Aller et retour en Ukraine

https://renverse.co/analyses/article/aller-et-retour-en-ukraine-2805

Des personnes issues de la Suisse et de France qui sont de retour de la guerre civile en Ukraine participent en Suisse à des combats de hooligans. Des compagnons de lutte et des structures informelles dans le sillage de « Autour du lac » et les Hammerskins de Romandie forment le groupe hooligan « Swastiklan » (Svastika = croix gammée).

Dès 2014, des néonazis ont quitté la Suisse pour le front ukrainien afin de défendre « l’Europe blanche ». Ils sont intervenus de manière active dans la guerre de Sécession qui depuis 2014 oppose des milices pro-russes et pro-ukrainiennes. Des unités et des milices pro-russes et russes ont déclaré l’indépendance des provinces orientales Donnezk et Luhansk au printemps 2014 et ont occupé la Crimée. Ce fut une réaction aux manifestations d’Euromaidan dans la ville ukrainienne de Kiev. L’heure de vérité politique de l’Ukraine s’est traduite en une guerre qui dure jusqu’à aujourd’hui entre les milices pro-russes et pro-ukrainiennes. Au milieu de ce conflit armé se trouvent des néonazis suisses et européen. e. s. Ces légionnaires et mercenaires défendent leur vision d’une « Europe blanche » l’arme à la main.

Azov — le bataillon nazi

Le bataillon Azov fut créé le 5 mai 2014 durant la crise ukrainienne en tant que milice volontaire. En juin 2014, elle a mené ses premiers combats lors de la reconquête de la ville de Mariupol des mains des séparatistes pro-russes [1]. Le bataillon se composait dès le début de forces nationalistes qui suscitaient une grande attraction auprès des néonazis d’Ukraine et de toute l’Europe. D’à peine 850 combattants, Azov est devenu une force armée de plus de 2500 personnes — dont une bonne partie des soldats sont de l’étranger [2]. Azov se caractérise par des références claires au national-socialisme. Un wolfsangel (crochet de loup) figure dans le logo d’Azov et idéologiquement le bataillon forme l’avant-garde du mouvement paneuropéen [3].

Björn en haut à droite avec le salut d’Hitler avec d’autres combattants de l’ASOV

Le développement d’Azov est un produit des bouleversements sociaux en Ukraine. L’idéologie ultra nationaliste est fortement ancrée dans la société ukrainienne et sert d’outil de mobilisation pour la guerre. Ce nationalisme est le vivier d’Azov et d’autres groupes nationalistes, qui, grâce à leurs victoires, gagnent en reconnaissance sociale. Pour cette raison, l’Ukraine est devenue un lieu symbolique pour les néonazis de toute l’Europe. Le mouvement ukrainien se sent investi dans une mission qui est basée sur un projet paneuropéen qui lui est proche idéologiquement [4].

Soutien depuis la Suisse

Les mouvements militants de la droite ukrainienne exploitent dès le début du conflit leurs contacts internationaux, afin d’y trouver du soutien pour leur cause. C’est dans ce but qu’ils ont fondé des organisations de soutien, qui contribuent à leur combat avec des ressources financières, politiques et militaires. Une des organisations les plus importantes, la « Misanthropic division » a des sections dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest ainsi qu’en Amérique du Nord. Elle joue en rôle majeur dans le recrutement de combattants à l’étranger [5].

Bras dessus-dessous, Björn à droite avec 3 autres individus affichant le port de maillots aux "couleurs" "Misanthropic division", autour du "blason Azov"
Une bannière "Pride France" se distingue affichée sur le mur (en haut à droite), signature de Gamin, combattant MMA & Thomaz KOTS, hooligan Losc Army de Lille, tatoué skinhead néonazi, entrepreneur "sportswear", collaborateur de Blood and Honour Hexagone co-production de combats clandestins avec des concerts RAC.

 

En Suisse romande, une section locale de « Micanthropic Division » (MDS) [6] a déjà été créée au printemps 2014. « Björn Sigvald » est le dirigeant présumé de ce groupement, un néonazi fan de sport de combat depuis sa jeunesse, qui est connu à ce jour seulement sous ce pseudonyme. Björn Vita sert d’exemple du développement des membres de « Misanthropic Division ». À partir de son obsession pour les combats et ses contacts informels en Ukraine, se sont développés des réseaux personnels qui ont finalement débouché sur une participation active sur place.

Björn, le networker

« Björn Sigvald » est actif dans les mouvements d’extrême droite depuis environ dix ans et entretient de nombreux contacts internationaux à différents niveaux de la scène. Il a noué les premiers contacts importants par le biais des Hammerskins suisses. En 2011 il a été admis dans le « Hang-Around-Status » des Hammerskins Romandie [7]. À cette époque et les années qui suivent, il a assisté avec Joël « Pouppi » Moret et d’autres Hammerskins à des concerts et des manifestations de ce mouvement aux frontières de la Suisse et a fait de nouvelles connaissances [8]. Il a notamment rencontré Tomasz Skatulsky, organisateur de combats du milieu d’extrême droite et propriétaire de la marque Pride France [9].

Pouppi (g), Björn (2dg) et autres à Milan

Björn 2014 combattant à la Pride France

En octobre 2014, « Misathropic Division Suisse » a envoyé 800 francs  (suisses) à Azov, comme l’ont rapporté plusieurs médias [10]. Les contacts avec l’Ukraine se sont intensifiés. Des images publiées sur les réseaux sociaux montrent que « Björn » a entrepris des voyages en Ukraine depuis le printemps 2015, voire avant. À cette époque, il a aussi organisé une conférence sur la situation en Ukraine dans la région de Lausanne [11].

Björn et Skatulsky en randonnée

Après les premiers voyages, il a évoqué dans des chats l’idée d’acheter une maison dans les Carpates (Ouest de l’Ukraine). Il pourrait avoir vécu temporairement en Ukraine. Olena Semenyaka, ambassadrice d’Azov en Europe de l’Ouest, en parle dans les médias sociaux [12].
Selon des recherches du Blick, il a participé à des combats avec Azov. Parallèlement il a intensifié son activisme politique en Ukraine [13]. « Björn » a ainsi participé à une conférence paneuropéenne en 2017 et entretient différents contacts avec des défenseurs de l’idée paneuropéenne, en particulier avec Olena Semenyaka [14].

Björn prend Semenyaka – en robe noire “wednesday addams” et cheveux attachés, – en accolade sous la bannière croix celtique paneuropa bleu et jaune.

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Le point de départ affiché officiellement de l’expansion informationnelle du mouvement Azov dans le domaine de l’Europe occidentale doit être considéré comme la conférence Paneuropa, qui a eu lieu le 28 avril 2017 à Kiev sous les auspices du mouvement paneuropéen Reconquista fondé en 2015 sur le dos de volontaires étrangers de masse. soutien à la guerre de libération nationale dans l’est de l’Ukraine. Cette conférence, consacrée à l’idée de l’alternative à l’intégration européenne et à la coopération géopolitique, a réuni des représentants des forces politiques allégeantes françaises, italiennes, allemandes, suédoises, croates, polonaises, lituaniennes, lettones et russes soutenant un cap persistant vers la création d’un État souverain.

https://www.foiaresearch.net/sites/default/files/styles/body_large/public/2019-01/Alexei%20Levkin.jpg?itok=p9DQzPdX

Azov has long been trying to make connections with the French far-right. Steven Bissuel, leader of the GUD in the French city of Lyon, and far-right intellectual figure Pascal Lasalle, were invited to the 1st Paneuropa Conference in Kyiv alongside other European far-right figures in April 2017. The event aimed at promoting and building pan-European coordination in between national far-right movements like CasaPound (Italy), the GUD (France), Nordisk Ungdom (Sweden) and, of course, Ukraine’s National Corps.Steven Bissuel alongside National Corps’ international secretary Olena Semenyaka, hairstyle, in "wedeneday addams dress"  at the 1st “Paneuropa” Conference in Kyiv, April 2017Only a few weeks after that event, however, the GUD announced its dissolution. Its members, led by Bissuel, occupied an abandoned building in Lyon, creating Bastion Social. Inspired by the Italian movement “CasaPound”, the new organization quickly gained momentum and was operating six “far-right social centres” throughout France by July 2018.
Marc “Hassin” at a demonstration organized by Bastion Social in Aix-en-Provence, France

Marc “Hassin” at the inauguration of Bastion Social in Clermont-Ferrand, France, 14 juillet 2018


https://image.over-blog.com/ZaRwM1mv2tRcGM2m-VPPGae1NyQ=/filters:no_upscale()/image%2F0935939%2F20211211%2Fob_62c531_olena-semenyaka-002-marc-de-cacqueray.jpegAvec Marc (Mes Os Reims, Zouaves Paris, GUDS Paris, Ouest Casual, ...etc.) La coiffure cheveux lâchés, raie au milieu change mais la robe "wedenesday addams" que porte Olena en décembre 2019 semble identique à la robe déjà portée sous la bannière paneuropa a croix celtique en avril 2017

 

« Björn » soutient et s’entraîne aussi avec la milice ukrainienne C14 Sich Karpatska, qui est dirigée par Taras Dejak selon le modèle de Casa Pound [15]. Entre autres, C14 est crainte à cause des attaques contre les Sinti et les Roms [16]. Avec Dejak et une délégation de C14, Björn a visité en février 2019 le mémorial aux héros « Jour de gloire » à Budapest [17].

« Björn » a développé un large réseau de contacts en Ukraine. Il représente la Suisse dans le mouvement paneuropéen et recrute pour Azov en Suisse romande [18].

Le réseau

Les contacts intensifs entre la scène en Suisse romande, les régions frontalières françaises et l’Ukraine se sont probablement réalisés par le biais de deux domaines d’intérêts — la musique et les sports de combat.

2.d.g. Levkin, Ludovic Faure, Björn en Kiew

Au niveau musical, les groupes français « National Socialist Black Metal » (NSBM), « Kommando Pest Noire » (K.P.N.) et « Baise ma Hache » (BmH) jouent un rôle central. Ces groupes sont étroitement affiliés avec le groupe ukrainien NSBN « M8L8TH ». Le chanteur du groupe, Alexei Levkin, est une personnalité dirigeante d’Azov qui se déclare ouvertement membre de la jeunesse néonazie « Wotan Jugend » [19]. K.P.N a joué plusieurs fois aux festivals Asgardsrei coorganisés par Levkin à Kiev, où le groupe compte un grand nombre d’adeptes [20]. Le chanteur de K.P.N., Ludovic Faure, est aussi un ami de « Björn ». Ce dernier a joué en 2016 et 2017 en tant que guitariste lors du spectacle live et s’est fait tatouer le nom du groupe sur son ventre. Il apparaît aussi dans la vidéo du groupe « le dernier Putsch » enregistrée à Kiev et pose avec Levkin et Faure « Militant Zone-Store » [21], un magasin NSBM et de vêtements au centre de Kiev.

Björn, Levkin et Faure

Affiche festival Asgardsrei 2016

Le sport de combat est, avec la musique, un point de référence central du réseau. Tomasz Skatulsky et Joël « Pouppi » Moret, tous deux de vieux compagnons de « Björn », ont combattu plusieurs fois au « Reconquista club » en Ukraine [22]. « Björn » lui-même a participé aux « Days of Glory » organisées par Skatulsky en 2014 à Lyon. Les sports de combat en général sont très appréciés dans l’entourage d’Azov et servent de préparation pour la guerre. Azov entretient une sous-culture autour des sports de combat avec le soutien de Denis « Niktin », Kapustin et « White Rex » [23].

Avec l’adrénaline du terrain au front

Le combattant Azov « Björn » a été aperçu plusieurs fois dans sa région d’origine, ce qui indique qu’il se trouve de nouveau en Suisse. Avec Joël Moret et d’autres néonazis, il donne des cours de Mixed Martial Arts (MMA). Mais il ne se contente pas de donner des cours. Avec ses comparses de l’entourage d’« Autour du Lac », ils ont formé le groupe de hooligans « Swastiklan Valais » et organisent des « matchs de terrain », par exemple le 5 septembre contre le groupe de houligan bernois « Frontline » [24].

La composition de « Swastiklan » est un reflet du réseau transfrontalier de l’extrême droite. Ainsi deux néonazis ont soutenu le groupe : le légionnaire maxime Pomerat, qui fut présent en 2017 à Annecy aux « Force & Honneur » [25] et Marc de Cacqueray de Valménier, hooligan du groupe « mesOs » de Reims [26].

Maxime Pomerat à l’avant

Ce dernier a combattu dans les rangs de « Swastiklan ». Il dirige le groupe d’extrême droite « Zouaves Paris » et est considéré comme un poids lourd de la scène militante néonazie en France. On présume que ce dernier a aussi combattu en Ukraine [27]. Marc de Cacqeuray participe actuellement aux opérations militaires au Haut-Karabakh du côté arménien et, selon ses propres déclarations, il souhaite y installer un bataillon de volontaires [28]. Avec Joël Moret, les Suisses suivants font partie de la scène néonazie :

debout d.g.a.d : Gael Gonthier, Alexandre Golay, Yanek Vincent Czura, Maxime Pomerat, Marc de Cacqueray, Kilian Juillard, Lionel Stritt. agenouillé d.g.a.d : Jean-Marie Eggel, Noah Stucky, Joël Moret

Gaël Gonthier, Alexandre Golay, Yanek Vincent Czura, Kilian Juillard, Lionel Stritt, Jean-Marie Eggel et Noah Stucky. À souligner que Noah Stucky, issu des houligans du FC Sion de la « Street Society Oberwallis », s’est notamment rendu en mai 2019 à Thüringen au « Eichsfledtag » avec Nordulf Heise qui se cache en Suisse [29].

Noah Stucky em milieu – source : Pixelarchiv

Les néonazis expérimentés se montrent ambitieux. Ainsi, Skatulsky et Yanek Czura se sont battus samedi dernier, 31.10.2020, à Göteborg en Suède dans le « Kings of the Street (KOTS) Underground Fightclub » contre d’autres hooligans européens [30]. Yanek était accompagné de Gaëtan le Bris et de Joël Moret qui les ont amenés en Suède en voiture.

Annonce de Kings of the Streets

Source :
1 https://en.wikipedia.org/wiki/Azov_Battalion
2 https://www.spiegel.de/panorama/justiz/ukraine-deutsche-soeldner-heuern-bei-rechtsextremem-freiwilligenbataillon-an-a-1177400.html
3 https://www.opendemocracy.net/en/odr/look-far-right-and-look-right-again-avaz-batalion-neo-pagan-neo-nazi/
4 https://www.foiaresearch.net/event/paneuropa-conference
5 https://www.foiaresearch.net/organization/misanthropic-division
6 https://headtopics.com/ch/diese-schweizer-zogen-in-den-ukraine-krieg-blick-15157498
7 https://www.foiaresearch.net/person/bjorn-sigvald
8 photo Björn & Pouppi in Mailand
9 https://www.antifa.ch/kampfsportevent-aus-der-szene-fuer-die-szene-ein-braunes-remmidemmi/
10 https://www.bazonline.ch/ausland/europa/schweizer-neonazis-liefern-geld-in-die-ostukraine/story/13160853
11 https://renverse.co/infos-locales/article/bjorn-sigvald-le-neo-nazi-genevois-parti-combattre-en-ukraine-2739#nb10
12 https://www.blick.ch/news/schweiz/wie-gefaehrlich-ist-b-s-dieser-schweizer-neonazi-kaempfte-im-ukraine-krieg-id16056007.html
13 https://www.foiaresearch.net/event/paneuropa-conference
14 https://www.foiaresearch.net/person/olena-semenyaka
15 https://www.blick.ch/news/schweiz/wie-gefaehrlich-ist-b-s-dieser-schweizer-neonazi-kaempfte-im-ukraine-krieg-id16056007.html
16 https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2019/08/09/yes-its-still-ok-to-call-ukraines-c14-neo-nazi/
17 https://i2.wp.com/presse-service.at/wp-content/uploads/2019/02/budapest-tag-der-ehre-provokationen-bei-antifaschistischer-gegenkundgebung-2019-02-09-25-1024×683.jpg?ssl=1
18 https://www.foiaresearch.net/event/paneuropa-conference
19 https://www.foiaresearch.net/person/alexei-levkin
20 voir affiche Asgardsrei Festival 2016
21 https://en.wikipedia.org/wiki/Peste_Noire#Members
22 voir photo avec Björn, Levkin et Faure
23 https://radicalarchives.org/2020/05/09/nazi-ram-in-europe/
24 https://medium.com/@zaborona.media/fight-for-the-white-race-56b4fa64bef0
25 voir post Instagram Gruppa Of
26 voir photo Besucher „Force & Honneur“
27 https://www.bellingcat.com/news/2020/05/01/at-ukraines-asgardsrei-a-french-connection
28 Eluek, Moritz. Kampfsport in der extremen Rechten in Griechenland und Frankreich. In : Claus, Robert. Ihr Kampf. Wie Europas extreme Rechte für den Umsturz trainiert, ORT 2020 S. 172. voir aussi https://www.streetpress.com/sujet/1578306554-hooligans-neonazis-squattent-tribunes-stades-foot-extreme-droite-antisemites
29 https://twitter.com/RobertClaus13/status/1322126143806492672
30 https://twitter.com/HubertLeonore/status/1130413947276988416/photo/1 https://pixelarchiv.org/event/2019.05.18.leinefelde/1/085.jpg
31 https://kotsfights.com/