les mieux en réseau en Europe, aux côtés de bastions plus forts plus à l’est comme la Pologne, l’Ukraine et la Russie, a-t-il ajouté.

Lire la liste : Le festival de black metal en Ukraine est l’événement néo-nazi de la mise en réseau de l’année

L’événement Hot Shower dans le nord de l’Italie, qui se tient pour la neuvième fois depuis le concert inaugural en 2012, proposeVothana, un groupe de la NSBM américano-vietnam qui, selon Hindrichs, a rarement joué en live. La formation comprend également le groupe brésilien Walsung, dont le catalogue comprend la chanson « When Totenkopf Rises » (Der Sturmer) et la bande française de la NSBM, Seigneur Voland, qui a une chanson intitulée « Quand les Svastikas étoilaienrt le Ciel » (« When Swastikas Light Up the Sky »).

Alexander Ritzmann, conseiller principal au Counter Extremism Project, a déclaré que des événements comme les concerts ont servi de « centres de réseau central » pour les mouvements transnationaux d’extrême droite.

« Ils ont une fonction sociale – « s’amuser au fascisme » – et ils sont utilisés pour gagner de l’argent pour le mouvement grâce à la vente de billets, de marchandises et de restauration », a-t-il déclaré à VICE News.

Les figures clés de la clandestinité de l’extrême droite se réuniraient généralement autour de l’événement et examineraient des domaines de collaboration, y compris des actions potentiellement violentes. Ritzmann a déclaré qu’il n’y avait pas de « distinction claire entre la scène musicale d’extrême droite et l’extrémisme violent de droite ».

« Ils se rencontrent tous lors de ces événements, où la diffusion de propagande haineuse contre les minorités est au centre de l’action », a-t-il déclaré.

Ces événements musicaux sont un flux de revenus clé pour la scène underground néo-nazie traditionnelle, avec une grande partie de l’argent collecté reléguer dans l’activité d’extrême droite. Ces activités comprennent le financement de la publication de matériel politique, l’organisation de manifestations, couvrant les frais de justice pour les extrémistes qui tombent sous le coup de la loi.

« Beaucoup d’argent liquide changent de mains à ces événements », a déclaré Ritzmann.

LIRE: Les festivals de musique néonazis financent l’extrémisme violent en Europe

Hindrichs a déclaré qu’il pensait que les précédentes éditions des concerts avaient attiré quelques centaines de participants chacun, qui auraient tous été des adeptes du noyau dur de la scène extrémiste de la NSBM. « Vous ne vous retrouvez pas à un festival comme celui-ci par accident », a-t-il déclaré. “Quiconque s’y rend… est déjà “à bord”.»

Les organisateurs de Hot Shower ont répondu à une demande de commentaires de VICE News d’une manière apparemment facétieuse, en utilisant apparemment un code de suprémaciste blanc commun faisant référence aux initiales d’Adolf Hitler (« A » étant la première lettre de l’alphabet, « H » étant la huitième) en réponse à une question sur la participation attendue à l’événement. « Pour la dernière édition, nous venons de vendre 188 billets, ce sera une bonne chose d’avoir à nouveau le même numéro », peut-on lire dans la réponse. Une affiche pour le festival indique que la capacité est limitée à 300 personnes.

Les organisateurs ont également mis de côté une question sur l’idéologie haineuse qui sous-tend l’événement, répondant qu’ils ont été « vraiment surpris que le VICE soit si heureux d’écrire sur quelques personnes dans un petit concert ».

Les organisateurs de Call of Terror n’ont pas répondu à une demande d’observation de VICE News.

 


  • Daï-Mon React : Lecture commentée de l’article Médiapart par une streamer actu live qui découvre la problématique NSBM

 


  • Le progrès de l’Ain : Le département possible point de chute d’un concert de rock de la mouvance néonazi

Les organisateurs de ce genre de soirée choisissent en général les salles des fêtes de communes rurales, comme ce fut le cas, en 2020, pour l’Espace culturel de rencontre de Châtillon-la-Palud, situé à l’écart de la route.


  • infolibre.es

 

September 2023 : Graveland and Seigneur Voland secret live in France (north)

GRAVELAND & SEIGNEUR VOLAND

EN CONCERT SECRET

EN FRANCE

20.09.2023 : La page Instagram de Graveland montre une photo vraiment pas terrible de Robert Fudali avec quatre autres types sur un parking de province, tous posent alignés debout jambes écartées et les bras croisés face à l’objectif avec des lunettes de soleil, cela ressemble à une étape pause-pipi ou arrêt sandwich de métalleux plus très jeunes sur la route vers un camping de festoch, intitulée “Graveland (Live in France, September 2023)”

(c)insta

La photo revendique donc à posteriori un concert en France, sans date ni localisation, ni visuel promotionnel, ni programmation, ni staff, ni promoteur.

Un concert black metal “normal” consiste en une proposition simple
avec une promotion d’affichages préalable des artistes programmés et produits
à la responsabilité d’un promoteur individuel ou collectif identifié au moins par un intitulé ou un sigle
précisant une date, des horaires et une localisation du projet de rassemblement en musique
sous la forme de supports promotionnels, flyers, affiches, events, agendas concerts, …
les spectateurs peuvent y prendre des photos et des vidéos en souvenirs à partager, …
et une fois l’événement terminé, il est parfois de coutume de remercier publiquement les orga, le staff, les autres groupes, la ville, … même dans le nord.

 

22.09.2023 : Release of the secret live recording. Digital.

L’enregistrement audio est rapidement diffusé sous la forme d’un album live à télécharger.

https://www.metal-archives.com/images/1/1/8/6/1186416.jpg?1548
(c)encyclométol

https://www.metal-archives.com/albums/Graveland/Live_in_France/1186416

29.09.2023 : La page instagram du guitariste de Seigneur Voland affiche une photo en noir et blanc granuleux
avec éclairage à la torche flambeaux sur un espace scénique assemblé d’échafaudages sous tonnelle.

31.10.2023 : à la date d’halloween nouvelle photo Insta. du guitariste de Seigneur Voland, en noir et blanc granuleux, sous éclairage de projecteurs de chantier, sous un abri

14.12.2023 : L’enregistrement Graveland – Live in France 2023 est diffusé sur Youtube

[Graveland c’est vraiment pas terrible musicalement depuis 30 ans, j’ai fait l’effort d’écouter cet enregistrement mis à disposition en ligne = ça donne pas envie de voir ça en live ni envie d’acheter les disques meme pas en mp3 gratos, j’aime pas les riffs ni le jeu de batterie, le chant est insupportable, comme les synthés-pipo en playbacks]

et NON! à la prédication völkisch

et NON! à la stratégie métapolitique fasciste à posture apolitique de façade qui entoure Graveland

 


lire la suite de l’article sur Mediapart

Au nom de Satan! Une tuerie à caractère satanique a secoué la France en 1996 : l’assassinat du père Jean Uhl, curé

https://soirmag.lesoir.be/442788/article/2022-05-18/au-nom-de-satan

Une tuerie à caractère satanique a secoué la France en 1996 : l’assassinat du père Jean Uhl, curé de la paroisse alsacienne de Saint-Adelphe de Kingersheim.

Tout commence le vendredi 20 décembre 1996, vers 9h15 : le corps du père Jean Uhl est découvert par sa gouvernante dans un couloir de son presbytère. Le curé gît, face contre terre, entre son bureau et le couloir d’entrée. Il porte une parka. Quelques objets se trouvent sur le sol, notamment un téléphone portable et un porte-documents. Une des chaises du bureau est renversée. Sur le tapis, une grande tache de sang. Le revêtement du sol porte de nombreuses empreintes de semelles de chaussures. Sur le plateau du bureau, un répertoire ouvert à la lettre « G », comme gendarmerie. Pas de trace de lutte. Le médecin du quartier, aussitôt appelé par la gouvernante, ne peut que constater le décès du prêtre. Il a reçu, l’autopsie le confirmera, 33 coups de couteau, dans le dos, à la tête et à la main gauche. Sur le dos de cette main, l’auteur du crime a gravé, avec sa lame, un pentagramme, une figure géométrique qui représente une étoile à 5 branches renversée, un symbole ésotérique qui évoque la magie noire et le satanisme !

Le curé kingersheimois Jean Uhl assassiné de 33 coups de couteau « pour satisfaire le diable »

https://www.lalsace.fr/faits-divers-justice/2021/07/31/le-cure-kingersheimois-jean-uhl-assassine-de-33-coups-de-couteau-pour-satisfaire-le-diable
les grands dossiers criminels d’Alsace. Cet été, il revient sur plusieurs affaires qui ont marqué l’agglomération de Mulhouse. Aujourd’hui, l’assassinat satanique du curé de Kingersheim Jean Uhl, en décembre 1996.
aujourd’hui on évoque l’assassinat du curé de Kingersheim Jean Uhl, avec cette fois un coupable. Tu te souviens de cette sordide affaire ?

 

Oui, ça débute par l’appel d’une paroissienne qui avait vu le curé Uhl, le soir, lors d’une répétition de la chorale de la paroisse. Elle s’inquiète, elle sonne au presbytère et comme il ne répond pas et qu’elle a les clefs, elle ouvre et le trouve mort, couché sur le ventre. L’autopsie montre qu’il a été tué de coups de couteau, la veille.

C’est un assassinat, un acharnement ?

Oui, c’est un acharnement. Il a été assommé avec une casserole puis assassiné de 33 coups de couteau. Le chiffre de 33, ce n’est pas forcément un hasard… (NDLR : il s’agit de l’âge de la mort du Christ).

J’imagine que ça a eu un écho…

Un festival de Black Metal en Ukraine ce week-end est l’événement de réseautage néo-nazi de l’année

https://video-images.vice.com/articles/5df408d15f2a660094c1bd94/lede/1576274754691-AP_589745752456.jpeg?crop=1xw:0.8089xh;0xw,0.1903xh&resize=500:*

Des centaines d’extrémistes d’extrême droite convergeront vers la capitale ukrainienne ce week-end pour un festival de musique « militant black metal » qui, selon les experts, est devenu un centre de mise en réseau sur la scène néonazie internationale.

Asgardsrei, qui aura lieu samedi et dimanche au Bingo Club de Kiev, se présente en ligne comme un festival de black metal qui a « atteint le plus grand (et certainement le plus radical) » de la région.

« 2 jours, 14 groupes, 1 500 places, 0 tolérance »,
peut-on lire sur son site web.

Les chercheurs affirment que le festival est une vitrine pour le genre musical explicitement néo-nazi connu sous le nom de « black metal socialiste national », ou NSBM. La formation comprend des paroles violentes antisémites, faisant référence à l’Holocauste et aux croix croix croix, et avec des insultes anti-juives. L’un des groupes, Stutthof, porte le nom d’un camp de concentration nazi, tandis qu’un autre, le groupe français seigneur Voland, a une chanson intitulée « Quand les Svastikas étoilait le Ciel ».

Un autre acte, le groupe grec Wodulf, a une chanson avec les paroles: « Les normes d’Aryyan pourraient se déployer en triomphe / Fidélité immortel à la croix gammée ». Des images du festival de l’année dernière montrent des membres du public qui donnent un grand salut nazi lors des représentations.

“Les organisateurs ont été très habiles en connectant presque la scène néonazie européenne complète.”

Les experts de l’extrême droite disent que le festival, qui en est maintenant à Kiev, est devenu un important centre de réseautage pour le mouvement transnational de suprématie blanche. Le festival a été organisé par des individus liés au puissant mouvement d’extrême droite Azov de l’Ukraine, le groupe ultranationaliste qui a joué un rôle majeur dans la révolution et la guerre contre les séparatistes soutenus par la Russie à l’est. Il comprend également une « nuit de combat » aux arts martiaux par un club de combat affilié à Azov le vendredi soir.

Le festival a précédemment attiré des extrémistes de groupes, y compris l’organisation néo-nazie Atomwaffen Division basée aux États-Unis, le parti allemand The Thirdth Path Party, et le néofasciste italien CasaPound.

« Il s’est imposé comme le grand festival de la scène socialiste du black metal », a déclaré Thorsten Hindrichs, un musicologue de l’université Johannes Gutenberg de Mayence, qui se spécialise dans les sous-cultures de musique d’extrême-droite.

Il a déclaré à VICE News que le festival constituait un point de contact important pour des groupes d’extrême droite disparates dans leur projet « de construire une communauté paneuropéenne d’extrémistes de droite ».

« Les organisateurs ont été très intelligents en connectant presque la scène néonazie européenne complète », ont ajouté Hindrichs.

Mollie Saltskog, analyste du renseignement au sein de la société de conseil stratégique The Soufan Group, a déclaré que les organisateurs de festivals s’étaient vantés l’année dernière qu’ils avaient « près d’un millier d’étrangers » lors de l’événement. Parmi eux figuraient des membres de la division Atomwaffen, y compris le chef de la cellule d’État de Washington du groupe, Kaleb James Cole, qui a passé 18 jours en Ukraine dans le cadre d’un voyage de 25 jours en Europe.

« Il est probable que de nombreuses personnalités du mouvement transnational de suprématie blanche, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Ukraine, participeront au concert et aux activités qui l’ont entouré ce week-end à Kiev », a déclaré Saltskog à VICE News.

« Le moment est venu pour les membres du mouvement transnational de se rencontrer, de se mettre en réseau, de forger des connexions internationales et d’échanger des tactiques et des expériences pour ramener chez eux leur propre « combat ». Saltskog continua.

Avant le festival de l’année dernière, a-t-elle déclaré, Azov avait accueilli une conférence internationale d’idéologues d’extrême droite, où ils ont discuté de sujets tels que « le paganisme nordique en tant que métaphysique ».

Lire : Un hooligan de football néo-nazi tente de construire un empire MMA à travers l’Europe

Hindrichs a déclaré que Kiev était devenu un « espace sûr » où des événements comme Asgardsrei pouvaient se produire sans perturbation de la part des autorités ou des manifestants. Il a déclaré que l’importance croissante du festival sur la scène internationale d’extrême droite signifiait qu’il méritait une attention accrue de la part des services de sécurité occidentaux pour surveiller les contacts que leurs extrémistes faisaient potentiellement à Kiev.

« Il y a des choses horribles qui se passent là-bas », a-t-il déclaré. « Ce serait une bonne idée d’essayer d’empêcher les gens d’assister à la réunion.

Un pôle mondial

Selon Haaretz, Asgardsrei a été fondée par le néonazi russe Alexey Levkin, un dissident d’extrême droite qui est venu en Ukraine en 2014 pour soutenir Azov, qui a depuis activement noué des liens avec des groupes partageant les mêmes idées ailleurs.

Levkin se décrit lui-même comme un idéologue « qui donne des conférences sur la culture, l’histoire et la pensée politique contemporaine » à la milice nationale – l’aile de rue paramilitaire du mouvement tentaculaire d’Azov, qui a également un régiment incorporé dans l’armée nationale ukrainienne, ainsi que son propre parti politique, le Corps national.

En plus de faire face à son propre groupe, M8L8TH, qui se produira à Asgardsrei, Levkin est également un membre clé de Wotanjugend – un groupe néo-nazi basé en Ukraine qui a promu une traduction en russe du manifeste du tir de Christchurch. Saltskog a déclaré que Wotanjugend était « initialement établi en Russie, mais utilise l’Ukraine comme base pour faire fonctionner et propager son idéologie néonazie et son message de haine, sous ce qui semble être le patronage d’Azov ».

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Levkin a déclaré à VICE News que « seuls deux ou trois groupes sur la formation pouvaient vraiment être considérés comme des actes de la NSBM », y compris son propre acte, M8L8TH.

Levkin a nié le festival être devenu un centre de mise en réseau pour l’extrême-droite et a expliqué qu’il s’agissait « avant tout de briser… tabous ».

« Nous respectons tous les artistes qui osent vraiment défier le récit dominant de la société occidentale contemporaine », a-t-il déclaré.

Et quand on lui a demandé s’il se considérait comme un national socialiste, il a répondu : « Oui, bien sûr. »

Les chercheurs ont déclaré que l’événement a mis en lumière la façon dont l’Ukraine, à travers l’influence d’Azov et des mouvements d’extrême droite affiliés, est apparue comme une plaque tournante mondiale pour les extrémistes de depuis le déclenchement de la guerre. Ces dernières années, des événements comme Asgardsrei ont attiré des radicaux étrangers en Ukraine pour travailler en réseau avec des extrémistes affiliés à Azov, où ils ont documenté leur présence lors d’événements sous-culturels d’extrême droite tels que des concerts et des tournois de MMA sur les médias sociaux.

LIRE : Les extrémistes d’extrême droite ont utilisé la guerre en Ukraine comme un terrain d’entraînement

Pendant ce temps, Azov a poursuivi un programme de sensibilisation pour cultiver les liens avec les groupes d’extrême droite à l’échelle internationale. Olena Semenyaka, secrétaire internationale du parti politique d’Azov, qui a des liens étroits avec Levkin, a voyagé pour rencontrer des contacts en Allemagne, en Suède, en Italie, en Croatie et au Portugal au cours de l’année écoulée.

La semaine dernière, un groupe ukrainien d’extrême droite s’est même rendu en première ligne des manifestations de Hong Kong, qui ont suscité des inquiétudes quant à la tentative de tirer des leçons des manifestations pro-démocratiques à utiliser dans les violentes manifestations de rue à la maison.

LIRE : Qu’est-ce que les fascistes ukrainiens font aux manifestations de Hong Kong ?

Image de couverture: Les combattants du bataillon de volontaires d’Azov allument des fusées éclairantes lors de la marche marquant le 72e anniversaire de l’armée ukrainienne d’insurrection à Kiev, en Ukraine, mardi oct. 14, 2014. (AP Photo/Sergei Chuzavkov)

Entre autonomie et embrigadement militant : les skinheads néo-nazis des années 1980-1990

Entre autonomie et embrigadement militant : les skinheads néo-nazis des années 1980-1990

Le meurtre de Brahim Bouaraam, un ressortissant marocain mort noyé dans la Seine, après y avoir été jeté pour des motifs racistes et homophobes par des militants d’extrême droite, le 1er mai 1995 à Paris, a sans doute été, par sa résonance politique et médiatique, le point culminant d’une longue série de faits divers, souvent meurtriers, qui ont jalonnés les années 1980-90 et qui ont été attribués à la catégorie, au demeurant floue dans sa définition, des « skinheads », recouvrant un large spectre d’opinions politiques allant de l’extrême droite néo-nazie à l’antifascisme radical représenté entre autres par les « Redskins ». La culture skinhead a été décrite avec raison par Michel Wieviorka, reprenant le sociologue britannique Mike Brake, comme « une sous-culture ouvrière, profondément marquée par une éthique puritaine du travail » et par l’opposition au mouvement hippie[1]. Cette partie du mouvement skinhead qui s’est arrimée politiquement à l’extrême droite française des années 1980-1990 peut toutefois être cernée avec davantage de précision. Pour cela, il importe de dégager les étapes de l’importation en France des phénomènes skinheads anglo-saxons, et ce qu’ils recouvrent alors en termes de radicalité et de violence. Une fois effectuée cette caractérisation des skinheads, il s’agit de dégager les aspects de militance politique pris par ce qui était un phénomène socio-culturel, venu s’enchâsser dans les formations des extrêmes droites.

Caractérisation du phénomène skinhead

Avant que d’être une affiliation idéologique, le fait skinhead doit être vu comme un phénomène subculturel transnational, à l’origine urbain, où la question de la violence participe de la norme comportementale.Le skinhead se revendique d’une culture de la violence mais aussi de la transgression. Il se distingue de la norme par ses codes vestimentaires (crâne rasé ou cheveux coupés ras, port du bomber et des chaussures montantes à lacets connues sous le nom générique de Doc Martens). Ceci étant, ces codes ne sont pas déterminés par l’idéologie mais sont étroitement liés aux origines sociales de la sous-culture qu’ils représentent, née dans la Grande-Bretagne ouvrière des années 1960 et unissant, à l’origine, de jeunes prolétaires blancs appartenant au phénomène des Mods à de jeunes Afro-antillais de même milieu, passionnés de musique ska et reggae[2]. C’est à la fin des années 1970 qu’avec la crise économique qui frappe l’Angleterre industrielle d’une part, et l’émergence d’un parti politique, le National front, fugacement sorti de la marginalité, que s’entérine la séparation définitive, au sein du mouvement skinhead, sur une base ethnique et politique, mais également musicale : la scène skinhead d’extrême droite se structure autour de l’archétype du Militant blanc [3], mais surtout du Rebelle blanc, adolescent ou jeune homme (ou, minoritairement, femme) qui revendique sa couleur de peau et son origine ethnique contre l’émergence des minorités visibles, endosse un racisme et un antisémitisme extrêmes dont l’action violente est une composante essentielle, et abandonne définitivement les musiques « non-européennes » pour deux styles propres : la Oi, un dérivé du punk rock[4] et le RAC ( « Rock against Communism »), qui est un dérivé politisé du précédent dans lequel les paroles glorifient non pas seulement la lutte anticommuniste mais surtout le « nettoyage ethnique » des villes britanniques, et la violence physique en général[5]. Pour autant, l’extrême droite n’a jamais eu une emprise totale sur le mouvement communément appelé skinhead, ni en France, ni ailleurs : le mouvement S.H.A.R.P. (Skinheads Against Racial Prejudice) notamment, rassemble des skinheads de même extraction ouvrière mais proches de l’extrême gauche ou des milieux libertaires. Ils sont souvent actifs dans les villes mêmes où sont leurs rivaux qu’ils surnomment, pour s’en démarquer, boneheads (crânes d’os). Ils sont restés musicalement ouverts aux styles des origines puis au punk. La division idéologique du mouvement skinhead donne lieu, dès les années 1980, à l’émergence de « bandes » rivales qui se disputent la maîtrise des territoires urbains par la violence[6].

De même que l’arrivée en France du phénomène skinhead d’extrême droite était une importation d’un phénomène britannique, et même anglais, la radicalisation idéologique de la scène française dans les années 1990 fut le résultat du transfert en Europe d’idées, de méthodes d’action et d’effets de mode venus des États-Unis. La première apparition publique importante des skinheads américains, lors d’un meeting du 7 octobre 1989 fédérant à peu près toutes les tendances de l’extrême droite autour d’une commémoration de la Confédération sudiste[7], avait montré la convergence, au moins partielle, des skinheads « White Power », des nostalgiques de la ségrégation raciale et de la nébuleuse connue sous le nom d’Identity Churches, sortes de dénominations religieuses sectaires professant l’idée de la suprématie de la race blanche voulue par la volonté divine et les Écritures, relues à la lumière de l’anglo-israélisme (pour lequel les Anglo-saxons sont les descendants des tribus perdues d’Israël) et de l’idée d’un christianisme débarrassé de toutes ses racines juives. Loin de n’être qu’une sous-culture marginale de la jeunesse, cette nébuleuse s’était organisée sous un modèle, la « résistance sans chef », qui prônait la lutte armée contre l’État fédéral, jugé illégitime et appelé ZOG, ou Zionist Occupation Government (gouvernement d’occupation sioniste).

Dès 1983-1984, de petites cellules étaient passées à l’action terroriste contre des agents fédéraux et des adversaires politiques. Elles étaient connues sous le nom de The Order, disposaient de leur manuel de passage à l’action pour déclencher une guerre raciale (le livre de William Luther Pierce, alias Andrew Macdonald, The Turner Diaries, publié en 1978) et d’une forme de mantra, les 14 Mots, formulés par le suprémaciste David Lane pour lequel « We must secure the existence of our people and a future for white children » (« Nous devons préserver l’existence de notre peuple et un avenir pour les enfants blancs »). Cet ensemble de concepts, mis en action, font qu’au milieu de la décennie 1990, les autorités fédérales et les associations du type watchdog, luttant contre le racisme (Anti-Defamation League ; Southern Poverty Law Center) estiment que les 3 500 skinheads recensés ont commis 22 meurtres depuis 1990. C’est précisément ce qui séduit des skinheads français.

En juin 1993, parait le premier numéro du bimensuel Terreur d’élite, « voix indépendante et radicale des nationaux-socialistes francophones ». En couverture de ce fanzine d’une qualité d’impression inhabituelle, cette phrase : « Juifs : lire cette publication vous transformera en abat-jour, en savonnettes ou en engrais. » Le ton de l’antisémitisme délirant est donné. Il est habituel chez les Hammer Skins, réseau skinhead américain dont l’emblème est le marteau de Thor et dont la branche française, éditrice du bulletin, se nomme Charlemagne Hammer Skins. Très hostile au Front national (le FN serait « le dernier bastion de la juiverie française »), proche du parti nazi transnational NSDAP/AO[8], elle est animée par Hervé Guttuso, un jeune Marseillais dont la précédente publication s’intitulait Neuvième Croisade. Ancien membre de Troisième Voie, puis de la section Prinz Eugen (du nom d’une division SS) du Parti Nationaliste Français et Européen (PNFE), Guttuso s’est formé au contact de l’American Front et des Chicago White Vikings lors d’un séjour outre-Atlantique. Il y a rencontré les animateurs de la revue Résistance, fanzine devenu un magazine en quadrichromie doublé d’une maison de disques, Resistance Records, dont l’audience est devenue mondiale (le numéro 1 du journal, en 1994, est tiré à 12 000 exemplaires). Idéologiquement, les Hammerskins américains défendent l’idée selon laquelle la résistance armée au pouvoir fédéral est légitime puisque, loin d’être l’émanation du peuple, le gouvernement serait aux mains des juifs qui assureraient leur mainmise sur le pouvoir politique, économique et médiatique, dans l’objectif d’éliminer la race blanche en promouvant le métissage généralisé. Dès lors, toute forme de résistance armée est juste et nécessaire, y compris le terrorisme[9], par des modes d’action souvent inspirés des Turner Diaries, traduits en français tardivement (1999) par Henri de Fersan, avec des illustrations de Chard, caricaturiste à Rivarol[10]. D’où ce surnom de ZOG (Zionist Occupation Government), qu’elle donne au gouvernement des États-Unis.

Cette théorie conspirationniste, qui se réfère souvent aux Protocoles des sages de Sion, débouche sur la conviction que le seul espoir de survie pour la race blanche réside dans la création de communautés aryennes vivant en autarcie dans des régions reculées (aux États-Unis, dans les montagnes Rocheuses et les Appalaches). À partir d’elles s’organisera la riposte violente au pouvoir en place, qu’un livre décrit en détail : les Turner diaries (1978), de William Pierce, leader du groupe américain National Alliance, sorte de bible des suprémacistes blancs. L’intention terroriste apparaît clairement dans Terreur d’élite : « Les cibles principales du révolutionnaire aryen doivent être en première priorité des cibles économiques, énergétiques, puis en dernier lieu des cibles humaines. Le paroxysme de la jouissance étant bien sûr de cumuler les trois facteurs à grande échelle » (n° 5, printemps 1995). La nouveauté dans le rapport à la violence est ici qu’elle est revendiquée dans sa dimension terroriste, comme dans la couverture du magazine skinhead nazi anglais The order (n° 10) qui montre un militant en train de manipuler des détonateurs. En France, le magazine de Guttuso suit le même chemin et celui qui lui succède, 14 Mots, indique clairement « nous devons tuer »[11].

Un nouveau bulletin confidentiel, Das Schwartze Korps (n° 2, 1995), franchit un pas supplémentaire en écrivant : « Nous, Blancs purs, ne reconnaissons aucun droit aux non-Blancs de quelque sorte qu’ils soient. Si, peut-être un seul, celui de crier dans la chambre à gaz quand on jettera le Zyklon B! ». Cette référence explicite au génocide nazi montre que les skinheads, tout en reprenant quelquefois les textes des historiens négationnistes sur la Shoah, ont plutôt tendance à en assumer et même à en valoriser l’existence. La montée en puissance de la tendance terroriste du mouvement skinhead néo-nazi sera toutefois arrêtée nette dès 1993 par la très forte volonté politique du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua et de son conseiller pour la lutte contre le racisme, Patrick Gaubert, suivi par ses successeurs : début 1998 Guttuso est arrêté à Londres, où il séjournait depuis 1996 chez les frères Sargent, animateurs de Combat 18, mouvement considéré par la police britannique comme responsable de meurtres racistes et ayant des intentions terroristes. En définitive, un juge d’instruction toulonnais fera écrouer neuf personnes mises en examen pour « incitation à la haine raciale et menaces de mort », notamment contre Anne Sinclair, Jean-François Kahn, Simone Veil et Patrick Gaubert[12]. Les Charlemagne Hammer Skins survivront à cette répression et perdurent jusqu’à ce jour[13], mais avec un fonctionnement plus discret, comme leur concurrent direct les Blood and Honour Hexagone[14] avec leur revue Signal 28, tous deux ayant pour activité visible essentielle l’organisation de concerts ou de tournois de MMA (mixed martial arts). La propension à la violence demeure : le 30 mars 2016, principalement en région marseillaise, onze skinheads néo-nazis ont été mis en examen après la découverte à leur domicile d’un stock d’armes.

Cette appétence pour la violence relève des actions des skinheads mais également de leur vision du monde, voire de leur caractérisation psycho-sociale.Dans son ouvrage sur les motivations de l’adhésion au Front national (FN)[15], Birgitta Orfali reprend la distinction faite par Michael Billig, dans son ouvrage sur les militants du National front britannique[16], entre le militant autoritaire et « l’homme de violence ». Ce dernier, mû par le ressentiment, « est ainsi dénommé car c’est la notion de lutte, de combat qui retient toute son attention. L’opposition violente à tout adversaire (individu ou groupe) le caractérise. L’antagonisme, le conflit sont les lieux par excellence qui définissent ce type ». Elle ajoute que ces hommes « vivent à l’heure de la psychologie des foules grâce au FN »[17]. Stéphane François a bien montré que ce type d’individu correspondait profondément au profil des militants des mouvements qui, aujourd’hui encore, appartiennent à la frange la plus radicale de l’extrême droite, celle qui refuse l’aggiornamento du FN et se manifeste par une activité particulièrement élevée dans la région des Hauts-de France, parfois sur le mode de ce que le même auteur appelle le « skinhead rural » [18].

Au-delà de la typologie sociologique et psychologique, le concept d’homme de violence s’est traduit, dans les décennies 1980 et 1990, par toute une série d’actions dont se sont saisies, non seulement les organisations antiracistes (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme ; Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples ; SOS-Racisme ; Ligue des Droits de l’Homme), mais aussi la presse locale et nationale, qui a ainsi donné une visibilité importante au phénomène skinhead néo-nazi. À bon escient d’ailleurs : en effet, la glorification continue de la violence physique, telle qu’elle figurait dans les publications skinhead de l’époque, accompagnée par l’affirmation de la supériorité ethnique blanche et un antisémitisme obsessionnel, avait de grandes chances d’aboutir à un passage à l’acte. L’accroissement des agressions imputables aux skinheads était déjà sérieux dans les années 1987-90 : en 1988, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) leur imputait 20 actions violentes sur 64 actes racistes répertoriés ; l’année suivante 16 sur 53. Il s’ensuivit une répression policière avec 70 arrestations en 1987.

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Le 29 mai 2023 vient d’être posée une plaque en la mémoire de Imad Bouhoud mais aussi de celle de James Dindoyal :Deux membres de la sphère néonazie avaient été condamnés. D’autres plaques avaient été placées par le passé pour Imad. Puis cassées

Il n’est pas possible de dresser ici une chronologie exhaustive des homicides commis par des skinheads néo-nazis sur la période. Pour ne citer que ceux au plus fort retentissement, on rappellera le meurtre, à Lille, d’un clochard par un proche du mouvement Troisième Voie (TV), en 1988[19]. En 1990 au Havre, une dizaine de militants locaux et parisiens du groupe Blood and Honour tue un jeune Mauricien, obligé par eux d’avaler de la soude caustique avant d’être jeté à l’eau. Les faits ne sont élucidés qu’en 1998 et les deux principaux mis en cause, Régis Kerhuel[20] et Joël Giraud, sont également des membres des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR). Puis, en 1995, David Beaune, 25 ans, est accusé du meurtre d’Imad Bouhoud, mort noyé, dans un bassin du port du Havre. Il est jugé par la cour d’assises de Rouen. Pour lui, le FN se trompe en voulant forcer les immigrés à quitter la France : il souhaitait construire pour eux des «camps de concentration et des chambres à gaz en Normandie ». « Maintenez-vous toujours cela aujourd’hui ? » lui demande le président lors de l’audience. Il maintient[21].

L’affaire est intéressante à un autre titre, celui de la persistance des comportements violents de l’auteur des faits, même après sa sortie du milieu skin : Beaune est de nouveau condamné en 2013 à un mois ferme pour menaces avec arme[22], sans circonstance aggravante de racisme. Ce qui n’est pas le cas pour Marc Grubica, ancien responsable du fanzine nordiste Tempête et Tonnerre, appréhendé en 2010 pour des dégradations commises contre la façade de la mosquée Salman-Al-Farissi, à Tourcoing et qui, à 43 ans, a déjà sept condamnations à son casier – dont une pour meurtre lors de sa période skinhead[23]. Enfin, le 7 janvier 1998, à Mortefontaine-en-Thelle (Oise, autre département de prédilection de la scène skinhead), Antoine Bonnefis, 18 ans, tue son beau-frère et un de ses amis africains. Il écope de 14 ans de prison sans que le mobile raciste soit retenu et les parties civiles sont déboutées.

Ce panorama serait incomplet sans citer deux événements. Le premier est la profanation d’un cadavre dans le cimetière juif de Carpentras (Vaucluse), en mars 1990. Imputé à l’influence culturelle du FN, cet acte, qui devint un événement de mobilisation fondamental dans la stratégie de mobilisation politique et associative contre le Front national, fut élucidé seulement en 1996, alors que l’un des auteurs, Jean-Claude Gos, skinhead de Denain (Nord) et membre du PNFE, était déjà décédé. Le second est exceptionnel parce qu’il est entièrement provoqué par la commande d’un média télévisuel peu scrupuleux (et disparu) qui, comme bien d’autres à l’époque, traite le phénomène skinhead sous l’angle du sensationnalisme : le 22 avril 1990 pour les besoins d’un reportage, une équipe de journalistes incite des membres des JNR, dont Joël Giraud, à agresser un Africain, Karim Diallo, sous les caméras des journalistes. Les mis en cause seront condamnés à 8 mois de prison avec sursis en janvier 1994 pour cette agression.

Certains de ces actes violents ont notablement influencé l’image de l’ensemble de la mouvance. Ce qui est devenu « l’affaire Bouarram » a connu un retentissement exceptionnel parce que les faits se sont déroulés en marge du cortège de Jeanne d’Arc organisé chaque premier mai par le Front national, dont le service de sécurité a d’ailleurs collaboré avec la police dans l’identification des agresseurs. Ils sont également emblématiques de trois dimensions du phénomène de la violence skinhead en France autour desquelles peut s’organiser la réflexion sur cette mouvance dans une période qui constitue son apogée.

La première est la dialectique de l’autonomie et du militantisme politique au sein du FN ou de groupuscules activistes plus radicaux : violents, ouvertement racistes, antisémites et même néo-nazis, réputés incontrôlables et hostiles à toute forme d’organisation sociale autre que celui de la « bande », les skinheads veulent-ils, peuvent-ils s’agglomérer durablement à une organisation hiérarchisée, voire à un parti impliqué dans le jeu électoral ? Seconde question : quelle est l’ampleur du phénomène, à la fois en termes de nombre de personnes concernées, d’influence politique sur le reste de l’extrême droite et de niveau de violence, symbolique ou physique ? Enfin, la catégorie « skinheads » a-t-elle un contenu clair ? N’est-ce pas en partie une construction, notamment médiatique, qui inclut à la fois des individus se revendiquant tels et d’autres qui y ont été rattachés pour des raisons liées à leur « look » (tout « crâne rasé » n’est pas un skinhead) ou à leurs idées – des skinheads ont milité aux Faisceaux nationalistes européens (FNE) ou au PNFE, mais ceux-ci n’étaient pas uniquement ni même prioritairement des mouvements skinheads ?

Deux éléments de réponse peuvent être avancés. Le premier est que les skinheads ont vite été repérés par les fondateurs du PNFE et dans une moindre mesure des FNE, comme le seul canal leur permettant d’étoffer de maigres effectifs et de dépasser la fonction de mouvements nationaux-socialistes orthodoxes, voire de cultes néo-nazis. Le second est que l’époque où ils apparaissent est plus largement celle où les medias découvrent le phénomène des « bandes urbaines » (skins mais aussi « zoulous » ou punks d’extrême gauche) et lui donnent une couverture qui n’est que bénéfice pour les groupes d’extrême droite. La police elle-même prend conscience du phénomène que les Renseignements généraux globalisent sous l’appellation « Violences urbaines ». Ils créent en 1991 une section spécialisée intitulée « Villes et banlieues ». Volens, nolens le phénomène skinhead s’est en tous cas polarisé à l’extrême droite, posant par là-même la question de sa possible structuration par les mouvements organisés de cet espace politique.

La mouvance skinhead et les organisations françaises d’extrême droite

Le mouvement skinhead politisé à l’extrême droite apparaît d’abord vers 1983-1984 et se signale lors de la fête de Jeanne d’Arc 1985 par la présence d’un groupe qui s’appelle « Les Amis de Barbie ». Il s’étend vraiment à partir de 1987, lorsque l’organisation Troisième Voie (TV), alors dirigée par Jean-Gilles Malliarakis[24], se rapproche des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) menées par Serge Ayoub. Avec le PNFE, ces deux groupes sont ceux qui ont voulu et réussi à recruter en milieu skinhead avec le plus de constance et de succès. Cependant, ils ont des précurseurs, figures individuelles qui ont généralement connu les skinheads politisés à l’extrême droite lors de séjours à l’étranger, en particulier en Grande-Bretagne, qui en deviendront des figures et qui prouvent que la culture skinhead est un article d’importation comme beaucoup de modes qui façonnent les sous-cultures de la jeunesse européenne. Les antifascistes radicaux publiant la revue REFLEXes, puis le site internet éponyme[25], et qui ont suivi avec une précision certaine la trajectoire des skinheads de la droite radicale, datent de 1983-84 l’apparition à Marseille de skinheads ayant séjourné en Grande-Bretagne et à la même période, celle à Tours d’un fanzine intitulé Bras tendu, édité par Olivier Devalez alias « Tod », une des figures historiques de la scène, mis au contact du British Movement lors d’un séjour à Londres. La même source affirme que Serge Ayoub (né en 1964), aurait adopté le « look » skinhead au retour d’un voyage outre-Manche. Enfin, une autre personnalité importante de la scène skinhead des premières années est un Britannique installé en France, Bruce Thompson, qui suivra Ayoub aux JNR et restera actif jusqu’en 1995 au moins[26].

La question est de savoir comment, et pourquoi, le développement des skinheads d’extrême droite en France, à cette époque précise, croise la route d’organisations politiques du même milieu et aboutit à ce que celles-ci cherchent à attirer des individus connus pour leur propension à la violence et dont le credo consiste à rejeter tout type de hiérarchie autre que le charisme naturel du chef de bande, généralement reconnu pour ses « faits d’armes », sans parler du fait que les skinheads, dont Thompson semble être le vétéran, étant trentenaire dans les années pionnières, ne souhaitent pas se donner de leader n’appartenant pas à leur génération.

C’est là qu’intervient la dialectique de l’autonomie et de la récupération. En 1983-1984, l’arrivée de la gauche au pouvoir trouve un Front national qui attire toujours des militants très radicaux, mais l’entreprise de marginalisation de ceux-ci, commencée par Jean-Pierre Stirbois, aboutit à la création de groupuscules qui se disputent le maigre espace existant à la droite d’un FN déjà jugé embourgeoisé. En 1989, Bruce Thompson déclare ainsi au fanzine Le rebelle blanc : « Le Pen est trop vieux, trop mou, trop riche »[27]. Les quelques mouvements qui existent à l’époque en dehors du FN ont un rapport de suspicion vis-à-vis de la violence politique. L’Œuvre française, de Pierre Sidos, est un groupe dont le chef a connu l’épuration puis la répression de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), il tient au respect de la légalité et dirige en outre son organisation, étroitement nationaliste française, d’une manière hyper-centralisée, tout en normant étroitement les comportements des militants (costume tenant de l’uniforme, défilés en rangs, chant du mouvement…) : les jeunes aux cheveux ras qui y militent ressemblent aux skinheads, mais n’en sont que très exceptionnellement. Le Parti Nationaliste Français (PNF), scission du FN opérée fin 1982 par les animateurs du journal Militant, militent pour un nationalisme européen racialiste qui recoupe davantage le slogan du White Power, mais outre qu’il est aussi légaliste, ses animateurs d’alors sont en majorité d’anciens du Parti Populaire Français ou du Francisme [28] ayant servi dans les rangs de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme ou de la Division Charlemagne et nés dans les années 1920 : le fossé générationnel est trop important. Serge Ayoub fondera en 1990 un éphémère Comité de base jeunesse, hébergé à l’adresse du local du PNF avec lequel il partageait la « défense de l’identité française face au cosmopolitisme », l’affirmation selon laquelle « la nation est avant tout une communauté de destin et de sang », inaccessible aux non-européens, l’« opposition au système », la démocratie étant décrite comme un moyen d’asseoir la domination des « grands financiers et des grands trusts », la « lutte pour la justice sociale » et la répudiation de la lutte des classes ; la « conscience européenne contre le mondialisme ». Ce rapprochement restera toutefois sans lendemain.

L’instrumentalisation la plus réussie du phénomène skinhead par des mouvements politiques d’extrême droite est le fait de deux groupes : Troisième Voie (1985-1992, réactivé en 2010-2013) auquel il faut ajouter les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR, 1987-2013)[29] et le PNFE[30], fondé en 1987 par un ancien militant de l’OAS et du FN, Claude Cornilleau, qui avait en 1983 réussi à se faire élire conseiller municipal de Chelles (Seine-et-Marne) sur une liste menée par un élu du Rassemblement Pour la République (RPR).

Troisième voie a été fondée en 1985 par Jean-Gilles Malliarakis sur des bases idéologiques nationalistes-révolutionnaires ou solidaristes ; il n’était pas un mouvement skinhead. Son slogan était : « Ni trusts, ni soviets » et outre un anti-sionisme affiché, il tenait à une Europe réunifiée et indépendante des blocs américain et soviétique. Le rapprochement opéré en 1986-1987 entre TV et Serge Ayoub, volontiers interviewé par les media et présenté comme la figure emblématique du milieu skin français, est une initiative de ce dernier, originaire de la classe moyenne parisienne à fort capital culturel, et déjà une figure de la scène skinhead depuis 1982 environ. Il est à la fois chef d’une bande (le Klan), qui se targue volontiers d’avoir le recrutement prolétarien, l’attitude violente et les objectifs anticapitalistes des Sections d’Assaut (SA) ; acteur du milieu hooligan politisé qui, à partir de 1984, s’installe dans la tribune Boulogne du Parc des Princes et qui s’engage dans des affrontements violents contre des personnes de couleur, des supporters des clubs adverses ou d’autres groupes de hooligans apolitiques ou antifascistes[31] ; et entrepreneur ouvrant en 1986 une boutique de vêtements brassant une clientèle de skinheads, hooligans et amateurs de marques anglaises que se sont appropriés comme dress-code une partie des jeunes d’extrême droite.

Le noyautage des supporters parisiens a débuté en septembre 1989 avec la création du groupe Pitbull Kop par Serge Ayoub. Leur prise en main par les JNR est allée de pair avec l’établissement de liens internationaux avec d’autres supporters d’extrême droite, comme ceux du « 0 Side » d’Anderlecht (Belgique) ou les Brigadas Blanquazules de Barcelone. Vers l984-1985, divers sous-groupes se sont constitués, tous influencés par les thèmes racistes et comprenant des skinheads, mais possédant chacun leur mode d’habillement et leur forme préférée d’affrontement : les « casual  », hooligans qui n’arborent plus l’allure skinhead et sont donc moins repérables de prime abord, se sont développés sous le nom de « Commando pirates », tandis que les Fire Birds, une cinquantaine d’individus formant la fraction la plus violente au Parc des Princes, ont choisi une stratégie d’affrontement contre la police et les supporters adverses.

Les JNR, dont Ayoub reste la figure tutélaire avec une longévité exceptionnelle ne se terminent qu’avec la dissolution de 2013 et la fermeture administrative de son quartier général parisien, Le Local. C’est une sorte de garde prétorienne composée d’éléments généralement issus des classes populaires, impliquée comme on l’a vu dans des agressions racistes sordides, dans lesquelles, à l’exception de la « ratonnade » télévisée évoquée plus haut, Serge Ayoub, bien que son nom ait souvent été évoqué après les faits, n’a jamais été condamné*

Serge Ayoub connaît bien les arcanes du monde judiciaire et les histoires de bagarres qui terminent mal. Ce fils de magistrate, qui a fait ses études secondaires au très bourgeois collège Saint-Sulpice dans le VIe arrondissement, est repéré assez tôt par les services de renseignement. 

Dans une fiche de juin 1993 que StreetPress s’est procurée, les RG déroulent son pedigree de skinhead violent.
- « Agression et propos racistes tenus à l’encontre d’élèves du Lycée Voltaire » (1983) ; 
- interpellation pour « port d’arme blanche » et « vol avec violence » (avril 1984) ; 
- « coups et blessures volontaires » (juillet 1984).
Son casier fait aujourd’hui (2018) mention de six condamnations légères.

https://www.streetpress.com/sujet/1536574128-serge-ayoub-parrain-meurtriers-meric

L’histoire des JNR comporte deux périodes : l’une court jusqu’à l’autodissolution du milieu des années 1990 et est celle de la violence débridée ; l’autre, de la reformation en 2010 jusqu’à 2013, est celle de la violence canalisée, et même de la tentative pour engager une nouvelle mouture de Troisième Voie dans davantage de visibilité publique, avec la présentation de candidats aux élections (2012), l’ouverture de locaux associatifs à Paris et à Lambersart (Nord) sous le nom à consonance régionaliste flamande de Vlaams Huis et la publication d’un journal intitulé Salut public.

Le mouvement est aussi le seul de la scène à avoir réussi à construire des ponts avec le milieu des « bikers » et l’un des rares à prendre la grande majorité de ses références idéologiques dans l’histoire de France, que ce soit chez les révolutionnaires les plus radicaux (Babeuf), les blanquistes et le syndicalisme-révolutionnaire, adoptant d’ailleurs comme emblème le faisceau des licteurs[32]le rattachant bien davantage à la Révolution française qu’au fascisme. La carrière des JNR et de Troisième Voie se terminera cependant dans la violence avec l’implication de plusieurs de leurs membres dans la mort du militant antifasciste Clément Méric, le 5 juin 2013. Une des questions essentielles qui se pose, au moment de dresser le bilan de l’activité violente des JNR, est celle de la facilité avec laquelle, des années 1980 à nos jours, les multiples groupes qu’a dirigés Serge Ayoub ou dont il a été proche, ont pu continuer à opérer en étant impliqués dans des faits très graves : en mars 2017 encore, il comparaissait devant le tribunal correctionnel d’Amiens en compagnie d’une quinzaine de membres du groupe picard White Wolves Klan (WWK), poursuivis pour des faits de violences, vols, séquestration et tentative de meurtre. Serge Ayoub a été relaxé.

Le PNFE n’a jamais disposé d’un porte-parole ayant les capacités communicationnelles de Serge Ayoub. Il a toutefois joué un rôle essentiel dans la socialisation politique des skinheads. Adepte d’un néo-nazisme orthodoxe qui s’exprime dans les colonnes de son journal, Tribune nationaliste, le PNFE décide, semble-t-il en 1988, de se lancer dans l’action violente et ce, de manière préméditée et concertée. Le 31 juillet 1988, le journal Globe est plastiqué. En novembre 1988 quatre policiers membres du parti participent au Château de Corvier (Loir-et-Cher) au congrès du PNFE. Ils y assistent à une démonstration sur la fabrication et l’utilisation d’engins explosifs et y apprennent que de tels engins ont déjà été utilisés lors de deux attentats encore inexpliqués, ceux du foyer d’immigrants du Cannet (9 mai 1988) et contre Globe (31 juillet 1988)[33]. Certains adhérents non-skinheads se rendent coupables, le 19 décembre 1989, d’un attentat contre le foyer Sonacotra de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) qui fait un mort et onze blessés. Cette affaire déclenche une vague de répression policière qui se traduit, début 1989 par une vague d’arrestations de 24 cadres (dont le président) et militants dont quatre policiers appartenant à la Fédération Professionnelle Indépendante de la Police (FPIP), un fait qui donne au PNFE la réputation d’être au moins aussi infiltré par des indicateurs qu’il dit avoir réussi à infiltrer la police. Le 5 juin 1990, son journal est interdit. Cependant le PNFE connaît une seconde vie à partir de son cinquième congrès, tenu le 3 avril 1993 en présence de John Tyndall, le président du British National Party (BNP) comme de néo-nazis allemands, et qui consacre sa fusion avec les FNE. Ce sursaut est dû, en bonne partie, au choix stratégique de Cornilleau ainsi résumé par Alain Léauthier dans le quotidien Libération du 2 août 1996 : « Adepte du marketing et de la communication, il [Cornilleau] a su donner à ses troupes le style et le ton qui manquaient aux concurrents : tenues de parade copiées sur celle des SA (sections d’assaut nazies), chants hitlériens, congrès événement, comme en 1989 au château de Corvier. Surtout, quand le phénomène s’est développé, Cornilleau a fait la cour aux skins rétifs aux longues séances d’endoctrinement mais amateurs de musique oï (rock des skinheads, ndlr), de bière et de bastons avec les “bronzés”, c’est-à-dire avec toute personne d’apparence non-européenne. Résultat : à son apogée, vers 1990, le PNFE compte plusieurs centaines de sympathisants dans toute la France. Il adopte une structure extrêmement décentralisée. Les sections locales sont très autonomes, ont leur fanzine[34]. Le PNFE s’implante dans le Nord, l’Ouest et le Sud-Est ».

Le mouvement attire à lui, précisément en raison de cette décentralisation, les groupes musicaux de skinheads d’extrême droite les plus en vue, généralement formés sur une base strictement locale. Le plus connu est Légion 88, dans l’Essonne, qui fera du nom du mouvement le titre d’une de ses chansons[35].

L’organisation satellise aussi de nombreux fanzines et leurs animateurs ainsi que plusieurs structures à but commercial dont la plus importante est, de 1987 à 1994, le label Rebelles européens, basé à Brest. Les CDs sont aussi vendue et des concerts, organisés, par une structure militante non-lucrative et amie, l’AME ou Association Musicale Européenne, basée dans les Bouches du Rhône). Vis-à-vis des militants ou des recrues potentielles, la musique est utilisée comme moyen d’endoctrinement : la plupart des fanzines publient des interviews de groupes de musique « oi ! », qui laissent peu de doutes quant à la motivation politique des chansons. Le groupe Bifrost, dénommé d’après un terme de la mythologie nordique désignant le pont qui relie le monde des hommes à celui des dieux, déclare par exemple que ses textes « véhiculent le sentiment de révolte face au capitalisme sauvage, hybride et apatride ». Ses références doctrinales sont Georges Sorel et Proudhon, Drieu La Rochelle et Doriot, ou l’écrivain néo-nazi français René Binet. Le groupe Baygon blanc se réfère à Rudolf Hess et Hitler[36]. Action dissidente, basé dans les Yvelines, a pour slogan : « Mort à ZOG [Zionist occupation government] et à tous les parasites de notre pays. » Dans les années 1984-1985 le groupe-culte Evilskins chantait : « le Führer est de retour, on va rallumer les fours, dérouler les barbelés et préparer le Zyklon B », ce texte sans ambiguïté constituant jusqu’à aujourd’hui un « tube » de la scène skinhead. Une partie de cette violence antisémite a pu se transformer en actes sous la forme de profanations de cimetières juifs, particulièrement en Alsace et Lorraine, tandis que celles de carrés musulmans des cimetières ont été nombreuses dans le Nord-Pas-de-Calais.

Une nouvelle catégorie de profanateurs a même vu le jour en 1997, lorsqu’a été violé un caveau du cimetière de Six-Fours (Var). Les auteurs, jugés en 2004, diffusaient la revue W.O.T.A.N. (Will of the aryan nation – volonté de la nation aryenne), « bulletin mensuel de rééducation » des CHS (Charlemagne Hammer Skin – nom choisi en référence à la division SS française), édité à Londres. Un des mis en cause avait été condamné, en 1997, pour avoir exhumé un corps dans le cimetière central de Toulon lors d’une sorte de rituel gothico-satanique. Courant de longue date aux Etats-Unis, le lien entre satanisme et néo-nazisme se retrouve en 2001 dans le procès de David Oberdorf, meurtrier en 1996 d’un prêtre haut-rhinois et dont l’un des mis en cause du Var avait été l’inspirateur[37]. À Rouen, la police arrêtera en mars 1995 les animateurs d’un fanzine nazi-sataniste, Deo Occidi, précurseurs du sous-genre musical connu sous le nom de National-Socialist Black Metal (NSBM), qui avaient formé une association nommée AMSG (Ad Majorem Satanae Gloriam), valorisant l’action terroriste. Sa charte stipulait en effet : « Tout terrorisme se pratique de manière individuelle sans engager la totalité du mouvement Black Metal (…). Chacun doit s’armer de manière individuelle en vue de combattre tout opposant. Tous les moyens devront être utilisés pour se procurer un armement légal et illégal »[38].

La réussite du PNFE dans la manière d’agglomérer les skinheads a évidemment eu un coût en termes d’image et hypothéqué finalement la pérennité du mouvement. Son journal est interdit en 1990, ses réunions militantes sont interrompues par la police[39]. Une réorganisation de l’appareil, en 1990-1991, voit le PNFE diversifier ses activités vers le soutien aux prisonniers politiques néo-nazis en France et à l’étranger via le COBRA (Comité Objectif Boycott de la Répression antinationaliste) créé par Olivier Devalez dans les années 1980 et animé par Rolf Guillou, un skinhead du Havre. À cette époque, le nombre de « prisonniers de guerre » que Devalez demande aux lecteurs de soutenir dans son fanzine L’Empire invisible[40] est de 37, en majorité américains. Les Français ne sont que 4, deux militants du PNFE inculpés dans l’affaire des attentats azuréens du Cannet et de Cannes, l’ancien militant frontiste Edouard Serrière, et Michel Lajoye, figure emblématique de l’activisme racialiste qui a rejoint le parti pendant son incarcération[41]. Le PNFE se lance également dans le soutien au négationnisme du génocide des juifs par l’intermédiaire de l’ANEC (Association normande pour l’Éveil du Citoyen) basée à Caen et fondée par Vincent Reynouard, qui adhère au parti et devient, jusqu’à ce jour, une icône de la seconde génération des auteurs négationnistes. Néanmoins dès 1995, l’activité militante semble fléchir dans les départements où le journal Le Flambeau « compte pourtant un nombre d’abonnés non négligeables, tels que les Alpes-Maritimes, la Seine-Maritime, certains départements bretons ou d’Ile- de- France »[42].

Le PNFE se désintègre lentement, malgré une tentative de revitalisation qui passe par l’importation en France d’un certain nombre de thématiques américaines comme la guerre ethnique : dans son avant-dernier numéro, son journal dresse un tableau apocalyptique des violences commises dans les « quartiers sensibles » par des personnes non-blanches et conclut : « seule une répression im-pi-to-ya-ble viendra à bout de la violence. Mais d’ici-là, vu l’état d’abrutissement dans lequel le régime a plongé la masse des veaux, beaucoup de sang aura coulé. Et la reconquête sera longue et douloureuse »[43]. Toutefois dans la surenchère idéologique et la promotion du passage à l’acte dans ce qu’il faut bien appeler la guerre raciale, le PNFE est déjà débordé.

Les organisations radicales ayant quelque difficulté à gérer les bandes skinheads, il va de soi que les relations de celles-ci avec le FN ne sauraient être monolithiques. Si les cortèges annuels de la fête de Jeanne d’Arc et d’autres manifestations frontistes rendaient visible la présence en queue de cortège (ou en marge de celui-ci) d’individus au « look skinhead », il faut garder à l’esprit que le concept de « partei-skin » (skin de parti), élaboré par l’historien et politiste Patrick Moreau pour désigner le skinhead inféodé à un parti organisé dans lequel il milite[44], n’a jamais été pertinent en France. D’une part, l’individualisme, le caractère provocateur et incontrôlable des skins les rendent inaptes à s’insérer durablement dans une structure politique hiérarchisée comme celle du FN. D’autre part, contrairement à une idée reçue, si la stratégie dite de dédiabolisation ne s’est imposée vraiment qu’à partir de 2011, lorsque Marine Le Pen a supplanté son père, elle n’était pas totalement inexistante auparavant : ainsi, outre que la double appartenance était interdite dans les statuts, le parti cherchait à exercer un contrôle étroit sur l’emploi de la force et de la violence, tâche dévolue au Département Protection Sécurité (DPS), placé sous le seul contrôle du président Le Pen. Les projecteurs s’étant braqués sur celui-ci, tout au long de la décennie 1990, au point qu’en 1999 il faisait l’objet d’une enquête parlementaire préludant à une éventuelle dissolution[45], le FN se devait de contenir les skinheads, de sorte que les relations entre le parti et eux étaient depuis longtemps très conflictuelles. Ainsi, lors du défilé FN du premier mai 1993, 32 skins furent interpellés sur dénonciation d’un responsable du DPS et c’est dans la « zone grise » alors constituée autour du Front national de la jeunesse (FNJ) et des nationalistes-révolutionnaires radicaux (notamment ceux d’Unité radicale[46]) que la jonction pouvait s’opérer, davantage d’ailleurs sur le mode du jeune « rebelle blanc » proclamant son appartenance ethnique face à la société multiculturelle que du skinhead proprement dit, en prélude en somme au futur phénomène identitaire des années 2000 à nos jours que Stéphane François analyse dans le chapitre 7 du présent volume.

Idéologiquement, la mouvance skinhead trouvait le discours de Le Pen beaucoup trop modéré. Elle ne comprenait pas la tactique de normalisation par le jeu électoral exposée par Hubert Massol, élu municipal du FN (depuis 1989) et président de l’Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain (ADMP), dans un fanzine skinhead finement intitulé Gestapo[47]: « Pour que les nationaux reviennent au pouvoir, ils doivent être de plus en plus présents dans le jeu démocratique qui leur permet d’exister, afin de le faire basculer en leur faveur et ensuite faire pression pour instaurer la Révolution nationale. » Subtilité que l’éditeur (Fabien Ménard, des Sables d’Olonne en Vendée, ancien militant du FNJ) de ladite publication récuse ainsi : « Comme notre présence les dérange, exprès nous serons toujours là et encore plus provocants. Notre but n’est pas de nuire au FN, mais rien ne doit nous empêcher de nous exprimer ». Cette affirmation donne la clé de l’attitude des skinheads lors des manifestations du FN : une sorte de complicité idéologique mâtinée d’une réelle aversion à fusionner de manière organisationnelle, ainsi qu’un refus de la « mise au pas » par le DPS, dans la rue. C’est Gestapo encore, orné en couverture d’un portrait d’Hitler, qui l’avoue au final : « Beaucoup critiquent le FN, mais il serait bon de s’apercevoir qu’en fait ce parti est le déclic pour notre peuple. Par la modération de son programme, il permet d’être écouté et de convaincre, apportant ainsi parmi notre grande famille des nationalistes d’innombrables sympathisants. » D’autres ont eu un avis plus tranché : dans son n°10, le fanzine Le Rebelle blanc affirme qu’il s’agit non seulement « d’un parti de corrompus » mais aussi qu’il est « infiltré par les sionistes »[48].

Conclusion

Les skinheads français ont constitué dans les décennies 1980 et 1990 un mouvement que des observateurs étrangers, ceux de l’Anti-Defamation League (ADL), estimaient entre 1000 et 1500 personnes en 1985-1986[49] et que le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme pour 1995 évaluait encore à un millier. Ils ont formé une sous-culture de la jeunesse séduite par un mode de vie au slogan apolitique (« bière, baise et baston », ou, dans la version du fanzine One Voice : « Oï, Sex and Beer »[50]) mais que certains groupes d’extrême droite ont tenté de radicaliser politiquement, à une époque où le Front national dépassait pour le première fois la barre des 10% des voix (1984) mais où les skins séduits par les idées nationalistes, voire racistes, le considéraient déjà comme une formation « bourgeoise ». Ne voulant pas s’intégrer durablement dans un parti politique d’extrême droite, les skins nationaux-socialistes, que d’ailleurs le Front national ne souhaitait utiliser que pour des tâches électorales (collages) ou de service d’ordre, ont constitué un vivier facile pour des groupuscules glorifiant la violence raciste voire le terrorisme (PNFE) qui s’est exprimé par un niveau exceptionnellement élevé d’actes violents visant les personnes de couleur et les personnes d’origine maghrébine. La réaction des autorités politiques, l’existence d’une législation antiraciste votée dès 1972 et renforcée en 1990, ainsi que la différence entre les lois française et américaine sur la détention des armes, ont sans doute permis que le passage au terrorisme soit évité.

L’internationalisation des liens entre skinheads, en particulier en direction de l’Europe de l’Est, notamment la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie après 1990, a donné une dimension transnationale à la violence de ces milieux. Les groupes musicaux voyagent, se produisent sur tout le continent. Les deux principaux réseaux, Hammerskins et Blood and Honour, sont par essence transnationaux et les concerts qu’ils organisent, y compris en France, drainent un public souvent venu des pays voisins (par exemple en Alsace-Lorraine, d’Allemagne et de Belgique ; en Franche-Comté, d’Allemagne et de Suisse). Cette dimension transnationale de la violence, tout comme le caractère d’importation des idées, des méthodes et même de la musique et de la mode, font du phénomène skinhead un mouvement en porte-à-faux avec le nationalisme français. Il s’agit en définitive d’un phénomène d’affirmation raciale dans l’optique d’une imminente confrontation du type « guerre urbaine »[51], entre Européens blancs et « allogènes », soit cette part de l’idéologie d’extrême droite qu’un FN intégré dans le système parlementaire ne peut plus assumer et qui continue, en 2017, à être l’horizon partagé d’une partie importante de l’extrême droite, avec toutefois un nombre de violences graves et d’homicides moins élevé que dans les années 1980.


Notes

[2] Cf. George Marshall  Spirit of ’69: A Skinhead Bible, Dunoon, S.T. Publishing, 1991.

[1] Michel Wieviorka, La France raciste, Paris, Seuil, 1992, ch. 10.

[3] Titre d’un fanzine publié au milieu des années 1990 dans les Bouches- du-Rhône par Mickael P., alors proche du Parti Nationaliste Français et Européen.

[4] Le terme « oi !» est une déformation, utilisée en argot anglais, de « hey you ».

[5] Cf. Timothy Scott Brown, «Subcultures, Pop Music and Politics: Skinheads and “Nazi Rock” in England and Germany », Journal of Social History, 2004, Volume 38, Number 1, p.157-173.

[6] Sur ce sujet, voir le documentaire de Marc-Aurèle Vecchione : Antifa, chasseur de skins (Résistance films, 2008) et pour une version diamétralement opposée celui produit par les proches de Serge Ayoub : Sur les pavés, (Autonomiste media, 2009).

[7] Voir Leonard Zeskind : Blood and Politics, the history of the White Nationalist Movement, Farrar, Strauss and Giroux, 2009, ch. 22.

[8] Fondé en 1972 par l’Américain Garry Rex Lauck, le « NSDAP Aufbau- und Auslandsorganisation » continue à vendre sur le net des ouvrages en français : https://third-reich-books.com/product-tag/francais/

[9] Des suprémacistes américains sont les auteurs de l’attentat contre un bâtiment fédéral d’Oklahoma City qui fit, le 19 avril 1995, 168 morts et 680 blessés.

[10] La diffusion de l’ouvrage a été interdite en France par arrêté du 21 octobre 1999 :  https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000197597

[11] 14 Mots n°1, n.d mais postérieur à juillet 1995, n.p.

[12] Cf. Libération, 18 février 1998.

[13] Voir leur site : http://www.hammerskins.net/fhs/

[14] Voir : https://28hexagone.wordpress.com/

[15] L’adhésion au Front national. De la minorité active au mouvement social, Paris, Editions Kimé, 1990.

[16] Michael Billig, Fascists: A social psychological view of the National Front, London: Academic Press, 1978.

[17] Op. cit, p. 202.

[18] Voir : http://www.slate.fr/story/85579/extreme-droite-radicale

[19] Le mouvement Troisième Voie, fondé en novembre 1985, se réclamait du nationalisme-révolutionnaire : voir la contribution de Nicolas Lebourg dans ce volume. Sa direction était composée d’anciens cadres du Parti des forces nouvelles (PFN) et du Mouvement Nationaliste-Révolutionnaire (MNR) menés par Jean-Gilles Malliarakis. Il attira toutefois, notamment à Lille, des éléments de la mouvance skinhead. C’est l’existence de ce vivier spécifique qui conduisit Serge Ayoub à créer en 1987 les JNR comme une structure destinée à regrouper les sympathisants skinheads de TV, qui disparaitra en 1991. Après cette date, les JNR sont définitivement une organisation autonome se réclamant tantôt du « solidarisme », tantôt du nationalisme-révolutionnaire », mais dont les militants sont bien issus du milieu skinhead et l’assument. Cf. Petrova Youra, « Les skinheads : solidarité de classe ou combat national », Agora débats/jeunesses, vol. 9, n°1, 1997, pp. 76-93.

[20] Kerhuel était le bassiste d’un groupe nommé Evil Skins, jusqu’en 1987. Il a affirmé lors de son procès avoir adhéré aux JNR. À l’audience Giraud a déclaré : «Aux JNR, on pouvait se permettre d’avoir une connotation raciste.» Cf. Libération, 18 octobre 2000.

[21] Libération, 12 décembre 1997.

[22] Ouest-France édition locale de Carhaix, 29 septembre 2013.

[23] La Voix du Nord, 26 mars 2010.

[24] TV a édité un bulletin mensuel, Troisième voie information [dir. publ. Philippe Cabassud], n°1, décembre 1986.

[25] Voir : http://reflexes.samizdat.net/. Si l’information factuelle contenue dans tous les numéros (désormais numérisés) à partir de juin 1986 est donnée dans un contexte militant avoué, du point de vue de la mouvance libertaire, et qu’elle doit être prise par  les chercheurs avec les précautions d’usage, puisqu’elle n’est pas toujours confirmable par des archives accessibles, elle n’en donne pas moins une trame historique fiable du mouvement.

[26] Cf. Libération, 4 mai 1995.

[27] Le Rebelle blanc, 1989, n.p.

[28] Le Francisme, fondé en 1933 par le héros de la guerre de 1914-1918, Marcel Bucard (1895-1946), a été le parti d’extrême droite le plus proche du Fascisme italien jusqu’à son tournant ultra-collaborationniste de 1943. Pierre Sidos, de l’Œuvre française, Pierre Bousquet, de Militant, en ont été membres. De même que l’adolescent Jean Mabire, selon l’ancien Franciste Antoine Graziani. Cf. Les visiteurs de l’aube, Chemise bleue, Volume, III, p. 458, Paris, Dualpha, 2009.

[29] Dissous tous deux par décret du 10 juillet 2013.

[30] Jamais dissout, le PNFE s’est mis en sommeil au printemps 1999. Le dernier numéro de son journal Le Flambeau (mai 1999), porte en couverture la photo de Bruno Mégret.

[31] Sur le hooliganisme : Nicolas Hourcade , « L’engagement politique des supporters “ ultras” français. Retour sur des idées reçues », Politix, vol. 13, n° 50, 2000, p. 107-125. Le hooliganisme constitue un objet d’étude séparé, dans la mesure où il a ses ressorts de mobilisation propres et n’a été utilisé par l’extrême droite que comme un vivier de recrutement.

[32] Symbole porté par l’escorte des magistrats de la Rome antique, ce faisceau a été repris sous une forme proche par l’Assemblée Constituante de 1790, comme allégorie du pouvoir dévolu au peuple. Le Fascisme italien l’a parfois repris sur ses monnaies.

[33] Voir L’Humanité du 2 avril 1990.

[34] À savoir : Walkyrie (pour les militantes); Niebelungen (groupe Thor à Metz); Le Marteau (Saint-Lô, groupe Thulé), Charlemagne (section Léon Degrelle, Nord-Pas-de-Calais); Le chêne (section Jacques Doriot, Seine-et-Marne); Le Glaive (section Roger Degueldre, région parisienne); L’if de Ross (Lyon); Liberté (groupe Odal, Marseille); Sang et Honneur (groupe René Binet, région parisienne); Ultime ralliement (Seine-et-Marne); Wikings (groupe Odin, Normandie). Le nom des sections souligne le poids de la mémoire de l’engagement sur le front de l’Est (Binet, Degrelle et Doriot y furent volontaires) et du néo-paganisme nordiciste, justement activé dans l’extrême droite française à cette période (cf. Nicolas Lebourg et Jonathan Preda, « Le Front de l’Est et l’extrême droite radicale française : propagande collaborationniste, lieu de mémoire et fabrique idéologique », Olivier Dard dir., Références et thèmes des droites radicales, Bern, Peter Lang, 2015, p. 101-138 ). Degueldre était quant à lui membre de l’Organisation de l’Armée Secrète, fusillé en 1962.

[35] Voir : http://wimpeez.tripod.com/id9.html

[36] Interview à Pitbull Zine, n° 4, 1993.

[37] Cf. Libération, 7 avril 2001.

[38] Voir : http://reflexes.samizdat.net/zik-zina-quand-la-musique-fait-boum/

[39] Cf. Le Flambeau n°15, août 1995, p. 22, qui rapporte le déroulement d’un solstice d’été à Paris, le 24 juin précédent.

[40] L’Empire invisible, n°11, janvier-février 1990, p.11. Devalez se présentait alors comme « organisateur national » du 33/5 ce qui, dans la numérologie du Ku-Klux-Klan américain, renvoie à la cinquième époque du mouvement, dont le théoricien était Robert Miles (1925-1992), partisan d’un Klan agissant dans le secret absolu, mystique dans le sens des Identity Churches.

[41] Michel Lajoye (1967) a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 18 ans pour avoir posé en 1987 une bombe dans un café du Petit-Quevilly, fréquenté par des Maghrébins. Il a été libéré en 2007 et a toujours prétendu avoir été manipulé par son complice, un démineur des services de police qui aurait été chargé de pousser l’ultra droite à commettre des attentats. Voir son livre : 20 ans, condamné à la prison à vie, Paris, Dualpha, 2002.

[42] Idem, p. 14.

[43] Le Flambeau, n°32, 1999, p. 12.

[44] Cf. son livre Les Héritiers du Troisième Reich, Paris, Seuil, 1994.

[45] Le DPS : service d’ordre du FN ou garde prétorienne ? Rapport n°1622 enregistré le 26 mai 1999, deux volumes, Les documents d’information de l’Assemblée nationale.

[46]Fabrice Robert, leader à partir de 1996 du groupe de rock nationaliste Fraction, cadre d’Unité radicale et élu municipal FN en 1995, avant de prendre la tête du Bloc identitaire en 2003, a rendu compte de ce qu’il appelle sa période « rebelle blanc » dans un texte intitulé « Retour sur un parcours politique personnel ». Cf : http://fr.metapedia.org/wiki/Fabrice_Robert_:_%22Retour_sur_un_parcours_politique_personnel%22.

[47] N°4, 1994.

[48] Non daté, sans doute publié en 1989-1990, ce fanzine est un des premiers à évoquer la nécessité d’importer en France « la lutte légitime des Palestiniens contre les occupants israélites ».

[49] ADL : The Skinhead International : A worldwide survey of Neo-Nazi Skinheads, 1994, p. 30.

[50] One voice (Segré, Maine- et-Loire), n°4,  n.d.

[51] Voir le fanzine Objectif survie, publié par Olivier Devalez, n°4, septembre 1985.

Destruction de l’église en Bretagne et black metal. Les incendiaires criminels sont des amis du profanateur de Toulon et figure NSBM Anthony Mignoni

Ronan Cariou et Amandine Tatin sont, notamment, soupçonnés d'avoir provoqué, dans la nuit du 29 au 30 janvier, l'incendie criminel qui a entièrement détruit la chapelle de Saint-Guen, à Saint-Tugdual Ronan Cariou et Amandine Tatin sont, notamment, soupçonnés d’avoir provoqué, dans la nuit du 29 au 30 janvier, l’incendie criminel qui a entièrement détruit la chapelle de Saint-Guen, à Saint-Tugdual (56), après en avoir sorti des statues et les avoir déposées, la tête en bas, dans le cimetière attenant à l’édifice. (Photo archives François Destoc)

Que se cache-t-il derrière Ronan Cariou et Amandine Tatin, ce jeune couple soupçonné d’avoir profané et dégradé chapelles et cimetières, en janvier et février derniers, en Bretagne ? Les indices laissés par Amandine mènent à d’inquiétantes fréquentations, au carrefour du satanisme, de l’idéologie néonazie et de la musique black metal. D’un côté, l’image de ce jeune couple très amoureux qui se lance dans la vie active. De l’autre, le squelette d’une chapelle du XVI e siècle aux murs noircis se dressant au sommet d’une colline. Ou encore l’image de ce crâne, arraché à la dépouille d’un homme mort il y a plus de 50 ans, dans un caveau, près de Nantes. Saisissant contraste. Qu’est ce qui a poussé Amandine Tatin, 21 ans, et Ronan Cariou, 28 ans, sur la route des cimetières et églises de la région de Quimperlé et de Nantes ? Le couple a reconnu plus de six profanations. Toutes portent la marque du diable : les chiffres « 666 », des croix et pentagrammes inversés. Difficile de ne pas penser à un cycle initiatique. D’autant que, comme les rituels sataniques l’exigent, des actes sexuels ont bien eu lieu sur certains des sites profanés. Amandine et Ronan ont, en tout cas, filmé tous les « exploits » de leur triste périple. La vidéo, avec des livres, photos et des objets de culte dérobés sur les différents sites, est l’une des nombreuses pièces à conviction saisies par les enquêteurs.

Un étrange message

Troublantes, aussi, ces étranges inscriptions dans la chapelle de Guiscriff, dans le Morbihan. Des « runes » : des caractères aux vertus prétendument magiques, empruntés au plus ancien système d’écriture nordique. Un message qui, une fois décodé, évoque « le passage vers une autre dimension », « la lumière » et « le réveil après un long sommeil ». Encore plus déconcertant, les dates auxquelles les faits bretons ont été commis correspondent exactement à des dates clés du calendrier satanique : nuits précédant la nouvelle lune et fin d’un des quatre sabbats annuels; celui du « porteur de lumière », symbole du feu : Lucifer. Satanisme ? Amandine nie farouchement. Ces inscriptions ne seraient qu’un habillage folklorique, sans signification réelle. Pourquoi s’en prendre, alors, exclusivement à des symboles religieux ? Ces questions agacent Amandine. Son avocat les balaie d’une phrase : « S’ils avaient été dans le 93, ils auraient brûlé des voitures ». La jeune femme, qui craignait ces « mauvaises interprétations », a réponse à tout. Elle possède un drapeau nazi ? « Ce n’est pas cet emblème qu’il faut voir », répond-elle, renvoyant ces interlocuteurs vers les symboles de bon augure, d’équilibre ou solaire que désignait, « bien avant la croix gammée nazie », ce signe païen.

Coup de foudre à l’Afpa de Rennes

L’ethnologie passionne Amandine. Tout spécialement l’odinisme, cette « religion » dominante au nord de l’Europe avant la conversion des tribus au christianisme. La jeune femme a arrêté ses études en fin de classe de 3 e . C’est à cette même époque qu’elle a quitté le très chaotique foyer parental, à Toulon. Ensuite ? Foyers d’accueil, petits boulots, dont un passage dans une boutique de jeux de rôle. L’an dernier, selon son oncle, elle suit une formation en menuiserie dans le Var. Moins d’un an plus tard, elle arrive à Rennes pour suivre une nouvelle formation à l’Afpa. C’est là qu’elle rencontre Ronan. Le jeune homme, titulaire d’un BTS agricole, prépare sa reconversion à la plomberie. Avec succès. Quelques mois plus tard, il décroche un CDI dans une petite entreprise, à Concarneau. Le couple ne se quitte plus. Il emménage à 30 km de la « cité des thoniers » et ses loyers « trop chers ». A Saint-Thurien, bourg de 867 âmes perdu au-dessus de Quimperlé.

« J’ai pété les plombs »

Pour Amandine, c’est la clé de l’affaire. Loin de tout, en plein hiver, attendant chaque jour le retour de son compagnon, elle aurait « pété les plombs ». Et quand on lui fait comprendre que la réponse est un peu courte, la jeune femme s’énerve. D’ailleurs, elle ne comprend pas pourquoi l’instruction dure « si longtemps ». Les faits sont si simples… Son avocat, M e Daniel, les résume ainsi : « Ce ne sont pas des adorateurs de satan. Ce sont des gamins qui ont, enfin, pris conscience de la gravité de leurs bêtises. Aujourd’hui, ils en ont honte et ils regrettent ». Amandine se dit prête à payer la note : prison et indemnisation salée. « Que voulez-vous de plus ? », s’étonnait-elle encore récemment.

Profanations à Toulon meurtre en Alsace

Dans sa cellule de la maison d’arrêt de Rennes, la jeune femme est tourmentée. Elle ne tient surtout pas à ce qu’on fouille dans sa vie. A Toulon notamment, d’où elle est originaire. Que pourrait-on y trouver ? Ses liens avec un dénommé Mignoni. Anthony Mignoni, aujourd’hui âgé de 31 ans, condamné à trois ans de prison ferme en 1996. Il avait participé à la profanation d’une tombe au cours de laquelle le cadavre d’une septuagénaire avait été exhumé et transpercé à l’aide d’un crucifix inversé. C’est le même Anthony Mignoni que l’on retrouve en Alsace, la même année, mêlé à l’assassinat d’un prêtre tué de 33 coups de couteau. Le meurtrier a tout juste 18 ans. Il s’appelle David Oberdorf. Au cours de son procès, en 2001, celui-ci déclare avoir voulu « s’élever au rang d’Anthony Mignoni », son maître. Celui qui l’a initié au satanisme. La mère de David Oberdorf témoigne aussi : « Anthony Mignoni était nocif. Il disait qu’il fallait tuer les juifs, les chrétiens. J’interceptais des cassettes et les lettres qu’il envoyait à David. Il voulait qu’il brûle une église ». Il lui avait également demandé de voler un crâne dans un cimetière… Blanchi par l’accusé, Anthony Mignoni sera juste entendu comme témoin. David Oberdorf, lui, sera condamné à 25 ans de réclusion criminelle.

La piste néonazie

Le Toulonnais fait encore parler de lui en 2004. Il est condamné à de la prison avec sursis pour « diffusion d’une revue exhortant à la haine raciale et l’antisémitisme, apologie de crimes contre l’humanité » et de nouvelles profanations de sépultures commises en 1997.

Autre contact : celui de Varg Vikernes, pionnier du courant musical black metal, unique membre du groupe Burzum. Ce Norvégien âgé de 33 ans purge actuellement une peine de 21 années de réclusion pour avoir poignardé de 23 coups de couteau, en août 1993, le leader d’un autre groupe de black metal (Mayhem). Les deux hommes appartenaient à « l’Inner Black Circle ». Une organisation sataniste terroriste à l’origine de l’incendie volontaire de huit églises en Norvège, et qui en aurait inspiré plusieurs dizaines d’autres, ainsi que des meurtres et des suicides, dans les pays voisins. Aujourd’hui, Varg Vikernes s’est tourné vers l’odinisme et l’idéologie néonazie. Confrontée à ces nouveaux éléments, Amandine aurait nié toute influence néonazie. Ses relations avec Mignoni et les autres ne seraient « qu’ exclusivement musicales » (*). Elle-même musicienne (guitare basse), elle aurait proposé ses services au groupe de black metal toulonnais, Blessed in Sin (Bénis dans le péché). Encore un hasard malheureux : deux de ses membres, les frères Magnoni, ont été condamnés pour les profanations de Toulon et diffusion de fanzines néonazis. Amandine aurait été ébranlée par ce tournant de l’instruction. La jeune femme, jugée très intelligente, « a perdu de sa superbe », selon une source proche de l’enquête. Elle ne s’exprime plus avec un fort accent allemand, comme lors de sa première audition. Son compagnon a également paru déstabilisé. Visiblement, il semblait découvrir ces liens. Peut-être sera-t-il amené à réfléchir aux circonstances de sa rencontre avec Amandine. Pourquoi est-elle venue en Bretagne ? Venait-elle en mission, pour implanter un réseau dans la région ? Des investigations sont en cours.

Procès en sorcellerie ?

L’avocat de la jeune femme conteste ce scénario. « Ce n’est pas parce qu’Amandine aime certains groupes de black metal qu’elle partage la philosophie de leurs membres. Tous ceux qui apprécient Baudelaire n’approuvent pas l’usage des drogues, raille M e Daniel. Que cherche-t-on ? Les procès en sorcellerie n’existent plus ! Et pénalement, cela n’apporte rien aux charges retenues contre elle. » Étrange Amandine. Quand il quitte précipitamment Saint-Thurien, début février, alors que la série de profanations fait la une des médias, le couple organise, malgré tout, son départ dans les règles. L’agence est prévenue, l’employeur de Ronan aussi. Officiellement, le couple rencontre de gros soucis financiers. Il rejoint le domicile des parents de Ronan, près de Nantes. En moins d’une semaine, Amandine s’inscrit en intérim. Elle trouve même un travail. Et quand elle est interpellée, son premier coup de fil est pour… son employeur. Pour le prévenir qu’elle ne pourra pas venir ! Troublant pour une jeune femme censée être manipulatrice et adepte du diable.

Macabre « lune de miel »

Pour l’heure, en prison, Amandine et Ronan s’écrivent tous les jours. Plusieurs fois par jour. Tous les deux portent le même pendentif : un marteau de Thor. Dans la mythologie nordique, c’est un symbole de protection. Un signe que l’on traçait au-dessus des couples qui venaient de s’unir par les liens du mariage. Pour Amandine, c’est aussi la marque de sa « haine des religions ». Subjugué par sa compagne, mal dans sa peau, Ronan n’aurait fait que la suivre. C’est du moins ce qu’estiment certains membres de la famille du jeune homme. Certains soirs, le couple parcourait jusqu’à 300 km pour repérer les cimetières et les chapelles où ils allaient ensuite frapper. « Ou je mettais fin à mes jours ou j’extériorisais cette violence que j’avais en moi », a expliqué Ronan aux enquêteurs. Pour lui, cette affaire est une histoire d’amour. Ce périple macabre dans les cimetières et les églises, c’était un peu leur « voyage de noces ». La « lune de miel » de deux paumés.

(*) Le black metal a sa branche « politique » : le National socialist black metal. Un courant ultra-minoritaire qui, lui, n’hésite pas à passer à l’action. Comme Vikernes, Mignoni et consorts.

Profanations et incendie d’une chapelle en Bretagne

https://www.lexpress.fr/societe/au-nom-du-diable_482398.html

Janvier 2006. En l’espace de deux semaines, Amandine Tatin, 20 ans, et Ronan Cariou, 21 ans,
– profanent deux cimetières,
– incendient une chapelle,
– brisent un calvaire,
– taguent deux églises
– et finissent par exhumer un cadavre, dont ils arrachent le crâne.
Le tout dans un rayon d’une trentaine de kilomètres, entre les départements du Morbihan et du Finistère.
Une équipée sauvage signée «Fuck your life for Satan» et «666», le signe de la Bête – le diable – dans le livre de l’Apocalypse. Amandine, sans emploi, vient de Toulon. Elle a lâché l’école après la classe de troisième. Son comparse est un plombier du cru. Ensemble, ils collectionnent les crânes. Aux gendarmes les deux jeunes gens déclarent avoir agi «par haine de toutes les religions». Leurs provocations macabres risquent de leur coûter dix ans de prison.

Amandine et Ronan appartiennent à cette mouvance de jeunes – et de moins jeunes – qui se disent adeptes du diable. Une mouvance en expansion, qui touche à la fois des ados en panne de rêve, des adultes assoiffés d’ésotérisme sulfureux, et des ultracontestataires qui ont besoin d’habiller de sacré leurs idéologies haineuses. Les plus fervents se nourrissent, entre autres précis, de la littérature occulte du baron Aleister Crowley, de La Bible satanique du mage américain Anton LaVey, fondateur de l’Eglise de Satan, et de manuels de sorcellerie piochés sur Internet. Férocement antichrétiens, ils se considèrent comme une élite et prétendent, par leurs rituels magiques, éradiquer les religions, saper les fondements moraux de la société afin d’instaurer un nouvel ordre dont ils seraient les maîtres. Au-delà de ces bandes aux dérives sectaires, de plus en plus de films, de livres, de groupes musicaux ou de BD jouent la corde démoniaque et touchent un public très large, amateur de folklore transgressif. Le nihilisme distillé par cette nouvelle mode est accusé par les experts d’alimenter la dépression adolescente.

Selon les Renseignements généraux (RG), 30 lieux de culte ont subi des profanations signées par des satanistes en 2005, pour 18 en 2004. Des chiffres qui restent en deçà de la réalité, car une partie des agissements de ces groupes occultes échappe aux enquêteurs. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) vient de doter gendarmes et policiers d’un livret reprenant les principes de la doctrine sataniste. Elle va surtout nommer un expert ad hoc, l’historien des religions Jacky Cordonnier, qui sera chargé de suivre le dossier. Ce spécialiste des sectes, qui traque les manifestations sataniques dans l’Hexagone depuis une bonne douzaine d’années, l’assure: le culte de Satan «est en partie responsable d’un nombre croissant de suicides d’adolescents».

Nicolas Claux, un Parisien de 33 ans, s’est forgé une solide réputation en peignant des cadavres de femmes tripes à l’air et des portraits de tueurs en série. Condamné à douze ans de prison en 1996 pour meurtre et libéré en 2002, accusé de profanations de sépultures suivies de mutilations et d’actes de cannibalisme, ce «sataniste pratiquant», comme il se définit lui-même, se dépeint en «guerrier du chaos» adepte du vampirisme. Amateur de soirées fétichistes, il compte de fidèles admirateurs parmi les employés des morgues et des crématoriums.

https://www.babelio.com/auteur/Nicolas-Castelaux/197089
https://www.webzinelescribedurock.com/2021/04/nicolas-claux-interview-put-fun-in.html

Selon les RG, les vrais suppôts du démon comme Nicolas Claux officient dans «une vingtaine de bandes déstructurées, de trois ou quatre membres chacune». Dont l’Eglise de Satan, «institution» américaine qui a pignon sur rue aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne et qui compte une dizaine d’adeptes français. Dans les pays anglo-saxons, ainsi qu’en Russie, en Turquie ou en Italie, ces soldats de Lucifer font régulièrement parler d’eux à l’occasion de procès retentissants.

Emblème de la sorcellerie au Moyen Age, Satan devient, à partir du XVIIIe siècle, l’incarnation d’une conscience supérieure, libérée du joug de la morale et de la religion. Aujourd’hui, deux grandes tendances cohabitent: les lucifériens et les disciples d’Anton LaVey, le père du satanisme moderne. Les premiers, qui voient en Lucifer l’ange déchu de la Bible, prônent l’avilissement de l’espèce humaine, prélude au retour de l’Antéchrist. Pour les seconds, dont l’Eglise fut fondée le 30 avril 1966, jour anniversaire de la mort de Hitler, le Malin ne représente qu’une force de la nature reflétant les instincts naturels de l’homme auxquels chacun doit s’abandonner, s’il souhaite s’élever au-dessus du commun des mortels. «Seule la chair existe», clame Anton LaVey dans sa bible. Et il ajoute: «Rendez coup pour coup.» Une sorte de «ni Dieu ni maître» nietzschéen auquel le mage américain ajoute sa touche de cruauté en invitant ses lecteurs à lancer des malédictions susceptibles d’ «entraîner une destruction physique, mentale ou émotionnelle du sacrifié».

Publiée à la fin de janvier dans l’Hexagone, La Bible satanique s’est déjà écoulée à 2 000 exemplaires. A force d’évacuer la transcendance, de tout montrer et de prétendre tout expliquer, la société moderne a ravivé la soif de mystère et de ténèbres. Témoins les récents succès qui mettent Satan en vedette: L’Exorcisme d’Emily Rose ou Sheitan au cinéma; Buffy et les vampires à la télé; Les Chroniques de la Lune noire, de Froideval, Ledroit et Pontet (Dargaud), en BD; Le Cercle de sang, de Jérôme Delafosse (Robert Laffont), en littérature. «Il s’agit ici de donner figure à quelque chose qui manque, explique le sociologue Raymond Lemieux, professeur à l’université de Laval (Québec). Une figure qui aidera à combattre l’angoisse de l’existence.» Dans un sondage Ifop de 2003, 27% des Français affirmaient croire au diable.

Souvenez-vous: 1996, cimetière de Toulon. Un cadavre de femme exhumé, un crucifix inversé fiché dans sa chair embaumée. «C’est à partir de là que le “luciférisme” folklorique, avec des messes noires à 10 000 francs et des orgies sexuelles à 30 000, a basculé dans la violence», explique un enquêteur. Des couches de lauriers, des candélabres, du sang noirci: sur le sol de certaines cryptes et chapelles, les promeneurs trouvent parfois d’étranges reliques, témoins d’une messe noire célébrée dans les formes, avec jeux sexuels, automutilations et sacrifices d’animaux. Lors de leurs sabbats nocturnes, les adorateurs du Malin se retrouvent dans les bois, les carrières abandonnées, les catacombes, les hauts lieux de l’histoire de la sorcellerie, ou dans des sites qui furent jadis le théâtre d’événements sanglants. Près de Besançon, des satanistes avaient ainsi coutume de se rencontrer dans une clairière où un tueur en série s’était entraîné au tir. Selon le calendrier sorcier, ils se rassemblent à Halloween, ou lors des solstices et des équinoxes. Les rituels sexuels revêtent souvent une tendance sadomaso. Tel celui-ci, livré par un initié qu’un enquêteur est parvenu à piéger sur Internet: dans une fumée d’encens, une femme et un «prêtre» se placent à l’intérieur d’un cercle. La dame pratique une fellation à son partenaire puis, après quelques «extras» scatologiques, se fait sodomiser sous les yeux d’un troisième larron. Le couple achève ses libations en s’entaillant les veines et en buvant le sang écoulé.

De simples petits jeux entre amis? Pas toujours, comme a pu le constater, à ses dépens, Jacky Cordonnier. En juin 2005, l’historien monte dans sa voiture et s’aperçoit que ses plaquettes de freins ont été sectionnées. Ce que confirment les gendarmes. Un mois auparavant, le spécialiste avait été menacé de mort sur des forums Internet satanistes. Dans leur nihilisme dévastateur, les admirateurs du démon passent parfois à l’action, comme en 2004, lorsqu’un garçon a gravement blessé à coups de poignard un servant de messe en Bretagne. Les crimes demeurent, heureusement, très rares. Le dernier remonte à 1996. Victime d’un «flash sataniste», David Oberdorf, ouvrier chez Peugeot, larde de 33 coups de couteau un curé alsacien. Le jeune homme était tombé sous l’emprise d’Anthony Mignoni, l’un des auteurs de la virée barbare au cimetière de Toulon. Mignoni, condamné à quatre ans de prison en 1997 pour ses faits d’armes toulonnais, appartenait à un réseau néonazi de profanateurs de tombes qui s’adonnaient à des messes noires, avec Mein Kampf pour missel.

Outre leur élitisme affiché, le satanisme et le néonazisme ont un point commun: ils invoquent tous deux un ordre nouveau. Mais les nazillons se méfient de ces satanistes, pour lesquels Hitler n’est qu’une figure, parmi d’autres, du Mal absolu.

Anthony Mignoni a toutefois largement contribué à faire le lien en France entre ces deux courants.

Amandine Tatin, la jeune fille arrêtée en Bretagne en janvier dernier, qui le connaissait, pourrait avoir agi sous son influence.

«Il y a aujourd’hui, sur le marché de la souffrance adolescente, une frange d’individus qui veut propager une idéologie antisociale, assure Jacky Cordonnier. Ils pensent que, s’ils arrivent à faire déraper la jeunesse, ils remettront en question les fondements mêmes de la société.»

Virginie était une proie facile: mal dans sa peau, solitaire, elle n’ouvrait jamais les volets de sa chambre, s’éclairait avec des bougies et dévorait des livres de magie. Dans une librairie ésotérique, la collégienne marseillaise fait la connaissance de jeunes satanistes. Très vite, elle se retrouve dans des soirées. «Je m’ouvrais les bras avec un compas, je me gravais le 666, a-t-elle raconté dans une émission de Radio Notre-Dame. J’aimais me faire souffrir.» L’adolescente dissimule ses blessures sous de grands pulls sombres. Ses parents, souvent absents, ne s’aperçoivent de rien. Virginie est heureuse. Elle a enfin trouvé sa tribu. «Je menaçais les autres filles, on faisait très peur et on aimait ça.» Jacky Cordonnier, de passage dans son collège, la sort de son mauvais rêve en mettant en garde les élèves contre les dangers d’une fascination trop grande pour le diable : isolement, déconnexion du réel, suicide. C’est le déclic. Virginie avoue tout à ses parents. La jeune fille recevra longtemps des lettres de menaces: «Si tu ne reviens pas, Satan va venir te chercher.»

«Aucun jeune ne devient sataniste du jour au lendemain, précise le père Benoît Domergue [figure de l’extrême droite catholique intégriste], autre grand spécialiste du sujet en France. Il faut un conditionnement: les concerts assourdissants qui saturent les sens, l'ecstasy à 10 euros la pastille et la culture de mort dans laquelle baignent les jeunes.» Une culture de mort qui banalise l'horreur et le sadisme. Les ados eux-mêmes se disent partagés entre la répulsion et la fascination face à des jeux vidéo ultraviolents tels que Manhunt et Resident Evil ou des sites comme Rotten (pourri, en français), qui exhibent des cadavres et des corps mutilés et que les élèves connaissent dès la sixième.

Les trois quarts des futurs satanistes commencent par s'immerger dans le mouvement gothique, nullement démoniaque en soi, mais qui cultive l'esthétique diabolique. «Goth»: espèce juvénile au teint blafard et aux yeux fardés de noir qui effraie le quidam en exhibant ses piercings et ses airs sinistres, version Lautréamont, sur les trottoirs des grandes villes. Dans leurs boutiques, les capes de vampire à 250 euros pièce et les calices à 450 euros côtoient les bagues et les pendentifs maléfiques ou des affiches de groupes de black metal, dont le père Domergue est devenu, au fil des années, un spécialiste. Le 2 mars, au collège Sainte-Croix, à Orléans, dans l'ancienne salle du chapitre remplie de parents d'élèves, le curé bordelais diffuse un clip de Marilyn Manson, affublé d'une casquette nazie, en concert. Le prêtre veut montrer comment l'ex-révérend de l'Eglise de Satan, encensé par le public et les critiques, «met les jeunes en condition». Ce théologien, qui n'hésite pas à se glisser dans les raves, garde dans son PC une autre vidéo, celle de la chanson The Saint, où l'on voit Manson se scarifier en gros plan, enchaîner les lignes de coke, le nez en sang, et faire un cunnilingus à une fille nue attachée. Le clip s'achève sur l'image de deux colosses plantant une énorme aiguille dans l'avant-bras de Manson.

Les «purs» préfèrent toutefois le black metal. Témoin Ulrich Dagoth, le chanteur du groupe bordelais Otargos. Dans ses concerts, ce Frankenstein de foire hurle à la mort devant une grande toile noire figurant une carcasse de bouc, le logo de la bande. Un tatouage de Christ décapité sur le bras, il explique qu’il croit «au chaos et à l’effondrement unidimensionnel». Un conte pour enfants, comparé à certains groupes scandinaves, tel Burzum, qui incendiaient les églises et se trucidaient entre rivaux à la fin des années 1990* [dés 1992-1993].

«Que le massacre commence/ Décapitez les chrétiens/ Violez leurs femmes et leurs enfants/ Leurs tombes doivent être profanées», vociférait le groupe norvégien Dimmu Borgir (du nom d’une étendue de lave islandaise). Aujourd’hui, «la plupart se sont calmés dans les paroles, mais pas forcément dans l’esprit, observe Sven Letourneur, rédacteur en chef de la revue Hard Rock Magazine. Le metal satanique ramène encore beaucoup de monde». Cradle of Filth (Berceau de fange), dont les musiciens boivent du sang sur scène, fait ainsi salle comble à l’Elysée-Montmartre (1 500 places). Son dernier album s’est écoulé à 16 000 exemplaires. Sans compter la multitude de petits groupes qui ont surgi ces dernières années.

Assis au fond de la Locomotive, une discothèque de Pigalle, Léo, 16 ans, sirote une bière en attendant le concert de Dark Funeral. «L’homme a été créé pour rompre l’harmonie de la nature, affirme le gamin, en tripotant son blouson couvert de noms de groupes de metal. Il faut aboutir à l’extinction de la race humaine.» Un exemple? «Si je vois un clodo dans la rue, je ne lui donne pas un rond.» Le satanisme reste pour beaucoup une provocation adolescente. Mais certains vont plus loin, harponnés par les extrémistes sur Internet – où fourmillent les blogs et les forums consacrés au satanisme – dans les boutiques de tatouage et de piercing, ou à la fin des concerts de black metal.

Un soir d’été, Alexandre, jeune goth de 14 ans, a aperçu «par hasard», dit-il, une troupe de jeunes sur la plage. Les gamins s’affairaient autour d’un chat noir fraîchement occis, dont ils venaient de retirer le cœur et les viscères. «Ils ont dessiné un pentacle sur le sol avec les entrailles de la bête, puis disposé des bougies autour et récité des prières sataniques, avant de recoudre le chat en glissant des pierres à l’intérieur du cadavre», raconte le garçon. Les mêmes prolongent le jeu à la maison, en se bricolant des autels avec des crânes et des tibias récupérés dans les cimetières. Résultat: «Ces jeunes deviennent asociaux et incapables d’aimer, observe le père Domergue [figure de l’extrême droite catholique intégriste]. Ils ne parlent plus que de liens qui ligotent.»

En septembre 2005, Marion, 14 ans, se jetait du haut d’une tour d’Ivry-sur-Seine, dans la banlieue parisienne, avec une amie. «Le satanisme avait envahi sa vie», confie une source judiciaire. Ses parents, de modestes immigrés chiliens, croyaient à une lubie passagère. Ses copains admiraient l’adolescente aux cheveux rouges pour ses talents de médium. Marion s’inventait des aventures libertines. Des shoots à la drogue dure. Elle était une fan du groupe de metal Anorexia nervosa, dont certaines paroles font l’apologie du suicide et de l’automutilation. «On peut penser que 5% des suicides recensés annuellement chez les jeunes de moins de 25 ans, soit une centaine, sont liés au satanisme», estime Jean-Michel Roulet, président de la Miviludes. La police est moins alarmiste.

Le satanisme peut pousser à l’autodestruction des jeunes qui souffrent d’une fêlure ancienne. «La désinhibition qu’il entraîne parfois peut faire perdre conscience au jeune de la portée de ses actes, analyse la pédopsychiatre Marie-Michèle Bourrat. Dans un premier temps, l’adolescent pense tout contrôler. Puis il se sent comme possédé. Il recherche à la fois la maîtrise et la perte de soi. Là est le risque.» Que faire? Cadenasser l’ordinateur? Parler, martèlent les psys. Donner son avis de parent. Et aller voir de près à quoi ressemble cet univers. Sans diaboliser.

Charlemagne HammerSkins (CHS) 1993-1998

https://www.france-politique.fr/wiki/Charlemagne_Hammer_Skins_(CHS)
Période 1993-1998
Nom Charlemagne Hammer Skins (CHS)
Positionnement Extrême droite
Idéologie Néo-nazisme
Coalition électorale
Affiliation internationale
Affiliation européenne
Parlement européen
Site Internet

Chronologie

 
Date Évènement
2004
16/02
Condamnations à de la prison ferme pour menaces de mort, dans la revue Wotan, à l’encontre notamment d’Anne Sinclair et de Patrick Gaubert:

  • Hervé Guttuso (en fuite)
  • Éric Monnier
  • Cyril Dieupart
  • Ronald Robin
  • Anthony Mignoni (dit “Xaphan”)[1][2]
  • Christophe Magnoni (dit “Black Christ”)[1][2]
  • David Magnoni (dit “Overlord Nasty Metatheos”)[1][2]
  • Laurent Franchet (dit “Hades”, “LF” ou “Lenrauth”)[1][2]
2001
06/04
Condamnation, par la cour d’assises de Colmar, à vingt ans de réclusion criminelle de David Oberdorf pour avoir assassiné de trente-trois coups de couteau un prêtre catholique, le 19 décembre 1996, à Kingersheim (Haut-Rhin). David Oberdorf voulait “s’élever au rang d’Anthony Mignoni”, qui l’avait initié au satanisme.
1998
11/02
Interpellation à Londres, par Scotland Yard, d’Hervé Guttuso.
1998
14/01
Interpellations à Rouen de Ronald Robin et Cyril Dieupart (dit “Malkira Eskhanth” ou “Mal’Eskhanth”)[3], fondateurs de la secte sataniste “Ad Majorem Satanae Gloriam”.
1997
18/12
Interpellation d’Éric Monnier (responsable en France depuis le départ d’Hervé Guttuso à Londres en 1995[4]).
1997
20/10
Condamnations à de la prison ferme pour des membres qui se sont livrés à une profanation sataniste, à Toulon, dans la nuit du 8 au 9 juin 1996: Anthony Mignoni[1], Christophe Magnoni[1], Émilie Dervillers et Laurence Scharples.
1993
00/06
Premier numéro de Terreur d’Élite[5], “voix indépendante et radicale des nationaux-socialistes francophones”. Création des Charlemagne Hammer Skins (CHS) par Hervé Guttuso (ex-PNFE), à son retour des États-Unis d’Amérique.
1988
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Création à Dallas (États-Unis d’Amérique) des Hammerskins.
 
Tous droits réservés Laurent de Boissieu pour France-politique.fr
  1. Membres (composition variable) de groupes de black metal: “Blessed in Sin” (depuis 1993), “Finis Gloria Dei” (depuis 2003), “Seigneur Voland” (2000-2004), “Funeral” (1994-1996) puis “Kristallnacht” (1996-2002), “Bloody Ritual” (1991-1994: Christophe Magnoni et David Magnoni).
  2. Membres de la secte sataniste “Ordre sacré de l’émeraude”.
  3. Membres de groupes de black metal: “Osculum Infame” (depuis 1991) et “Chemin de Haine” (depuis 1994); également actif avec les Toulonnais au sein de “Desolation Triumphalis” (avec Laurent Franchet et “Epsilon Xul”) et “Kristallnacht”.
  4. Hervé Guttuso est hébergé à Londres par Charlie et Steve Sargent, de “Combat 18”.
  5. Terreur d’Élite deviendra en 1995 Wotan (Will of the Aryan Nation), publié depuis Londres.

« David voulait faire mieux que moi »

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Présenté comme « maître en satanisme » depuis trois jours, Anthony Mignoni appelé à la barre des témoins de la cour d’assises du haut-Rhin à Colmar, a dû expliquer pendant près de deux heures qu’il n’était pas le gourou de David Oberdorf qui comparaît pour le meurtre du curé de Kingersheim. Le cheveu long, le visage émacié cerné par une fine moustache et un léger collier de barbe, Anthony s’est débarrassé de tous ses attributs sataniques. Il a laissé sa croix renversée et ses habits noirs au vestiaire. « Tout le monde peut avoir de la sympathie pour le Diable. Mais pour moi, le satanisme c’est une façade. A l’époque, la musique, les images, les cimetières, ces goûts morbides, n’étaient qu’un jeu puéril. Je pensais qu’on pouvait changer le monde. Entre nous il n’y avait qu’un esprit de surenchères lorsqu’on renversait des tombes. Il n’a jamais été question de tuer. »

« Je n’ai jamais initié quiconque »

Mignoni veut renvoyer tous ceux qui l’accusent de n’être qu’un manipulateur malin à leur place. « David voyait en moi une sorte de héros. Aujourd’hui pour se défendre, il vous dit que je suis son frère de sang. Il veut se servir de l’image négative que la justice a de moi parce que j’ai profané le cimetière de Toulon. » Mignoni répond coup pour coup. « David a fait ça parce qu’il a voulu faire mieux que moi dans l’horreur. C’est pour ça qu’il a signé son crime de 33 coups de couteau et d’une étoile gravée dans la main du curé. Il voulait que ça se sache. Et quand il nous en a parlé, en fait il s’en vantait. » A la présidente qui lui reproche sans ménagement de banaliser aujourd’hui son discours, Anthony assure : « Je n’ai jamais été son bras armé. Je n’ai jamais initié quiconque à quoi que ce soit. Je ne sais pas si j’ai eu de l’influence sur David, mais si j’avais connu son projet, j’aurais tout fait pour l’en dissuader. » Auparavant, Myriam Schacher, son ex-petite amie, mais aussi devenue amoureuse de David Oberdorf a accusé Mignoni : « Il a besoin de s’entourer de petits jeunes influençables. Il cherchait toujours quelqu’un pour faire les choses avec lui, comme aller dans les cimetières, il n’aurait pas eu le courage d’y aller seul. » En larmes elle s’adresse aux jurés : « David, lui, est sur ce banc, il va être jugé, alors que c’est l’autre qui l’a manipulé. »