rassemblement RAC antiwokisme

Antisémitisme et antiwokisme : le cocktail haineux d’un concert néonazi près de Lyon
Cinq groupes néonazis sont au programme du festival clandestin « Rock antiwokisme » censé se tenir samedi 18 novembre en Rhône-Alpes. L’organisateur a été un chef de file du groupuscule dissous Blood and Honour. La tête d’affiche, Bunker 84, est connue pour ses morceaux à la gloire du Troisième Reich.
La région lyonnaise, devenue au cours des dernières années une place forte de l’extrême droite violente en France, s’apprête à accueillir un nouveau concert néonazi, samedi 18 novembre. Selon les informations de Mediapart et de Rue89 Lyon, la soirée clandestine, baptisée « Rock antiwokisme », réunira cinq groupes français et devrait attirer 100 à 200 spectateurs et spectatrices venu·es de toute la France et de pays frontaliers.
Pour éviter toute interdiction préalable, la localisation précise de l’événement, qui se déroulera sur un terrain privé loué pour l’occasion, sera communiquée à ses participant·es quelques heures avant l’ouverture des portes. Le droit d’entrée est fixé à 20 euros, réservable par mail et payable par virement bancaire sur le compte personnel de l’organisateur, Renaud Mannheim.
Ce dernier est une figure bien connue de l’extrême droite radicale dans le Rhône, ex-responsable de la section lyonnaise de Troisième Voie, le mouvement dissous en 2013 au lendemain du meurtre de Clément Méric, et ancien chef de file local de Blood and Honour, un réseau international de promotion de musique néonazie dont la division française a été dissoute par décret en conseil des ministres en juillet 2019. Trois mois plus tôt, le skinhead avait été auditionné à l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France.
Sollicité, Renaud Mannheim s’étonne que Mediapart s’intéresse à son « petit événement privé et confidentiel » et réfute toute visée « politique ». « Je ne cherche pas à faire de la propagande pure et dure. Je veux juste propager une musique patriote et faire une bonne fiesta », dit celui qui se définit comme « zemmourien », glissant avoir adhéré au parti Reconquête au moment de l’élection présidentielle de 2022.
Le blason bleu-blanc-rouge de son propre groupe de musique, Match Retour, laisse entrevoir ses orientations idéologiques : outre un ballon de football (il est habitué des travées du Groupama Stadium) et une chope de bière, il se compose d’un Totenkopf (tête de mort), insigne des unités SS chargées de la gestion des camps de concentration de l’Allemagne nazie, d’un poing américain, suggérant son appétence pour la violence, et de la devise « Lyon le melhor », cri guerrier de la ville au Moyen Âge repris par les supporteurs droitiers de l’Olympique lyonnais ou par Génération identitaire, mouvement politique dissous en 2021 et cofondé par Damien Rieu, désormais salarié de Reconquête.
« Le Totenkopf, c’est symbolique. Il y a un côté provoc’, rassembleur, car mon public, il est nationaliste, ultranationaliste, voire au-delà. Moi, je ne suis pas nazi pour un sou, même si je me fais inviter dans des concerts ouvertement nazis où ça fait des “Sieg Heil” même pendant ma chanson Le Beaujolais nouveau », expose le chanteur de Match Retour, qui s’était notamment produit, en mai 2022, lors d’un rassemblement à Sainte-Croix-aux-Mines (Haut-Rhin) en hommage à des SS français tués par l’armée française en 1945.
Le flyer de l’événement du 18 novembre, qui ne circule que dans un cercle restreint d’initié·es, montre un personnage masqué et vêtu de noir, posant les bras croisés devant un mur de briques où l’inscription suprémaciste « White Lives Matter » (« Les vies des blancs comptent ») supplante le slogan antiraciste « Black Lives Matter » (« Les vies des noirs comptent »). L’en-tête « Rock antiwokisme » souligne l’obsession de cette frange d’activistes envers les luttes progressistes, perçues comme un péril civilisationnel.
« Le wokisme, ça me prend aux tripes. On a l’impression qu’on essaye d’inventer une nouvelle société en l’espace de dix-quinze ans, qu’on veut tout mélanger, tout mixer, et moi, ça ne me convient pas », fait savoir Renaud Mannheim.
La tête d’affiche, Bunker 84, est un groupe incontournable de la scène rock anticommuniste (RAC) française dont 2024 marquera les quarante années d’existence. Jadis signée sur le label brestois Rebelles européens, la formation picarde était étroitement liée au Parti nationaliste français et européen (PNFE), un groupuscule néonazi, antisémite et xénophobe fondé par Claude Cornilleau, ancien de l’Organisation armée secrète (OAS) et du Front national (FN). Certains de ses militants ont été impliqués dans les attentats racistes commis contre des foyers de travailleurs migrants à Cannes et Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) en 1988 et dans la profanation de sépultures juives à Carpentras (Vaucluse) en 1990.
Apologie du nazisme et révisionnisme historique
Plusieurs morceaux de Bunker 84, tels Mein Kampf (livre d’Adolf Hitler), Nacht und Nebel (décret du Troisième Reich visant à faire disparaître par la déportation les opposants politiques) ou Victime des démocraties (un hommage à Rudolf Hess, dauphin du Führer), encensent les crimes nazis et prônent un révisionnisme historique. « Gloire à toi nationaliste, gloire à toi le skin NS, gloire à toi ô fasciste, gloire à toi Waffen-SS », dit le texte du titre Gloire à toi, singeant le Salut à toi des Béruriers noirs, groupe phare de la scène punk des années 1980.
Renaud Mannheim assure que « cette époque est révolue » : « Laurent [Carmagnac, leader de Bunker 84 – ndlr] ne chante plus ces chansons débiles en live, même si le public les lui réclame. »
Autres artistes programmés à la soirée musicale de samedi, les Niçois de Fraction, groupe de punk hardcore à l’idéologie nationaliste-révolutionnaire revendiquée. Son leader et bassiste, Fabrice Robert, dispose d’un long CV dans la mouvance identitaire : ancien conseiller municipal FN de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), puis militant du Mouvement national républicain de Bruno Mégret et d’Unité radicale (organisation dissoute en 2002 à la suite de l’attentat raté contre le président Jacques Chirac), il a fondé en 2003 le Bloc identitaire, renommé ensuite Les Identitaires, et fut notamment à l’initiative de l’« Apéro saucisson et pinard » de juin 2010.
L’ancien chanteur (1998-2007) de la formation est Philippe Vardon, ex-élu du Rassemblement national (RN) passé chez Reconquête, conseiller municipal de Nice et conseiller régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, intégré à l’équipe de campagne de Marion Maréchal pour les élections européennes. Il a été suppléé au micro par Pascal de los Rios, alias « Squale », un skinhead reconverti en coiffeur sur la Côte d’Azur.
Les membres du groupe – connu pour ses textes suprémacistes, antisémites et islamophobes – avaient été mis en examen en 1998 pour « complicité de provocations non suivies d’effets à des atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne » pour leur chanson Une balle (pour les sionistes) – décision judiciaire finalement annulée à la suite d’un vice de procédure.
L’emblème de Fraction est dérivé du logo du Front noir, qui représente l’union d’un marteau (l’ouvrier) et d’un glaive (le soldat), scission révolutionnaire et anticapitaliste du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP).
Le dernier album du groupe en date, Réveille-toi !, sorti en décembre 2021, soit quinze ans après le précédent, Europa, qui remontait à 2006, dénonce notamment la « dictature sanitaire » et le « grand remplacement ». Le single Terroristes, paru en octobre 2023, a été enregistré en collaboration avec Alain Perez, chanteur de feu Légion 88 (code qui correspond à l’abréviation HH – le H étant la huitième lettre de l’alphabet – pour « Heil Hitler »), un groupe historique du RAC français lié comme Bunker 84 au PNFE.
Fraction s’était produit, le 6 mai, dans la salle municipale Simone-Veil de Saint-Cyr-l’École (Yvelines) à l’occasion de la soirée clandestine organisée dans la foulée du défilé parisien en hommage au militant d’extrême droite Sébastien Deyzieu, auquel avaient participé deux prestataires réguliers du parti de Marine Le Pen.
Les trois autres groupes prévus à la soirée organisée samedi sont Skin Prost, des skinheads basés à Belfort ; Choc frontal, qui a enregistré, sous le nom de « Béhourd final », l’hymne de la Fédération française de béhourd, un sport de combat médiéval en armure prisé des adeptes de l’extrême droite ; et Boots and Creepers, originaire de Chambéry (Savoie).
Le chanteur de cette dernière formation, François Delagrande, alias « Frankreich », a plusieurs fois eu affaire à la justice. En 2017, l’ex-militant du groupuscule Edelweiss, émanation savoyarde du désormais dissous Bastion social, a écopé d’un rappel à loi pour sa participation à l’attaque d’un concert de la fédération anarchiste locale et, en 2020, il a été condamné à six mois de prison ferme après avoir roué de coups un jeune antifasciste.
Engagé au 13e bataillon de chasseurs alpins, il faisait partie des militaires de carrière épinglés dans l’enquête de Mediapart sur les néonazis dans l’armée française. Sollicité, le ministère des armées confirme aujourd’hui que « l’intéressé a été radié des cadres par mesure disciplinaire en 2020 ».
Le 28 octobre, François Delagrande a participé à un combat de boxe organisé par le club de motards Badass Motorcycle Club à La Bridoire (Savoie).
Son groupe Boots and Creepers se produit habituellement sur scène sous la bannière des États confédérés d’Amérique, symbole du suprémacisme blanc.
Les festivals de rock et les tournois d’arts martiaux mixtes servent d’espaces de radicalisation, de recrutement et de collecte de fonds.
Nicholas Potter, chercheur à la Fondation Amadeu-Antonio
Interrogé par Mediapart, l’historien Stéphane François, spécialiste des sous-cultures radicales, considère qu’un événement comme celui du 18 novembre est caractéristique d’« une sociabilité très skinhead, à base de concerts, d’alcool et de bières ». « Faire appel à des “anciens” comme Bunker 84 et Fraction permet un brassage de générations, de témoins, d’idées, c’est au cœur de leur mode de fonctionnement », complète le chercheur.
Ces manifestations sont jugées cruciales pour la sphère néonazie : dans un rapport sur l’état de la menace terroriste publié en octobre, Europol, l’agence européenne de police criminelle, note que ses activistes « accordent une grande valeur aux réunions physiques et aux activités de groupe ».
À l’occasion de son audition, en janvier, devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg, Nicholas Potter, chercheur à la Fondation Amadeu-Antonio, une ONG allemande qui lutte contre le racisme et l’extrémisme de droite, a mis en évidence le fait que « les festivals de rock et les tournois d’arts martiaux mixtes servent d’espaces de radicalisation, de recrutement et de collecte de fonds ».
De son côté, Renaud Mannheim minimise la portée de sa soirée : « La musique n’est plus vectrice de rassemblement comme avant. Il y a dix ou quinze ans, on aurait été 800 à participer. Ce ne serait plus le cas maintenant car les jeunes d’aujourd’hui sont plus portés sur la politique pure et dure, la rue, le sport. » L’organisateur déclare que les bénéfices récoltés sont principalement destinés à son groupe, « afin de faire des répétitions ou payer les instruments ». « On donne aussi aux prisonniers politiques », ajoute-t-il.
Au moins trois concerts interdits par l’État en 2023
Contactée pour savoir si, dans un contexte de multiplication des attaques de l’ultradroite et de recrudescence des actes antisémites liée à la guerre au Proche-Orient, elle prévoyait ou non d’interdire la tenue de l’événement du 18 novembre, la préfecture du Rhône indique brièvement à Mediapart : « Nous reviendrons vers vous si nous avons plus d’informations. »
Il n’est pas rare que des soirées néonazies clandestines aient lieu en France sur des terrains privés ou bien dans des salles communales louées sous des prétextes fallacieux. Au cours du premier semestre 2023, si certaines ont bien pu se tenir en Savoie ou dans l’Ain, l’organisation d’au moins trois d’entre elles a été compromise à la suite d’arrêtés préfectoraux.
En février, après les révélations de Mediapart, six préfectures de la région Grand Est ont interdit, sur instruction du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, le festival de black metal national socialiste « Night for the Blood ». L’organisateur et le lieu du concert, la salle polyvalente de Remomeix (Vosges), avaient été identifiés par les autorités, et le concert finalement annulé à la dernière minute.
En juin, la préfecture du Nord a proscrit le concert du groupe de rock identitaire Francs-Tireurs patriotes afin de « prévenir une atteinte à l’ordre public ». Les bénéfices de la soirée devaient être reversés à l’Association de soutien aux mouvements identitaires et patriotes (Asmip), une structure domiciliée à l’adresse du bar identitaire lillois La Citadelle.

Toujours en juin, selon les informations de Mediapart, la préfecture du Finistère a interdit l’événement néonazi annuel « La Crémaillère », dont la sixième édition était prévue dans un hangar agricole situé sur une propriété privée au lieu-dit Kerjaouen, à Rosporden. Les services de l’État ont identifié Ugo Heche, bassiste du groupe breton Mauvais Troquet, comme l’organisateur de ce concert où était notamment programmé Bunker 84. Dans son arrêté, le préfet relève que ce dernier groupe « fait l’apologie du national-socialisme et glorifie les skinheads en qualifiant ces derniers de “dignes successeurs des SA [Sturmabteilung, formation paramilitaire du parti nazi – ndlr]” ».


MaJ : Le rassemblement turbonazi autours de la musique skinhead RAC a bien eu lieu. Annulé dans un premier temps puis discrètement  relocalisé en dernière minute.

L’annonce de l’événement circulait dans un cercle très fermé. Le concert “Rock antiwokisme” devait réunir cinq groupes pour une soirée clandestine, samedi 18 novembre, dans un lieu tenu secret en région Rhône-Alpes. Un événement organisé par des militants affiliés à la mouvance néonazie, selon une enquête de Mediapart et Rue89 Lyon.

Deux arrêtés ont été pris par les préfets du Rhône et de l’Isère pour interdire la tenue de ce concert. Or, un rassemblement s’est bien déroulé dans un restaurant de Saint-Quentin-Fallavier, dans le Nord-Isère, organisé par les mêmes figures de l’extrême droite radicale.

Entre autonomie et embrigadement militant : les skinheads néo-nazis des années 1980-1990

Entre autonomie et embrigadement militant : les skinheads néo-nazis des années 1980-1990

Le meurtre de Brahim Bouaraam, un ressortissant marocain mort noyé dans la Seine, après y avoir été jeté pour des motifs racistes et homophobes par des militants d’extrême droite, le 1er mai 1995 à Paris, a sans doute été, par sa résonance politique et médiatique, le point culminant d’une longue série de faits divers, souvent meurtriers, qui ont jalonnés les années 1980-90 et qui ont été attribués à la catégorie, au demeurant floue dans sa définition, des « skinheads », recouvrant un large spectre d’opinions politiques allant de l’extrême droite néo-nazie à l’antifascisme radical représenté entre autres par les « Redskins ». La culture skinhead a été décrite avec raison par Michel Wieviorka, reprenant le sociologue britannique Mike Brake, comme « une sous-culture ouvrière, profondément marquée par une éthique puritaine du travail » et par l’opposition au mouvement hippie[1]. Cette partie du mouvement skinhead qui s’est arrimée politiquement à l’extrême droite française des années 1980-1990 peut toutefois être cernée avec davantage de précision. Pour cela, il importe de dégager les étapes de l’importation en France des phénomènes skinheads anglo-saxons, et ce qu’ils recouvrent alors en termes de radicalité et de violence. Une fois effectuée cette caractérisation des skinheads, il s’agit de dégager les aspects de militance politique pris par ce qui était un phénomène socio-culturel, venu s’enchâsser dans les formations des extrêmes droites.

Caractérisation du phénomène skinhead

Avant que d’être une affiliation idéologique, le fait skinhead doit être vu comme un phénomène subculturel transnational, à l’origine urbain, où la question de la violence participe de la norme comportementale.Le skinhead se revendique d’une culture de la violence mais aussi de la transgression. Il se distingue de la norme par ses codes vestimentaires (crâne rasé ou cheveux coupés ras, port du bomber et des chaussures montantes à lacets connues sous le nom générique de Doc Martens). Ceci étant, ces codes ne sont pas déterminés par l’idéologie mais sont étroitement liés aux origines sociales de la sous-culture qu’ils représentent, née dans la Grande-Bretagne ouvrière des années 1960 et unissant, à l’origine, de jeunes prolétaires blancs appartenant au phénomène des Mods à de jeunes Afro-antillais de même milieu, passionnés de musique ska et reggae[2]. C’est à la fin des années 1970 qu’avec la crise économique qui frappe l’Angleterre industrielle d’une part, et l’émergence d’un parti politique, le National front, fugacement sorti de la marginalité, que s’entérine la séparation définitive, au sein du mouvement skinhead, sur une base ethnique et politique, mais également musicale : la scène skinhead d’extrême droite se structure autour de l’archétype du Militant blanc [3], mais surtout du Rebelle blanc, adolescent ou jeune homme (ou, minoritairement, femme) qui revendique sa couleur de peau et son origine ethnique contre l’émergence des minorités visibles, endosse un racisme et un antisémitisme extrêmes dont l’action violente est une composante essentielle, et abandonne définitivement les musiques « non-européennes » pour deux styles propres : la Oi, un dérivé du punk rock[4] et le RAC ( « Rock against Communism »), qui est un dérivé politisé du précédent dans lequel les paroles glorifient non pas seulement la lutte anticommuniste mais surtout le « nettoyage ethnique » des villes britanniques, et la violence physique en général[5]. Pour autant, l’extrême droite n’a jamais eu une emprise totale sur le mouvement communément appelé skinhead, ni en France, ni ailleurs : le mouvement S.H.A.R.P. (Skinheads Against Racial Prejudice) notamment, rassemble des skinheads de même extraction ouvrière mais proches de l’extrême gauche ou des milieux libertaires. Ils sont souvent actifs dans les villes mêmes où sont leurs rivaux qu’ils surnomment, pour s’en démarquer, boneheads (crânes d’os). Ils sont restés musicalement ouverts aux styles des origines puis au punk. La division idéologique du mouvement skinhead donne lieu, dès les années 1980, à l’émergence de « bandes » rivales qui se disputent la maîtrise des territoires urbains par la violence[6].

De même que l’arrivée en France du phénomène skinhead d’extrême droite était une importation d’un phénomène britannique, et même anglais, la radicalisation idéologique de la scène française dans les années 1990 fut le résultat du transfert en Europe d’idées, de méthodes d’action et d’effets de mode venus des États-Unis. La première apparition publique importante des skinheads américains, lors d’un meeting du 7 octobre 1989 fédérant à peu près toutes les tendances de l’extrême droite autour d’une commémoration de la Confédération sudiste[7], avait montré la convergence, au moins partielle, des skinheads « White Power », des nostalgiques de la ségrégation raciale et de la nébuleuse connue sous le nom d’Identity Churches, sortes de dénominations religieuses sectaires professant l’idée de la suprématie de la race blanche voulue par la volonté divine et les Écritures, relues à la lumière de l’anglo-israélisme (pour lequel les Anglo-saxons sont les descendants des tribus perdues d’Israël) et de l’idée d’un christianisme débarrassé de toutes ses racines juives. Loin de n’être qu’une sous-culture marginale de la jeunesse, cette nébuleuse s’était organisée sous un modèle, la « résistance sans chef », qui prônait la lutte armée contre l’État fédéral, jugé illégitime et appelé ZOG, ou Zionist Occupation Government (gouvernement d’occupation sioniste).

Dès 1983-1984, de petites cellules étaient passées à l’action terroriste contre des agents fédéraux et des adversaires politiques. Elles étaient connues sous le nom de The Order, disposaient de leur manuel de passage à l’action pour déclencher une guerre raciale (le livre de William Luther Pierce, alias Andrew Macdonald, The Turner Diaries, publié en 1978) et d’une forme de mantra, les 14 Mots, formulés par le suprémaciste David Lane pour lequel « We must secure the existence of our people and a future for white children » (« Nous devons préserver l’existence de notre peuple et un avenir pour les enfants blancs »). Cet ensemble de concepts, mis en action, font qu’au milieu de la décennie 1990, les autorités fédérales et les associations du type watchdog, luttant contre le racisme (Anti-Defamation League ; Southern Poverty Law Center) estiment que les 3 500 skinheads recensés ont commis 22 meurtres depuis 1990. C’est précisément ce qui séduit des skinheads français.

En juin 1993, parait le premier numéro du bimensuel Terreur d’élite, « voix indépendante et radicale des nationaux-socialistes francophones ». En couverture de ce fanzine d’une qualité d’impression inhabituelle, cette phrase : « Juifs : lire cette publication vous transformera en abat-jour, en savonnettes ou en engrais. » Le ton de l’antisémitisme délirant est donné. Il est habituel chez les Hammer Skins, réseau skinhead américain dont l’emblème est le marteau de Thor et dont la branche française, éditrice du bulletin, se nomme Charlemagne Hammer Skins. Très hostile au Front national (le FN serait « le dernier bastion de la juiverie française »), proche du parti nazi transnational NSDAP/AO[8], elle est animée par Hervé Guttuso, un jeune Marseillais dont la précédente publication s’intitulait Neuvième Croisade. Ancien membre de Troisième Voie, puis de la section Prinz Eugen (du nom d’une division SS) du Parti Nationaliste Français et Européen (PNFE), Guttuso s’est formé au contact de l’American Front et des Chicago White Vikings lors d’un séjour outre-Atlantique. Il y a rencontré les animateurs de la revue Résistance, fanzine devenu un magazine en quadrichromie doublé d’une maison de disques, Resistance Records, dont l’audience est devenue mondiale (le numéro 1 du journal, en 1994, est tiré à 12 000 exemplaires). Idéologiquement, les Hammerskins américains défendent l’idée selon laquelle la résistance armée au pouvoir fédéral est légitime puisque, loin d’être l’émanation du peuple, le gouvernement serait aux mains des juifs qui assureraient leur mainmise sur le pouvoir politique, économique et médiatique, dans l’objectif d’éliminer la race blanche en promouvant le métissage généralisé. Dès lors, toute forme de résistance armée est juste et nécessaire, y compris le terrorisme[9], par des modes d’action souvent inspirés des Turner Diaries, traduits en français tardivement (1999) par Henri de Fersan, avec des illustrations de Chard, caricaturiste à Rivarol[10]. D’où ce surnom de ZOG (Zionist Occupation Government), qu’elle donne au gouvernement des États-Unis.

Cette théorie conspirationniste, qui se réfère souvent aux Protocoles des sages de Sion, débouche sur la conviction que le seul espoir de survie pour la race blanche réside dans la création de communautés aryennes vivant en autarcie dans des régions reculées (aux États-Unis, dans les montagnes Rocheuses et les Appalaches). À partir d’elles s’organisera la riposte violente au pouvoir en place, qu’un livre décrit en détail : les Turner diaries (1978), de William Pierce, leader du groupe américain National Alliance, sorte de bible des suprémacistes blancs. L’intention terroriste apparaît clairement dans Terreur d’élite : « Les cibles principales du révolutionnaire aryen doivent être en première priorité des cibles économiques, énergétiques, puis en dernier lieu des cibles humaines. Le paroxysme de la jouissance étant bien sûr de cumuler les trois facteurs à grande échelle » (n° 5, printemps 1995). La nouveauté dans le rapport à la violence est ici qu’elle est revendiquée dans sa dimension terroriste, comme dans la couverture du magazine skinhead nazi anglais The order (n° 10) qui montre un militant en train de manipuler des détonateurs. En France, le magazine de Guttuso suit le même chemin et celui qui lui succède, 14 Mots, indique clairement « nous devons tuer »[11].

Un nouveau bulletin confidentiel, Das Schwartze Korps (n° 2, 1995), franchit un pas supplémentaire en écrivant : « Nous, Blancs purs, ne reconnaissons aucun droit aux non-Blancs de quelque sorte qu’ils soient. Si, peut-être un seul, celui de crier dans la chambre à gaz quand on jettera le Zyklon B! ». Cette référence explicite au génocide nazi montre que les skinheads, tout en reprenant quelquefois les textes des historiens négationnistes sur la Shoah, ont plutôt tendance à en assumer et même à en valoriser l’existence. La montée en puissance de la tendance terroriste du mouvement skinhead néo-nazi sera toutefois arrêtée nette dès 1993 par la très forte volonté politique du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua et de son conseiller pour la lutte contre le racisme, Patrick Gaubert, suivi par ses successeurs : début 1998 Guttuso est arrêté à Londres, où il séjournait depuis 1996 chez les frères Sargent, animateurs de Combat 18, mouvement considéré par la police britannique comme responsable de meurtres racistes et ayant des intentions terroristes. En définitive, un juge d’instruction toulonnais fera écrouer neuf personnes mises en examen pour « incitation à la haine raciale et menaces de mort », notamment contre Anne Sinclair, Jean-François Kahn, Simone Veil et Patrick Gaubert[12]. Les Charlemagne Hammer Skins survivront à cette répression et perdurent jusqu’à ce jour[13], mais avec un fonctionnement plus discret, comme leur concurrent direct les Blood and Honour Hexagone[14] avec leur revue Signal 28, tous deux ayant pour activité visible essentielle l’organisation de concerts ou de tournois de MMA (mixed martial arts). La propension à la violence demeure : le 30 mars 2016, principalement en région marseillaise, onze skinheads néo-nazis ont été mis en examen après la découverte à leur domicile d’un stock d’armes.

Cette appétence pour la violence relève des actions des skinheads mais également de leur vision du monde, voire de leur caractérisation psycho-sociale.Dans son ouvrage sur les motivations de l’adhésion au Front national (FN)[15], Birgitta Orfali reprend la distinction faite par Michael Billig, dans son ouvrage sur les militants du National front britannique[16], entre le militant autoritaire et « l’homme de violence ». Ce dernier, mû par le ressentiment, « est ainsi dénommé car c’est la notion de lutte, de combat qui retient toute son attention. L’opposition violente à tout adversaire (individu ou groupe) le caractérise. L’antagonisme, le conflit sont les lieux par excellence qui définissent ce type ». Elle ajoute que ces hommes « vivent à l’heure de la psychologie des foules grâce au FN »[17]. Stéphane François a bien montré que ce type d’individu correspondait profondément au profil des militants des mouvements qui, aujourd’hui encore, appartiennent à la frange la plus radicale de l’extrême droite, celle qui refuse l’aggiornamento du FN et se manifeste par une activité particulièrement élevée dans la région des Hauts-de France, parfois sur le mode de ce que le même auteur appelle le « skinhead rural » [18].

Au-delà de la typologie sociologique et psychologique, le concept d’homme de violence s’est traduit, dans les décennies 1980 et 1990, par toute une série d’actions dont se sont saisies, non seulement les organisations antiracistes (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme ; Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples ; SOS-Racisme ; Ligue des Droits de l’Homme), mais aussi la presse locale et nationale, qui a ainsi donné une visibilité importante au phénomène skinhead néo-nazi. À bon escient d’ailleurs : en effet, la glorification continue de la violence physique, telle qu’elle figurait dans les publications skinhead de l’époque, accompagnée par l’affirmation de la supériorité ethnique blanche et un antisémitisme obsessionnel, avait de grandes chances d’aboutir à un passage à l’acte. L’accroissement des agressions imputables aux skinheads était déjà sérieux dans les années 1987-90 : en 1988, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) leur imputait 20 actions violentes sur 64 actes racistes répertoriés ; l’année suivante 16 sur 53. Il s’ensuivit une répression policière avec 70 arrestations en 1987.

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Le 29 mai 2023 vient d’être posée une plaque en la mémoire de Imad Bouhoud mais aussi de celle de James Dindoyal :Deux membres de la sphère néonazie avaient été condamnés. D’autres plaques avaient été placées par le passé pour Imad. Puis cassées

Il n’est pas possible de dresser ici une chronologie exhaustive des homicides commis par des skinheads néo-nazis sur la période. Pour ne citer que ceux au plus fort retentissement, on rappellera le meurtre, à Lille, d’un clochard par un proche du mouvement Troisième Voie (TV), en 1988[19]. En 1990 au Havre, une dizaine de militants locaux et parisiens du groupe Blood and Honour tue un jeune Mauricien, obligé par eux d’avaler de la soude caustique avant d’être jeté à l’eau. Les faits ne sont élucidés qu’en 1998 et les deux principaux mis en cause, Régis Kerhuel[20] et Joël Giraud, sont également des membres des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR). Puis, en 1995, David Beaune, 25 ans, est accusé du meurtre d’Imad Bouhoud, mort noyé, dans un bassin du port du Havre. Il est jugé par la cour d’assises de Rouen. Pour lui, le FN se trompe en voulant forcer les immigrés à quitter la France : il souhaitait construire pour eux des «camps de concentration et des chambres à gaz en Normandie ». « Maintenez-vous toujours cela aujourd’hui ? » lui demande le président lors de l’audience. Il maintient[21].

L’affaire est intéressante à un autre titre, celui de la persistance des comportements violents de l’auteur des faits, même après sa sortie du milieu skin : Beaune est de nouveau condamné en 2013 à un mois ferme pour menaces avec arme[22], sans circonstance aggravante de racisme. Ce qui n’est pas le cas pour Marc Grubica, ancien responsable du fanzine nordiste Tempête et Tonnerre, appréhendé en 2010 pour des dégradations commises contre la façade de la mosquée Salman-Al-Farissi, à Tourcoing et qui, à 43 ans, a déjà sept condamnations à son casier – dont une pour meurtre lors de sa période skinhead[23]. Enfin, le 7 janvier 1998, à Mortefontaine-en-Thelle (Oise, autre département de prédilection de la scène skinhead), Antoine Bonnefis, 18 ans, tue son beau-frère et un de ses amis africains. Il écope de 14 ans de prison sans que le mobile raciste soit retenu et les parties civiles sont déboutées.

Ce panorama serait incomplet sans citer deux événements. Le premier est la profanation d’un cadavre dans le cimetière juif de Carpentras (Vaucluse), en mars 1990. Imputé à l’influence culturelle du FN, cet acte, qui devint un événement de mobilisation fondamental dans la stratégie de mobilisation politique et associative contre le Front national, fut élucidé seulement en 1996, alors que l’un des auteurs, Jean-Claude Gos, skinhead de Denain (Nord) et membre du PNFE, était déjà décédé. Le second est exceptionnel parce qu’il est entièrement provoqué par la commande d’un média télévisuel peu scrupuleux (et disparu) qui, comme bien d’autres à l’époque, traite le phénomène skinhead sous l’angle du sensationnalisme : le 22 avril 1990 pour les besoins d’un reportage, une équipe de journalistes incite des membres des JNR, dont Joël Giraud, à agresser un Africain, Karim Diallo, sous les caméras des journalistes. Les mis en cause seront condamnés à 8 mois de prison avec sursis en janvier 1994 pour cette agression.

Certains de ces actes violents ont notablement influencé l’image de l’ensemble de la mouvance. Ce qui est devenu « l’affaire Bouarram » a connu un retentissement exceptionnel parce que les faits se sont déroulés en marge du cortège de Jeanne d’Arc organisé chaque premier mai par le Front national, dont le service de sécurité a d’ailleurs collaboré avec la police dans l’identification des agresseurs. Ils sont également emblématiques de trois dimensions du phénomène de la violence skinhead en France autour desquelles peut s’organiser la réflexion sur cette mouvance dans une période qui constitue son apogée.

La première est la dialectique de l’autonomie et du militantisme politique au sein du FN ou de groupuscules activistes plus radicaux : violents, ouvertement racistes, antisémites et même néo-nazis, réputés incontrôlables et hostiles à toute forme d’organisation sociale autre que celui de la « bande », les skinheads veulent-ils, peuvent-ils s’agglomérer durablement à une organisation hiérarchisée, voire à un parti impliqué dans le jeu électoral ? Seconde question : quelle est l’ampleur du phénomène, à la fois en termes de nombre de personnes concernées, d’influence politique sur le reste de l’extrême droite et de niveau de violence, symbolique ou physique ? Enfin, la catégorie « skinheads » a-t-elle un contenu clair ? N’est-ce pas en partie une construction, notamment médiatique, qui inclut à la fois des individus se revendiquant tels et d’autres qui y ont été rattachés pour des raisons liées à leur « look » (tout « crâne rasé » n’est pas un skinhead) ou à leurs idées – des skinheads ont milité aux Faisceaux nationalistes européens (FNE) ou au PNFE, mais ceux-ci n’étaient pas uniquement ni même prioritairement des mouvements skinheads ?

Deux éléments de réponse peuvent être avancés. Le premier est que les skinheads ont vite été repérés par les fondateurs du PNFE et dans une moindre mesure des FNE, comme le seul canal leur permettant d’étoffer de maigres effectifs et de dépasser la fonction de mouvements nationaux-socialistes orthodoxes, voire de cultes néo-nazis. Le second est que l’époque où ils apparaissent est plus largement celle où les medias découvrent le phénomène des « bandes urbaines » (skins mais aussi « zoulous » ou punks d’extrême gauche) et lui donnent une couverture qui n’est que bénéfice pour les groupes d’extrême droite. La police elle-même prend conscience du phénomène que les Renseignements généraux globalisent sous l’appellation « Violences urbaines ». Ils créent en 1991 une section spécialisée intitulée « Villes et banlieues ». Volens, nolens le phénomène skinhead s’est en tous cas polarisé à l’extrême droite, posant par là-même la question de sa possible structuration par les mouvements organisés de cet espace politique.

La mouvance skinhead et les organisations françaises d’extrême droite

Le mouvement skinhead politisé à l’extrême droite apparaît d’abord vers 1983-1984 et se signale lors de la fête de Jeanne d’Arc 1985 par la présence d’un groupe qui s’appelle « Les Amis de Barbie ». Il s’étend vraiment à partir de 1987, lorsque l’organisation Troisième Voie (TV), alors dirigée par Jean-Gilles Malliarakis[24], se rapproche des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) menées par Serge Ayoub. Avec le PNFE, ces deux groupes sont ceux qui ont voulu et réussi à recruter en milieu skinhead avec le plus de constance et de succès. Cependant, ils ont des précurseurs, figures individuelles qui ont généralement connu les skinheads politisés à l’extrême droite lors de séjours à l’étranger, en particulier en Grande-Bretagne, qui en deviendront des figures et qui prouvent que la culture skinhead est un article d’importation comme beaucoup de modes qui façonnent les sous-cultures de la jeunesse européenne. Les antifascistes radicaux publiant la revue REFLEXes, puis le site internet éponyme[25], et qui ont suivi avec une précision certaine la trajectoire des skinheads de la droite radicale, datent de 1983-84 l’apparition à Marseille de skinheads ayant séjourné en Grande-Bretagne et à la même période, celle à Tours d’un fanzine intitulé Bras tendu, édité par Olivier Devalez alias « Tod », une des figures historiques de la scène, mis au contact du British Movement lors d’un séjour à Londres. La même source affirme que Serge Ayoub (né en 1964), aurait adopté le « look » skinhead au retour d’un voyage outre-Manche. Enfin, une autre personnalité importante de la scène skinhead des premières années est un Britannique installé en France, Bruce Thompson, qui suivra Ayoub aux JNR et restera actif jusqu’en 1995 au moins[26].

La question est de savoir comment, et pourquoi, le développement des skinheads d’extrême droite en France, à cette époque précise, croise la route d’organisations politiques du même milieu et aboutit à ce que celles-ci cherchent à attirer des individus connus pour leur propension à la violence et dont le credo consiste à rejeter tout type de hiérarchie autre que le charisme naturel du chef de bande, généralement reconnu pour ses « faits d’armes », sans parler du fait que les skinheads, dont Thompson semble être le vétéran, étant trentenaire dans les années pionnières, ne souhaitent pas se donner de leader n’appartenant pas à leur génération.

C’est là qu’intervient la dialectique de l’autonomie et de la récupération. En 1983-1984, l’arrivée de la gauche au pouvoir trouve un Front national qui attire toujours des militants très radicaux, mais l’entreprise de marginalisation de ceux-ci, commencée par Jean-Pierre Stirbois, aboutit à la création de groupuscules qui se disputent le maigre espace existant à la droite d’un FN déjà jugé embourgeoisé. En 1989, Bruce Thompson déclare ainsi au fanzine Le rebelle blanc : « Le Pen est trop vieux, trop mou, trop riche »[27]. Les quelques mouvements qui existent à l’époque en dehors du FN ont un rapport de suspicion vis-à-vis de la violence politique. L’Œuvre française, de Pierre Sidos, est un groupe dont le chef a connu l’épuration puis la répression de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), il tient au respect de la légalité et dirige en outre son organisation, étroitement nationaliste française, d’une manière hyper-centralisée, tout en normant étroitement les comportements des militants (costume tenant de l’uniforme, défilés en rangs, chant du mouvement…) : les jeunes aux cheveux ras qui y militent ressemblent aux skinheads, mais n’en sont que très exceptionnellement. Le Parti Nationaliste Français (PNF), scission du FN opérée fin 1982 par les animateurs du journal Militant, militent pour un nationalisme européen racialiste qui recoupe davantage le slogan du White Power, mais outre qu’il est aussi légaliste, ses animateurs d’alors sont en majorité d’anciens du Parti Populaire Français ou du Francisme [28] ayant servi dans les rangs de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme ou de la Division Charlemagne et nés dans les années 1920 : le fossé générationnel est trop important. Serge Ayoub fondera en 1990 un éphémère Comité de base jeunesse, hébergé à l’adresse du local du PNF avec lequel il partageait la « défense de l’identité française face au cosmopolitisme », l’affirmation selon laquelle « la nation est avant tout une communauté de destin et de sang », inaccessible aux non-européens, l’« opposition au système », la démocratie étant décrite comme un moyen d’asseoir la domination des « grands financiers et des grands trusts », la « lutte pour la justice sociale » et la répudiation de la lutte des classes ; la « conscience européenne contre le mondialisme ». Ce rapprochement restera toutefois sans lendemain.

L’instrumentalisation la plus réussie du phénomène skinhead par des mouvements politiques d’extrême droite est le fait de deux groupes : Troisième Voie (1985-1992, réactivé en 2010-2013) auquel il faut ajouter les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR, 1987-2013)[29] et le PNFE[30], fondé en 1987 par un ancien militant de l’OAS et du FN, Claude Cornilleau, qui avait en 1983 réussi à se faire élire conseiller municipal de Chelles (Seine-et-Marne) sur une liste menée par un élu du Rassemblement Pour la République (RPR).

Troisième voie a été fondée en 1985 par Jean-Gilles Malliarakis sur des bases idéologiques nationalistes-révolutionnaires ou solidaristes ; il n’était pas un mouvement skinhead. Son slogan était : « Ni trusts, ni soviets » et outre un anti-sionisme affiché, il tenait à une Europe réunifiée et indépendante des blocs américain et soviétique. Le rapprochement opéré en 1986-1987 entre TV et Serge Ayoub, volontiers interviewé par les media et présenté comme la figure emblématique du milieu skin français, est une initiative de ce dernier, originaire de la classe moyenne parisienne à fort capital culturel, et déjà une figure de la scène skinhead depuis 1982 environ. Il est à la fois chef d’une bande (le Klan), qui se targue volontiers d’avoir le recrutement prolétarien, l’attitude violente et les objectifs anticapitalistes des Sections d’Assaut (SA) ; acteur du milieu hooligan politisé qui, à partir de 1984, s’installe dans la tribune Boulogne du Parc des Princes et qui s’engage dans des affrontements violents contre des personnes de couleur, des supporters des clubs adverses ou d’autres groupes de hooligans apolitiques ou antifascistes[31] ; et entrepreneur ouvrant en 1986 une boutique de vêtements brassant une clientèle de skinheads, hooligans et amateurs de marques anglaises que se sont appropriés comme dress-code une partie des jeunes d’extrême droite.

Le noyautage des supporters parisiens a débuté en septembre 1989 avec la création du groupe Pitbull Kop par Serge Ayoub. Leur prise en main par les JNR est allée de pair avec l’établissement de liens internationaux avec d’autres supporters d’extrême droite, comme ceux du « 0 Side » d’Anderlecht (Belgique) ou les Brigadas Blanquazules de Barcelone. Vers l984-1985, divers sous-groupes se sont constitués, tous influencés par les thèmes racistes et comprenant des skinheads, mais possédant chacun leur mode d’habillement et leur forme préférée d’affrontement : les « casual  », hooligans qui n’arborent plus l’allure skinhead et sont donc moins repérables de prime abord, se sont développés sous le nom de « Commando pirates », tandis que les Fire Birds, une cinquantaine d’individus formant la fraction la plus violente au Parc des Princes, ont choisi une stratégie d’affrontement contre la police et les supporters adverses.

Les JNR, dont Ayoub reste la figure tutélaire avec une longévité exceptionnelle ne se terminent qu’avec la dissolution de 2013 et la fermeture administrative de son quartier général parisien, Le Local. C’est une sorte de garde prétorienne composée d’éléments généralement issus des classes populaires, impliquée comme on l’a vu dans des agressions racistes sordides, dans lesquelles, à l’exception de la « ratonnade » télévisée évoquée plus haut, Serge Ayoub, bien que son nom ait souvent été évoqué après les faits, n’a jamais été condamné*

Serge Ayoub connaît bien les arcanes du monde judiciaire et les histoires de bagarres qui terminent mal. Ce fils de magistrate, qui a fait ses études secondaires au très bourgeois collège Saint-Sulpice dans le VIe arrondissement, est repéré assez tôt par les services de renseignement. 

Dans une fiche de juin 1993 que StreetPress s’est procurée, les RG déroulent son pedigree de skinhead violent.
- « Agression et propos racistes tenus à l’encontre d’élèves du Lycée Voltaire » (1983) ; 
- interpellation pour « port d’arme blanche » et « vol avec violence » (avril 1984) ; 
- « coups et blessures volontaires » (juillet 1984).
Son casier fait aujourd’hui (2018) mention de six condamnations légères.

https://www.streetpress.com/sujet/1536574128-serge-ayoub-parrain-meurtriers-meric

L’histoire des JNR comporte deux périodes : l’une court jusqu’à l’autodissolution du milieu des années 1990 et est celle de la violence débridée ; l’autre, de la reformation en 2010 jusqu’à 2013, est celle de la violence canalisée, et même de la tentative pour engager une nouvelle mouture de Troisième Voie dans davantage de visibilité publique, avec la présentation de candidats aux élections (2012), l’ouverture de locaux associatifs à Paris et à Lambersart (Nord) sous le nom à consonance régionaliste flamande de Vlaams Huis et la publication d’un journal intitulé Salut public.

Le mouvement est aussi le seul de la scène à avoir réussi à construire des ponts avec le milieu des « bikers » et l’un des rares à prendre la grande majorité de ses références idéologiques dans l’histoire de France, que ce soit chez les révolutionnaires les plus radicaux (Babeuf), les blanquistes et le syndicalisme-révolutionnaire, adoptant d’ailleurs comme emblème le faisceau des licteurs[32]le rattachant bien davantage à la Révolution française qu’au fascisme. La carrière des JNR et de Troisième Voie se terminera cependant dans la violence avec l’implication de plusieurs de leurs membres dans la mort du militant antifasciste Clément Méric, le 5 juin 2013. Une des questions essentielles qui se pose, au moment de dresser le bilan de l’activité violente des JNR, est celle de la facilité avec laquelle, des années 1980 à nos jours, les multiples groupes qu’a dirigés Serge Ayoub ou dont il a été proche, ont pu continuer à opérer en étant impliqués dans des faits très graves : en mars 2017 encore, il comparaissait devant le tribunal correctionnel d’Amiens en compagnie d’une quinzaine de membres du groupe picard White Wolves Klan (WWK), poursuivis pour des faits de violences, vols, séquestration et tentative de meurtre. Serge Ayoub a été relaxé.

Le PNFE n’a jamais disposé d’un porte-parole ayant les capacités communicationnelles de Serge Ayoub. Il a toutefois joué un rôle essentiel dans la socialisation politique des skinheads. Adepte d’un néo-nazisme orthodoxe qui s’exprime dans les colonnes de son journal, Tribune nationaliste, le PNFE décide, semble-t-il en 1988, de se lancer dans l’action violente et ce, de manière préméditée et concertée. Le 31 juillet 1988, le journal Globe est plastiqué. En novembre 1988 quatre policiers membres du parti participent au Château de Corvier (Loir-et-Cher) au congrès du PNFE. Ils y assistent à une démonstration sur la fabrication et l’utilisation d’engins explosifs et y apprennent que de tels engins ont déjà été utilisés lors de deux attentats encore inexpliqués, ceux du foyer d’immigrants du Cannet (9 mai 1988) et contre Globe (31 juillet 1988)[33]. Certains adhérents non-skinheads se rendent coupables, le 19 décembre 1989, d’un attentat contre le foyer Sonacotra de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) qui fait un mort et onze blessés. Cette affaire déclenche une vague de répression policière qui se traduit, début 1989 par une vague d’arrestations de 24 cadres (dont le président) et militants dont quatre policiers appartenant à la Fédération Professionnelle Indépendante de la Police (FPIP), un fait qui donne au PNFE la réputation d’être au moins aussi infiltré par des indicateurs qu’il dit avoir réussi à infiltrer la police. Le 5 juin 1990, son journal est interdit. Cependant le PNFE connaît une seconde vie à partir de son cinquième congrès, tenu le 3 avril 1993 en présence de John Tyndall, le président du British National Party (BNP) comme de néo-nazis allemands, et qui consacre sa fusion avec les FNE. Ce sursaut est dû, en bonne partie, au choix stratégique de Cornilleau ainsi résumé par Alain Léauthier dans le quotidien Libération du 2 août 1996 : « Adepte du marketing et de la communication, il [Cornilleau] a su donner à ses troupes le style et le ton qui manquaient aux concurrents : tenues de parade copiées sur celle des SA (sections d’assaut nazies), chants hitlériens, congrès événement, comme en 1989 au château de Corvier. Surtout, quand le phénomène s’est développé, Cornilleau a fait la cour aux skins rétifs aux longues séances d’endoctrinement mais amateurs de musique oï (rock des skinheads, ndlr), de bière et de bastons avec les “bronzés”, c’est-à-dire avec toute personne d’apparence non-européenne. Résultat : à son apogée, vers 1990, le PNFE compte plusieurs centaines de sympathisants dans toute la France. Il adopte une structure extrêmement décentralisée. Les sections locales sont très autonomes, ont leur fanzine[34]. Le PNFE s’implante dans le Nord, l’Ouest et le Sud-Est ».

Le mouvement attire à lui, précisément en raison de cette décentralisation, les groupes musicaux de skinheads d’extrême droite les plus en vue, généralement formés sur une base strictement locale. Le plus connu est Légion 88, dans l’Essonne, qui fera du nom du mouvement le titre d’une de ses chansons[35].

L’organisation satellise aussi de nombreux fanzines et leurs animateurs ainsi que plusieurs structures à but commercial dont la plus importante est, de 1987 à 1994, le label Rebelles européens, basé à Brest. Les CDs sont aussi vendue et des concerts, organisés, par une structure militante non-lucrative et amie, l’AME ou Association Musicale Européenne, basée dans les Bouches du Rhône). Vis-à-vis des militants ou des recrues potentielles, la musique est utilisée comme moyen d’endoctrinement : la plupart des fanzines publient des interviews de groupes de musique « oi ! », qui laissent peu de doutes quant à la motivation politique des chansons. Le groupe Bifrost, dénommé d’après un terme de la mythologie nordique désignant le pont qui relie le monde des hommes à celui des dieux, déclare par exemple que ses textes « véhiculent le sentiment de révolte face au capitalisme sauvage, hybride et apatride ». Ses références doctrinales sont Georges Sorel et Proudhon, Drieu La Rochelle et Doriot, ou l’écrivain néo-nazi français René Binet. Le groupe Baygon blanc se réfère à Rudolf Hess et Hitler[36]. Action dissidente, basé dans les Yvelines, a pour slogan : « Mort à ZOG [Zionist occupation government] et à tous les parasites de notre pays. » Dans les années 1984-1985 le groupe-culte Evilskins chantait : « le Führer est de retour, on va rallumer les fours, dérouler les barbelés et préparer le Zyklon B », ce texte sans ambiguïté constituant jusqu’à aujourd’hui un « tube » de la scène skinhead. Une partie de cette violence antisémite a pu se transformer en actes sous la forme de profanations de cimetières juifs, particulièrement en Alsace et Lorraine, tandis que celles de carrés musulmans des cimetières ont été nombreuses dans le Nord-Pas-de-Calais.

Une nouvelle catégorie de profanateurs a même vu le jour en 1997, lorsqu’a été violé un caveau du cimetière de Six-Fours (Var). Les auteurs, jugés en 2004, diffusaient la revue W.O.T.A.N. (Will of the aryan nation – volonté de la nation aryenne), « bulletin mensuel de rééducation » des CHS (Charlemagne Hammer Skin – nom choisi en référence à la division SS française), édité à Londres. Un des mis en cause avait été condamné, en 1997, pour avoir exhumé un corps dans le cimetière central de Toulon lors d’une sorte de rituel gothico-satanique. Courant de longue date aux Etats-Unis, le lien entre satanisme et néo-nazisme se retrouve en 2001 dans le procès de David Oberdorf, meurtrier en 1996 d’un prêtre haut-rhinois et dont l’un des mis en cause du Var avait été l’inspirateur[37]. À Rouen, la police arrêtera en mars 1995 les animateurs d’un fanzine nazi-sataniste, Deo Occidi, précurseurs du sous-genre musical connu sous le nom de National-Socialist Black Metal (NSBM), qui avaient formé une association nommée AMSG (Ad Majorem Satanae Gloriam), valorisant l’action terroriste. Sa charte stipulait en effet : « Tout terrorisme se pratique de manière individuelle sans engager la totalité du mouvement Black Metal (…). Chacun doit s’armer de manière individuelle en vue de combattre tout opposant. Tous les moyens devront être utilisés pour se procurer un armement légal et illégal »[38].

La réussite du PNFE dans la manière d’agglomérer les skinheads a évidemment eu un coût en termes d’image et hypothéqué finalement la pérennité du mouvement. Son journal est interdit en 1990, ses réunions militantes sont interrompues par la police[39]. Une réorganisation de l’appareil, en 1990-1991, voit le PNFE diversifier ses activités vers le soutien aux prisonniers politiques néo-nazis en France et à l’étranger via le COBRA (Comité Objectif Boycott de la Répression antinationaliste) créé par Olivier Devalez dans les années 1980 et animé par Rolf Guillou, un skinhead du Havre. À cette époque, le nombre de « prisonniers de guerre » que Devalez demande aux lecteurs de soutenir dans son fanzine L’Empire invisible[40] est de 37, en majorité américains. Les Français ne sont que 4, deux militants du PNFE inculpés dans l’affaire des attentats azuréens du Cannet et de Cannes, l’ancien militant frontiste Edouard Serrière, et Michel Lajoye, figure emblématique de l’activisme racialiste qui a rejoint le parti pendant son incarcération[41]. Le PNFE se lance également dans le soutien au négationnisme du génocide des juifs par l’intermédiaire de l’ANEC (Association normande pour l’Éveil du Citoyen) basée à Caen et fondée par Vincent Reynouard, qui adhère au parti et devient, jusqu’à ce jour, une icône de la seconde génération des auteurs négationnistes. Néanmoins dès 1995, l’activité militante semble fléchir dans les départements où le journal Le Flambeau « compte pourtant un nombre d’abonnés non négligeables, tels que les Alpes-Maritimes, la Seine-Maritime, certains départements bretons ou d’Ile- de- France »[42].

Le PNFE se désintègre lentement, malgré une tentative de revitalisation qui passe par l’importation en France d’un certain nombre de thématiques américaines comme la guerre ethnique : dans son avant-dernier numéro, son journal dresse un tableau apocalyptique des violences commises dans les « quartiers sensibles » par des personnes non-blanches et conclut : « seule une répression im-pi-to-ya-ble viendra à bout de la violence. Mais d’ici-là, vu l’état d’abrutissement dans lequel le régime a plongé la masse des veaux, beaucoup de sang aura coulé. Et la reconquête sera longue et douloureuse »[43]. Toutefois dans la surenchère idéologique et la promotion du passage à l’acte dans ce qu’il faut bien appeler la guerre raciale, le PNFE est déjà débordé.

Les organisations radicales ayant quelque difficulté à gérer les bandes skinheads, il va de soi que les relations de celles-ci avec le FN ne sauraient être monolithiques. Si les cortèges annuels de la fête de Jeanne d’Arc et d’autres manifestations frontistes rendaient visible la présence en queue de cortège (ou en marge de celui-ci) d’individus au « look skinhead », il faut garder à l’esprit que le concept de « partei-skin » (skin de parti), élaboré par l’historien et politiste Patrick Moreau pour désigner le skinhead inféodé à un parti organisé dans lequel il milite[44], n’a jamais été pertinent en France. D’une part, l’individualisme, le caractère provocateur et incontrôlable des skins les rendent inaptes à s’insérer durablement dans une structure politique hiérarchisée comme celle du FN. D’autre part, contrairement à une idée reçue, si la stratégie dite de dédiabolisation ne s’est imposée vraiment qu’à partir de 2011, lorsque Marine Le Pen a supplanté son père, elle n’était pas totalement inexistante auparavant : ainsi, outre que la double appartenance était interdite dans les statuts, le parti cherchait à exercer un contrôle étroit sur l’emploi de la force et de la violence, tâche dévolue au Département Protection Sécurité (DPS), placé sous le seul contrôle du président Le Pen. Les projecteurs s’étant braqués sur celui-ci, tout au long de la décennie 1990, au point qu’en 1999 il faisait l’objet d’une enquête parlementaire préludant à une éventuelle dissolution[45], le FN se devait de contenir les skinheads, de sorte que les relations entre le parti et eux étaient depuis longtemps très conflictuelles. Ainsi, lors du défilé FN du premier mai 1993, 32 skins furent interpellés sur dénonciation d’un responsable du DPS et c’est dans la « zone grise » alors constituée autour du Front national de la jeunesse (FNJ) et des nationalistes-révolutionnaires radicaux (notamment ceux d’Unité radicale[46]) que la jonction pouvait s’opérer, davantage d’ailleurs sur le mode du jeune « rebelle blanc » proclamant son appartenance ethnique face à la société multiculturelle que du skinhead proprement dit, en prélude en somme au futur phénomène identitaire des années 2000 à nos jours que Stéphane François analyse dans le chapitre 7 du présent volume.

Idéologiquement, la mouvance skinhead trouvait le discours de Le Pen beaucoup trop modéré. Elle ne comprenait pas la tactique de normalisation par le jeu électoral exposée par Hubert Massol, élu municipal du FN (depuis 1989) et président de l’Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain (ADMP), dans un fanzine skinhead finement intitulé Gestapo[47]: « Pour que les nationaux reviennent au pouvoir, ils doivent être de plus en plus présents dans le jeu démocratique qui leur permet d’exister, afin de le faire basculer en leur faveur et ensuite faire pression pour instaurer la Révolution nationale. » Subtilité que l’éditeur (Fabien Ménard, des Sables d’Olonne en Vendée, ancien militant du FNJ) de ladite publication récuse ainsi : « Comme notre présence les dérange, exprès nous serons toujours là et encore plus provocants. Notre but n’est pas de nuire au FN, mais rien ne doit nous empêcher de nous exprimer ». Cette affirmation donne la clé de l’attitude des skinheads lors des manifestations du FN : une sorte de complicité idéologique mâtinée d’une réelle aversion à fusionner de manière organisationnelle, ainsi qu’un refus de la « mise au pas » par le DPS, dans la rue. C’est Gestapo encore, orné en couverture d’un portrait d’Hitler, qui l’avoue au final : « Beaucoup critiquent le FN, mais il serait bon de s’apercevoir qu’en fait ce parti est le déclic pour notre peuple. Par la modération de son programme, il permet d’être écouté et de convaincre, apportant ainsi parmi notre grande famille des nationalistes d’innombrables sympathisants. » D’autres ont eu un avis plus tranché : dans son n°10, le fanzine Le Rebelle blanc affirme qu’il s’agit non seulement « d’un parti de corrompus » mais aussi qu’il est « infiltré par les sionistes »[48].

Conclusion

Les skinheads français ont constitué dans les décennies 1980 et 1990 un mouvement que des observateurs étrangers, ceux de l’Anti-Defamation League (ADL), estimaient entre 1000 et 1500 personnes en 1985-1986[49] et que le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme pour 1995 évaluait encore à un millier. Ils ont formé une sous-culture de la jeunesse séduite par un mode de vie au slogan apolitique (« bière, baise et baston », ou, dans la version du fanzine One Voice : « Oï, Sex and Beer »[50]) mais que certains groupes d’extrême droite ont tenté de radicaliser politiquement, à une époque où le Front national dépassait pour le première fois la barre des 10% des voix (1984) mais où les skins séduits par les idées nationalistes, voire racistes, le considéraient déjà comme une formation « bourgeoise ». Ne voulant pas s’intégrer durablement dans un parti politique d’extrême droite, les skins nationaux-socialistes, que d’ailleurs le Front national ne souhaitait utiliser que pour des tâches électorales (collages) ou de service d’ordre, ont constitué un vivier facile pour des groupuscules glorifiant la violence raciste voire le terrorisme (PNFE) qui s’est exprimé par un niveau exceptionnellement élevé d’actes violents visant les personnes de couleur et les personnes d’origine maghrébine. La réaction des autorités politiques, l’existence d’une législation antiraciste votée dès 1972 et renforcée en 1990, ainsi que la différence entre les lois française et américaine sur la détention des armes, ont sans doute permis que le passage au terrorisme soit évité.

L’internationalisation des liens entre skinheads, en particulier en direction de l’Europe de l’Est, notamment la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie après 1990, a donné une dimension transnationale à la violence de ces milieux. Les groupes musicaux voyagent, se produisent sur tout le continent. Les deux principaux réseaux, Hammerskins et Blood and Honour, sont par essence transnationaux et les concerts qu’ils organisent, y compris en France, drainent un public souvent venu des pays voisins (par exemple en Alsace-Lorraine, d’Allemagne et de Belgique ; en Franche-Comté, d’Allemagne et de Suisse). Cette dimension transnationale de la violence, tout comme le caractère d’importation des idées, des méthodes et même de la musique et de la mode, font du phénomène skinhead un mouvement en porte-à-faux avec le nationalisme français. Il s’agit en définitive d’un phénomène d’affirmation raciale dans l’optique d’une imminente confrontation du type « guerre urbaine »[51], entre Européens blancs et « allogènes », soit cette part de l’idéologie d’extrême droite qu’un FN intégré dans le système parlementaire ne peut plus assumer et qui continue, en 2017, à être l’horizon partagé d’une partie importante de l’extrême droite, avec toutefois un nombre de violences graves et d’homicides moins élevé que dans les années 1980.


Notes

[2] Cf. George Marshall  Spirit of ’69: A Skinhead Bible, Dunoon, S.T. Publishing, 1991.

[1] Michel Wieviorka, La France raciste, Paris, Seuil, 1992, ch. 10.

[3] Titre d’un fanzine publié au milieu des années 1990 dans les Bouches- du-Rhône par Mickael P., alors proche du Parti Nationaliste Français et Européen.

[4] Le terme « oi !» est une déformation, utilisée en argot anglais, de « hey you ».

[5] Cf. Timothy Scott Brown, «Subcultures, Pop Music and Politics: Skinheads and “Nazi Rock” in England and Germany », Journal of Social History, 2004, Volume 38, Number 1, p.157-173.

[6] Sur ce sujet, voir le documentaire de Marc-Aurèle Vecchione : Antifa, chasseur de skins (Résistance films, 2008) et pour une version diamétralement opposée celui produit par les proches de Serge Ayoub : Sur les pavés, (Autonomiste media, 2009).

[7] Voir Leonard Zeskind : Blood and Politics, the history of the White Nationalist Movement, Farrar, Strauss and Giroux, 2009, ch. 22.

[8] Fondé en 1972 par l’Américain Garry Rex Lauck, le « NSDAP Aufbau- und Auslandsorganisation » continue à vendre sur le net des ouvrages en français : https://third-reich-books.com/product-tag/francais/

[9] Des suprémacistes américains sont les auteurs de l’attentat contre un bâtiment fédéral d’Oklahoma City qui fit, le 19 avril 1995, 168 morts et 680 blessés.

[10] La diffusion de l’ouvrage a été interdite en France par arrêté du 21 octobre 1999 :  https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000197597

[11] 14 Mots n°1, n.d mais postérieur à juillet 1995, n.p.

[12] Cf. Libération, 18 février 1998.

[13] Voir leur site : http://www.hammerskins.net/fhs/

[14] Voir : https://28hexagone.wordpress.com/

[15] L’adhésion au Front national. De la minorité active au mouvement social, Paris, Editions Kimé, 1990.

[16] Michael Billig, Fascists: A social psychological view of the National Front, London: Academic Press, 1978.

[17] Op. cit, p. 202.

[18] Voir : http://www.slate.fr/story/85579/extreme-droite-radicale

[19] Le mouvement Troisième Voie, fondé en novembre 1985, se réclamait du nationalisme-révolutionnaire : voir la contribution de Nicolas Lebourg dans ce volume. Sa direction était composée d’anciens cadres du Parti des forces nouvelles (PFN) et du Mouvement Nationaliste-Révolutionnaire (MNR) menés par Jean-Gilles Malliarakis. Il attira toutefois, notamment à Lille, des éléments de la mouvance skinhead. C’est l’existence de ce vivier spécifique qui conduisit Serge Ayoub à créer en 1987 les JNR comme une structure destinée à regrouper les sympathisants skinheads de TV, qui disparaitra en 1991. Après cette date, les JNR sont définitivement une organisation autonome se réclamant tantôt du « solidarisme », tantôt du nationalisme-révolutionnaire », mais dont les militants sont bien issus du milieu skinhead et l’assument. Cf. Petrova Youra, « Les skinheads : solidarité de classe ou combat national », Agora débats/jeunesses, vol. 9, n°1, 1997, pp. 76-93.

[20] Kerhuel était le bassiste d’un groupe nommé Evil Skins, jusqu’en 1987. Il a affirmé lors de son procès avoir adhéré aux JNR. À l’audience Giraud a déclaré : «Aux JNR, on pouvait se permettre d’avoir une connotation raciste.» Cf. Libération, 18 octobre 2000.

[21] Libération, 12 décembre 1997.

[22] Ouest-France édition locale de Carhaix, 29 septembre 2013.

[23] La Voix du Nord, 26 mars 2010.

[24] TV a édité un bulletin mensuel, Troisième voie information [dir. publ. Philippe Cabassud], n°1, décembre 1986.

[25] Voir : http://reflexes.samizdat.net/. Si l’information factuelle contenue dans tous les numéros (désormais numérisés) à partir de juin 1986 est donnée dans un contexte militant avoué, du point de vue de la mouvance libertaire, et qu’elle doit être prise par  les chercheurs avec les précautions d’usage, puisqu’elle n’est pas toujours confirmable par des archives accessibles, elle n’en donne pas moins une trame historique fiable du mouvement.

[26] Cf. Libération, 4 mai 1995.

[27] Le Rebelle blanc, 1989, n.p.

[28] Le Francisme, fondé en 1933 par le héros de la guerre de 1914-1918, Marcel Bucard (1895-1946), a été le parti d’extrême droite le plus proche du Fascisme italien jusqu’à son tournant ultra-collaborationniste de 1943. Pierre Sidos, de l’Œuvre française, Pierre Bousquet, de Militant, en ont été membres. De même que l’adolescent Jean Mabire, selon l’ancien Franciste Antoine Graziani. Cf. Les visiteurs de l’aube, Chemise bleue, Volume, III, p. 458, Paris, Dualpha, 2009.

[29] Dissous tous deux par décret du 10 juillet 2013.

[30] Jamais dissout, le PNFE s’est mis en sommeil au printemps 1999. Le dernier numéro de son journal Le Flambeau (mai 1999), porte en couverture la photo de Bruno Mégret.

[31] Sur le hooliganisme : Nicolas Hourcade , « L’engagement politique des supporters “ ultras” français. Retour sur des idées reçues », Politix, vol. 13, n° 50, 2000, p. 107-125. Le hooliganisme constitue un objet d’étude séparé, dans la mesure où il a ses ressorts de mobilisation propres et n’a été utilisé par l’extrême droite que comme un vivier de recrutement.

[32] Symbole porté par l’escorte des magistrats de la Rome antique, ce faisceau a été repris sous une forme proche par l’Assemblée Constituante de 1790, comme allégorie du pouvoir dévolu au peuple. Le Fascisme italien l’a parfois repris sur ses monnaies.

[33] Voir L’Humanité du 2 avril 1990.

[34] À savoir : Walkyrie (pour les militantes); Niebelungen (groupe Thor à Metz); Le Marteau (Saint-Lô, groupe Thulé), Charlemagne (section Léon Degrelle, Nord-Pas-de-Calais); Le chêne (section Jacques Doriot, Seine-et-Marne); Le Glaive (section Roger Degueldre, région parisienne); L’if de Ross (Lyon); Liberté (groupe Odal, Marseille); Sang et Honneur (groupe René Binet, région parisienne); Ultime ralliement (Seine-et-Marne); Wikings (groupe Odin, Normandie). Le nom des sections souligne le poids de la mémoire de l’engagement sur le front de l’Est (Binet, Degrelle et Doriot y furent volontaires) et du néo-paganisme nordiciste, justement activé dans l’extrême droite française à cette période (cf. Nicolas Lebourg et Jonathan Preda, « Le Front de l’Est et l’extrême droite radicale française : propagande collaborationniste, lieu de mémoire et fabrique idéologique », Olivier Dard dir., Références et thèmes des droites radicales, Bern, Peter Lang, 2015, p. 101-138 ). Degueldre était quant à lui membre de l’Organisation de l’Armée Secrète, fusillé en 1962.

[35] Voir : http://wimpeez.tripod.com/id9.html

[36] Interview à Pitbull Zine, n° 4, 1993.

[37] Cf. Libération, 7 avril 2001.

[38] Voir : http://reflexes.samizdat.net/zik-zina-quand-la-musique-fait-boum/

[39] Cf. Le Flambeau n°15, août 1995, p. 22, qui rapporte le déroulement d’un solstice d’été à Paris, le 24 juin précédent.

[40] L’Empire invisible, n°11, janvier-février 1990, p.11. Devalez se présentait alors comme « organisateur national » du 33/5 ce qui, dans la numérologie du Ku-Klux-Klan américain, renvoie à la cinquième époque du mouvement, dont le théoricien était Robert Miles (1925-1992), partisan d’un Klan agissant dans le secret absolu, mystique dans le sens des Identity Churches.

[41] Michel Lajoye (1967) a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 18 ans pour avoir posé en 1987 une bombe dans un café du Petit-Quevilly, fréquenté par des Maghrébins. Il a été libéré en 2007 et a toujours prétendu avoir été manipulé par son complice, un démineur des services de police qui aurait été chargé de pousser l’ultra droite à commettre des attentats. Voir son livre : 20 ans, condamné à la prison à vie, Paris, Dualpha, 2002.

[42] Idem, p. 14.

[43] Le Flambeau, n°32, 1999, p. 12.

[44] Cf. son livre Les Héritiers du Troisième Reich, Paris, Seuil, 1994.

[45] Le DPS : service d’ordre du FN ou garde prétorienne ? Rapport n°1622 enregistré le 26 mai 1999, deux volumes, Les documents d’information de l’Assemblée nationale.

[46]Fabrice Robert, leader à partir de 1996 du groupe de rock nationaliste Fraction, cadre d’Unité radicale et élu municipal FN en 1995, avant de prendre la tête du Bloc identitaire en 2003, a rendu compte de ce qu’il appelle sa période « rebelle blanc » dans un texte intitulé « Retour sur un parcours politique personnel ». Cf : http://fr.metapedia.org/wiki/Fabrice_Robert_:_%22Retour_sur_un_parcours_politique_personnel%22.

[47] N°4, 1994.

[48] Non daté, sans doute publié en 1989-1990, ce fanzine est un des premiers à évoquer la nécessité d’importer en France « la lutte légitime des Palestiniens contre les occupants israélites ».

[49] ADL : The Skinhead International : A worldwide survey of Neo-Nazi Skinheads, 1994, p. 30.

[50] One voice (Segré, Maine- et-Loire), n°4,  n.d.

[51] Voir le fanzine Objectif survie, publié par Olivier Devalez, n°4, septembre 1985.

Néonazis, la toile d’araignée en Provence La tuerie d’Oslo met en lumière les radicaux de l’ultradroite. Enquête sur leurs réseaux régionaux.

https://www.laprovence.com/article/actualites/1272456/neonazis-la-toile-daraignee-en-provence.html

“Je serai étiqueté comme le plus grand monstre (nazi) depuis la Seconde Guerre mondiale.” Cette phrase figure en bonne place dans Une déclaration européenne d’indépendance – 2083, le document rédigé en anglais par Anders Behring Breivik.

Long de 1500 pages, ce texte a été posté sur internet peu de temps avant que celui que la police norvégienne qualifie de “fondamentaliste chrétien” massacre 76 personnes à Oslo. Breivik cultivait d’autres liens avec les nostalgiques du IIIe Reich, comme le montre son inscription en 2009 sur un forum néonazi suédois.

Conséquence, le jeune homme est d’ores et déjà considéré comme un héros dans les milieux les plus radicaux de l’extrême droite. Dès le lendemain de son arrestation, sa profession de foi était reprise par des centaines de sites, dont certains animés par des skinheads et des extrémistes basés dans le sud de la France.

La Provence et le Languedoc constituent en effet une place forte de cette mouvance. Enquête.

Les ultras de Carpentras

En 1990, la découverte de 34 tombes profanées dans le cimetière juif de Carpentras horrifie la France. Six ans plus tard, quatre des auteurs sont arrêtés : il s’agit de skinheads néonazis. L’un d’eux fait partie du PNFE, un groupuscule créé en 1987 par un dissident du Front national.

À la même époque, huit nostalgiques du IIIe Reich sont interpellés dans le Var : ils seront condamnés pour avoir diffusé une revue incitant à la haine raciale et profanation de tombes.

L’axe Aix-Montpellier

Les néonazis présents dans le sud de la France sont essentiellement des skinheads. Ils sont tout au plus quelques dizaines et généralement liés aux mouvances “White Power”, “Blood and Honour”, “Combat 18” et “Hammerskins”.

“Dans les années 90, la branche française des ‘Charlemagne Hammerskins’ était dirigée par Hervé Guttuso, un Marseillais qui s’est réfugié à Londres pour échapper à la police et qui a été condamné à 4 ans de prison en 2004”, rappelle le Groupe d’informations antifascistes Reflex(es). Difficiles à situer, ces activistes sont toutefois principalement implantés dans les Bouches-du-Rhône. Ils se retrouvent à Aix et dans l’agglomération de Montpellier.
Loin d’être isolés, ils sont connectés à des groupuscules semblables dans le reste de la France et à l’étranger, comme le montre la cavale de Jérémy Recagno, condamné pour des agressions racistes à Aix et à Salon (voir ci-dessous).

Des Marseillais photographiés lors d'un "R.A.C.", concert de "rock against communism", organisé par des skinheads. Outre le salut nazi, les trois doigts levés sont une référence au IIIe Reich.

Des Marseillais photographiés lors d’un “R.A.C.”, concert de “rock against communism”, organisé par des skinheads. Outre le salut nazi, les trois doigts levés sont une référence au IIIe Reich. Photo Archives

Régulièrement, les néonazis sudistes organisent clandestinement des concerts de “R.A.C.”, le “rock against communism”. L’un d’eux a eu lieu durant l’été 2009 dans la campagne aixoise. Monté par la section du Languedoc de “Blood & Honour”, il a attiré une centaine de personnes. Parmi les groupes présents, on trouvait Fraction, créé en 1994 dans la région niçoise par les futurs responsables du Bloc Identitaire (1), Fabrice Robert et Philippe Vardon.

Front national, les liaisons dangereuses

Depuis la scission de la fin des années 90 avec les mégretistes, puis le départ en 2005 du maire d’Orange Jacques Bompard, le Front national affirme avoir coupé avec les durs de l’extrême droite. Un discours revendiqué avec encore plus de force depuis l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti créé par son père. Dans les faits, on constate que le FN s’est rapproché en 2008 du Bloc Identitaire, dont des adhérents figuraient parmi ses candidats lors des municipales à Marseille.

Plus récemment, lors de la campagne des dernières cantonales, le responsable de la fédération des Bouches-du-Rhône, Laurent Comas, était assisté par un ancien skinhead néonazi : en 2004, ce dernier a été condamné à 2 ans de prison pour détention d’armes de guerre et d’éléments entrant dans la composition de bombes artisanales. Confronté à ces informations, Laurent Comas a tenté de minimiser l’affaire, en se désolidarisant de celui qui était jusqu’alors son bras droit sur le terrain.

(1) Créé en 2002 lors d’une réunion à Salon après la dissolution d’Unité Radicale, le groupuscule dont faisait partie le jeune homme qui a tenté d’assassiner Jacques Chirac durant le défilé du 14-Juillet.

PNFE: néonazis à la française

L’Histoire a parfois de cruels retours de bâton. Au fil des ans, Jean-Marie Le Pen avait fait de la profanation du cimetière juif de Carpentras le sujet d’une inlassable croisade. Mais, avec l’arrestation et les aveux de quatre anciens skinheads, dont deux ont été membres du Parti nationaliste français et européen (PNFE), l’implication de milieux d’extrême droite ne fait plus guère de doute. Le parti de Jean-Marie Le Pen l’a d’ailleurs bien compris, s’empressant d’assurer dans un communiqué que «le groupuscule évoqué n’est en rien proche du Front national».

La réalité est plus complexe: si les deux organisations diffèrent aujourd’hui sur nombre de points – radicalisme, effectifs, stratégie électorale – le PNFE n’en est pas moins un enfant du FN. A la fin des années 70, en effet, alors que le parti de Jean-Marie Le Pen n’est lui-même encore qu’un groupuscule, certains de ses membres constituent une petite tendance autour de la revue Militant, qui fut un temps l’organe officiel du FN. On y retrouve d’anciens soldats SS, dont Pierre Bousquet (premier trésorier du parti de Jean-Marie Le Pen). Mais aussi Claude Cornilleau, un traducteur d’une quarantaine d’années, nostalgique de l’Occupation. Souvent proche des thèses néonazies, ce petit noyau d’irréductibles finit par quitter le Front national à la fin de 1981, estimant que Le Pen était «devenu un jouet entre les mains des sionistes».

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Après quelques tergiversations, Claude Cornilleau – qui, entre-temps, a réussi à être élu conseiller municipal RPR à Chelles ! – fonde, en 1987, le PNFE, un groupuscule ouvertement néonazi. Défilés paramilitaires au château du Corvier, uniforme brun frappé d’un brassard rouge rappelant celui des SA, publications, comme Le Flambeau, ouvertement antisémites : le PNFE regroupe entre 50 et 200 militants, souvent très jeunes. «C’est le seul parti à avoir été capable d’intégrer durablement des skinheads», explique Jean-Yves Camus (1). Le parti de Cornilleau vient par ailleurs de recevoir le renfort des troupes de Mark Fredriksen, ancien candidat du Front national aux législatives de 1978 et fondateur de la Fane, un groupuscule néonazi dissous au début des années 80.

Les ponts ont été coupés avec le Front national depuis longtemps, même si, cette année encore, de jeunes militants du PNFE distribuaient des autocollants en queue du cortège de la fête Jeanne-d’Arc. C’est plutôt à la rubrique faits divers que ce groupuscule néonazi fait parler de lui: le PNFE a en effet été mêlé aux attentats perpétrés contre des foyers Sonacotra de la Côte d’Azur, dans les années 80, même si ses dirigeants ont finalement été blanchis. La culpabilité de deux anciens membres de ce parti dans la profanation de Carpentras ne manquera sans doute pas de reposer une nouvelle fois la question de son éventuelle dissolution.

(1) Auteur des Extrémismes de l’Atlantique à l’Oural (éd. de l’Aube/Cera).

Le PNFE, groupuscule néonazi français

https://www.liberation.fr/evenement/1996/08/02/le-pnfe-groupuscule-neonazi-francais_180498/

«France d’abord, blanche toujours»: depuis sa création en 1985, le Parti nationaliste français et européen(PNFE) n’a pas changé de programme. Le principal groupuscule néonazi français, que des rumeurs donnent pour dissous, s’arc-boute sur les thèses du racisme biologique, abhorre la démocratie et le capitalisme cosmopolite. Il a fait du «lobby juif mondial» son ennemi obsessionnel, comme en témoigne la lecture de sa revue le Flambeau. Ancien du Front national et de l’OAS, le fondateur et «idéologue» du mouvement, Claude Cornilleau, a laissé la présidence à Eric Sausset du groupe Thor de Saint-Lo (Manche), pour des activités commerçantes ou commerciales?

Au milieu des années 80, Cornilleau a su attirer les militants nationalistes frustrés par «l’embourgeoisement et le parlementarisme» du FN. Le manque de dynamisme d’autres groupuscules de l’extrême droite révolutionnaire néonazie lui a ouvert l’espace qu’occupait, à la fin des années 70, l’ex-Fane (Fédération d’action nationale et européenne) de Marc Frédériksen c’est les bons accents? ­ qui a rejoint le PNFE avec une dizaine de militants. Adepte du marketing et de la communication, il a su donner à ses troupes le style et le ton qui manquaient aux concurrents : tenues de parade copiées sur celle des SA (sections d’assaut nazies), chants hitlériens, congrès événement, comme en 1989 au château de Corvier. Surtout, quand le phénomène s’est développé, Cornilleau a fait la cour aux skins rétifs aux longues séances d’endoctrinement mais amateurs de musique oï (rock des skinheads, ndlr), de bière et de bastons avec les «bronzés». De toutes origines. Résultat: à son apogée, vers 1990, le PNFE compte plusieurs centaines de sympathisants dans toute la France. Il adopte une structure extrêmement décentralisée. Les sections locales sont très autonomes, ont leur fanzine. Le PNFE s’implante dans le Nord, l’Ouest et le Sud-Est. Avec ses milliers de rapatriés, ses nouvelles populations ultrasécuritaires, les problèmes de chômage et de racisme, la Côte d’Azur est un vivier de militants. Et un joli terrain d’actions. Cornilleau et ses amis seront lourdement soupçonnés d’avoir, au minimum, inspiré les attentats commis en 1988 contre des foyers Sonacotra de Cagnes-sur-Mer, par une bande de Pieds Nickelés sympathisants ou militants du mouvement. Malgré l’avis du parquet de Grasse, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ne retiendra pas leur responsabilité.

On avait pu, alors, vérifier les tentatives réussies d’infiltration du monde policier, notamment à travers l’ultradroitière Fédération professionnelle et indépendante de la police (Fpip).

Depuis peu, le PNFE semblait en panne, déchiré par les traditionnelles querelles groupusculaires. Il est à son tour dépassé sur sa droite par une kyrielle de sous-groupuscules se voulant encore plus hétérodoxes, plus skins, plus blancs. C’est le cas des Charlemagne Hammer Skins, dont on parle beaucoup à propos des auteurs de la profanation de Carpentras. Branche française autoproclamée de la Nation Hammer Skin, le groupe est dirigé par un skin marseillais, Hervé Guttuso, tombé amoureux des suprématistes blancs américains lors d’un séjour aux Etats-Unis. Il possède un site Internet et la boîte postale de son fanzine, 14 Mots, Bulletin de liaison des authentiques Aryens révolutionnaires, est domiciliée à Saint-Maries dans l’Idaho, fief des milices américaines d’extrême droite les plus radicales. On peut y lire, entre autres perles: «La Torah interdit aux juifs la pratique de la sodomie. Etonnant de la part d’un peuple qui encule le peuple blanc depuis des millénaires.» Comme le PNFE et la plupart des organisations néonazies, Guttuso est très surveillé par les services de police. Il avait été entendu pour des menaces proférées contre la famille de Patrick Gaubert, l’ancien conseiller de Charles Pasqua .

Le PNFE, la frange néo-nazie de l’extrême droite française

https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=19960801&article=984422&type=ar

Le Parti nationaliste français et européen (PNFE), dont les cinq personnes interpellées hier seraient proches appartient à la frange la plus radicale, ouvertement néo-nazie, de l’extrême droite française. Le PNFE existe officiellement depuis 1987, à la suite d’une scission du Parti des forces nouvelles (PFN), un autre groupuscule de la même mouvance. Son fondateur, Claude Cornilleau, est un vieux militant d’extrême droite, passé par l’OAS durant la guerre d’Algérie. Agé de 60 ans, il avait été écroué à la fin des années 1980 dans le cadre d’une enquête sur un attentat meurtrier contre un foyer Sonacotra de Cagnes-sur-mer. Il avait ensuite bénéficié d’un non-lieu. Un fichier du PNFE saisi durant l’enquête avait fait apparaître les noms d’une centaine de militants. Claude Cornilleau n’hésitait pas alors à se faire photographier en chemise brune, en train de faire le salut nazi, entouré de jeunes gens aux cheveux courts arborant des brassards et des boucliers ornés de croix celtiques.

PNFE, le retour

https://reflexes.samizdat.net/pnfe-le-retour-2/

Article publié en octobre 1993 dans le n° 40 de la revue REFLEXes)

PNFE-le-retour1

Depuis l’attentat du foyer Sonacotra de Cagnes-sur-Mer, dans lequel étaient impliqués certains de ses membres, et les arrestations et la détention de ses principaux dirigeants fin 1989 (voir Réflexes n° 23-24 et n° 25-26), le PNFE n’avait plus beaucoup fait parler de lui, entamant une traversée du désert ponctuée par les départs de cadres et de militants, par l’interdiction de ses manifestations publiques et de son journal Tribune nationaliste. Il semble aujourd’hui que cette période soit terminée, le parti de Cornilleau ayant été réorganisé au niveau interne et connaissant une nouvelle vague d’adhésions dont notamment celle d’une vieille figure de la scène néo-nazie française, Michel Faci (voir portrait). Un renouveau confirmé par le développement de liens privilégiés avec plusieurs groupes néo-nazis internationaux et la tenue de son 5ème congrès le 3 avril 1993 où a été annoncée la fusion des FNE (Faisceaux nationalistes européens) de Mark Frederiksen avec le parti de Cornilleau. Un congrès significatif à plus d’un titre puisque y a été exposée la future stratégie du PNFE.

Résumé des chapitres précédents : créé en 1987 par Claude Cornilleau (un ex-membre du FN), le PNFE PNF (bis) —ne pas confondre avec PNF (marque déposée antérieurement chez Militant and Co)— se fait très vite remarquer par son discours violemment raciste et antisémite, l’intérêt qu’il porte au mouvement skinhead et le port d’un uniforme (chemise brune de préférence). Très vite, il attire les déçus du FN, les rasés, et les nazis pur sucre. Mais son ascension est brutalement stoppée au milieu de l’année 1989, quand des militants niçois de son organisation, Michel Gouge et Gilbert Hervochon, sont arrêtés à la suite de plusieurs attentats sur la Côte d’Azur, attentats qui feront un mort. À cette occasion, on a découvert que le PNFE avait créé un réseau néo-nazi dans la police par l’intermédiaire de policiers membres de la FPIP, syndicat d’extrême droite.
Du coup, les principaux dirigeants du PNFE, son président Cornilleau, son secrétaire général Allouchery et l’inspecteur Lecanu sont interpellés et incarcérés ainsi que plusieurs militants.
Après 5 mois d’incarcération, c’est d’un PNFE moribond que Cornilleau reprend la direction. Une situation aggravée par la démission fin mai 1989 de Allouchery (sorti de prison avant son chef). Il explique son départ par un changement radical de ses conceptions politiques puisqu’il proclame être devenu, au contact de la prison, «un militant révolutionnaire anti-impérialiste, anti-capitaliste» bien évidemment opposé au néo-nazisme de son ancienne organisation.
En fait, plus prosaïquement, il semble que, profitant de l’incarcération de son chef, il a tout simplement, avec la complicité de sa petite amie Christelle Duguet, la responsable du cercle féminin du PNFE, empoché le fric des cotisations et du soutien financier des militants et sympathisants. Fric dont il se serait servi pour s’acheter une voiture et partir en vacances. Il faut ajouter des soupçons portant sur les relations d’Allouchery avec la police. En clair, il aurait balancé. Depuis, il serait parti outre-mer.
Autre départ forcé, celui de l’inspecteur Lecanu, viré de la police, reconverti depuis dans le gardiennage pour une société privée de sécurité dirigée par d’anciens militants d’extrême droite (on ne se refait pas).
Au niveau des militants, c’est la fuite de ceux qui s’auto-proclamaient les plus durs et les plus purs, à force de croix gammées dans leurs zines, et de la tendance skin «mytho-bière».

Réorganisation du mouvement

Dans un premier temps, Cornilleau réorganise la direction en nommant Michelle Dall’ara secrétaire nationale et son mari Alain trésorier (deux transfuges du RPR), et en s’entourant d’une équipe de jeunes comme Olivier Revet, Marc Nicoud de Lyon, Philippe Debonnet de Metz et Erik Sausset de Caen.

Michel Faci, Claude Cornilleau et Eric Sausset

Michel Faci, Claude Cornilleau et Eric Sausset

Pour pallier à l’interruption du journal, Ultime Ralliement, la revue du groupe Horst Wessel devient la « lettre de combat » du parti. Au niveau des activités, le PNFE s’investit dans le soutien aux prisonniers nationalistes en réactivant le COBRA (Comité Objectif Boycott de la Répression antinationaliste) créé par Olivier Devalez dans les années 1980 et dont le nouveau responsable est Rolf Guillou, un skin du Havre et ancien responsable du service d’ordre des FNE, et en créant un comité de soutien à Aruni et Lajoye, deux activistes d’extrême droite responsables de plusieurs attentats dans la région de Caen, dont l’assassinat d’un épicier maghrébin. Lajoye, ayant adhéré depuis au PNFE en prison, est devenu le « héros » de toute une partie de l’extrême droite néo-nazie pour ses actions et ses écrits abondamment publiés, notamment dans l’Empire invisible, le bulletin de la branche française du KKK.

Autre activité du PNFE, le soutien au courant révisionniste par l’intermédiaire de l’ANEC (Association normande pour l’Éveil du Citoyen) basée à Caen et dirigée par un élève-ingénieur, Vincent Reynouard, qui se fait très vite remarquer en diffusant des tracts révisionnistes sur le campus de la fac. Dès lors, il grimpe dans la hiérarchie du parti jusqu’à en devenir le secrétaire général à la place de Michelle Dall’ara (qui a quitté le Parti avec son mari, là encore pour «divergences politiques»), lors du 4ème congrès du PNFE en mars 1991. Cette nouvelle année commence par ressembler aux précédentes. Interdit de défilé Jeanne d’Arc en 1990 par le préfet de police, le PNFE a beaucoup de mal à organiser des réunions publiques. La création d’une association des Amis de Tribune Nationaliste vise alors à contourner ces interdictions. La seule réunion qui est organisée le 21 avril dans un restaurant de l’Aisne et qui réunit une cinquantaine de militants, est troublée par la gendarmerie. Les mauvaises nouvelles s’accumulent, c’est l’interdiction de publicité et de vente aux mineurs de TN, puis la suppression de sa commission paritaire, ce qui signifie l’interdiction de fait de la parution du journal ; enfin, en septembre, le procès intenté contre son tout nouveau secrétaire Vincent Reynouard (qui quitte le PNFE mais continue ses activités révisionnistes). Ces nouveaux ennuis entraînent une nouvelle réorganisation du parti. Erik Sausset remplace Reynouard, tandis que Yannick Jordan est nommé responsable pour l’Ile-de-France. Mais une fois de plus, ce sont les médias qui provoquent le retour du PNFE au premier plan, en décembre 1991, grâce à une émission de télé consacrée à l’extrême droite en France, animée par Daniel Bilalian. Plusieurs groupes peuvent s’y exprimer sans retenue et notamment le PNFE, par l’intermédiaire de Cornilleau, Sausset et Jordan. Résultat, les adhésions ne tardent pas à suivre, tandis que le journal du parti reparaît avec le début du récit des « exploits » de Michel Faci en Croatie, déjà auteur dans le n°49 de TN de l’histoire des volontaires français en Irak lors de la guerre du Golfe. Un Faci que l’on retrouvera le 11 janvier 1992, présent aux côtés de Cornilleau lors d’une réunion du PNFE dans la région de Caen : cela augure déjà de son adhésion au parti.

Après un attentat contre un foyer de la Sonacotra

Après un attentat contre un foyer de la Sonacotra

Entre temps, fin 1991 naît le parti «frère» de celui de Cornilleau, le PNSE (Parti nationaliste suisse européen), créé à la Chaud-de-fond à l’initiative de Pierre Barbezat, qui en laisse vite la direction à un skin, Cedrik Pythoud. Regonflé par toutes ces arrivées, le PNFE envisage même de présenter des candidats aux cantonales de 1992 : Jacky Charpentier et Claude Cornilleau en Seine-et-Marne et Xavier Bourdin en Seine-Saint-Denis, mais le projet n’aboutit pas. Le parti en profite pour développer ses relations avec d’autres mouvement néo-nazis en Europe ; une politique engagée dès 1987 avec sa participation à l’Euro Ring, une initiative créé à l’initiative du VMO belge qui a cessé toute apparition publique depuis 1989. C’est lors de ces congrès que sont noués des liens avec pour l’Allemagne, le FAP de Michael Kühnen (aujourd’hui décédé). En juin 1989, une délégation du Cercle nationaliste féminin du PNFE est invitée à Hambourg pour rencontrer ses consorts du FAP qui lui rendra la politesse en venant les voir en France. De plus, des liens très étroits sont noués entre la section du PNFE de l’Est de la France (Strasbourg, Metz) et ses voisins allemands. Durant 1992, le PNFE est invité par la Nationaliste List et l’AVÖ à participer au défilé commémoratif de la mort de Rudolf Hess. Une délégation composée d’une vingtaine de militants fait le déplacement.
En Angleterre, c’est avec le BNP (British National Party) que le mouvement de Cornilleau entretient les meilleures relations, comme le prouve la présence du PNFE aux trois derniers congrès du BNP en 1990, 1991 et septembre 1992.
Aux États-Unis, il faut noter des contacts avec l’Église du Créateur, une secte catholique national-socialiste dont le leader le révérend Ben Klaessen a été interviewé dans le n°50 de TN (il s’est suicidé au mois d’août).

Au niveau national, c’est le rapprochement de plus en plus prononcé avec les FNE de Fredericksen, entamé dès 1989 lorsque les FNE mirent la boîte postale de leur journal Notre Europe combattante au service du Comité de soutien du PNFE. Rapprochement confirmé par un meeting en avril dans une brasserie de la Place de la République bien connue des vitriers. Il est vrai que les FNE, descendants directs de la FANE (Faisceaux Actions Nationales Européens) n’ont jamais réussi à redevenir ce qu’ils ont été ; leur activité principale se bornant à la diffusion de leur journal et aux divers dîners-anniversaires en l’honneur d’Adolf Hitler. Le dernier en date, prévu en 1991 dans un restaurant de Bagnolet a été annulé, le nombre de participants se montant à une trentaine.

C’est ce renouveau qu’est venu confirmer le 5ème congrès du PNFE le 3 avril 1993. De nombreuses délégations étrangères étaient présentes. Les Anglais du BNP avec à leur tête leur président John Tyndall, une délégation allemande, l’AVÖ et son leader Ewald Althans, les Suisses du PNSE venus avec Cedryk Pythoud ainsi qu’une importante délégation belge.
Hervé Van Laethem, du groupe belge l’Assaut, et l’Américain Gerhard Lauck du NSDAP-AO n’ayant pu être présents avaient envoyé un message de soutien.
Ce sont environ 200 personnes qui ont tour à tour écouté Erik Sausset, le vice-président du PNFE, Michel Faci, membre du Bureau politique, John Tyndall, le président du BNP, Mark Fredricksen des FNE et enfin Claude Cornilleau qui a fait un récapitulatif de toutes les difficultés auxquelles s’est heurté le parti avant de faire un point sur la situation sociale et les dernières élections.
Le «Flan national», dixit Cornilleau, ne trouve pas même grâce à ses yeux, car il est lui aussi «démocrate» et se compose de juifs (référence au Cercle d’amitié française juive et chrétienne créé par Bernard Anthony). Au niveau stratégique, le PNFE va chercher à « adopter une voie étroite consistant à développer une opposition extra-parlementaire totalement en dehors du système » et se fixe comme but de « le renverser pour instaurer un ordre nouveau sans pour cela s’interdire de descendre dans l’arène électorale ». Bien que, pour Cornilleau, les élections ne changent rien : « Toutes les élections [de mai 1992] sont symbolisées à mes yeux par celles de Sarcelles où un Juif de gauche, Strauss-Kahn, a été battu par un Juif de droite, un certain Lellouche : nous n’avons fait que changer de Juif, un point c’est tout. »
L’action du PNFE se centre donc sur la propagande ; ainsi Cornilleau a-t-il annoncé la reparution de son journal en dépit de l’interdiction qui l’a frappé, mais à partir de l’étranger.
La police n’étant plus capable d’assurer la sécurité des biens et des personnes, le PNFE assurera lui-même sa propre sécurité, et Cornilleau d’ajouter : « Je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer toutes les armes que vous pouvez encore acquérir légalement, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit » (Ah, les dits et les non-dits !) et enfin « Dans le régime actuel, nous sommes tous en état de légitime défense et il n’est pas impossible que l’avenir voit la création de communautés nationalistes dans la France profonde, qui serviraient de base à la reconquête de notre pays envahi et avachi aux mains d’une équipe mafieuse vendue à la juiverie internationale. »
On peut voir dans cette dernière proposition l’influence de groupes américains tels que The Order ou Aryan Nation. Alors, à quand des communautés de skins agricoles ?

Enfin, le PNFE prône le resserrement des liens entre tous les nationalistes européens car « nous tous, nationalistes européens, nationalistes blancs de tous les continents, nous n’avons qu’un seul et même ennemi c’est la juiverie internationale. »
En conclusion, suite à ce congrès, on peut penser que le PNFE est amené à jouer dans les mois qui viennent un rôle important au sein de l’Internationale néo-nazie. Le message envoyé par Gerhard Lauck du NSDAP-AO (qui devait participer à ce congrès) est significatif à cet égard.
Le PNFE va-t-il être amené à jouer le même rôle que l’ANS ou le FAP en Allemagne, celui de la branche politique du NSDAP-AO ? L’arrivée de Faci, très proche de cette organisation, au sein du bureau politique et la fusion avec les FNE prononcée après le congrès sont déjà des éléments de réponse (Fredricksen est devenu vice-président suite à la fusion).
La présence au congrès de Ewald Althans, considéré comme un des successeurs de Michael Kühnen, la participation pour la deuxième année consécutive d’une délégation d’une quarantaine de militants du PNFE et la prise de parole de Cornilleau au cours de la manifestation en sont comme une confirmation.
La suite au prochain numéro…

Publié en novembre 1993

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Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990 : Profanation du cimetière juif de Capentras – Archives INA

intervention de Jean-Yve Camus à 23"57

1997 : Aveux des skinheads PNFE coupables à 26"47

L’affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras fait suite à la profanation de sépultures juives à Carpentras (Vaucluse) en 1990. L’affaire a été résolue six ans plus tard et elle a mené à la condamnation de quatre néonazis.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_la_profanation_du_cimeti%C3%A8re_juif_de_Carpentras

Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, à Carpentras, où vit une communauté juive qui date de l’époque des « juifs du Pape », 34 sépultures juives sont profanées : stèles renversées et brisées, sans inscriptions antisémites. Dans la journée du mercredi 9 mai, personne n’entre dans le cimetière, ce qui explique que la profanation ne soit découverte que le lendemain

Le 10 mai 1990, deux femmes venues entretenir une tombe découvrent le saccage de 34 sépultures et préviennent les autorités2. Le cercueil de Félix Germon, décédé 15 jours plus tôt, non recouvert de terre, est sorti de sa tombe. Le corps, extrait du cercueil, est posé nu face contre terre sur une tombe voisine. Un mat de parasol (accessoire qui sert à marquer les futures tombes) est retrouvé sous le corps, comme glissé entre ses jambes : on parle d’un « simulacre d’empalement », mais l’examen anal effectué par les deux médecins légistes révèle qu’il ne porte aucune trace du manche de parasol3.

L’affaire s’enflamme, d’autant plus que le président de l’Assemblée nationale Laurent Fabius, au journal télévisé de 20 h sur TF1, la voix tremblante, raconte que le corps de Félix Germon a été sauvagement empalé « un manche de pelle enfoncé dans l’anus », suggérant ainsi un empalement réel3. Le 11 mai la profanation de Carpentras fait la une de tous les quotidiens. L’arrivée rapide sur les lieux du ministre de l’Intérieur, Pierre Joxe, qui stigmatise les « abominations racistes » est en effet vite relayée par les journaux télévisés et radiodiffusés qui reprennent ses propos, mais sans informations précises sur la réalité des faits4.

Une affaire politique et religieuse

Contexte

Michel Rocard est le Premier ministre de François Mitterrand. Pierre Joxe est son ministre de l’Intérieur, patron de la police et des renseignements généraux. Le Front national est alors en pleine ascension électorale. Le soir du 9 mai, Jean-Marie Le Pen est à la télévision dans l’émission L’Heure de vérité.

Conséquences politiques

Cette découverte provoque un vif émoi en France. Le ministre de l’Intérieur, Pierre Joxe, se trouvant en visite officielle à Nîmes, se rend le jour même à Carpentras en hélicoptère, accompagné de journalistes5, et dénonce à la sortie de la synagogue « le racisme, l’antisémitisme et l’intolérance », tout en pointant du doigt Jean-Marie Le Pen qui, « comme tous ceux qui expriment leur antisémitisme de façon explicite depuis des dizaines d’années […], est un des responsables, non pas des actes de Carpentras, mais de tout ce qui a été inspiré par la haine raciste »6. De nombreuses personnalités politiques (entre autres Jack Lang, Jean-Claude Gaudin, Harlem Désir, Raymond Barre, Lionel Jospin, Pierre Mauroy et Georges Marchais) se rendent sur les lieux.

Des manifestations imposantes contre le racisme et l’antisémitisme sont organisées durant la semaine qui suit, souvent couvertes de banderoles et de slogans « Le Pen, les mots, Carpentras, les larmes »7. Le président François Mitterrand participe à l’une d’entre elles à Paris. C’est la première fois qu’un président de la République dans l’exercice de ses fonctions participe à une manifestation en France8.

Yves Bertrand, directeur des RG de 1992 à 2003 affirme dans son livre Je ne sais rien… mais je dirai (presque) tout, paru en octobre 2007, que la manifestation à Paris devait au départ se dérouler autour de la Grande synagogue de Paris. C’était selon lui le souhait des autorités religieuses juives de Paris qui ne voulaient pas que l’événement soit récupéré politiquement par l’extrême gauche9. François Mitterrand aurait alors « forcé la main » aux autorités juives pour que la manifestation ait lieu entre la place de la République et la place de la Bastille, lieux traditionnels de rassemblement de la gauche française10,11.

Alors que l’époque est marquée par de multiples saillies antisémites de Jean-Marie Le Pen, qui suggère encore le 9 mai 1990 dans l’émission L’Heure de vérité que les Juifs ont trop de pouvoir dans la presse, « comme les Bretons dans la Marine ou les Corses dans les douanes »12,13, le Front national et son président sont montrés du doigt. L’avocat Serge Klarsfeld déclare le 10 mai « Le Pen a dit hier soir qu’il y avait trop de Juifs dans la presse. Certains à sa droite ont traduit qu’il y a trop de Juifs dans les cimetières14 ». Le FN organise une conférence de presse en forme de contre-attaque le 11 mai13. Faisant le rapprochement entre son passage à L’Heure de vérité et la date des événements, il réplique que son parti est la cible d’un « complot qui vise à bâillonner le FN »6. Il invite à plutôt « chercher soit du côté des communistes qui semblent être les maîtres d’œuvre de toute cette opération. (…) Mais, ce pourrait être aussi des mouvements subversifs islamiques dont on sait qu’ils ne portent pas spécialement dans leur cœur les Juifs »13. Dans les jours qui suivent, National-Hebdo, le journal du FN, accuse le KGB puis une organisation terroriste palestinienne13. Jean-Marie Le Pen évoque quant à lui la possibilité d’une mise en scène du service d’action civique (SAC), pourtant dissous huit ans plus tôt, et celle d’une manipulation de Pierre Joxe qui se serait « arrangé pour que tous les indices qui existaient soient détruits le premier jour »13. Il organise des manifestations à Carpentras, le 11 novembre 199115 et le 11 novembre 19956, pour demander des « excuses d’État »16.

Pour Yves Bertrand, l’exploitation politique anti-FN de la profanation du cimetière de Carpentras fut orchestrée par François Mitterrand17 : celui-ci aurait alors voulu empêcher ainsi toute possibilité d’alliance entre la droite parlementaire et le Front national18.

Hubert Védrine, conseiller de François Mitterrand et porte-parole de la présidence de la République (1988-1991), a déclaré, sur France Culture le 9 janvier 2015, à propos de ces événements : « Carpentras, c’était une manipulation, largement »19,20.

L’enquête

Selon Yves Bertrand, François Mitterrand aurait demandé à la police de privilégier la recherche du coupable au sein du Front national18. Mais l’enquête piétine. La police suit dans un premier temps la piste des groupuscules d’extrême droite et néonazis. Dans les jours qui suivent la profanation, deux membres du Parti nationaliste français et européen sont arrêtés, mais rapidement relâchés en l’absence de preuve les incriminant.

Cela est rendu public plus tard, mais la profanation ne date pas du 10 mai comme annoncé initialement mais du 8 mai, soit la veille du passage de Jean-Marie Le Pen à la télévision11.

Des rumeurs locales évoquent des messes noires qui auraient dégénéré ou la délinquance morbide de la jeunesse dorée de Carpentras21. Une de ces rumeurs met notamment en cause des fils de notables locaux, dont Olivier Andrieu le fils de Jean-Claude Andrieu, maire UDF. En 1995, Jessie Foulon, une personne de Carpentras renforce cette rumeur en évoquant des orgies organisées dans le cimetière et que la profanation aurait eu lieu dans le cadre d’un jeu de rôles22. Leurs participants auraient selon elle commis la profanation, ainsi que le meurtre d’une autre jeune femme, Alexandra Berrus, retrouvée morte en 1992.

L’instruction établira plus tard que Foulon est une mythomane, mais ses propos alimentent alors la tension autour de l’affaire. Le procureur Jean-Michel Tissot autorise les animateurs d’une émission de TF1, Témoin n°1, à annoncer de prochaines mises en examen. Gilbert Collard, avocat de la famille de Félix Germon et de celle d’Alexandra Berrus, parle de « mensonge d’État », garantit qu’il s’agit strictement d’une affaire de droit commun. Dans une mise en scène douteuse23, Collard se fait remettre en public par le cousin Germon une enveloppe censée contenir les noms des six « profanateurs assassins ». Lors de cette conférence de presse, l’avocat déclare « J’ai bien l’intention de jouer le petit Zola de Carpentras »24. Soumise à une intense pression, la juge d’instruction Sylvie Mottes est dessaisie de l’affaire, qui est transférée au tribunal de Marseille8.

Le dénouement

Le 30 juillet 1996, un certain Yannick Garnier, 26 ans, se présente de lui-même au siège des Renseignements généraux d’Avignon25,26, et avoue être l’un des profanateurs, donnant des détails que seuls les enquêteurs connaissent. Cet agent de sécurité à Nîmes dit ressentir le besoin de se libérer de ce secret pour changer de vie alors qu’il est au bout du rouleau, au chômage et sur le point d’être expulsé, croyant sans doute avec ses aveux obtenir l’aide des RG, service disposant de précieuses relations, dans sa recherche d’emploi7. Ses aveux confirment qu’il s’agissait bien d’un acte antisémite scrupuleusement préparé par des néonazis. Il dénonce ses quatre complices et ceux-ci sont arrêtés aussitôt, sauf l’un d’entre eux, le meneur, Jean-Claude Gos — qui avait été interpellé dès le 11 mai 199027 et relâché après 24 heures —, skinhead originaire de Denain (1966-1993) et membre du PNFE.
Jean-Claude Gos a été tué le 23 décembre 1993 à moto sur une route de la grande banlieue d’Avignon, par une voiture dont le conducteur (Rachid Belkir, 36 ans) sera retrouvé mort en 1995, tué de deux balles dans le torse et plongé dans le Rhône (probablement victime d’un règlement de comptes, l’homme étant connu des services de police pour ses liens supposés avec des trafiquants de drogue)28, deux lourdes pierres attachées aux pieds29,30.

Aucun lien n’a été établi entre les coupables et le Front national. Les dirigeants locaux du FN, Guy Macary et Fernand Teboul, étaient eux-mêmes juifs28, ce qui ne pouvait que déplaire aux néonazis.

Le procès débute huit mois plus tard à Marseille, dure une semaine, et le verdict est rendu le 24 avril 1997.
Patrick Laonegro, le « cerveau » du commando de profanateurs,
et Olivier Fimbry, un ancien militaire,
sont condamnés à deux ans de prison ferme,
tandis que les deux autres profanateurs, qui ont « admis et intégré le caractère odieux de leurs actes », sont condamnés à vingt mois de prison ferme
31.

Suites

La loi Gayssot du 13 juillet 1990 est élaborée dans le contexte politique marqué par cette profanation32.

Une des conséquences de cette affaire est la stigmatisation du jeu de rôle, durablement étiqueté comme rassemblement de profanateurs, de casseurs, de satanistes et autres profils à tendance morbide. Dans les mois suivant ces allégations (lancées par Mireille Dumas dans son émission Bas les masques sur France 2), nombre de clubs et de boutiques spécialisées ont été fermés ou mis sous surveillance par divers organismes (l’émission ne fait toutefois aucun lien direct avec l’affaire de Carpentras).

En 1998, le documentaire Jeux de rôle à Carpentras de Jean-Louis Comolli, diffusé sur Arte dans la série Les Mercredis de l’Histoire notamment le 2 mai 2001, rappelle — en se basant sur les documents publiés par Nicole Leibowitz dans L’Affaire Carpentras (Plon) — les fausses informations diffusées par les médias de l’époque, et confirme, soutenant la thèse de la journaliste, l’existence de manipulations délibérées de l’information autour de l’affaire, afin de faire inculper le fils innocent du maire de Carpentras qui se trouvait être un amateur de jeux de rôle (outre le titre du film, aucune référence directe n’est faite à la pratique du jeu de rôle dans le documentaire). Le documentaire produit notamment les comptes rendus dressés par les Renseignements généraux des conversations téléphoniques entre Jacques Pradel et le procureur de la République de l’époque, conversations au cours desquelles ils s’entendaient pour faire pression sur la juge d’instruction.

L’enquête sur les attentats contre les foyers Sonacotra Les secrétaires généraux du PNFE et de la FPIP inculpés et écroués

https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/10/11/l-enquete-sur-les-attentats-contre-les-foyers-sonacotra-les-secretaires-generaux-du-pnfe-et-de-la-fpip-inculpes-et-ecroues_4127579_1819218.html

Chargé d’instruire le dossier des attentats racistes de la Côted’Azur, M. Jean-Pierre Murciano, juge d’instruction à Grasse (Alpes-Maritimes), a inculpé, lundi 9 octobre, d’association de malfaiteurs, dans le cadre des dispositions antiterroristes, Francis Allouchery, vingt-trois ans, secrétaire général du Parti nationaliste français et européen (PNFE), et Serge Lecanu, trente-six ans, secrétaire général de la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP). Libération publie, mardi 10 octobre, des extraits d’un document saisi au domicile de l’inspecteur Lecanu et exposant les missions d’une ” section spéciale ” regroupant tous les policiers adhérents du PNFE, groupuscule néo-nazi.

Un mort et douze blessés. Tel fut le bilan du plus récent des attentats _ celui perpétré le 19 décembre 1988 contre un foyer Sonacotra de Cagnes-sur-Mer, sur lesquels enquête le juge Murciano. Depuis, trente-quatre personnes ont été interpellées, dix-neuf ont été inculpées et seize écrouées, dont les dernières sont Francis Allouchery et Serge Lecanu qui ont rejoint deux maisons d’arrêt distinctes. Toutes les investigations du juge remontent au PNFE dont des militants sont soupçonnés d’avoir organisé les attentats afin de créer une ” stratégie de la tension “, semblable à la démarche de l’extrême droite italienne dans les années 70.

Aujourd’hui, ce groupuscule néo-nazi, recrutant essentiellement parmi les bandes de skinheads (le Monde du 26 septembre) semble décapité : son président, Claude Cornilleau, lui aussi inculpé et écroué depuis le 17 septembre, est donc rejoint en détention par son adjoint, Allouchery, et par le responsable de la sécurité intérieure du parti, Lecanu. C’est sans doute à ce titre que ce dernier fut chargé de créer une section spéciale regroupant les adhérents policiers du PFNE afin d’utiliser ” toutes les compétences relatives à leur profession pour faire triompher nos idées “.

Quatre groupes

Libération publie, dans son édition du 10 octobre, l’intégralité des notes prises à cette occasion et saisies au domicile de Serge Lecanu. Les policiers présents se sont répartis le travail en quatre groupes.
Le ” groupe enquête, chef : Philippe Caplain ” a pour mission d'” infiltrer les milieux nationalistes ” afin de faire adhérer les ” éléments policiers les plus purs “.
Le ” groupe documentation “, chef : Daniel Sirizzotti doit ” diriger un groupe d’archivistes “, s’intéressant à la presse aussi bien qu’à ” tous documents officiels “.
Le ” groupe sécurité-protection “, chef : Daniel Lenoir a pour tâche de veiller à la ” sécurité de nos réunions, meetings, manifestations “, en s’informant auprès d’un ” réseau de correspondants parmi les compagnies de maintien de l’ordre “.
Enfin le ” groupe sportif “, chef : Patrick Reynes s’efforce de former les militants aux arts martiaux et au tir, mais surtout, ” sous cette couverture, pourra réaliser des opérations ponctuelles à la demande du président “. Sur ce document, les initiales de section spéciale (SS) sont écrites selon la calligraphie en éclair des nazis.

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Arrestation affaire Sonacotra

https://youtu.be/8e_Ku-wW5CU

29 septembre 1989

Progrès de l’enquête concernant les attentats racistes contre les foyers de la Sonacotra à Cannes et Cagnes sur Mer. Bateau appartenant à Michel GOUGE dans lequel les policiers de Cannes ont découvert un arsenal. Images d’archives : attentat du foyer Sonacotra de Cagnes sur Mer. Arrestation de Claude CORNILLEAU, président du Parti national Français et Européen (PNFE ). Images d’archive INA