Du sang et des saluts fascistes Les fights clubs néonazis

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Ils sont fans d’Hitler et de bastons. Dans des parkings de Suède ou des salles des fêtes de la région lyonnaise, ils organisent des fights sans gants et sans règles ou presque. Enquête sur ces réseaux européens de combats clandestins.

Un homme s’avance en short au centre d’une arène improvisée, son torse, nu, est bardé de tatouages nazis et suprémacistes. Sur le béton brut d’une zone industrielle quelconque, dans une cage faite de barrières de chantier, devant un public de hooligans quasiment tous cagoulés ou dissimulant leur visage, il est venu combattre à poings nus dans ce fight club underground. Une espèce de tournoi de bagarre de rue qui connaît un énorme succès sur Internet. Tomasz Szkatulski, c’est son nom, est une figure de l’extrême droite française radicale, lui-même organisateur de combats plus ou moins clandestins et réservés aux blancs, où nostalgiques des années 30 viennent se mesurer entre deux concerts de rock anti-communiste nazifiant. Ce soir-là, il combattait pour « représenter » les supporters lillois violents et nationalistes de la LOSC Army. Bienvenue au « King of the streets » (KOTS) – « roi de la rue », un pur tournoi de bagarre dont les combattants ressortent en sang, quand ils tiennent encore debout. Des combats clandestins organisés par des hooligans suédois depuis 2013, mais qui ont surtout pris de l’ampleur à partir de 2018. Sur le ring improvisé, des adversaires venus de toute l’Europe. Beaucoup sont issus du hooliganisme notamment allemand, scandinave ou est-européen, plus marginalement russe, les autres sont référencés en tant que simples « combattants de rue ». Le KOTS est une sorte d’UFC en moins normée, en plus violent, en plus sauvage. Et parmi les participants on retrouve des combattants français et francophones liés à l’extrême droite la plus radicale. Le concept plaît tant à cette mouvance évoluant à la croisée du supportérisme violent et des crânes rasés que certains songeraient à dupliquer le modèle en France…

Pas de règles

Ici, pas de gants ni de règles ou presque. Pour assurer le spectacle, les organisateurs veillent seulement à l’homogénéité de poids entre opposants (à cinq kilos près) et à l’harmonisation des types de combattants : MMA contre MMA par exemple. Et encore : « Si deux personnes veulent régler une embrouille en se battant, nous ne nous soucions pas du poids ou de l’expérience », précise le site officiel du King of the streets. Rares sont les opposants qui ne finissent pas en lambeaux : « J’ai eu le nez cassé, deux phalanges cassées à la main droite, ainsi que le majeur fissuré », témoigne Marco, combattant berlinois de 19 ans récemment passé au KOTS, interrogé par Clément Le Foll pour le journal suisse Le Temps.

Autour de l’arène, le public est peu nombreux et le plus souvent composé de proches des combattants. Mais le « spectacle » attire un public énorme sur internet avec près de 100.000 personnes abonnées à la page Facebook et plus de 300.000 sur la chaîne YouTube. Certaines vidéos de combat dépassent le million de vues. Les créateurs de ces pugilats en ont même fait un business puisqu’il faut payer pour visionner les fights : comptez 20 euros pour pouvoir regarder neuf combats. Pour renforcer encore un peu plus l’imagerie hardcore du KOTS, seuls les gagnants remportent un prix en monnaie sonnante et trébuchante – alors que dans les combats classiques, les deux participants sont rémunérés. Ainsi que du matériel de la marque des organisateurs, Askari, dédiée aux sports de combat.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Hype Crew, la « firm » (ou groupe de hooligans) suédoise à l’origine du King of the streets, n’est pas d’extrême droite. Les organisateurs soulignent d’ailleurs que le KOTS est apolitique. On y retrouve en effet tout autant des combattants issus de groupes de hooligans marqués à la droite radicale (un membre de la Losc Army lilloise, donc, un Allemand du Borussia Dortmund ou encore un hooligan du Spartak Moscou) qu’à la gauche radicale (un Espagnol du Rayo Vallecano, des « Antifas hooligans » suédois du KGB d’Hammarby et un Allemand du FC Cologne dont la firm se réclame également de l’antiracisme). Mais il n’empêche que ces combats véhiculent une vision du monde masculiniste et violente, dont il n’est pas surprenant qu’elle séduise les militants d’extrême droite les plus radicaux. D’autant que le groupe ne fait rien pour les tenir à l’écart, comme le prouve le CV des deux Français qui ont combattu sur le béton de ce fight club clandestin.

Le premier à participer est Tomasz Szkatulski, dit « Gamin ». Une figure connue chez les nostalgiques français du IIIe Reich. Ancien membre du groupe de boneheads de Serge « Batskin » Ayoub, Troisième Voie, il a un temps frayé avec les gros bras aux crânes rasés du Blood and Honour. Deux groupuscules dissous par les autorités en 2013 et 2019. C’est un hooligan, aussi, membre de la LOSC Army, qu’il a tatouée sur les phalanges et très copain avec un autre pilier de cette firm : Yohan Mutte, emprisonné un temps pour son rôle présumé dans l’affaire des noyés de la Deûle et lui aussi passé par Troisième Voie. Un gaillard aperçu de temps en temps à La Citadelle, local d’extrême droite lillois lié à Génération identitaire.

 

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Avant de rencontrer Tomasz « Gamin ». / Crédits : DR
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Après avoir rencontré Tomasz « Gamin ». / Crédits : DR

Szkatulski, déjà condamné pour une agression au couteau ou le tabassage d’un SDF d’origine étrangère, ne passe pas inaperçu puisqu’il est couvert de tatouages nazis ou suprémacistes, dont un « White Power » qui lui barre le cou ou une grosse croix gammée à l’intérieur du biceps droit. Il est propriétaire d’une marque de vêtements de sport, en vente sur le site 2YT4U dont le nom est l’acronyme déguisé de « Too white for you », littéralement « trop blanc pour toi ». Sur cette boutique en ligne on peut s’offrir des tee-shirts « HTLR » pour « Hitler » ou barré de la Totenkopf SS, des pulls « Hate antifa » et autres hoodies avec le slogan : « Defend your tradition », accompagné d’une kalachnikov recouverte de symboles suprémacistes. Il se dit qu’il jouirait d’une sorte de licence pour la distribution de marques suprémacistes et/ou néonazies comme White Rex, Svastone ou Black Legion.

Un nouveau fight club néonazi en préparation

Gamin est aussi un organisateur d’événements mêlant concerts de RAC (pour « Rock against communism ») et combats clandestins. Comme le « Tournoi Force et Honneur » en 2017 qui a rassemblé dans la région genevoise la crème de l’extrême droite radicale européenne. Il met ainsi « en réseau la scène militante européenne d’arts martiaux néonazis », selon le site antifasciste suisse Runter von der Matte.

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Tomasz Szkatulski est propriétaire d’une marque de vêtements de sport dont l’acronyme veut dire : « Trop blanc pour toi ». Sur cette boutique en ligne on peut notamment acheter des tee-shirts « HTLR », pour « Hitler » / Crédits : DR
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« Gamin » distribue des vêtmeents avec des slogans et de l’imagerie suprémaciste et néonazis. / Crédits : DR

Un autre de ces fights clubs réservés aux blancs organisés par Tomasz Szkatulski est d’ailleurs dans les cartons. Prévu initialement le 6 juin 2020, cet événement en partenariat avec les marques et réseaux les plus radicaux a été décalé au 5 juin prochain pour cause de crise sanitaire, toujours selon les antifas helvètes. Il devrait se dérouler « entre Bâle et Zurich », a précisé sur Telegram Gamin, qui vit dans la région d’Annecy, entre deux « blagues » au racisme crasse et autres glorifications d’Hitler.

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Fiers comme Artaban. / Crédits : DR

Le second Français à avoir participé au KOTS, Valentin Vauthiers, dit « French Viking », affiche moins haut ses couleurs. Il a simplement une sorte de rune, symbole prisé des paganistes nazis, tatoué sur le pectoral gauche. Mais il semble bien lié à Szkatulski, qui lui dédicace sur Facebook un « 88 Valentin » : un code courant dans les milieux nazis signifiant « HH » pour « Heil Hitler ». Tandis que Vauthiers mentionne à l’occasion le compte Instagram de Gamin (désormais supprimé) dans ses publications… Les deux hommes ont participé à la même soirée KOTS en fin d’année dernière. Vauthiers et Gamin sont aussi liés à un certain Yanek Czura, francophone avec lequel « French Viking » vient d’ailleurs de faire le voyage pour sa deuxième participation au KOTS, il y a quelques jours à peine, où il a combattu sous son vrai nom et accompagné du même entraîneur.

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Valentin Vauthiers, dit « French Viking », est le second Français à avoir participé au KOTS. S’il affiche moins haut ses couleur, Szkatulski lui a fait une spéciale dédicace nazie sur Facebook : « 88 Valentin ». / Crédits : DR
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Pour sa deuxième participation au KOTS, il y a quelques jours à peine, Valentin Vauthiers a combattu sous son vrai nom et a mis des gros coups de pieds. Pour l’occasion, il était accompagné du combattant Yanek Czura (au fond, à droite). / Crédits : DR

Yanek Vincent Czura, colosse suisse de 120kg, fait lui aussi partie des rares francophones à avoir déjà mis les pieds au KOTS. Possédant une salle de fitness à Gland, dans le canton de Vaud, l’homme n’est pas tout à fait un paisible entrepreneur occupé par ses seuls bilans comptables de sa PME. Il affectionne aussi les bagarres en forêt contre d’autres hooligans. Des affrontements violents organisés par le Swastiklan Wallis (pour « Svastika », la croix gammée), groupe auquel Yanek appartient et composé essentiellement de néonazis helvètes. Une enquête du Nouvelliste, reprenant notamment des informations du site antifasciste suisse Renversé, avait montré que des Français, dont le chef des Zouaves Paris Marc de Cacqueray-Valménier, participent à des fights avec ces hools d’extrême droite.

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Les joyeux drilles du Swastiklan Wallis, groupe de néonazis helvètes qui accueillent parfois des Français, comme Marc de Cacqueray-Valménier. / Crédits : DR

S’il était identifié comme « streetfighter » sur certains visuels, c’est bien pour défendre les couleurs du Swatisklan Wallis que Yanek le bodybuilder suisse s’est rendu en Suède pour affronter un Polonais au KOTS. Lors de l’événement, des photos publiées sur les réseaux sociaux confirment d’ailleurs qu’il entretient une certaine proximité avec les Français Tomasz Szkatulski et Valentin Vauthiers.

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« C’est l’heure de la bagarre » / « J’ai perdu la bagarre ». / Crédits : DR

Des participations européennes

D’autres « événements sportifs » organisés par des membres de l’extrême droite européenne drainent des combattants proches de la mouvance néonazie. En Allemagne, c’est le cas du Kampf der Nibelungen, du nom que portent les nains dans la mythologie germanique. Comme le KOTS, la première édition de ce tournoi d’arts martiaux s’est déroulée en 2013, mais la ressemblance s’arrête là : aucune trace, par exemple, de groupes de gauche radicale participant à l’événement. L’édition 2018, qui a eu lieu à Ostritz en Saxe sur un terrain mis à disposition par un ancien membre du parti d’extrême droite allemand NPD, a réuni plus de 800 participants venus de toute l’Europe, dont de France. En grande majorité des crânes rasés bardés de tatouages de runes nordiques et autres symboles chers à la mouvance néonazie. « En tout temps, ce sont les combattants qui ont défendu leur clan, leur tribu, leur patrie », vante l’organisation.

Ce dernier rassemblement était notamment sponsorisé par la marque de vêtements White Rex, créé en 2008 par le néonazi russe Denis Nikitin, cheville ouvrière de nombreux tournois de MMA organisés par des hooligans d’extrême droite en Europe et dont Gamin aurait donc repris le flambeau. Dans une interview donnée au Guardian en 2018, Nikitin avait admis avoir régulièrement mené des agressions violentes contre des minorités ou des immigrés avec ses camarades hooligans.

En Grèce se tient aussi ce genre de show. Le ProPatria Fest se décrit comme un tournoi de MMA « paneuropéen ». Il réunit les combattants d’extrême droite depuis 2014. Le Français Tomasz Szkatulski y avait pris part en 2016. On trouve des événements similaires en Italie avec le Tana delle Tigri à Rome organisé par les néo-fascistes de Casapound ou dans les Balkans et en Europe de l’Est.

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Le ProPatria Fest (en haut) qui se tient en Grèce réunit les combattants d’extrême droite depuis 2014. Le Français Tomasz Szkatulski y avait pris part en 2016. / Crédits : DR
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Le Kampf der Nibelungen (KDN) est un tournoi qui rassemble les néonazis et suprémacistes blancs de toute l’Europe, dont la France. / Crédits : DR

Octogone dans l’Hexagone

En France, ce genre de compétition est particulièrement difficile à organiser compte tenu de la législation particulière sur les combats de MMA même si la discipline est largement pratiquée au niveau amateur. Mais surtout, les associations antiracistes et les autorités font pression sur les élus qui accepteraient d’accueillir ce genre d’événement sur le territoire de leur commune, obligeant les organisateurs à se réfugier à l’étranger ou à camoufler la vraie nature de leurs petites sauteries pour tenter de brouiller les pistes, comme l’a raconté Rue89 Lyon.

Si le contexte sanitaire actuel n’est pas propice à l’organisation de tournois de MMA entre blancs ou de concerts de groupes néonazis (les deux vont souvent de pair), de tels événements font régulièrement la Une de la presse locale et parfois nationale. C’était notamment le cas lors des éditions 2014 et 2015 du « Day of Glory », organisées par l’inévitable Tomasz Szkatulski, alors affilié à l’organisation de skinheads néonazis « Blood and Honour ». Les deux événements avaient respectivement eu lieu à Pollionnay, une petite commune à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Lyon, puis à Talencieux, paisible village ardéchois d’un millier d’âmes. Les deux fois, l’événement a réuni entre 150 et 200 crânes rasés. Les salles municipales des deux communes ont été réservées par des jeunes du coin sous le prétexte de fêter un anniversaire ou de passer une soirée privée. Mis devant le fait accompli le jour même, les élus et les forces de l’ordre locales ont été obligés de laisser l’événement se dérouler. Dans les deux cas, des arrêtés municipaux ont été pris par les maires des communes pour marquer leur désapprobation à défaut de pouvoir les faire annuler.

En 2017, c’est le village de Saint-Hélène-sur-Isère en Savoie qui était le théâtre d’un tournoi de MMA organisé par l’extrême droite radicale. Là encore, le maire de la ville avait découvert seulement quelques heures avant le début des « festivités » la vraie nature de l’événement.

Les nostalgiques du Troisième Reich ne se contentent pas d’organiser ponctuellement des combats clandestins. Ils montent des salles de boxe ou d’entraînement au combat. Ainsi les identitaires à Lyon ont ouvert L’Agogé – où le tournoi accueille des combattants nationalistes-révolutionnaires ou néonazis –, à Paris La Baffe lutécienne et à Nice le 15.43. Des salles qui ont survécues à la dissolution récente de Génération Identitaire. Les nationaux-catholiques angevins de l’Alvarium, proches des héritiers du GUD autant que de GI, tentent de réunir des fonds pour ouvrir leur salle depuis plusieurs mois maintenant.

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De gauche à droite : l’Agogé, la Baffe lutécienne et le 15.43. / Crédits : DR

D’autres se sont repliés vers le hooliganisme pur. Ainsi certains membres des Zouaves Paris participent à de nombreux fights avec leurs copains des MesOs Reims. Mais ils ont aussi repris récemment le flambeau du KOP of Boulogne en combattant sous l’étiquette « Jeunesse Boulogne (PSG U23) ».

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Certains membres des Zouaves participent à des fights avec d’autres hools, comme les Mesos. Ils ont aussi repris récemment le flambeau du KOP of Boulogne en combattant sous l’étiquette « Jeunesse Boulogne ». / Crédits : DR

D’autres enfin semblent, selon nos informations, tentés de reproduire le modèle du KOTS à leur échelle. À l’image de jeunes nationalistes de la région de Rennes qui sont à l’initiative – encore en gestation – du « Roazhon Fighting Contest », présenté comme une « organisation de combats non-officiels et pour le plaisir de la pratique de la boxe anglaise, du Muay Thaï et du MMA ». Pas ou peu d’infos supplémentaires, les organisateurs ayant opposé une fin de non-recevoir à nos questions.

Nous avons toutefois réussi à identifier au moins un jeune homme qui se cache derrière ce compte. Fréquentant le stade du Roazhon Park, il est militant de la remuante section locale du groupuscule royaliste Action française et s’entraîne déjà régulièrement aux sports de combat en groupe dans des parkings souterrains ou sur des terrains publics. Sa bande, très active, a participé il y a quelques semaines au service d’ordre plus ou moins officiel d’une manif anti-PMA de Marchons enfants à Rennes. Fin février, certains sont montés à Paris pour participer à la manif organisée par Génération identitaire pour protester contre la dissolution du groupe et qui a été émaillée d’incidents violents. L’un d’eux a même diffusé une photo de son petit groupe accompagnée de commentaires racistes. Un cliché qui a été repris sur le compte Telegram « Ouest Casual », grosse chaîne des hooligans proches des héritiers du GUD et du Bastion social (Zouaves Paris en tête). En légende du cliché : « 20/02/2021 Nationalists in Paris ».

 

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La bande des natios rennais à Paris pour la manif de Génération identitaire. La notion de « trois doigts » fait référence au « salut de Kühnen » – une variante à trois doigts du salut nazi. Et le « 3Rei » fait référence au Troisième Reich. / Crédits : DR

Contacté, Tomasz Szkatulski a refusé de répondre à nos questions.


https://youtu.be/8mhA6MYoZH4?si=Pe5-6g86fb19G-n8

https://youtu.be/pjwbXfuUcrY?si=3vvDOUwZaNskmung

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KOTS 10 décembre 2022

https://youtu.be/-cmUZfx9yws?si=3oXno6LJrdb4qbGX


2018 : Tomasz figure dans le jeu de carte des “sept familles de l’extreme-droite”

Le fils cadet : surnommé « Gamin », Szkatulski est un skin néonazi qui a fréquenté la LOSC Army (hools faf lillois) et édité des fanzines d’extrême droite. Après un passage en prison pour avoir agressé un SDF en 2008, il lance début 2010 la marque de vêtements Pride France et s’associe avec les  Russes de White Rex dans l’organisation de concerts RAC et de tournois de MMA clandestins.

Un tournoi de free-fight néonazi dans la région lyonnaise

Un tournoi de free-fight néonazi dans la région lyonnaise

[MàJ] De quoi renforcer la mauvaise réputation de place forte de l’extrême droite radicale pour Lyon. La deuxième agglomération de France n’est pas seulement un fief de plusieurs groupuscules identitaires ou nationalistes, pour la seconde fois, un tournoi de free-fight néonazi devait se dérouler ce samedi dans les environs de la ville.

Le tournoi s’est finalement tenu dans le nord de l’Ardèche, dans la petite commune de Talencieux, près d’Annonay.

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Un des combats de free-fight de l’édition 2014 qui a lieu dans la région lyonnaise. Capture d’écran de la Vidéo de White Rex

Ce samedi, à proximité de Lyon, on attendait près de 200 personnes en provenance des quatre coins de la France mais aussi de Grèce, d’Allemagne, d’Italie et des pays de l’Est de l’Europe. Elles ont assisté ou participé à un tournoi de free-fight (ou MMA), suivi de deux concerts.Jusqu’à samedi milieu d’après-midi, nous n’avions pas connaissance du lieu, tenu secret jusqu’au dernier moment. Sur les réseaux sociaux, les organisateurs parlent seulement de Lyon. Nous savions seulement que le tournoi devait se tenir dans la campagne environnante, toujours pour une question de discrétion.Cela a déjà été l’option choisie le 7 juin 2014, lors de la première édition, par les organisateurs qui avaient jeté leur dévolu sur Pollionnay, une petite commune à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Lyon.Il y a un an, les forces de l’ordre disaient n’avoir été au courant de l’emplacement exact que quelques heures avant le début des réjouissances, qui avaient rassemblé 150 personnes.Ce samedi de juin 2014, la salle municipale de Pollionnay avait été louée, soit-disant pour un « anniversaire », comme le rapportait le commandant de gendarmerie cité par le Progrès.

Le quotidien de Lyon avait été alerté par ses lecteurs qui s’étaient « émus » de ce rassemblement de plusieurs dizaines de personnes « crânes rasés et tatouées ». En entrant dans « sa » salle, le maire avait découvert le ring au milieu d’un charmant public.

Toujours les mêmes organisateurs néonazis

Comme en juin 2014, l’événement est co-organisé par Blood and Honour et Pride France, deux structures que l’on peut rattacher à la mouvance néonazie.

A Lyon, nous connaissons déjà Blood and Honour. Ce réseau, qui tire son nom de la devise des Jeunesses hitlériennes, organise essentiellement des concerts de groupes de RAC (Rock Against Communisme).

Ses membres lyonnais avaient créé un local à Gerland, le « Bunker Korps Lyon » fermé en mai 2011 sur décision de la Ville de Lyon. Sa philosophie pourrait se résumer à « bière, foot et baston », sans rechigner aux bras tendus. Dernièrement, ils ont tenté d’ouvrir un nouveau lieu à Sainte-Foy-lès-Lyon en association avec le GUD.

Mais très marqué et donc davantage repérable par les autorités de police, Blood and Honour a pris le nom, pour cet événement, d’« Hexagone », tout en gardant le même symbole.

Capture d'écran du tournoi de free-fight 2014
Capture d’écran du tournoi de free-fight 2014

C’est l’autre organisateur, Pride France, qui assure essentiellement la communication en France. Elle se fait surtout via les réseaux sociaux et mails.
A la fois « team » de combattants de free-fight et marque de vêtements « faits par les blancs, pour les blancs », Pride France est rattaché à un site Internet « White Clothing 88 » aujourd’hui fermé. Le chiffre « 88 » renvoyant, dans cette symbolique, aux « H » de Heil Hitler.

Le propriétaire de la marque est un néonazi connu de Lille, surnommé « Gamin », qui s’est fait tatouer une croix gammée, le visage de Rudolf Hess et « white power » dans le cou.

Si cette année l’affiche intitulé « Day of glory vol. 2 » a été expurgée d’un grand nombre de symboles nazis, celle de 2014 était beaucoup plus explicite. On y voit un combattant qui a tatoué la croix de fer allemande et l’emblème SS de la troisième Panzerdivision Totenkopf.

Capture d'écran de l'affiche du tournoi 2014
Capture d’écran de l’affiche du tournoi 2014

Ultranationalistes russes et musique RAC

Outre les deux organisations françaises, le tournoi se fait, toujours, sous le haut patronage de White Rex, un réseau européen très actif basé en Russie. Ces suprémacistes blancs mêlent également organisation de tournois de free-fight et vente de vêtements. Ce sont eux qui organisent la venue de combattants étrangers à Lyon.Dans leur post titré « White Rex 34 in Lyon (France) ! », ces ultranationalistes russes rappellent leur doctrine que nous pouvons traduire de la sorte :« Sous les attaques de la propagande étrangère, nous, les Européens, avons perdu l’esprit (…) de combattant ! L’un des buts de White Rex est de revivre cet esprit. »C’est encore White Rex qui a mis en ligne la vidéo/compte-rendu de l’édition 2014 (voir ci-dessous) où l’un des membres du staff présente l’événement (en anglais) comme ayant pour finalité « l’unité blanche européenne ».

Cette année encore les combattants et les spectateurs sont venus de toute l’Europe. Côté concert, on note une internationalisation avec la présence de deux « pointures » du milieu RAC : le groupe québécois Legitime Violence et les Italiens de Gesta Bellica qui ont notamment à leur actif une chanson faisant l’éloge d’Erich Priebke, responsable nazi du massacre des Fosses ardéatine en 1944 à proximité de Rome.

Demande d’interdiction

La Licra, via son délégué régional Patrick Kahn, a alerté les autorités. Ce dernier a le sentiment qu’on a tiré aucune expérience de l’année dernière, pour anticiper l’événement et l’interdire :

« L’annonce circule depuis deux mois sur les réseaux sociaux. On a l’impression que ces néonazis européens ont pris confortablement leurs quartiers dans la région. »

La préfecture du Rhône affirme ne pas connaître le lieu. « Tous les services de sécurité sont très attentifs », expose un porte-parole, en précisant que le préfet se « réserve la possibilité d’intervenir en cas de besoin ».

Contactés par Rue89Lyon, les organisateurs n’ont pas donné suite.

200 personnes dans un petit village près d’Annonay

Finalement, les organisateurs ont choisi le village de Talencieux, près d’Annonay, à 75 km au sud de Lyon. Ils ont loué la salle municipale de cette commune de 1 000 habitants.

Les participants, un peu moins de 200 personnes, sont arrivées dans le village dans le courant de l’après-midi de samedi .

Le village a connu un important déploiement de gendarmes mais ils ne sont pas intervenus pour empêcher la tenue du tournoi de free-fight.

Le maire de la commune a pris un arrêté pour « marquer sa désapprobation », selon France Bleu Drôme Ardèche.

Robert Seux a expliqué au Dauphiné Libéré comment il avait été dupé, de la même manière que le maire de Pollionnay l’année dernière :

« Deux jeunes du coin sont venus réserver pour une « soirée privée ». On n’imaginait pas que ça pouvait être une soirée comme celle-ci… ».

Photo publiée dimanche 7 juin sur la page Facebook de l'organisateur "Pride France" et titrée "Day of glory vol II". Capture d'écran
Photo publiée le lendemain du tournoi, le 7 juin, sur la page Facebook de l’organisateur (Pride France) et légendée « Day of glory vol II ». Capture d’écran

Article mis à jour le dimanche 7 juin à 20h30 après la tenue du tournoi dans la commune de Talencieux.


Les tournois de free-fight interdits en France
Le MMA ou Mixed Martial Arts ou arts martiaux mixtes ou free-fight désignent un sport de combat où l’on peut avoir recours à plusieurs techniques provenant de différents arts martiaux (par exemple, boxe thaï, jiu-jitsu brésilien, lutte). Sur le ring, les deux combattants peuvent donc utiliser coups de genou et de coude, mais aussi des techniques de soumission (comme l’étranglement).

Le free-fight, considéré comme extrêmement violent, vient d’être toutefois partiellement autorisé en France : on peut s’entraîner mais les tournois ou compétitions restent interdits.

 

Dominique Venner a sonné les cloches une dernière fois !

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2013 – Une féministe de Femen performe seins nus et avec une arme factice à la bouche mercredi devant l’autel de Notre-Dame de Paris pour dénoncer «le fascisme» au lendemain du suicide, exactement au même endroit, d’un essayiste d’extrême droite.


[…] En France, la principale structure qui fit la jonction entre les militants de la Seconde guerre mondiale et les jeunes générations de l’après-guerre fut Europe-Action. Son fondateur, Dominique Venner, est un militant d’extrême droite de longue date1. En 1956, il devint membre de Jeune Nation, un groupuscule néofasciste fondé par les frères Sidos. Engagé volontaire à dix-huit ans dans les chasseurs parachutistes, il combattit en Algérie entre 1954 et 1956. Il fut incarcéré à la prison de la Santé de 1961 à 1962. A sa sortie de prison, il entreprit la prise de contrôle de la Fédération des Étudiants Nationalistes qui servait de cache-sexe à Jeune Nation après que le mouvement ait été deux fois dissout. Il est vrai que Venner a recruté dans le milieu estudiantin dès 1957 un groupe d’une quinzaine de militants et d’une soixantaine de sympathisants actifs. […]

Dominique Venner et le renouvellement du racisme

http://www.memorial98.org/article-un-suicide-pour-appeler-a-la-violence-117988431.html

Dominique Venner s’est suicidé le 21 mai 2013 avec une arme à feu dans le cœur de Notre-Dame de Paris, ce qui peut apparaître de prime abord comme un choix curieux pour ce païen convaincu. Si Venner n’a pas raté sa sortie, il ne devait sans doute pas s’attendre à être rabaissé par les médias au rang d’un simple essayiste nationaliste, soutien des anti-mariages homo, lui qui fut l’auteur de textes parmi les plus importants de l’extrême droite française comme le Manifeste de la classe 60 et Pour une Critique positive. Qualifié pudiquement d’historien « passionné d’armes à feu », Dominique Venner était à sa manière un militant politique, voire un activiste. Il était également l’un des principaux promoteurs des thèses nationales-européennes et racialistes de l’après-guerre, et ce, bien au-delà de son prétendu retrait du milieu militant : ce qui est sûr, c’est que son « testament politique » montre que l’animal n’avait rien renié de ses engagements passés, tout comme d’ailleurs ses ouvrages, même les plus récents, entre deux publications sur la chasse ou les armes à feu, ses autres grands amours.

Fils d’un ancien Croix de feu, passé par le PPF de Doriot[1], Dominique Venner est né le 16 avril 1935 à Paris. Fasciné par l’antiquité grecque et romaine, et plus particulièrement par Sparte, il s’engage comme officier volontaire dans l’armée Française pour aller combattre en Algérie. Rapidement repéré par les frères Sidos, il est présent au premier congrès nationaliste de Jeune Nation (JN), le 11 novembre 1955, où on lui confie l’organisation du premier camp école de Jeune Nation ainsi que la publication du bulletin interne. Si à l’époque Jeune Nation compte très peu de militants, ils sont encadrés par de jeunes soldats comme Venner, qui permettent au mouvement de tenter des coups d’éclat comme l’attaque du siège du PCF et l’incendie des locaux du journal l’Humanité. Venner sert également de sergent recruteur pour JN en ciblant des jeunes officiers de l’armée française qui souhaitent continuer la lutte pour l’Algérie Française en Métropole.

Ce travail permet à Jeune Nation de s’implanter également en Algérie, faisant de Venner l’un des véritables chefs du mouvement aux yeux des militants, nettement plus fougueux que Pierre Sidos. Le 25 novembre 1957 Venner et Jeune Nation décident de s’attaquer à l’ambassade des USA, suite à la prise de position de Kennedy en faveur de l’indépendance de l’Algérie. De nombreuses bagarres éclatent autour de l’ambassade, permettant à Jeune Nation de se faire connaître et de recruter de nouvelles têtes comme François Duprat.
Lors de la dissolution du mouvement[2], Venner, à la tête de la Société de presse et d’édition de la Croix Celtique, maintient le contact entre les militants et l’organisation via l’édition d’un journal, intitulé Jeune Nation. Il est partisan de la création d’un parti pour constituer les cadres d’un futur mouvement insurrectionnel.

Dominique Venner est à gauche sur la photo (document tiré du livre Génération Occident)

Dominique Venner est à gauche sur la photo (document tiré du livre Génération Occident)

Le 24 janvier 1960, Dominique Venner, comme Pierre Sidos, basculent dans la clandestinité. Cela n’empêche pas Venner de contacter d’anciens jeunes militants de Jeune Nation pour leur proposer de monter une structure étudiante nationaliste, la FEN (Fédération des Etudiants Nationalistes). Ce mouvement a même un texte fondateur, le Manifeste de la classe 60, écrit par Dominique Venner. Ce texte aura une influence non négligeable sur tous les mouvements et les jeunes militants nationalistes que les années 60 vont voir fleurir. Dans ce texte, Venner rejette le concept de démocratie et met en avant la notion de race.

Pour une critique positive

Le 19 avril 1961 il est arrêté. Il ne ressort de prison qu’en octobre 1962. En détention il en profite pour écrire clandestinement un texte : Pour préparer l’action, guide insurrectionnel pour les jeunes générations de militants de la FEN. Dans ce guide on trouve des conseils pour s’organiser et construire une structure clandestine, mais également une liste de cibles à frapper lors du coup de force comme les syndicats, les partis de gauche ou les journalistes. Mais en prison Venner s’interroge également sur l’engagement politique, après l’exécution de son ami Michel Leroy. Ce dernier, chef des commandos Z du Front Nationaliste, a été abattu sur ordre des chefs de l’OAS, dont Jean-Jacques Susini, un ancien de Jeune Nation, pour mettre au pas les gens qui auraient été tentés de ne pas suivre à la lettre les directives du mouvement. Venner s’éloigne de l’OAS et critique vivement son fonctionnement.

Février 97, couverture de Jeune Nation montrant plus de 30 ans après que l'OF a la rancune tenace !

Février 97, couverture de Jeune Nation montrant plus de 30 ans après que l’OF a la rancune tenace !

Il publie alors ce qui reste l’un des textes fondateurs de la mouvance nationaliste révolutionnaire Pour une critique positive. Dans ce texte, il rejette alors l’activisme effréné de ses années militantes à Jeune Nation au profit d’une prise du pouvoir sur le long terme, à l’aide de jeunes générations de nationalistes, encadrés et formés pour infiltrer l’Etat et ses institutions comme la police, l’armée. Avec la publication de ce texte, il rompt avec Sidos. Les années passant la haine entre les deux hommes ne cessera jamais de croître.

Europe-Action

Venner tire également une leçon de son expérience militante : il n’y aura pas de révolution sans parti révolutionnaire, et pas de parti sans doctrine. Sous-titré sobrement « Magazine de l’homme occidental », Europe-Action paraît en janvier 1963 à 10000 exemplaires. Dans cette aventure on retrouve aux côtés de Dominique Venner, Jean Mabire[3] ou encore Alain De Benoist, le chantre de la « Nouvelle droite ». Le journal est lancé grâce au fichier clandestin de Jeune Nation que Venner a réussi à récupérer.

Europe-action_no16

L’objectif de la revue ? Proposer un nationalisme européen capable de défendre la race blanche, dont la supériorité supposée sur le reste du monde ne fait pour eux aucun doute. Cette position sera en particulier défendue dans une brochure éditée par Europe-Action « Qu’est-ce que le nationalisme ». Obsédés par la peur du métissage, les fondateurs de la revue prônent évidemment le renvoi de tous les immigrés non-européens hors d’Europe (avec une crispation certaine sur l’immigration algérienne), et dans le même temps dénoncent le judéo-christianisme qui serait responsable de la faiblesse de l’Europe et invitent à un retour aux mythes païens et à la mythologie grecque. On croise dans la revue des références au fasciste belge Léon Degrelle, au sculpteur nazi Arno Breker ou encore à l’éditeur nazi autrichien Erich Kern… Le national-socialisme n’est jamais loin, tout comme le négationnisme, d’ailleurs. Mais Europe-Action sort aussi des sentiers battus à l’extrême droite, et en appelle aussi à Proudhon et Sorel, à l’officier communard Louis Rossel, ce qui déplaît dans certains milieux de la droite nationale jugée conservatrice, et ce d’autant plus que la revue considère les « mous » de l’extrême droite comme responsables de l’échec du combat pour l’Algérie française.

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Dans le n°5 d’Europe-Action, on peut lire : « Pourquoi l’OAS a-t-elle échoué ? Cette question est le point de départ de Venner. Il voit une cause principale à la défaite : les nationaux (les notables) y ont pris le pas sur les militants (les nationalistes). À ces derniers de reprendre le flambeau, avec un but, la révolution, un outil, un mouvement structuré, et une doctrine claire, le nationalisme ». Venner, à ce moment-là, n’est plus un novice. Il a bientôt la trentaine, de l’expérience en politique. Il sait qu’il lui faut des troupes pour porter son discours : la revue fait donc l’apologie de la jeunesse, une jeunesse « virile» à qui Venner demande de devenir d’authentiques « soldats politiques ».
Dans ce numéro on retrouve également un Dictionnaire du militant, un exercice de style qui sera repris quelques décennies plus tard au Front National, à Unité Radicale ou chez les Identitaires. Il s’agit d’un travail sémantique, où l’on doit donner de nouvelles définitions à certains mots comme racisme, antiracisme ou culture pour mieux les retourner contre les adversaires politiques et espérer un jour les imposer dans les médias : par exemple, dans le Dictionnaire du militant de Venner, l’antiracisme désigne « les racistes anti-blancs ».

L’accueil d’Europe-Action est parfois mitigé, à la fois pour sa critique de l’activisme, ses règlements de compte avec l’OAS mais également pour ses prises de position violemment hostiles au christianisme, accusé d’être en partie à l’origine de la décadence de l’Occident et ses écrits évoquant un nationaliste européen. Cela crée des tensions au sein même de la FEN, des étudiants hostiles à la ligne d’Europe-Action quitteront la FEN pour se rapprocher de Pierre Sidos et de son nationalisme plus traditionnel, pour fonder Occident.

Après l’échec de la campagne présidentielle de Tixier-Vignancourt[4] et l’expérience du parti politique, le Rassemblement Européen de la Liberté, Venner et l’équipe d’Europe-Action tirent une nouvelle fois un bilan mitigé de l’engagement politique et militant. Ce constat les amène à créer des Groupes de Recherches et d’études pour la Communauté Européenne (GRECE). Dominique Venner va se faire alors de plus en plus discret, n’apparaissant principalement qu’au sein des activités du GRECE et de sa publication Nouvelle Ecole.
Il sera contacté, parmi d’autres, en 1972 par l’équipe d’Ordre Nouveau pour prendre la tête du Front National[5] mais devant ses hésitations, la bande d’Alain Robert se tournera vers Jean-Marie Le Pen.

Dans les années 80, il publie quelques ouvrages sur des thématiques très fortes à l’extrême droite, comme Baltikum, consacré aux corps francs allemands des années 1920[6], Les Blancs et les Rouges, un ouvrage revenant sur l’arrivée au pouvoir de Lénine, ainsi qu’une Histoire critique de la Résistance

Au début des années 90 Dominique Venner publie Enquête sur l’histoire, revue d’histoire très à droite, où les guerres mondiales seront qualifiées de guerres civiles européennes, selon la terminologie en vogue chez les néo-nazis ou les nationalistes européens. La revue, qui avait un stand à certaines fêtes BBR du FN deviendra en 2002 la Nouvelle Revue d’Histoire[7]. Ces dernières années il intervenait parfois sur les ondes de Radio Courtoisie

Dans l’un de ses derniers ouvrages, Le Siècle de 1914, paru en 2006, Venner, sous un discours plus policé et des références plus académiques, montre qu’il n’a rien renié de ses idées. Il écrit :
« Depuis la fin du XXe siècle, nous sommes entrés dans une logique multipolaire soumise au choc des civilisations et des puissances (…) Dans ce monde, les occasions et les acteurs ne manquent pas qui vont s’entendre à tout bouleverser, donc, paradoxalement à rendre leurs chances aux Européens ».

Il explique plus loin pourquoi les Européens doivent se reprendre :
« D’acteurs décisifs de l’histoire, les Européens sont devenus spectateurs. (…) D’autres que nous [NDR : quelle belle litote!], autour de nous et parfois même chez nous, se montrent des acteurs entreprenants et téméraires. Nous les voyons s’agiter. Ils font l’histoire ou pensent la faire en obéissant à des ambitions et à un volontarisme que nous connaissons bien ».

Cet art de l’implicite, Venner le développe quand il s’agit de trouver une solution :
« les Européens ont d’abord besoin de refaire leurs forces en se lavant de ce qui les a miné. (…) Aujourd’hui que les Européens sont confrontés à des défis mortels et inédits, le retour à leurs sources primordiales se pose comme jamais, au moins pour ceux qui ont la vocation d’agir en vue d’une renaissance. »

Qui peuvent bien être ces héros des temps modernes, sauveurs de l’Occident ? Venner ne le dit pas, mais il précise :
« Les renaissances ont toujours été préparées par de très petits nombres capables de s’imposer les règles ascétiques des anciens ordres militaires »…

Bref, si on lit entre les lignes,
pour éviter d’être submergé par les étrangers qui cherchent à nous faire disparaître, il faut se débarrasser du sentiment de culpabilité judéo-chrétien pour renouer avec nos racines les plus anciennes (helléniques, pour Venner), et attendre qu’un groupe de soldats déterminés agissent :
exactement le discours qu’il tenait lorsqu’il a fondé Europe-Action…

Voilà c’est fini

Un vieillard se suicide, et c’est toute l’extrême droite qui s’enflamme. Du MAS aux Identitaires, en passant par Troisième voie de Serge Ayoub, Christian Bouchet ou Marine Le Pen[8], tous ont rendu hommage à l’homme. Et dans ce cas, comme souvent, le seul à s’être distingué c’est Jean-Marie Le Pen, qui tenta de relativiser la place de Venner dans l’histoire de l’extrême droite française, le qualifiant d’« intellectuel », un terme peu gratifiant dans la bouche du père. En vieillissant, Jean-Marie Le Pen ne s’arrange pas et garde toujours la dent dure pour ceux qu’il a pu côtoyer tout au long de sa carrière politique.

Bouchet profite de l'hommage rendu à Venner pour régler ses comptes avec l'Œuvre Française

Bouchet profite de l’hommage rendu à Venner pour régler ses comptes avec l’Œuvre Française

Hommage à Venner en Italie par les militants de Casapound

Hommage à Venner en Italie par les militants de Casapound

Celui qui va sans doute rejoindre Saint-Loup et Jean Mabire au Panthéon des nationalistes socialisant les plus radicaux, avant l’arrivée prochaine de Pierre Vial, était paradoxalement assez méconnu de la base militante du FN de ces dernières années et encore plus du grand public. Se tenant à bonne distance du milieu militant, les derniers à avoir essayé de le récupérer ou de recevoir son adoubement furent évidemment les Identitaires. Les dirigeants (Fabrice Robert en particulier) ou ex-dirigeants (Philippe Millau) l’ont rencontré plusieurs fois et appréciaient entre autre son point de vue sur Marine Le Pen qu’il jugeait comme étant une personne qui « ne se caractérisait pas particulièrement par la profondeur de sa pensée politique » mais dont le principal intérêt était de travailler pour les identitaires au sens large. Cette collaboration a pu prendre la forme de séminaires – que ce soit avec les dirigeants du Bloc ou avec les jeunes – sur lesquels Venner a toujours tenu à conserver la plus grande discrétion, mesurant sans doute l’exploitation qu’en feraient les Identitaires et refusant toute inféodation à un groupe.

Venner n’était donc pas isolé du milieu militant, preuve les nombreux cadres de la mouvance nationaliste comme
Julien Rochedy le directeur du FNJ,
Frédéric Châtillon (Riwal s’occupant à une époque de la mise en page de la Nouvelle Revue d’Histoire),
Axel Loustau,
Antoine Roucheray,
Romain Vincent l’ancien responsable du Rassemblement des Etudiants de Droite (RED)
ou Jacques Bompard,
étaient présents le soir même devant Notre-Dame pour rendre hommage à Venner et chanter le « Chant des Lanquennets », le chant traditionnel des jeunes radicaux nationalistes.

Hommage parisien du samedi 25 mai 2013Quelques jours plus tard l’ambiance est bien retombée. L’hommage public qui devait être rendu par toute l’extrême droite française devant Notre-Dame a fait un bide : à peine une trentaine de personnes avec en tête d’affiche Roland Hélie, c’est un peu léger.

Hommage parisien du samedi 25 mai 2013

Les premières attaques ont également commencé à pointer leur nez, en particulier en ce qui concerne l’OF via son site officieux, qui s’est lâché sur Venner, le qualifiant de « militant de salon ».

Le plus étrange dans tout ça aura été, suite au suicide de Venner, l’annonce de l’autodissolution des anarcho-royalistes du Lys Noir, annonçant son passage dans la clandestinité, sous la forme du « Mouvement du 6 Mai », en appelant « résolument au coup d’Etat militaire salvateur ». Peu étonnant quand on connaît le parcours de Rodolphe Crevelle[9], il avait déjà fait parler de lui dans les années 90 avec son Groupe Francité, qui rêvait d’envahir et de reconquérir le Val d’Aoste, l’Andorre ou encore le Pas de la Case. Après quelques années d’agitation et de mini coup d’éclats, Rodolphe Crevelle et son groupe retomberont vite dans l’oubli et l’anonymat, euh.. dans la clandestinité

Heureusement pour nos « clandestins putschistes », aujourd’hui la technologie nous permet de rester en contact, notamment grâce au téléphone portable dont ils laissent le n° avec la précision suivante « Sur écoute, appelez-nous d’une cabine » !

Peu de doutes, l’Etat doit trembler, et Dominique Venner se retourner, maintenant qu’il est dans sa tombe !

  1. Génération Occident, Frédéric Charpier p 26[]
  2. Après l’attentat contre l’assemblée nationale 1958[]
  3. qui en devient le rédacteur en chef en 1965[]
  4. L’équipe d’EA tentera de prendre le contrôle des comités TV, dirigé par Jean-Marie Le Pen. après le départ des hommes de Sidos[]
  5. la droite nationale en France de 1971 à 1975 François Duprat, éd. l’homme libre, p25[]
  6. groupes de soldats de la première guerre mondiale démobilisés, sur lesquels vont s’appuyer en parti les nazis pour conquérir la rue[]
  7. Venner quelques jours avant sa mort avait nommé un ancien du GRECE, Philippe Conrad directeur de la rédaction[]
  8. pas certain que la présidente du FN était l’idéal nationaliste de Dominique Venner[]
  9. l’unique animateur de ce groupuscule[]

Cet article est libre de droit, mais nous vous demandons de bien vouloir en préciser la source si vous en reprenez les infos : REFLEXes http://reflexes.samizdat.net , contact : reflexes(a)samizdat.net

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  • Dominique Venner idole de BMH et KPN  – 2015

Peste Noire et BMH rendent hommage à Dominique Venner dans leurs disques.

  • LMH 08 : CD 2015 ré-édité en 2022

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Famine / Ardraos / Audrey / Björn Misanthropic Division / Snorr Le Porc

 

  • LMH 12 : version vinyl collector produite depuis l’exil azovien en 2019

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NAER MATARON – Grèce : Le député NSBM justifie le saccage du marché par sa bande

Geórgios Germenís (grec moderne : Γεώργιος Γερμενής), né le 14 novembre 1977 à Argostóli1, est un musicien et homme politique grec2.

Giorgos Germenis ( 12 juin 1978 ) est un musicien et homme politique grec reconnu coupable d’avoir dirigé une organisation criminelle. [1] [2] Il a été député de Golden Dawn dans la 2e circonscription électorale d’Athènes au cours de la période 2012-2019.

Il est le fils de Spyros Germenis, candidat au parlement avec Golden Dawn dans la préfecture de Kefallinia. [3] Depuis 1994 [4] il participe en tant que bassiste sous le pseudonyme de Kaiadas dans le groupe de black metal gréco-norvégien Naer Mataron, qui a sorti des chansons avec des références à la mythologie païenne norvégienne et des paroles anti-chrétiennes. [5] En 2012, Naer Mataron a sorti l’album Žito o Thanatos , qui contenait des chansons avec des paroles en anglais, parmi lesquelles “Goat Worship”, a mis en musique la traduction anglaise d’un poème de Nikos Michaloliakos intitulé “O Megas Pan”. En 2018, ils sortent l’albumLucithérion . [6] Il est membre du Comité central d’Aube dorée, avec lequel il a été élu député d’Athènes B lors des élections de mai 2012 . [3]

Il est bassiste du groupe de black metal Naer Mataron depuis 1994 sous le pseudonyme de Keádas (Καιάδας) et ancien député au Parlement hellénique pour le parti Aube dorée.

Principal

Discographie sous le nom de scènede “Kaiadas”” , du nom du gouffre légendaire ou les spartiates jetaient les nouveaux-nés jugés trop faibles ou handicapés.

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Figure skinhead RAC en tant que membre de Stosstrupp depuis 2000.
https://www.discogs.com/fr/artist/3605364-Stosstrupp-3

Membre de Der Stürmer, NSBM hitlérienne, du nom du journal antisémite.
https://www.discogs.com/fr/master/41390-Der-St%C3%BCrmer-The-Blood-Calls-For-WAR

Le 14 octobre 2020, il est reconnu coupable d’avoir dirigé une « organisation criminelle » et condamné à 13 ans de prison ferme par la cour pénale d’Athènes

Biographie

Lors des élections législatives grecques de mai 2012, il est élu député3 pour la 14e législature, qui aura duré du 6 mai 2012 au 19 mai 2012. Lors des élections législatives grecques de juin 2012, il est réélu le 17 juin 2012 à la 15e législature3. Aux élections législatives grecques de janvier 2015, il est réélu dans la deuxième circonscription d’Athènes.

Relations avec le nazisme

Dans une vidéo d’un concert événement Golden Dawn, Germenis est montré en train de jouer une de ses compositions pour “les vertueux tombés, ceux qui ont donné leur âme pour que ce pays soit indépendant, libre, fier et fort”Germain est présenté par quelqu’un couvert du drapeau de la Wehrmacht avec la croix gammée , le drapeau de guerre de l’Allemagne nazie . Après la chanson de Germenis, des slogans nazis sont prononcés et le public chante les hymnes nationaux de la Grèce et de l’Allemagne nazie tout en faisant des saluts nazis . [7]

“Lève-toi”

Le soir des élections législatives de mai 2012 , alors que Nikos Michaloliakos pénétrait dans la zone de conférence de presse d’un hôtel proche des bureaux de “Golden Dawn” pour faire des déclarations aux journalistes des médias grecs et étrangers, le cadre du parti George Germenis est entré dans l’espace criant “debout” ( sic ) exigeant que les journalistes se lèvent en signe de respect. [8]Journaliste de Real Fm, rédactrice en chef de la police, Nadia Alexiou a vivement réagi et exprimé son vif mécontentement face à l’ordre militaire aux représentants de la presse. À l’instigation des trois journalistes des médias de masse de la télévision grecque de portée nationale, ils ont quitté la salle en signe de protestation sans assister à la conférence de presse prévue. Avec la présence de photojournalistes et de représentants des médias internationaux et de deux éditeurs d’un site et d’une chaîne de télévision régionale d’Athènes, la conférence de presse s’est achevée sans la couverture télévisée des médias télévisés grecs à l’échelle nationale. Dans un communiqué, l’ESIEA a condamné l’événement. [9]Dans une tentative de “justifier” leur exécutif, l'”Association populaire – Aube dorée” a fait valoir que la réaction de la journaliste était pré-planifiée dans un plan organisé, pour nuire au pourcentage qu’elle a reçu aux élections législatives, la ciblant. Alors qu’ils soutenaient que l’ordre militaire de “se lever” ( sic ) était adressé aux membres et sympathisants de “Golden Dawn” qui avaient des sièges dans la salle, en guise de public.

Attaque contre George Kamina

Le jeudi saint 2013, Golden Dawn prévoyait d’organiser un sit-in pour les Grecs uniquement sur la place Syntagma , [10] mais la veille, le maire d’Athènes, Giorgos Kaminis , a notifié à la police qu’on ne lui avait pas demandé l’autorisation requise pour les événements publics [11] et la police a empêché le déchargement des vivres. [12] AXA a commencé à distribuer de la nourriture à ses bureaux de la gare de Larissa lorsque quarante orfèvres, dont Germenis, se sont rendu compte que Kaminis visitait l’épicerie sociale de la municipalité d’Athènes, qui se trouvait à proximité, et s’y dirigeaient, mais ont été arrêtés par la police .. Germenis, utilisant sa capacité parlementaire, est entré dans le bâtiment et, selon des témoins oculaires, a tenté de frapper Kamini, mais a frappé une fille de 12 ans, puis a essayé d’utiliser son arme, mais a été empêché par les agents de sécurité de Kamini. [11] [13] [14]

Après quatre ajournements de l’affaire, en mars 2018, Germenis a été jugé pour l’attaque contre Kamines en 2013, il a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel unipersonnel d’Athènes pour tentative de lésions corporelles simples et condamné à quatre mois de prison avec sursis. [15] [16]

Attaque contre Asterius Hamos 

Le 15 septembre 2013, des centaines d’orpailleurs étaient venus en formation militaire à la cérémonie commémorative des victimes de la « fosse » de Meligala , où Asterios Hamos, actif au sein d’AXA et candidat au parlement de Larissa en 2009, était également présent, mais ses relations avec la direction d’AXA avaient été perturbées, car il avait invité “Periandros” Androutsopoulos à un discours à Larissa . Dans une conversation entre l’ancien chauffeur de Michaloliakos et un membre du noyau fermé de cinq membres de l’organisation AXA à Nice , il est indiqué que Germenis a “dérangé” et “tué” Hamos, le frappant avec Yiannis Lagos. Quelques jours après l’incident, Hamos a déposé une plainte contre Lagos et Germenis. [17]

Détention provisoire

En janvier 2014, à la suite d’enquêtes judiciaires ouvertes après le meurtre de Pavlos Fyssas , il est inculpé de direction et d’adhésion à une organisation criminelle et placé en garde à vue car soupçonné d’avoir commis de nouveaux crimes. [18] Il a été libéré de prison en juillet 2015 après avoir purgé la limite de 18 mois de détention provisoire et a été placé sous des conditions restrictives. [19]

Il quitte l’Aube dorée à la suite des élections législatives de juillet 20194, lesquelles verront le parti y perdre sa représentation en raison d’un résultat décevant (2,93 %). Il rejoint le parti nouvellement créé de Ioánnis Lagós, Conscience populaire nationale5.

Le 14 octobre 2020, il est reconnu coupable d’avoir dirigé une « organisation criminelle » et condamné à 13 ans de prison ferme par la cour pénale d’Athènes

Une musique groupusculaire : le rock identitaire français (Lilian Mathieu 2006)

https://books.openedition.org/pur/12464?lang=fr

Le « rock identitaire français » (RIF) peut être considéré comme une musique groupusculaire. Non seulement parce qu’il s’agit d’un courant musical écouté, pratiqué et promu au sein des différents groupuscules de la droite radicale, mais également parce que ses modes de pratique et de diffusion relèvent eux aussi d’une logique groupusculaire. Ainsi s’agit-il d’une musique confidentielle, voire semi-clandestine, dont les manifestations publiques comme les réseaux de diffusion ne touchent qu’une communauté relativement fermée d’adeptes aux effectifs restreints. Cette logique groupusculaire est dans une large mesure contrainte : disqualifiés par leur positionnement politique, les groupes de RIF sont ignorés des grandes maisons de disques et exclus des circuits traditionnels de diffusion commerciale ; ils ne peuvent en conséquence compter que sur des labels et des circuits de distribution propres à leur mouvance. En ce sens, il s’agit également d’une musique stigmatisée (Goffman 1975), qui comme telle impose à ses adeptes de soigneusement contrôler l’information les concernant et de consolider leur cohésion par l’entretien d’un sentiment de fierté identitaire. L’exclusion du RIF du reste du monde musical est ainsi retournée, sur le mode du « faire de nécessité vertu », en refus de compromission avec une industrie du disque honnie parce qu’asservie au « capitalisme mondialiste », dans le même temps que sa relative clandestinité permet à ses adeptes l’adoption d’une posture « révolutionnaire » symboliquement valorisée dans cet univers militant. L’intérêt du RIF ne se limite cependant pas à sa participation à la sociabilité militante des jeunes activistes d’extrême droite. Son étude permet également d’avancer dans la compréhension des usages militants de l’art en proposant à l’analyse un cas extrême d’asservissement d’une pratique artistique à des enjeux proprement politiques. Ce sont donc les modalités, mais aussi les difficultés et impasses, de cette instrumentalisation de l’art à des fins de politisation que l’on étudiera dans ce chapitre.

Genèse et enjeux politiques du RIF

Une lutte sur le terrain culturel

  • 1 Principalement, car le RIF est aussi diffusé ou valorisé – mais dans une moindre mesure – dans d’a (…)
  • 2 Pour un panorama historique de la mouvance, voir Mathieu (2003a) et Lebourg (2004).

2Les musiciens et auditeurs de RIF appartiennent principalement1 à ce secteur particulier du champ politique d’extrême droite qu’est la mouvance nationaliste révolutionnaire (NR). Celle-ci s’est au fil des ans incarnée dans plusieurs groupuscules, fruits de scissions ou de recompositions entre différents courants ou tendances : Groupe union défense (GUD), Groupes action jeunesse (GAJ), Groupes nationalistes révolutionnaires (GNR), Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR) dans les années soixante-dix, puis Troisième voie (fondée en 1985), Nouvelle résistance (fondée en 1991), Unité radicale (UR, issue en 1996 de la fusion de Nouvelle résistance avec le GUD) et enfin, suite à une dernière scission puis à la dissolution d’UR en juillet 2002 consécutive à la tentative d’assassinat de Jacques Chirac par Maxime Brunerie, Bloc identitaire et Réseau radical2. Si c’est au sein de cette mouvance qu’a émergé et s’est développé le RIF, il faut également prendre en compte que nombre de ses adeptes ont également fréquenté le Front national de la jeunesse (FNJ, branche jeunes du Front national) et le Renouveau étudiant (RE, syndicat étudiant FN), au sein desquels les nationalistes-révolutionnaires ont toujours été relativement nombreux et actifs.

3La nébuleuse NR est au sein de l’extrême droite française la principale héritière des courants fascistes des années trente, dont elle poursuit la dénonciation de la société capitaliste bourgeoise, à laquelle elle oppose une idéologie qui se revendique du socialisme tout en étant anti-marxiste, anti-matérialiste et antidémocratique. Le projet de société défendu par les nationalistes-révolutionnaires est celui d’une « troisième voie » entre capitalisme et communisme, et cela au moyen d’une conception corporatiste de la société unie autour d’un État fort. Cette idéologie a été renouvelée dans les années soixante-dix par les travaux du GRECE (Groupe de recherche et d’études sur la civilisation européenne), qui défend une conception biologisante des identités culturelles et rejette le nationalisme d’autres courants de l’extrême droite (royalistes ou nostalgiques de l’Algérie française, par exemple) au profit de la défense d’une identité européenne ethnicisée. Volontiers antisémites (et a fortiori antisionistes), les nationalistes révolutionnaires s’opposent également aux courants catholiques traditionalistes ou intégristes par la revendication d’un héritage païen pré-chrétien.

4Ce détour par l’idéologie NR n’avait pas pour seul enjeu de situer ce courant au sein de l’extrême droite française, mais également de pointer une de ses caractéristiques majeures qui est son investissement prioritaire sur le terrain de l’élaboration idéologique plutôt que sur la construction d’une véritable force politique.

  • 3 Les citations sont tirées du document de présentation Unité radicale. Questions et réponses.

5À ce titre, si certains militants NR ont par le passé joué un rôle important dans la construction du FN, la plupart entretiennent aujourd’hui un rapport ambivalent au parti lepéniste, à la fois reconnu comme pilier central de l’extrême droite française mais aussi rejeté parce que soumis à l’influence de courants adverses (catholiques, spécialement), disqualifié par sa participation au jeu électoral et subordonné au clan Le Pen. De ce point de vue, UR entendait placer son action non sur le terrain électoral (rôle dévolu au FN puis, après la scission, au Mouvement national républicain de Bruno Mégret), mais sur celui de la propagande idéologique et culturelle, à même selon ses leaders d’influer sur « les décisions et prises de positions du mouvement national dans son entier ». Ainsi, par des « campagnes militantes et par un combat culturel adapté », UR entendait « contribuer à une “renationalisation” de la jeunesse par imprégnation idéologique, de la même manière que la propagande des divers groupes d’extrême gauche […] contribue à une imprégnation idéologique favorable au métissage et à la société multiculturelle3 ».

  • 4 Un milieu associatif à dimension intellectuelle se consacre ainsi à l’étude et à la promotion de l (…)

6Le soutien apporté par les organisations de la droite radicale à la scène RIF doit être compris comme une des principales expressions de cet investissement sur le terrain idéologique et culturel, dont les jeunes sont la cible principale. De ce point de vue, la stratégie des leaders NR s’inscrit dans une optique explicitement inspirée des théories de Gramsci – celui-ci, auteur de prédilection de la Nouvelle droite, constituant de longue date une référence centrale des héritiers du fascisme – qui font de la lutte contre l’hégémonie idéologique bourgeoise et de la prise de pouvoir culturel des préconditions à la prise du pouvoir politique. Sans en être la seule expression4, le RIF est conçu comme un des principaux vecteurs de ce combat culturel, contribuant à « l’élaboration d’une véritable contre-culture populaire nationaliste » (P. Vardon, in Bouchet 2001, p. 174). Les propos qui suivent sont exemplaires de cette mobilisation de la culture dans une entreprise de contestation de l’ordre politique et social dominant :

« Aujourd’hui, le système mondialiste nous a déclaré la guerre culturelle. Il cherche à subvertir les valeurs propres de la jeunesse européenne dans le but de lui imposer des modes américanomorphes dans le domaine musical (rap), artistique (tags) et même culinaire (Coca, fast-food). Nous devons nous battre sur tous ces fronts, afin de substituer une “hégémonie culturelle nationaliste et enracinée” à l’actuelle “hégémonie mondialiste et cosmopolite”. » (B. Merlin, in Bouchet 2001, p. 129.)

7Mais la stratégie culturelle des nationalistes-révolutionnaires possède aussi sa face plus étroitement tactique lorsque le RIF devient un instrument de sensibilisation ou de recrutement de jeunes aux intérêts d’ordre davantage musical que strictement politique. C’est cette dimension instrumentale du rapport des militants NR au RIF que nous allons à présent évoquer, tout en situant ce courant dans l’histoire du monde musical d’extrême droite.

L’activisme musical

8Pour les stratèges de la mouvance NR, le RIF n’est en effet pas que l’expression d’un combat culturel, mais aussi un outil militant, dont il est attendu qu’il permette d’entrer en contact avec des jeunes peu sensibles aux thèses politiques développées par les groupuscules mais intéressés par la découverte de nouveaux groupes ou styles musicaux. Il constitue donc un instrument dans une tactique – qu’on propose d’appeler l’activisme musical – de recrutement de nouveaux sympathisants ou militants, de longue date décrite par la sociologie des mobilisations. Cette pratique correspond en effet à ce que David Snow et al. (1986) désignent comme l’« extension de cadre », lequel est un mode d’enrôlement privilégié par les organisations de mouvement social qui visent des individus ne partageant pas leurs valeurs ou objectifs. Il s’agit alors d’élargir le discours de l’organisation en y intégrant des éléments qui a priori n’en font pas partie mais qui sont pertinents pour sa cible de recrutement potentielle. Ces éléments peuvent prendre la forme d’incitations sélectives telles que, pour un amateur de rock, l’accès à de nouveaux styles ou groupes. Les propos qui suivent sont significatifs de cette appréhension du RIF sous l’angle de sa « rentabilité militante » :

« Le RIF, moyen d’expression privilégié de la révolte de notre jeunesse européenne, doit être un vecteur efficace de recrutement et de sensibilisation de jeunes encore extérieurs à la famille d’idées ou pas encore encadrés. Chacun de nos groupes de base un peu conséquent doit participer à la création d’un groupe de RIF local. […] Un concert de RIF avec dix jeunes Européens encore isolés deux heures auparavant, cela vaut cinq mille tracts boîtés. » (E. Marsan, in Bouchet 2001, p. 97.)

  • 5 Voir l’exemple de l’engagement des avant-gardes poétiques dans la Résistance étudié par Gisèle Sap (…)

9Se signale ainsi une des dimensions fondamentales du rapport du RIF au champ politique, qui est sa complète hétéronomie : à des années-lumières de ces formes esthétiques dont la légitimité est à la mesure de leur autonomie au sein du champ de production culturelle, et auxquelles ce sont précisément ces autonomies et légitimité qui confèrent un poids éventuellement mobilisable à des fins politiques5, le RIF est avant tout un outil, dépendant des stratégies politiques de militants guidés par des considérations d’efficacité plutôt que d’esthétique.

  • 6 Fabrice Robert, « La diffusion de l’idéal identitaire européen à travers la musique contemporaine  (…)

10Cette instrumentalisation est le fruit d’une réflexion soigneusement élaborée, comme en témoigne le fait que l’un des principaux acteurs du RIF, Fabrice Robert, ait consacré un mémoire de maîtrise en science politique à la diffusion de la propagande nationaliste par la musique6. Ancien élu FN et dirigeant d’UR puis du Bloc identitaire, F. Robert est aussi le batteur d’un des principaux groupes de RIF, Fraction, et l’un des fondateurs du label Bleu-blanc-rock (BBR). C’est à l’appui de ce même label que les principes d’enrôlement de jeunes par une première sensibilisation via la musique ont commencé à être appliqués : à la fin des années 1990, une cassette compilant des chansons de différents groupes a fait l’objet d’une large diffusion (5 000 au total auraient ainsi été vendues au prix de dix francs) par des militants à la sortie des lycées et lors de la fête de la musique ; cette opération a par la suite été rééditée avec l’édition d’une autre compilation, intitulée « Antimondial », cette fois sur support CD et vendue au prix de deux euros.

11Les « théoriciens » du RIF ont en fait systématisé une démarche d’instrumentalisation de loisirs juvéniles masculins à des fins de conversion idéologique ou d’enrôlement militant déjà existante au sein de l’extrême droite extra-partisane. La sensibilisation politique et l’organisation militante des groupes de supporters d’équipes de football, visant à en faire des hooligans prêts à défendre des valeurs identitaires et racistes dans des affrontements violents, a en effet constitué une première tentative d’instrumentalisation de loisirs de jeunes hommes. Cette démarche de « politisation des stades » était solidaire, lorsqu’elle a été engagée au début des années 1980, de l’entreprise de radicalisation de la mouvance skinhead – c’est-à-dire, bien avant la naissance du RIF, l’investissement d’une forme de sociabilité juvénile masculine organisée autour d’un style musical.

12Le mouvement skin, apparu à la fin des années 1960 dans la jeunesse populaire anglaise, était à l’origine un mouvement musical et vestimentaire non politisé, et notablement influencé par des styles musicaux joués ou écoutés par les jeunes immigrés jamaïcains. Son développement ultérieur a vu s’opérer une scission entre un courant d’extrême gauche et libertaire (redskins) et un autre d’extrême droite, violent et raciste (Orfali 2003). Les skins d’extrême droite sont apparus en France à la fin des années 1970 et leur mouvement s’est diffusé dans les années 1980 autour de différents groupes et de fanzines dont les musiciens ou rédacteurs étaient fréquemment membres de groupuscules comme l’Œuvre française ou le Parti nationaliste français et européen (PNFE). La mouvance skinhead se singularise surtout par des formes de sociabilité majoritairement masculines, centrées sur une musique spécifique (la « oï »), la consommation d’alcool et la « baston » entre soi ou à l’encontre de personnes appartenant à des groupes honnis (militants d’extrême gauche, Arabes, Juifs). De ce fait, les diverses tentatives d’organiser les skins français n’ont eu que des résultats mitigés : les fanzines, labels ou groupes militants se sont toujours signalés par une existence brève et fréquemment conflictuelle, et leur idéologie antisémite et raciste n’a eu qu’un écho limité.

13Une tentative ultérieure, et elle aussi importée d’Angleterre, de politisation via la musique rock est le RAC, c’est-à-dire le « rock against communism ». Cette appellation a été adoptée dans les années 1980 en opposition aux concerts « rock against fascism » organisés à l’époque par les militants d’extrême gauche. Le terme RAC a en France surtout servi à désigner les groupes les plus politisés et les plus proches des milieux militants organisés ; parmi ceux-ci, signalons Légion 88, Evil Skins, 9e Panzer Symphonie et Fraction Hexagone. Pour autant, et précisément parce qu’elle bénéficiait de meilleures organisations et politisations, la mouvance RAC a constitué la première base sur laquelle le RIF s’est ultérieurement développé : Fraction Hexagone, devenu simplement Fraction au milieu des années 1990, est au sein du RIF le principal héritier de cette mouvance.

14Les noms (faisant référence à la seconde guerre mondiale ou au fascisme), les textes (se réclamant fréquemment du nazisme ou du Ku Klux Klan) et la musique (proches des formes « métal » ou « hardcore » ultra-violentes) interdisaient de diffuser le RAC au-delà de cercles extrêmement restreints d’adeptes « initiés » et partageant déjà ses options idéologiques et politiques. Or, on l’a vu, c’est précisément à éviter cet enfermement dans un entre-soi de convertis, et à plutôt favoriser la diffusion des idées NR à de nouvelles recrues, que vise le RIF. L’« invention » de celui-ci à la fin des années 1990 correspond donc, non à une évolution esthétique interne à un courant musical autonome, mais à une réorientation tactique, misant sur l’ouverture et l’acceptabilité d’un discours politique particulier, imaginée et impulsée par des responsables militants. Une nouvelle fois se signale l’hétéronomie du RIF à l’égard des considérations politiques : alors que des formes musicales antérieures (oï ou RAC) correspondaient à un investissement musical de jeunes militants de la droite radicale, dans lequel ceux-ci exprimaient explicitement (dans leur style musical comme dans leurs textes), et à destination d’un public exclusivement composé de pairs, leurs préoccupations ou idéologies propres, la dimension instrumentale du RIF témoigne d’une démarche plus tacticienne. Parce qu’elle est destinée certes à des pairs (dont il faut satisfaire les options politiques et musicales), mais également à des « profanes » qu’il s’agit de convertir, le RIF se doit de respecter certaines contraintes de discrétion ou de camouflage (quant au contenu des idées diffusées et à l’orientation politique), lesquelles ont une influence directe sur les productions des groupes, et permet notamment de comprendre l’hétérogénéité de styles de la scène RIF.

La scène RIF

15L’organisation de la scène RIF témoigne de sa dimension groupusculaire, à la fois transposition du mode d’organisation propre à la mouvance politique dont elle est issue et dont elle dépend, mais aussi expression de sa stigmatisation (interdisant une large diffusion de ses productions) et de la limitation de ses ressources (en musiciens ou en supports organisationnels).

La diversité des styles

  • 7 Cet effet d’homogénéisation de l’étiquette rock n’est en rien spécifique au RIF, comme le montre M (…)
  • 8 Un musicien de Kaiserbund explique de même sur le site BBR la fondation de son groupe par le fait (…)

16Que le RIF se réclame du rock ne doit pas induire en erreur. L’appellation, en réalité, ne désigne pas un genre musical précis mais regroupe un ensemble de styles différents7 : les styles « hard », « métal » ou « hardcore » (prisés par Fraction, Insurrection ou Ile-de France), la musique électronique (Aion, Kaiserbund), le pop-rock (Brixia, Elendil, La Firme), ou encore des formes influencées par le ska (In Memoriam), la musique régionale (Vae Victis, Aquilonia, Traboule Gone) ou le rap (Basic Celtos). Cette diversité témoigne, une nouvelle fois, de l’hétéronomie du RIF, dont l’unité tient davantage à des considérations politiques et idéologiques (l’appellation regroupe les diverses formes de musique « jeune » promues au sein de la droite radicale) qu’à une cohérence de style. Plus encore, cette diversité est l’expression de l’instrumentalisation de la musique à des fins de sensibilisation et d’enrôlement de nouveaux militants : pour recruter le plus largement possible au sein de la jeunesse, les groupuscules NR pensent devoir s’ajuster à la diversité de ses goûts, et proposer une expression « identitaire française » de chaque style prisé par les jeunes. Les discours des leaders de la droite radicale expriment une nouvelle fois explicitement cette volonté de s’ajuster à ce qui est supposé être les attentes du public dont l’enrôlement est recherché ; ainsi l’ancien secrétaire général d’UR Christian Bouchet estime-t-il qu’il « serait judicieux qu’ils [ses “amis du RIF”] accroissent encore plus l’éventail de leur offre et que certains de leurs groupes s’ouvrent à la variété ou aux chants et musiques régionales » (Bouchet 2001, p. 438).

17Le groupe qui a sans doute poussé le plus loin cette logique d’ajustement aux attentes supposées du public est Basic Celtos, puisqu’il s’est investi dans ce style musical honni au sein de l’extrême droite qu’est le rap (ou plus précisément une forme de rap intégrant, défense de l’identité régionale oblige, des sonorités celtes). Ainsi ses musiciens défendaient-ils leur musique en avançant des considérations d’ordre avant tout tactique dans une interview à la revue Jeune résistance (n° 15) : « Aujourd’hui le rap représente 20 % du marché jeunes, est-ce que les fafs vont être les seuls à ne pas être de la partie ? » Cet investissement dans un style aussi disqualifié – parce que propre aux « adversaires ethniques » que sont pour les militants NR les « jeunes issus de l’immigration » – au sein de l’extrême droite ne va toutefois pas de soi, et se heurte à l’hostilité de certains militants. Les propos de ce codirecteur du MNJ (mégretiste) interviewé par Magali Boumaza sont de ce point de vue explicites :

« D’abord j’aime pas musicalement parlant, franchement, j’aime pas tellement. Et ensuite je pense que d’un point de vue non pas musical mais plus politique, c’est une erreur. Parce que c’est, en fait, c’est entrer dans le jeu de l’adversaire, le rap c’est en fait une espèce de, une espèce de sous-culture qui vient des ghettos noirs américains. C’est quand même ça l’origine du rap, ça ne ressemble à rien et surtout pas à de la musique. » (Cité in Boumaza 2003, p. 12.)

  • 9 Les grossesses des musiciennes ou chanteuses sont à plusieurs reprises évoquées comme des causes d (…)

18Une autre caractéristique de la scène RIF est le nombre restreint des formations (une dizaine) et leur relative fragilité. Si Fraction existe depuis 1994, et Ile-de-France ou In Memoriam depuis 1996, d’autres se sont dissous après quelques années (comme Vae Victis, né en 1993 et premier groupe à se revendiquer du RIF, ou Elendil). Surtout, tous les groupes connaissent de permanents changements de musiciens, les bouleversements de la vie professionnelle (imposant des déménagements) ou familiale9, inhérents au statut de jeunes entrant dans la vie adulte, interdisant la poursuite des répétitions. Les changements de composition des groupes témoignent également de la dimension groupusculaire – au sens ici d’univers aux effectifs restreints – du RIF, en ce que les transferts d’une formation à une autre sont fréquents : trois des musiciens d’Ile-de-France et un de Kaiserbund faisaient antérieurement partie de Vae Victis, la chanteuse de Brixia était parallèlement membre d’Elendil, etc. Enfin, la plupart des praticiens ne sont pas des musiciens professionnels ou ayant suivi une formation musicale prolongée ; ce statut de musicien autodidacte, qui n’est certes pas une rareté au sein du monde du rock, prend dans le cas de certains groupes une forme extrême (il est dit de Traboule Gone que deux de ses membres n’avaient aucune connaissance musicale avant la formation du groupe).

19Si les styles musicaux ne peuvent, à la différence de la oï ou du RAC, être immédiatement rapportés à la droite radicale, les textes des chansons (ou les échantillons samplés dans le cas des groupes de musique électronique) et les interviews diffusées dans des fanzines, revues ou sites internet sont davantage explicites quant aux options politiques des groupes. Outre leur inspiration littéraire ou historique (que l’on évoquera plus loin), les thèmes développés reprennent en effet la plupart des thématiques de prédilection de la mouvance NR, telles que la dénonciation de l’immigration, le rejet de la mondialisation, la condamnation de l’avortement, l’antisémitisme et le révisionnisme. Quelques extraits donnent une idée de la tonalité de ces textes :

« Aujourd’hui la Serbie, demain la Seine-Saint-Denis/Un drapeau frappé d’un croissant flottera sur Paris » (In Memoriam, « Paris-Belgrade »).
« Aux ordres des banquiers rapaces/Le mondialisme se met en place » (Insurrection, « Invasion »).
« L’avortement c’est épatant/Pourquoi s’faire chier pour des enfants » (In Memoriam, « Das Capital »).
« Je viens de la rue du Sentier, je vendais du dégriffé/Aujourd’hui j’ai tout lâché/Juste avant le krash boursier qui m’a bien rapporté » (Elendil, « Bourgeois, nouveaux riches et décadents »).
« Des universitaires sont traqués/Ils défendent une vision de l’histoire/Certains lobbies tiennent à leur pouvoir » (Fraction, « Hérétique »).

  • 10 Fraction, sur le site du Vlaamse Jongeren Mechelen (mouvement de jeunes nationalistes flamands).

20Mais témoignage également de l’entretien par le RIF d’un « entre-soi » de militants unis par un sentiment d’appartenance à une même communauté militante, certains textes ne peuvent être compris que des initiés, telle cette chanson en hommage à Sébastien Deyzieu, militant de l’Œuvre française mort accidentellement en essayant d’échapper à la police, et martyr de la mouvance NR : « Tu t’appelais Sébastien/Ton prénom n’évoque rien/Pour le gratin médiatique/Tu dois t’appeler Malik » (Vae Victis, « Sébastien »). De même les interviews des musiciens signalent-elles un univers politique et intellectuel précis ; dans leur interview sur le site Coq gaulois les musiciens de Kaiserbund citent parmi leurs sources d’inspiration Maurice Bardèche, Lucien Rebatet, Céline, Vacher de Lapouge, Leni Riefenstahl, ou Oswald Mosley ; ceux de Fraction, quant à eux, évoquent « Drieu la Rochelle, Brasillach, Blanqui, Sorel, les frères Strasser, Che Guevara et bien sûr Nietzsche pour son hymne à la volonté de puissance10 ».

Labels et circuits de diffusion

21Un indice supplémentaire du caractère groupusculaire du RIF est que certains musiciens sont également les responsables de sites de vente par correspondance ou de labels. Ainsi, on l’a dit, Fabrice Robert cumule-t-il les positions au sein de cet univers politico-musical : outre un leader d’UR puis du Bloc identitaire, un animateur de revues NR (Jeune résistance et L’Épervier), un « théoricien » de l’activisme musical et un musicien au sein de Fraction, il est aussi un des dirigeants de l’association Bleu-blanc-rock, spécialisée dans la vente de RIF par correspondance. De même la maison de disques Memorial Record a-t-elle été créée en 1996 par deux musiciens du groupe In Memoriam, auxquels est venu se joindre le chanteur de Vae Victis qui en a pris la direction.

22L’évolution de l’organisation de la scène RIF témoigne aussi et surtout de sa dépendance à l’égard du champ politique : c’est en effet la SERP, maison de disque propriété de Jean-Marie Le Pen et dirigée par sa fille Marie-Caroline, qui a produit le premier disque de RIF français, celui de Vae Victis. On peut faire l’hypothèse que l’autonomisation de ce groupe (ensuite imité par l’ensemble de la scène RIF) de la sphère d’influence de la famille Le Pen témoigne de la réticence de la mouvance NR à l’égard du FN – réticence qui a conduit la plupart des militants NR membres du parti lepéniste à suivre B. Mégret lors de la scission de 1998. Depuis, Memorial Records est devenu le principal label de RIF. C’est d’abord sous la forme d’une association loi 1901 que le label a commencé par diffuser une cassette de compilation, puis par produire le premier CD du groupe de ses fondateurs, suivi de celui d’Elendil. En 1998 Memorial Records a pris la forme d’une SARL et sorti de nouveaux disques de Vae Victis, In Memoriam, Elendil, ainsi qu’une compilation, « Sur les terres du RIF ».

23La production et la diffusion des productions RIF par des supports propres est, on l’a dit, une manière de « faire de nécessité vertu » : l’amateurisme des musiciens, le contenu de leurs textes et les effectifs restreints de leur public leur interdisent l’accès aux grandes maisons de disque et aux canaux de diffusion traditionnels (radios commerciales ou grandes surfaces du disque). C’est donc de manière contrainte que les groupes diffusent leurs productions essentielle- ment sur des radios émettant sur internet (Canal RIF) et en vente par correspondance (ainsi que dans les librairies d’extrême droite ou plus ponctuellement lors de rassemblements militants, comme ceux en l’honneur de Jeanne d’Arc). Outre celui de Memorial Records, Le Coq gaulois et BBR sont les principaux sites de vente de CD par correspondance. Pour autant, ceux-ci ne se limitent pas à cette activité : y sont également en vente des disques de chanteurs d’extrême droite autres que de rock (Dr Merlin, Jean-Pax Méfret ou musique folklorique, avec une dominante celte), des gadgets (autocollants, T-shirts, ainsi que bijoux « croix celtique » ou « marteau de Thor » prisés par les néo-païens), des bandes dessinées (de style science-fiction ou mythologique ou à vocation plus humoristique), des revues idéologiquement proches (Terre et peuple, Réfléchir et agir, L’Épervier…) et des livres d’auteurs d’extrême droite ou n’appartenant pas à cette mouvance mais dont les ouvrages sont enrôlés dans la réflexion NR. On trouve par exemple sur le site du Coq gaulois des ouvrages relevant de la première catégorie, comme Une terre, un peuple de Pierre Vial (éditions Terre et peuple), Le mondialisme, mythe et réalité (Éditions nationales) ou José Antonio, La phalange espagnole et le national-syndicalisme d’Arnaud Imatz (Éditions Godefroy de Bouillon), aux côtés du Livre noir du communisme dirigé par Stéphane Courtois (Robert Lafont) et du Mitterrand et les 40 voleurs de Jean Montaldo (Robert Lafont).

24Outre leur vocation commerciale, ces sites comportent une dimension plus militante. Dans une rubrique significativement appelée « combat militant », celui de BBR invite ses visiteurs à s’organiser en « cellules Bleu-blanc-rock » pour « agir en organisant concerts, tractages, collages et ventes de K7 », tandis que celui du Coq Gaulois propose une rubrique « pourquoi ? » déclinant une série de questions telles que : « Pourquoi le gouvernement s’acharne-t-il à tuer 220 000 enfants chaque année par l’intermédiaire de l’IVG ? », « Pourquoi lors des innombrables émeutes de banlieue on n’entend parler que de “jeunes” et non pas d’immigrés ? » ou encore « Pourquoi n’organise-t-on pas un référendum sur le rétablissement de la peine de mort, alors qu’une majorité de français est pour ? ». On y trouve également des « arguments » contre les principaux adversaires – tels que le casier judiciaire du rappeur Joey Starr ou des propos, estimés « significatifs », de personnalités honnies (Robert Hue, Jack Lang, Ariel Sharon, le groupe de rap Sniper…). L’intrication des dimensions musicales, commerciales et militantes de ces canaux de diffusion peut toutefois se retourner contre eux : Maxime Brunerie était le correspondant pour la région parisienne de BBR et le responsable de ce même site a été incarcéré au printemps 2004 après que la police ait saisi chez lui un stock d’armes et de propagande négationniste.

Une musique semi-clandestine

25Les groupes RIF n’éprouvent pas seulement de la difficulté à se faire diffuser, mais également à apparaître publiquement. Ce rapport problématique des musiciens de RIF à la publicité, inhérent à leur statut stigmatisé, s’exprime par exemple par le fait que leurs photos sur les sites de vente par correspondance sont parfois floutées. Mais il s’exprime surtout dans la rareté de leurs concerts, laquelle tient à plusieurs facteurs parmi lesquels l’amateurisme des musiciens joue un rôle important. Résidant souvent dans des villes différentes, pris par leur vie familiale, professionnelle et militante, ils peinent à se réunir pour répéter, tandis que d’autres sont encore trop inexpérimentés pour jouer en public. Mais le principal obstacle aux prestations publiques des formations RIF tient à leur stigmate qui leur interdit d’accéder à la plupart des scènes, festivals ou tremplins réservés aux jeunes groupes de rock. Ainsi Ile-de-France s’était-il en 1999 porté candidat dans un tremplin rock et, bénéficiant d’un bon classement, pouvait prétendre poursuivre la compétition quand l’association antifasciste Ras l’Front est intervenue auprès des organisateurs pour l’en faire exclure au motif de son ancrage politique. En conséquence, certains groupes préfèrent-ils se présenter sous un faux nom pour pouvoir jouer dans des lieux hostiles à l’extrême droite.

  • 11 La brochure de Ras l’Front consacrée au RIF contient des conseils pratiques pour faire interdire u (…)

26Dans ce contexte, les opportunités de jouer en public sont rares : les groupes peuvent profiter des facilités offertes par les fêtes de la musique, mais celles-ci ne sont qu’annuelles et ne les mettent pas à l’abri de leurs adversaires. Ces prestations publiques apparaissent en conséquence comme des « contacts mixtes » au sens de Goffman (1975, p. 23), c’est-à-dire des interactions entre des stigmatisés et des « normaux », au cours desquelles la révélation du stigmate des groupes RIF est tout à la fois recherchée (afin de populariser leur musique et leurs idées tout en recrutant de nouveaux militants) mais aussi redoutée pour les sanctions auxquelles elle expose (interdiction de jouer et disqualification définitive auprès des lieux de concerts, voire « bastons »). En conséquence, comme l’a décrit Goffman, les stigmatisés exposés à la vindicte publique n’ont souvent d’autre recours que de se replier sur des « lieux retirés » (1975, p. 100), composés uniquement de pairs et où le stigmate étant uniformément partagé il n’est plus nécessaire de le dissimuler. Ces lieux de concert (qui clôturent souvent des réunions ou rassemblements militants) sont relativement clandestins, n’étant révélés aux spectateurs qu’au dernier moment ou à l’issue d’un véritable jeu de piste. Ces précautions, si elles valorisent les adeptes du RIF en entretenant leurs sentiments de risque et de clandestinité, ne sont pas sans fondement : il arrive fréquemment que les concerts soient annulés après que des militants antifascistes aient informé le propriétaire d’une salle de concert de la « véritable nature » des groupes qui doivent s’y produire, ou qu’ils aient incité les forces de l’ordre à les interdire en prévention de tout « trouble à l’ordre public11 ».

27Un autre type de lieux retirés, mais soumis à une plus large visibilité, qui permet aux groupes de RIF de se produire sur scène, sont les spectacles organisés par des partis ou groupes d’extrême droite. La fête « Bleu blanc rouge » organisée tous les ans par le FN a vu se produire (avant la scission avec le MNR) des groupes de RIF comme In Memoriam et a accueilli leurs stands et ceux des labels spécialisés ; le même groupe a joué lors de la « Fête de l’identité et des libertés » organisée par Terre et peuple à la salle Wagram le 9 novembre 2002. Les mairies dirigées par l’extrême droite ont elles aussi apporté leur contribution à l’expression du RIF : la mairie FN d’Orange a ainsi organisé en 1996 un tremplin rock faisant la part belle aux groupes RIF, et la mairie mégretiste de Vitrolles a en 1998 organisé en partenariat avec Memorial Records un festival au cours duquel se sont produits In Memoriam, Ile-de-France et Vae Victis (dans un premier temps compromis par la destruction de la sono par une bombe artisanale, ce festival a finalement rassemblé moins de 400 spectateurs).

Une posture distinguée

28Le RIF apparaît donc pris dans un paradoxe : destiné à sensibiliser et recruter de nouveaux militants, son stigmate de musique d’extrême droite le contraint à la clandestinité et, ce faisant, conforte la tendance de ses adeptes à en faire un instrument d’entretien de leur entre-soi groupusculaire. Ce paradoxe contraint d’autant plus largement les modes d’affichage public du RIF que la posture contestataire qu’il valorise est davantage, ou mieux, incarnée par ses adversaires.

S’identifier tout en se distinguant

29Le site des Jeunesses identitaires (section jeunes du Bloc identitaire) contient une rubrique musicale, donnant accès à des chansons de groupes de RIF en MP3, qui s’ouvre par ces mots : « Il existe des artistes vrais loin de Star Academy et Popstars, il existe des groupes révoltés autres que NTM ou Sniper, il existe des groupes réellement engagés contre la mondialisation aux antipodes de l’hypocrisie de Noir Désir, il existe d’autres labels que Sony et Universal… » Si la confidentialité de la scène RIF lui est imposée par son exclusion de l’industrie du disque et de ses circuits de diffusion, cette dernière, on le voit, est transmuée en « vertu » par l’adoption d’une posture de rejet de son mercantilisme : la dénonciation d’une industrie du disque asservie aux intérêts du « capitalisme mondialiste et cosmopolite » permet de retourner l’exclusion du RIF en signe d’élection témoignant de sa pureté idéologique. Pour autant, le rapport des musiciens de RIF aux groupes ou styles dominants (par leurs ventes comme par leur légitimité) dans le champ de production culturelle, a fortiori lorsqu’ils se posent eux aussi comme « engagés », signale l’intériorisation d’une forte domination symbolique.

  • 12 Ainsi la célèbre photo du Che par Korda a-t-elle été détournée par les militants NR, l’étoile sur (…)
  • 13 Ainsi les musiciens d’Ile-de-France regrettent-ils sur le site BBR que « les relais de l’anti-mond (…)

30Ce rapport aux groupes engagés est lui-même la transposition du rapport dominé que les jeunes militants de la droite radicale entretiennent au militantisme gauchiste. Se posant en révolutionnaires luttant contre le « système capitaliste mondialisé », les militants NR souffrent qu’en l’état actuel du champ politique « l’excellence révolutionnaire » trouve davantage à s’incarner à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite, et que le mouvement altermondialiste paraît bien plus à même de contester le néolibéralisme qu’une mouvance NR groupusculaire et marginale. Ce rapport dominé contribue à expliquer certaines stratégies de présentation de soi (détournement de l’imagerie gauchiste, par exemple12) ou d’appropriation et redéfinition de thématiques issues de la gauche contestataire – comme l’écologie (UR comportait une branche écologiste, au sein de laquelle figuraient des militants exclus des Verts suite à des discours antisémites), la « malbouffe » (la même UR avait organisé un « Comité national anti-McDo ») ou l’altermondialisation13 – destinées à en détourner les sympathisants.

  • 14 « En réclamant la libre circulation des individus, des gens comme José Bové se transforment en res (…)

31De même qu’ils reprochent aux altermondialistes de se faire les complices du « système » qu’ils prétendent pourtant combattre14, les groupes de RIF tentent de contester, tout en essayant d’en capter une parcelle du capital symbolique, le prestige des musiciens connus et reconnus pour leur talent et/ou leur engagement politique. Conformément au principe selon lequel s’attaquer aux grands est une manière de se grandir (Boltanski 1990), il s’agit pour eux non de disqualifier ces concurrents (leur prestige doit être préservé pour pouvoir être approprié), mais au contraire de pointer leurs carences, contradictions ou reniements pour mieux se poser en modèles d’intégrité. Ainsi les groupes citent-ils volontiers comme des références ou des sources d’inspiration des groupes largement étrangers à leur mouvance. Ile-de-France se targue d’avoir « une bassiste comme Téléphone, une boîte à rythme comme Rita Mitsouko et les Bérus » tandis que Vae Victis se réclame des Têtes raides, Pigalle, Louise Attaque, voire même Brassens et Brel, et se pose en héritier du « rock alternatif » tout en dénonçant les « trahisons » mercantiles des groupes phares (et engagés à gauche) de ce courant :

« Nous avons une certaine fascination pour les groupes de rock alternatif des années quatre-vingt et leur mode de fonctionnement. Même si le message qu’ils divulguaient n’était pas le nôtre, nous considérons que leur démarche était sincère. Aujourd’hui ils ont tous été récupérés et sont largement diffusés par le système quoi qu’ils en disent. La FNAC et VIRGIN leur offrent leurs bacs et les mettent en écoute. Les seuls alternatifs sont aujourd’hui les groupes de RIF. » (Interview sur le site Coq Gaulois.)

  • 15 Kaiserbund, sur le site BBR.
  • 16 « Les pros sont des collabos », éditorial du site BBR, septembre 2001.

32Mais l’identification à l’excellence contestataire exige aussi de s’en distinguer en dénonçant son impureté et ses compromissions. Le fait que la plupart des groupes engagés à gauche soient produits par de grandes maisons de disques constitue la dénonciation la plus fréquente. On rappelle ainsi que Zebda est « produit par le monstre économique Vivendi-Universal15 » et on avance que « les rockers de métier, bien payés, mais surtout bien contrôlés par les multinationales qui les emploient, ont beaucoup moins de mérite que les petits groupes autonomes et déterminés16 ». Les engagements de ces groupes ne sont pas non plus ignorés mais régulièrement dénoncés – même si, une nouvelle fois, sont reconnues (et enviées) leurs qualités :

  • 17 « Gentillesse bon ton = piège à cons ! », éditorial du site BBR, novembre 2001.

« Songez aux dégâts qu’ont pu faire dans la jeunesse blanche des groupes comme […] Noir Désir ou Matmatah, qui derrière une musique de bon niveau voire même des textes intéressants – ne soyons pas mauvais joueurs – délivrent un message clairement anti-national. » (P. Vardon, in Bouchet 2001, p. 174.)
« Le 10 décembre prochain, des groupes comme Noir Désir, Zebda et Les Têtes raides vont participer à un concert de soutien aux immigrés […] Qu’ils ont de bons sentiments nos collabos du libéralisme mondial ! Pourtant, sous prétexte de solidarité avec les exclus, il s’agit bien de soutenir le système, et non ses victimes. Sous prétexte de solidarité, les rockers de Vivendi et consorts viennent tout naturellement donner un petit coup de pouce au capitalisme international17

  • 18 Présentation Basic Celtos sur le site Memorial Records.

33Mais la plus grande frustration des musiciens RIF aura sans doute été de voir un groupe parvenir au succès en reproduisant les formes les plus caractéristiques de leur courant – à savoir l’intégration de sonorités musicales « traditionnelles » à des formes modernes – mais sans appartenir à leur mouvance. Ainsi le succès du groupe Manau « La tribu de Dana » (qui intègre cette référence majeure du RIF qu’est la musique celte) a-t-il été particulièrement mal accueilli par les musiciens RIF : « Le groupe Manau sort “La tribu de Dana” qui donne envie à BC de répondre par “L’histoire de Ronan Kerguénu”, où le petit Dana mondialiste se prend une rouste par un bon breton de chez breton qui en a ras-le-bol de voir sa culture récupérée par les commerciaux déracinés de tout poil18 ! » Nouveau signe de leur domination, les musiciens RIF ne peuvent conserver la maîtrise, ni revendiquer la propriété, de leurs formes musicales les plus originales.

Des références culturelles spécifiques

  • 19 Cette dimension identitaire ne peut d’ailleurs être considérée comme spécifique à la seule musique (…)

34La fréquence de ces références des groupes RIF à la culture celte mérite d’être soulignée, non seulement en ce qu’elle signale le double processus de mobilisation et de reformulation des traditions culturelles que Eyerman et Jamison (1998, p. 7) placent au cœur des rapports entre musique et mouvements sociaux, mais surtout parce qu’elle témoigne du marquage idéologique spécifique de la mouvance NR. Ces références ne participent pas seulement, en effet, de la défense des héritages régionaux et de l’enracinement culturel contre le « mondialisme nivellateur des cultures ». Non que celle-ci ne soit pas présente : de même que tous les défilés du 1er mai du FN comptent leur lot de cortèges en costume folklorique (qui, dans la filiation pétainiste, ravivent le souvenir des provinces d’ancien régime), les groupes RIF invoquent fréquemment leur ancrage régional, présenté comme constitutif de l’identité qu’ils s’attachent à défendre. Ainsi, les musiciens d’Aquilonia expliquent-ils sur le site Coq Gaulois leurs références à la Bretagne par « un besoin d’enracinement, de personnalisation, une nécessité de se rattacher à une famille, un pays, “une identité” à une époque où les matricules remplacent de plus en plus les noms19… »

35Mais derrière ce régionalisme, et dans le vocabulaire du « sang » ou du « clan » qu’il mobilise volontiers, transparaît la principale influence idéologique du RIF qui est celle du GRECE. Les propos d’Aquilonia que l’on vient de citer sont précédés de ces phrases significatives : « Quant à la place de la Bretagne dans l’Europe, elle réunit peut-être avec d’autres les derniers européens à ne pas avoir oublié qu’ils étaient des Celtes. Nous ne mettons surtout pas en cause le bon vouloir de chacun mais seulement les destructeurs de notre civilisation tels que la christianisation, les bolcheviques et tant d’autres. » L’inspiration gréciste est sensible dans les noms des groupes (Brixia, Vae Victis et Aquilonia sont des références à la Gaule, Aion à la Grèce antique), les titres ou les textes de leurs chansons qui n’hésitent pas à recourir au latin et qui développent une thématique ethnique européenne, ou les liens assumés avec les représentants de la nouvelle droite (Terre et peuple vendu sur les sites RIF ou présence des groupes lors des fêtes de l’identité organisées par l’association de Pierre Vial). Les références historiques récurrentes à ce passé pré-chrétien trouvent leur principale source d’inspiration dans la mythologie (celte ou scandinave) qui partage son imaginaire guerrier avec des références littéraires elles aussi fréquemment citées : Elendil est à l’origine le nom d’un personnage du Seigneur des anneaux, roman très prisé des jeunes militants NR.

  • 20 Aion déclare sur le site Coq gaulois que « le parallèle entre la Rome antique et le monde moderne (…)

36Ces allusions mythologiques ou littéraires ne font pas qu’afficher publiquement une idéologie ou entretenir la cohésion du groupe par l’exaltation d’un ensemble de références partagées. Elles permettent également, par leur relative légitimité culturelle, l’adoption d’une posture intellectuelle valorisante : signaler que l’on maîtrise suffisamment le latin pour écrire des textes de chansons dans cette langue, mettre en avant (comme le fait un musicien d’Aion) que l’on a soutenu une thèse sur « le rôle de l’empereur romain au combat » ou démontrer que l’on connaît suffisamment l’histoire antique pour tracer des parallèles avec la société contemporaine20 sont autant de manière de se réévaluer en même temps que les positions que l’on défend lorsqu’on est marginal non seulement à l’intérieur du champ politique, mais aussi au sein d’une extrême droite largement dominée par le FN. Ajoutons que la posture intellectuelle adoptée par certains groupes (d’autres jouent sur ce plan une carte beaucoup plus « populiste ») trouve à s’exprimer sur d’autres terrains que les seules références grécistes. Elle se signale dans les allusions récurrentes à la culture légitime (Kaiserbund se réfère à Varèse et Stravinsky) ou dans des formulations recherchées (« nous nous sommes retrouvés dans la démarche du peintre qui à travers un simple tableau se risque à exprimer un concept complexe », avance le même groupe sur le site Coq gaulois). Cette hypercorrection culturelle semble témoigner d’un rapport dominé, empreint de révérence, à la culture légitime (ou plus précisément une culture classique en voie de déclassement). L’absence d’informations sur les origines, trajectoires et capitaux culturels des musiciens empêche toutefois d’aller plus loin dans la compréhension des ressorts sociaux de ces goûts esthétiques et options politiques particuliers.

  • 21 Jeune résistance, n° 25, hiver 2001.
  • 22 Site Coq Gaulois.

37Les interviews des groupes RIF martèlent les principes de l’activisme musical : pour Fraction, il s’agit de « diffuser un message politique clair sur un support musical susceptible de toucher le plus grand nombre21 », tandis que Traboules Gones rappelle que « la musique permet de faire passer pas mal d’idées “en douceur”22 ». Cette mobilisation de la musique à des fins militantes se heurte toutefois aux effets de la double contrainte qui pèse sur le RIF : musique visant à accéder à un extérieur (les jeunes non politisés susceptibles d’être recrutés) et devant à ce titre éviter ce qui tendrait à la disqualifier, elle sert également à l’entretien de la cohésion du cercle de ses adeptes, ce qui tend à la renvoyer à un entre-soi fermé et, en exprimant les références politiques et idéologiques qui la fondent, à en interdire l’accès à ceux qu’elles rebutent. Cette tension est caractéristique de tout univers groupusculaire, inévitablement pris dans une logique de renfermement contradictoire avec sa vocation à l’élargissement politique ou idéologique. Elle ne peut toutefois à elle seule expliquer l’échec du RIF, dont une autre des causes pourrait résider dans le manque de ressources strictement musicales de ses praticiens, c’est-à-dire dans leur amateurisme qui grève son potentiel de séduction auprès du public des jeunes non politisés qu’il voudrait atteindre.

Notes

1 Principalement, car le RIF est aussi diffusé ou valorisé – mais dans une moindre mesure – dans d’autres secteurs de l’extrême droite, tels que les royalistes et catholiques nationalistes. Signalons également que nous ne traiterons ici que du rock identitaire français, et laisserons de côté les groupes similaires d’autres pays (Italie, Espagne, Québec, Slovénie notamment), avec lesquels le RIF français entretient par ailleurs des liens étroits.

2 Pour un panorama historique de la mouvance, voir Mathieu (2003a) et Lebourg (2004).

3 Les citations sont tirées du document de présentation Unité radicale. Questions et réponses.

4 Un milieu associatif à dimension intellectuelle se consacre ainsi à l’étude et à la promotion de l’histoire de la « civilisation européenne », à l’exemple de Terre et Peuple du professeur d’histoire médiévale de Lyon 3 (et ancien responsable FN puis MNR) Pierre Vial.

5 Voir l’exemple de l’engagement des avant-gardes poétiques dans la Résistance étudié par Gisèle Sapiro (1999).

6 Fabrice Robert, « La diffusion de l’idéal identitaire européen à travers la musique contemporaine », mémoire de maîtrise de science politique soutenu en 1996 à l’Université de Nice, cité in Lebourg (2004, p. 399).

7 Cet effet d’homogénéisation de l’étiquette rock n’est en rien spécifique au RIF, comme le montre Mignon (1996).

8 Un musicien de Kaiserbund explique de même sur le site BBR la fondation de son groupe par le fait qu’« il manquait au sein du RIF un pôle “électronique” ».

9 Les grossesses des musiciennes ou chanteuses sont à plusieurs reprises évoquées comme des causes de modification de la composition des groupes. On remarquera à ce propos qu’une des caractéristiques du RIF est sa relative féminisation, a priori étonnante dans des mouvances musicale et politique majoritairement masculines.

10 Fraction, sur le site du Vlaamse Jongeren Mechelen (mouvement de jeunes nationalistes flamands).

11 La brochure de Ras l’Front consacrée au RIF contient des conseils pratiques pour faire interdire un concert de musiciens d’extrême droite.

12 Ainsi la célèbre photo du Che par Korda a-t-elle été détournée par les militants NR, l’étoile sur le béret étant remplacée par une croix celtique. De même est-on frappé par la récurrence, dans les théorisations stratégiques des intellectuels organiques de la mouvance NR, des références au léninisme ou au trotskisme : si les programmes et idéologies de l’extrême gauche sont violemment rejetés, les qualités politiques qui lui sont prêtées sont en revanche enviées et font l’objet de tentatives d’imitation.

13 Ainsi les musiciens d’Ile-de-France regrettent-ils sur le site BBR que « les relais de l’anti-mondialisme, en France du moins, sont souvent entre les mains de véritables internationalistes, qui ne critiquent la mondialisation que pour mieux promouvoir la disparition des États, des peuples et des cultures ». Sur les tentatives d’infiltration du mouvement altermondialiste et d’appropriation de ses thématiques par les militants de la droite radicale, cf. BOUMAZA (2003).

14 « En réclamant la libre circulation des individus, des gens comme José Bové se transforment en responsables des Ressources humaines au service des grandes multinationales », affirme Fraction dans le n° 25, hiver 2001, de Jeune résistance.

15 Kaiserbund, sur le site BBR.

16 « Les pros sont des collabos », éditorial du site BBR, septembre 2001.

17 « Gentillesse bon ton = piège à cons ! », éditorial du site BBR, novembre 2001.

18 Présentation Basic Celtos sur le site Memorial Records.

19 Cette dimension identitaire ne peut d’ailleurs être considérée comme spécifique à la seule musique d’extrême droite, ainsi que l’indique la diversité des styles étudiés dans l’ouvrage sur ce thème dirigé par Alain Darré (1996c).

20 Aion déclare sur le site Coq gaulois que « le parallèle entre la Rome antique et le monde moderne est tellement évident et a tellement été abordé qu’il serait vain d’y revenir. Mêmes causes, mêmes effets : cosmopolitisme et dévirilisation entraînent inéluctablement la chute des civilisations, même les plus brillantes et les plus stables. Seul un retour aux valeurs archaïques pourra redonner l’énergie vitale nécessaire au redressement intellectuel, démographique et esthétique de l’Europe ».

21 Jeune résistance, n° 25, hiver 2001.

22 Site Coq Gaulois.