Paris, Annecy, Besançon, Clermont-Ferrand : l’ultra droite se lâche

https://www.blast-info.fr/articles/2023/paris-annecy-besancon-clermont-ferrand-lultra-droite-se-lache-K5QhBUc7SUK7yOELiq66Bg

Défilé cagoulé du mythique GUD (« groupe union droit ») reconstitué depuis quelques mois, puis des monarchistes de l’Action française à Paris, déambulation impromptue de néo nazis à Annecy et Besançon, menaces et agressions à la clé, intimidations contre une journaliste à Clermont-Ferrand, en ce mois de mai pas très joli, l’ultra droite a multiplié les démonstrations de force. Plus inquiétant, un attentat homophobe à l’explosif -non revendiqué- a visé le centre LGBTI de Tours.

« Europe, jeunesse, révolution » : pour les plus anciens militants de gauche, ce slogan résonne comme un refrain maintes fois entendu et que l’on croyait jeté aux oubliettes. Un parfum de bastons qui opposaient, dans les années 70 et 80, « gauchos » et « fachos ». C’est ce cri de ralliement du légendaire GUD, le groupe Union droit, créé en 1968, et dont l’activité essentielle consistait à taper du gauchiste, qui a résonné dans le ciel parisien le 6 mai dernier à Paris. Une belle affluence : 500 personnes, cagoulées pour la plupart. A visage découvert, un certain Axel Loustau, ancien conseiller régional RN jusqu’en 2021, adepte du salut le bras bien tendu, un très proche de Marine Le Pen quoi qu’elle en dise, puisqu’il a été trésorier de son micro parti, Jeanne, jusqu’en janvier 2022.

Clermont-Ferrand, une journaliste menacée

A 350 kilomètres de là, au cœur de l’Auvergne, en regardant les chaînes d’info, des militants et journalistes remarquent, comme toute la France, ce militant d’extrême droite à la carrure impressionnante et affublé d’un masque de Golgoth un tantinet effrayant et ridicule à la fois. Sous cet accoutrement qui ne passe pas inaperçu, ils reconnaissent un activiste d’extrême droite locale de longue date, Mathieu Duarte. Également aperçu à cette occasion, un autre Clermontois, Tristan Arnaud, dit « Papon » (ça ne s’invente pas », déjà condamné pour violences. Le média local mediacoop publie, le 15 mai, une enquête fouillée sur le groupe de militants auquel ils appartiennent, « Clermont non conforme ». L’article révèle les liens – au minimum personnels- entre ces cogneurs d’extrême droite, le syndicat étudiant la Cocarde et le Rassemblement national. Quelques jours plus tard, des militants d’extrême droite dont certains nervis clermontois, diffusent l’adresse, le numéro personnel et la photo du domicile de la rédactrice en chef. Des menaces implicites pour lesquelles elle a déposé plainte.

Déambulation impromptue à Annecy, un homme agressé

Le 14 mai, ce sont 500 monarchistes de l’Action française qui ont défilé à Paris aux cris de « A bas la république ». Plus étonnant, une quarantaine de sympathisants du GUD mêlés à des identitaires et intégristes catho ont déambulé pendant plusieurs heures dans les rues d’Annecy, ville de 180 000 habitants, d’ordine bourgeoise et tranquille. Le slogan entonné en boucle ? Toujours celui du GUD : « Europe, jeunesse, Révolution ».

Un passant à vélo, qui filmait la manif sauvage, a été pris à partie (2’23) et n’a dû son salut qu’à la petite gazeuse qu’il avait sur lui et à l’arrivée de la police.

« Beaucoup étaient venus de Chambéry, où l’ex Bastion social (mouvement nationaliste révolutionnaire dissout en avril 2019) avait une base assez importante, explique une antifa locale. On a vu réapparaître de vieilles connaissances. Sur Annecy, l’extrême droite violente est plus faible, mais elle se développe, notamment autour des supporters du club de foot, et même de hand. C’est inquiétant ».

Un engin explosif contre le centre LGBTI de Tours

Deux jours plus tard, c’est au tour de Besançon de connaître son petit défilé de fachos. Ouest casual, le canal telegram habituel de l’ultra droite évoque « une journée de cohésion », dans la ville franc-comtoise, avec les Vandal Besak (hooligans néo nazis locaux), les infréquentables (Dijon), les Rennais de Korrigans Squad, les Parisiens de la division Charles Martel (proches du GUD). Probablement pour éviter les interpellations, les fachos, pour beaucoup cagoulés là encore, ont marché sans slogans, mais en intimidant régulièrement des passants, reconnus comme étant de gauche (ou supposés tels). Un homme a été menacé et un autre qui filmait s’est fait casser son téléphone. Des témoins disent avoir reconnu l’agresseur, un vieux militant néo nazi du coin, musicien de black metal. Comme à Clermont-Ferrand, la manifestation du 6 mai a semble-t-il joué un rôle de ciment entre les différents groupes locaux : « les activistes bizontins que nous avons reconnus ont pour beaucoup aussi été vus à la manif parisienne du GUD, c’est probablement là qu’ils ont décidé de se retrouver chez nous », imagine un antifa de la ville.

Enfin, le 22 mai, un événement plus grave a eu lieu à Tours ; l’après-midi, vers 15h, une bouteille remplie d’un mélange explosif a été lancé à l’intérieur du centre LGBTI par un homme qui a pris la fuite : « l’explosion a été violente, se souvient Sarah, présente sur place. Si l’un de nous avait ramassé l’engin, il y laissait la main. Depuis février, les actes de malveillance se multiplient ». La marche des fiertés, qui se tiendra le 17 juin, suscite déjà des inquiétudes.

Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret

Enquête : Qui se cache derrière Clermont Non Conforme ?

https://mediacoop.fr/15/05/2023/enquete-qui-se-cache-derriere-clermont-non-conforme/
La manifestation néo-nazie du samedi 6 mai à Paris a mis en lumière la présence de « gros bras » de Clermont-Ferrand assurant le service d’ordre. Ils appartiennent au groupe néofasciste Clermont non conforme, créé en mars 2023, dont le noyau dur est constitué d’anciens du Bastion Social, de Clermont-Ferrand Nationaliste et de Bordeaux nationaliste. Le collectif de lutte contre les extrêmes-droites du Puy-de-Dôme et des médias ont déjà communiqué sur la création du groupuscule tandis que la députée du Puy-de-Dôme Marianne Maximi (NUPES) en a demandé la dissolution. Arno Chotard, journaliste indépendant, spécialisé sur l’ultra-droite, a enquêté sur sa genèse, ses membres et ses réseaux. Mediacoop a décidé de diffuser son travail. Des jeunes responsables locaux de premier plan du Rassemblement national (branche jeunesse), de La Cocarde et de l’Action Française sont impliqués et ne cachent pas leur sympathie pour le néofascisme, bien loin de l’image de respectabilité que ces groupes tentent d’afficher publiquement.

 

Clermont Non Conforme est la branche clermontoise du mouvement « nationaliste révolutionnaire » qui connaît actuellement un succès grandissant et dont la structure souple et locale permet de limiter les effets d’une éventuelle dissolution. Sa première apparition publique est une « déambulation » surprise dans les rues de Clermont-Ferrand le soir du samedi 25 mars.

On y distingue déjà Mathieu Duarte (dit « Captain NR »), le multi-condamné Tristan Arnaud ou encore le remuant « Marceluss ». Marceluss est aussi très proche des Zouaves parisiens. Il apparaît dans de nombreux rassemblements. On le voit faire des saluts nazis comme le montrent nos photos.

 

Samedi 22 avril, une « rencontre militante », perturbée par des antifascistes locaux, s’est tenue au bar le Rimbaud sans en avertir le propriétaire. On y retrouve des militants bien connus de Clermont-Ferrand Nationaliste, comme « Marceluss », Arthur Guibert, employé chez Michelin sur le site Cataroux, et Roman Schmidt, ayant passé sa jeunesse dans le bas-Rhin.

Créé en janvier 2021, Clermont-Ferrand Nationaliste affichait sans trop de complexe ses références au IIIe Reich.

Il s’est donné pour but principal d’harceler, d’intimider voire de violenter des minorités et des opposants politiques.

Clermont-Ferrand Nationaliste jouait également le rôle de « bras armé » de La Cocarde Étudiante qui souhaitait se faire une place aux côtés du syndicat Unef (classé à gauche, aujourd’hui devenu « Union étudiante ») et de l’Uni (classé à la droite extrême). « Marceluss », « Clément », Roman Schmidt ou encore Arthur Guibert accompagnaient en effet les militants de la Cocarde Étudiante (comme Chloé Luginbuhl/Chevalier, ) lors des manifestations anti-pass, lors de la venue de l’ex-responsable lyonnais de La Cocarde, Sinisha Uros/Milinov ou pour permettre à une quinzaine d’adhérents de La Cocarde de participer à une conférence organisée par l’Unef dans la fac de droit (février 2022), en entrant armés de matraque dans l’enceinte de l’université.

Chloé Luginbuhl/Chevalier, étudiante en M2 Biologie sur le site des Cezeaux de Clermont-Ferrand et Jean Chevalier ont par ailleurs été aperçus à la manifestation parisienne du 6 mai.

Malgré leur recours fréquent à la violence et leurs références explicites au régime nazi, aucun des membres affichés de CLFN n’ont été poursuivis par la justice pour ces faits.

Déjà présent lors de l’installation du Bastion social à Clermont-Ferrand à l’été 2018, Tristan Arnaud, après avoir écopé d’une peine de prison ferme, était parti à Bordeaux fonder le groupe Bordeaux nationaliste, aujourd’hui dissous. Condamné à une interdiction de territoire lors de son procès en octobre 2018, Tristan s’est ostensiblement montré à Clermont-Ferrand depuis janvier 2022, allant même jusqu’à faire interruption dans le local de campagne de la NUPES le 4 juin 2022.

Ce naziskin s’est réinstallé dans la région avec sa compagne, (elle aussi militante à ses côtés),  mais semble avoir emporté dans ses bagages plusieurs militants bien connus de Bordeaux Nationaliste, comme Alex Wulfaz (coach sportif, musicien du groupe néo-nazi Bunker84).

Il anime par ailleurs la Brigade Arverne, regroupement informel.

Une stratégie de recrutement axée sur les salles de sport et les stades

La présence remarquée de Mathieu Duarte à la manifestation du 6 mai ainsi que la photo de la rencontre militante du 22 avril montrent que ces militants néo-fascistes expérimentés ont réussi à recruter au-delà de leur petit milieu. La valorisation à outrance d’une fierté blanche, catholique et masculine, les promesses de bagarres et de sociabilité militante leur permettent ainsi de bénéficier de l’appui de plusieurs visages bien connus du monde des salles de sport et du hooliganisme.

Mathis Albessard, coach et préparateur physique sur Clermont-Ferrand et qui n’hésite pas à donner le coup de poing, utilise ainsi ses réseaux pour recruter. Proche de Mathieu Duarte, Mathis Albessard a également en charge la préparation physique de Luc Grandsaigne, « musculeux » comme les deux autres et actif au sein du groupe ultra « Sekta Pirata » du Clermont Foot 63.

S’il est trop tôt pour dire si la « Sekta Pirata » tolère ou non la présence de militants néofascistes dans ses rangs, des témoins nous confirment le travail d’influence de ces derniers au sein de ce groupe. Certains habitués du stade Gabriel Montpied comme Thomas Julhiard, hooligan passé par le Paris FC et ami de Adrien Méné, ou Luc Grandsaigne sont proches de Clermont non conforme .

Des liens étroits avec une grande partie de l’extrême-droite locale

Notre enquête révèle que Julien Chmielewski, responsable à ce jour du Rassemblement national de la Jeunesse du Puy-de-Dôme et de La Cocarde Clermont-Ferrand, est membre à part entière du groupuscule néofasciste Clermont non conforme. On peut ainsi observer la montre de cet étudiant en droit, issu des classes préparatoires littéraires du lycée privé Fénelon de Clermont-Ferrand, sur une opération de « stickage » de Clermont non conforme en avril 2023. Autre « fâcheuse » coïncidence, la présence de Julien Chmielewski au colloque de l’Institut Illiade le 15 avril à Paris et celle d’un membre de Clermont non conforme… qui n’est d’autre que lui (Voir la photo) . Sa radicalisation vers des positions de plus en plus « nationalistes révolutionnaires » est par ailleurs visible sur les réseaux sociaux (nous avons pris soin d’effectuer des copies d’écran de cette évolution idéologique). Les responsabilités de Julien Chmielewski au sein du RNJ63 et de La Cocarde étudiante Clermont Auvergne compromettent ces deux structures avec les militants les plus « néo-nazis » et violents de Clermont-Ferrand.

Ce n’est toutefois pas nouveau que ces structures locales qui ont pignon sur rue se lient d’amitié avec cette mouvance, comme nous l’avons montré entre CLFN et La Cocarde. Par le passé, le Rassemblement national 63 dirigé par Anne Biscos avait ouvertement affiché son soutien au Bastion social. Plus récemment, Kévin Blancard (dit « nounours »), ex du Bastion social et particulièrement « bavard » durant les auditions du procès de Quentin Gimel et Tristan Arnaud, s’était affiché à de nombreuses reprises dans des actions du RN63, avant d’être subitement effacé des archives suite à une dénonciation de l’Action antifasciste Auvergne.

Loin d’être gênée par de telles fréquentations, c’est toute une jeunesse « patriote » clermontoise qui s’encanaille depuis plusieurs années avec tout ce que Clermont-Ferrand compte de néo-nazis. Grand ami de Chloé Luginbuhl/Chevalier et de Jean Chevalier, Louis Boudon est le symbole de la force d’attractivité que peut posséder un groupe comme Clermont non conforme. Ayant grandi dans une commune de Haute-Loire, Louis Boudon s’est vite passionné pour des reconstitutions historiques et notamment portant sur la résistance française pendant l’occupation allemande.

Membre fondateur de La Cocarde sur Clermont-Ferrand, cet étudiant en histoire s’est rapidement tourné, sans succès, vers une formation militaire. Aujourd’hui militant à l’Action Française, il s’est affiché à plusieurs reprises avec des militants de CLFN pour « chasser du rouge ».

 

Titouan Lafforgue, étudiant en L2 d’Histoire à l’université de Clermont-Ferrand, membre de La Cocarde et fils d’une dynastie de militaires, est également connu pour ses liens étroits avec « Clément », ancien membre de La Cocarde et de Clermont Ferrand Nationaliste et aujourd’hui au parti pétainiste Les Nationalistes (« Bourbonnais nationaliste »). Titouan est animé de volontés toujours plus fortes d’en découdre avec les étudiants de gauche. Il persécute régulièrement les militants de l’UNEF et de leurs proches.

Maixent Broussou, frère de la militante de La Cocarde Sybille Broussou, est également un adepte de la provocation vis-à-vis de militants de gauche. Fabien Ennis, étudiant en M1 MEEF à l’Inspé de Clermont-Ferrand et qui envisage de devenir professeur de mathématiques, membre revendiqué de La Cocarde, est quant à lui un antisémite féroce. Peu attirés par la violence politique, d’autres militants connus côtoient cette nébuleuse fascisante comme Théo Bonnet, Antonin Artero, Antonin Tancogne qu’on retrouve dans des mêmes réunions, en compagnie du néo-nazi « Clément » ou bien de Sinisha Uros.

Comme dans d’autres villes, une division du travail militant s’est ainsi installé dans la mouvance néofasciste clermontoise : la conquête électorale pour le RN (et dans une moindre mesure Reconquête63, avec pour président l’islamophobe et le sympathisant royaliste Aurélien Chabrier), l’activisme étudiant et le recrutement des jeunes pour la Cocarde, la formation intellectuelle et le culte de la mémoire pour l’Action française et la milice violente (en théorie peu fréquentable) chargée d’intimider les opposants (Clermont Non Conforme aujourd’hui, Clermont-Ferrand Nationaliste hier). Toutes ces structures sont imbriquées et semblent avoir conscience de leur complémentarité, comme le prouve notre enquête, et mettent à mal le discours de « dédiabolisation » que souhaite afficher l’extrême-droite électoraliste.

Vers la fin de l’impunité de l’extrême-droite à Clermont-Ferrand ?

Après la dissolution du Bastion social en septembre 2018, Clermont-Ferrand avait connu une forme d’accalmie vis-à-vis de la menace néofasciste jusqu’en janvier 2021 au moment de la création de Clermont-Ferrand Nationaliste. Celle-ci avait engendré un regain des violences d’extrême droite à l’encontre des minorités, des organisations militantes de gauche et de leurs locaux, en particulier à l’université. L’impunité dont bénéficient jusqu’à présent les auteurs de ces violences a sans doute pu laisser croire que Clermont-Ferrand était une terre d’accueil ou de repli pour un ensemble de militants néofascistes.

La création de Clermont non conforme risque fortement d’engendrer à nouveau un cycle de violences d’extrême droite sur Clermont-Ferrand et sa région, si une réaction ne se fait pas rapidement. Cette dynamique n’est pas spécifique à l’Auvergne puisque que cette mouvance se développe nationalement et sur tout le territoire.

Tristan Arnaud, est, par exemple, poursuivi pour des faits de violences à Toulouse. D’autres membres de Clermont Non Conforme sont sous le joug de la justice après des violences au Puy, lors de la venue d’Hilda Lefort (anagramme de Adolf Hitler) dans une librairie qui propose des écrits interdits à la vente comme « l’ordre SS, éthique, et idéologie » d’Edwige Thibaut. Ce jour-là, les militants clermontois frappent des passants : Roman Schmidt, Arthur Guibert et « Marceluss » étaient présents. L’homme porte un t-shirt de l’équipe du FC Sankt Pauli, club sportif antifasciste. La victime a porté plainte. D’autres plaintes sont en cours sur Clermont-Ferrand, après différentes agressions, notamment au sein de l’université. Affaire à suivre donc…

Facs, agressions et néonazis : on vous dit tout sur le retour du GUD | FACTS

Le GUD, c’est l’acronyme le plus célèbre de l’extrême droite étudiante.

Créé il y a 55 ans, le groupe est connu pour sa violence et ses liens avec le FN.

Reformé en 2022, composé de néonazis entraînés au combat, il défile dans les rues de Paris.