Angers. Perquisition des gendarmes dans le local identitaire de l’Alvarium

Alors que l’Alvarium, le local identitaire, situé en plein centre-ville d’Angers (Maine-et-Loire) est au cœur d’une affaire judiciaire pour des violences en réunion, les gendarmes ont perquisitionné le local, ce mercredi 2 juin, pour une seconde affaire judiciaire.

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Le local de l’Alvarium a été perquisitionné ce mercredi 2 juin à Angers. | OUEST-FRANCE

Quatre personnes en garde à vue

Selon nos informations, quatre personnes ont été placées en garde à vue selon le parquet d’Angers. Pour le moment aucune information n’est donnée sur le motifs de ces interpellations.

Enquête en cours pour violences aggravées

Aucun lien donc avec les récentes violences qui se sont déroulées dans la nuit du 21 au 22 mai aux abords de l’Alvarium. Plusieurs membres du local identitaire sont visés par une enquête du parquet pour violences aggravées. Ils sont suspectés d’avoir passé à tabac plusieurs personnes dont l’une qui a voulu coller un auto collant antifa sur la devanture du local.

LIRE AUSSI : Angers. Agression violente aux abords du local identitaire Alvarium : deux personnes hospitalisées

LIRE AUSSI : Angers. Apeurés et inquiets, les voisins de l’Alvarium ne respirent plus, la Ville temporise encore

Famine condamné [dossier de presse]

Aujourd’hui, mardi 25 mai 2021, Famine, pseudonyme de Ludovic Faure, chef d’orchestre, artiste de Peste noire / PN / KPN / Kommando Peste Noire, autoproduit sous le nom de “Mesnie Herlequin“, a été condamné par le tribunal de Clermont-Ferrand.

Famine doit payer 3000 euros à la victime d’ici le 30 juin 2021.
Un second procès est prévu en décembre.

[article mediacoop] toutes les infos sur l’audience, le procès et le jugement

[article street press] le procès et le portrait de Famine

Il était question de Anthony, la victime agressée et défigurée “par erreur” le 13 juillet 2018.
Il s’agit de l’une des multiples violences perpétrées par des membres du Bastion Social (mouvement néo-fasciste issu du GUD, dissout officiellement le 24 avril 2019 en Conseil des Ministres)

article France 3 de 2018 au sujet de la victime

article mediacoop 2018 au sujet de la victime

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Ce n’est pas la seule victime, ni la seule condamnation, d’autres membres de Bastion Social ont déjà été retrouvés, jugés et incarcérés, pendant les 2 années pendant lesquelles Ludovic “Famine” Faure était réfugié en Ukraine, chez Régiment Azov / Secteur Droit / Militant Zone / Wotanjugend, avec Aleksey de M8l8th (un meurtrier jugé irresponsable, fou, libéré malgré le meurtre d’étrangers). Famine a été arrêté le 20 septembre 2020, à son retour en France.

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🇷🇺 🇺🇦 [Figure NSBM activiste] Aleksey de M8l8th compagnon Azov de Famine : Russe immigré en Ukraine et meurtrier bon pour l’asile psychiatrique devenu influenceur TURBONAZI

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Famine au centre, avec une compagne et Aleksey Levkin à droite

Après la vague d’agressions commises par des membres de Bastion Social, Famine de Peste Noire également impliqué dans une agression particulièrement violente qui a défiguré sa victime, a passé deux ans de la fin de l’été 2018 à  septembre 2020 en Ukraine ou Famine a trouvé refuge auprès de son compagnon Aleksey de M8l8th, les autres seront retrouvés rapidement à Strasbourg.

Molot signifie marteau en russe, ici il fait référence occulte à la religion préhistorique païenne : Mjöllnir, marteau divin de Thor, Odin, ou Wotan pour les slaves ; Le H terminal est bien une référence à Hitler et 88 étant le code alphanumérique néonazi pour "HH" à comprendre comme "Heil Hitler"

Aleksey Levkin est l’activiste au centre des branches jeunes de Régiment Azov et Secteur Droit, sous le nom de Wotanjugend, nom composé sur la base de “Hitler jugend” / Jeunesses Hitlériennes,  le mouvement de jeunesse du parti nazi du IIIe Reich allemand, Wotan étant le nom slave de Odin / Thor.

La branche Black metal de Wotanjugend est Militant Zone, qui possède une boutique à Kiev, sous la forme d’une salle d’entraînement aux sports de combat, avec un ring octogonal.

Militant Zone propose ouvertement son idéologie völkisch identitaire ethno-différentialiste et produit le rassemblement NSBM Asgardrei (titre de Absurd, en hommage à Hendrick Moebus) avec concerts NSBM, conférences métapolitiques et combats de MMA, ainsi que des disques NSBM et du merchandising, mais aussi des clips vidéos de Peste Noire et de M8l8th.
La page  de Militant Zone a été fermée par Facebook,
ainsi que leur chaîne de diffusion de vidéos Youtube.

Il y a beaucoup à dire, Aleksey, fils spirituel de Burzum revendiqué, militant intégriste völkisch et identitaire paganiste slave, n’est pas un simple admirateur d’Hitler, sa biographie et son CV valent la peine de de s’y attarder.

DTB 030 – 9 : Allégeance à Burzum. Disque interdit sur la marketplace Discogs et disque interdit en Allemagne.

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  • 2006 : M8l8tH affiche allégeance à Pagan Front. Disque bloqué sur la marketplace Discogs, et disque interdit en Allemagne.

 


  • Voici les chapitres , 11 pages, (c’est peu car il n’y pas de parole critique) consacrés à Aleksey de M8l8th, tirées du livre “NSBM : as Wolves Among the Sheep” (900 pages ! édité par Camion Blanc en France, dispo sur Google Books, et dans les supermarchés culturels depuis 2014.)
2014 – as wolves among the sheeps
2014


Misanthropic Division

  • Misanthropic Division Suisse 2015

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  • Misanthropic Division @ Pride BHH

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  • Misanthropic Division BMH – 2015

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  • Misanthropic division Peste Noire – 2015

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  • “Bjorn Sigvald” Misanthropic Division

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  • Asgardsrei 2016

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Pride France affiché sur scène par Nicolas Pilven de Lemovice feat. Wolfsangel, M8l8th, BMH, KPN, … etc. @ Asgardsrei 2016
  • Paneuropa 2017

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  • Asgardsrei 2017

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Sur cette photo de l’édition 2017 du festival ASGARDREI, on voit dans la foule (à droite) un drapeau du groupe militant néo-nazi “Division Atomwaffen” lié à plusieurs meurtres aux Etats-Unis.
  • Call of Terror 2017

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  • Alexei Levkin est un néonazi russe vivant en Ukraine depuis 2015, et y participe au Russian Center et au Wotan Jugend.

Levkin, chanteur du groupe national-socialiste Black Metal M8L8TH, dirige le site néo-nazi “Militant-Zone”, et s’affiche comme l’organisateur du festival national-socialiste-black metal (NSBM), qui existe depuis 2012.

Selon une étude de Belltower News, Levkin a recruté à l’international des musiciens et des auditeurs NSBM via le groupe paramilitaire néo-nazi Misanthropic Division,ainsi que d’autres figures de proue de la nébuleuse, comme l’Allemand Hendrik Môbus, reconnu coupable de meurtre, et Famine, chanteur du groupe de black metal français Peste Noire.

Levkin a participé effectivement à la première conférence Paneuropa en avril 2017 à Kiev. Sa biographie a été décrite sur le blog maintenant disparu de “Reconquista Europe” qui avait rendu compte de l’événement en détail: 2

Après le discours de Pascal Lassalle en tant que résumé symbolique de la partie de la conférence de l’Europe occidentale, la parole a été donnée au représentant de Russian Center et de Wotan Jugend, Alexei Levkin. Un migrant politique russe qui, bien avant la révolution ukrainienne du Maidan, a acquis une renommée en tant que combattant implacable contre le régime anti-national de Poutine, il est actuellement activement engagé dans l’éducation et les activités métapolitiques du mouvement AZOV en tant que conférencier responsable de l’éducation de la jeune génération d’Ukrainiens, entre autres

En outre, en tant que chanteur du groupe bien connu de Black Metal « M8l8tH », les postures face à l’actualité d’Alexei servent de boussole intellectuelle pour la contre-culture orientée vers la droite et au-delà.

Depuis son arrivée en Ukraine en 2015, il a participé ou présenté une série de concerts de metal extrême en hommage évènementiel et militaire ukrainiens aux volontaires en guerre. En 2016 et 2017, il a co-organisé avec le festival annuel Asgardsrei de Militant Zone qui ont attiré des fans et des supporters de toute l’Europe. Cette année, le Fête Asgardsrei du déc. 18 a été précédée par la conférence métapolitique (entre l’Europe de l’Ouest et de l’Est), qui peut également être considérée comme la 1re conférence Paneuropa à Kiev.

Dans sa première partie, Alexei Levkin au nom de M8L8TH et Famine de Peste Noire ont été les principaux interlocuteurs d’un discours ouvert avec le public, entre autres, répondant aux questions sur les situations politiques dans la Russie et la France d’aujourd’hui.

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Aleksey Levkin produit et réalise le vidéo-clip de Peste Noire : Bjorn Sigvald torse nu, Famine porte un imprimé popularisé par Varg Vikernes, le mégaphone est brandit par Levkin
  • Les 11 et 14 juin, Alexis a co-organisé et participé à la prise de vue d’un clip vidéo pour « Le Dernier Putsch » de Peste Noire, la chanson de dédicace du mouvement Azov (à Kiev).

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En outre, en tant que représentant du Centre russe, plate-forme de coordination de l’émigration nationaliste russe basée à Kiev et au projet métapolitique Wotan Jugend, Alexei a été interviewé à de nombreuses reprises par ses partisans étrangers, en particulier des nationalistes polonais de Szturm, et ont participé aux conférences du Groupe d’aide au développement d’Intermarium. En d’autres termes, il a toujours été à l’avant-garde des communications paneuropéennes.

À l’époque de la révolution du Maidan et de la guerre qui s’en est suivie dans l’est de l’Ukraine après l’annexion de la Crimée, Wotan Jugend, qui traite principalement de sujets culturels, transformé en une puissante plate-forme d’information diffusant la vérité sur le « choix démocratique » du « peuple russe » dans le Donbass et la Crimée. Coordonnés, chargés, parrainés et armés par les « rebelles » de l’est ukrainiens du FSB, les combattants tchétchéniens de Ramzan Kadyrov, toutes sortes de communistes européens et non européens et « antifascistes », ainsi que les partisans sporadiques de droite de l’Ouest essayant de fermer les yeux sur les portraits de Staline au quartier général du « DNR », etc., ont été régulièrement mis en valeur en anglais. En conséquence, conformément à la tactique typique, il a été détourné par les services spéciaux russes qui ont mis en scène une position « divisée » dans les rangs des nationalistes russes qui « expulsaient » le segment pro-ukrainien et ont commencé à promouvoir la position « réelle » (anti-ukrainienne) de la droite russe. La ressource détournée n’a pas duré longtemps, mais les personnes apparentées, y compris Alexei Levkin, ont dû prendre un aller-retour vers l’Ukraine.

Cependant, ce n’était pas seulement un résultat naturel de la solidarité des nationalistes russes avec un peuple frère contre l’ennemi néo-bolchevique. Dans son discours, Alexei Levkin a souligné que les nationalistes russes, avant tout, étaient inspirés par le succès obtenu par les nationalistes ukrainiens à l’échelle européenne et considère l’Ukraine comme un point central du renouveau européen d’après-guerre. La capacité de prendre les armes et de défendre votre patrie contre l’envahisseur communiste a déjà uni la jeunesse passionnée de toute l’Europe. Aujourd’hui, le régiment d’Azov est devenu le véritable cadeau pour les patriotes européens avec une mentalité héroique qui ne s’intègrent pas dans le « monde moderne ».

Il est vrai qu’en Fédération de Russie, a ajouté Alexei Levkin, toutes les organisations nationalistes sont interdites (la dernière a été interdite en 2015), cependant, en Ukraine, il ne s’agit pas seulement d’une question de plus grande liberté et d’opportunités pour les militants de la droite. Comme il l’a fait remarquer, dans chaque mouvement, il y a toujours une différence de fonctions accomplies par certaines personnes: certaines constituent une base matérielle du mouvement, d’autres déterminent ses idéaux spirituels et aident à façonner la matière première en quelque chose de plus grand comme une statue ancienne.

C’est ce que des personnes comme Alexei Levkin ont trouvé dans le mouvement A’OV : la composante métapolitique composée de « personnes différenciées » d’esvoliennes ou d’« êtres humains d’un type spécial » qui ont préservé la relation intrinsèque à l’Etre et révèlent la dimension métaphysique de la lutte politique et militaire aux personnes impliquées. L’instruction d’Alexei dans le mouvement Azoov comprend des conférences et un entraînement paramilitaire, car, à son avis, des activités comme airsoft sont l’un des rares domaines de la société moderne dans lequel une personne peut encore se sentir élémentaire sans « élever des soupçons ». Toutefois, la manifestation radicale européenne de la volonté politique est toujours possible.

Alexei Levkin a donné l’exemple suivant d’un acte héroique dans des conditions modernes. Il a raconté l’histoire d’un jeune nationaliste russe de 17 ans, Anton Konev, qui n’était pas si longtemps (Apr. 21) a abattu un officier russe de haut rang du FSB (Service fédéral de sécurité), dans sa propre salle de réception de la ville de Khabarovsk. Pour certains, le «feat» peut être assombrie par le fait que pour obtenir une arme à feu, Konev a également tué une personne civile, un gardien d’une galerie de tir et, soit dit en passant, un traducteur dans la salle de réception. D’autres ne comprennent pas pleinement pourquoi le principal ennemi des nationalistes russes est les services spéciaux de la Fédération de Russie. Alexei Levkin a souligné que cet acte méritait de respect car, contrairement aux kamikazes musulmans qui ciblaient consciemment la population civile, Konev (qui a également été abattu sur les lieux du crime), a choisi une victime dont la liste des atrocités contre les patriotes russes est immense et a réussi à mener à bien une mission meurtrière. On s’attendait à ce que le FSB promue selon laquelle ce « néo-nazi » (qu’ils lient à Wotan Jugend, un honneur nié par Alexei Levkin) était un sympathisant de l’EI.

Ayant terminé son discours par une référence au type humain supérieur trouvé dans les sagas et les poèmes épiques, qui est le véritable objectif de la lutte politique, Alexei Levkin a appelé à embrasser la flamme de la Reconquista européenne au-delà des anciennes divisions nationales, car nous sommes l’avenir de l’Europe.

 

1 Sabri Deniz Martin et Simon Hemmers, “Wie ein rechtsextremes Freiwilligengiment mit Black Metal Nachwuchs rekrutiert”, Belltower News, 12 août 2020, https://www.belltower.news/ukraine-wie-ein-rechtsextremes-freiwilligengiment-mit-mit-com-mont-mit-mit-

2 “1st Paneuropa Conference Report”, Reconquiste Europe (Blog), le 16 juin 2017, https://demonofoldworld.tumblr.com/post/161878114630/reconquista-europe-1st-paneuropa-conférence.

https://www.foiaresearch.net/person/alexei-levkin

#asgardsrei from Interregnum

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  • https://lincorrect.org/wp-content/uploads/2022/04/levkin.png

N’en déplaise au Kremlin, l’une des figures majeures de la scène musicale néo-nazie en Ukraine est russe. Alexey Levkin, le sinistre individu à l’origine du mouvement Wotanjugend et à la tête du groupe de NSBM M8l8th, est en effet originaire de l’oblast de Tver, au nord-ouest de Moscou, qu’il a dû fuir en 2015 après avoir purgé une peine de prison pour trois meurtres crapuleux. Ce petit garnement ne perd pas son temps : en découvrant en Ukraine une scène black metal très active et au rayonnement international et constatant qu’elle s’arrime à un solide arrière-plan nationaliste, il entend bien la raccorder à ses idées extrémistes. En quelques années, il fédère autour de lui tout une jeunesse déshéritée et parvient à capter l’attention des fans de métal en organisant des festivals ambitieux, dont le Asgardsrei où est conviée régulièrement la fine fleur du black métal européen, à commencer par les Français de Peste Noire. Habile en marketing, Levkin parviendra à utiliser l’aura du groupe avignonnais, pourtant très cocardier, pour mettre en valeur ses propres activités. […]

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Alexey Levkin : un Russe derrière la scène nazie ukrainienne

  • Agression d’Anthony et agressions autours de Bastion Social Clermont

Le 12 juillet 2018 Anthony se fait fracturer la mâchoire dans un bar par Famine de son vrai nom Ludovic Faure qui pensait taper sur un antifa, le local du Bastion Social doit être inauguré dans les prochains jours.

Nouvelle victime du Bastion Social à Clermont-Ferrand, Anthony, double fracture de la mâchoire

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  • Exil en Ukraine

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  • Peste noire affiché @ Asgardsrei 2018
    pour la troisième année consécutive

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  • Famine s’affiche en scénographie Gilet-Jaune et chansonnette RAC identitaire française mises en scène @ Asgardsrei 2018

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  • Ouest Casual et Zouaves Paris affichés avec Peste noire @ Asgardsrei 2019

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  • Seigneur Voland et BMH groupes français affichés @ Asgardsrei 2019

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  • CHS Seigneur Voland @ Asgardsrei 2019

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  • GUD affiché aux pieds de Goatmoon @ Agardsrei 2019

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  • GUD affiché aux pieds de BMH @ Asgardsrei 2019

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  • GUD affiché avec Olena Semenyaka de AZOV

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  • Procès Famine – 2021

https://mediacoop.fr/25/05/2021/proces-de-famine-chanteur-neo-nazi-au-tribunal-de-clermont-ferrand/

  • Famine explique l’influence de AZOV sur Zouaves Paris

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  • AZOV affiché sur scène lors du C9M RAC turbonazi @ Simone Veil avec le GUD

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  • BSK VDL autours d’un activiste qui affiche les couleurs AZOV

 


voir le reportage : Ukraine les Masques de la Révolution

 

Le cas Ouest Casual

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dégradation de mobilier urbain par affichage sauvage de stickers promotionnel peste noire gilet jaune 1871, ouest casual, zouave paris anti-antifa à Kiev à l’occasion du plus gros rassemblement autours de figures NSBM et de tournois d’arts martiaux de hooligans

Ouest Casual est un média apparu à l’origine sur Facebook, mais désormais quasiment cantonné à Telegram suite aux suppressions à répétition de sa page. Près de 10 000 personnes s’y côtoient, localisées un peu partout en Europe, même si le canal reste principalement tenu par des français.

Prônant la culture hooligan, les publications qui y figurent visent plus ou moins à rassembler toutes les tendances de l’extrême-droite désireuse de violence et de « chasse au gauchiste ».

Ce canal profite principalement de l’absence de modération de Télégram afin de « contourner la censure » et revendiquer librement leur admiration pour ce que l’humanité a fait de plus dégueulasse. On vous laisse par exemple deviner quel drapeau ils ont choisit afin de fêter leurs 10 000 membres.

Des groupes fascistes y côtoient ainsi des néo-nazis, des royalistes ou des suprémacistes. Avec comme point commun une passion certaine pour la violence, autour de laquelle ils axent toute leur virilité.

Au programme : Attaques de bars, de lieux associatifs ou de manifestations, vols de banderoles et cambriolages, agressions de militant-e-s identifiés comme « de gauche », et même passage à tabac (filmé) de simples ados ayant tourné un snapshat dans une église.


Et nos Angevins de l’Alvarium dans tout ça ? Rassurez-vous, le fourre-tout idéologique extrême-droitiste étant leur cheval de bataille, ils ont bien évidemment assez vite fait leur place au sein de ce joli petit monde, et commencé très tôt à copier leurs codes.

Et encore, nous avons gardé les exemples les plus intéressants en stock pour les prochaines de leurs casseroles dont nous parlerons ici.
Quoi qu’il en soit, maintenant que l’Alvarium ne rechigne même plus à faire leur propagande au milieu de croix gammées et autres saluts fascistes, nous ne pouvons que constater une bonne fois pour toute l’échec voir l’abandon de leur couverture pseudo-sociale, déjà bien mise à mal dans le passé.

L’alvarium n’est ni un « simple » local d’extrême droite, ni un « lieu identitaire ». C’est un local ouvertement fasciste, n’hésitant dorénavant plus à s’acoquiner avec des groupes ou militants se revendiquant néo-nazis.

NSBM outing II : Ou comment moi-aussi j’ai arrêté d’être nazillon

https://www.monvoisin.xyz/nazi-outing-2-ou-comment-jai-moi-aussi-arrete-detre-nazillon-autre-histoire-dune-deconversion-musicale-et-politique/

Il y a une quinzaine, j’ai mis en ligne le témoignage édifiant de Thomas. depuis, j’ai reçu de nombreux courriers du milieu Black Metal, dont plusieurs témoignages qui n’ont pas velléité d’être diffusés. Hormis un, qui vaut son pesant de cacahuète : un garçon  souhaitant garder l’anonymat, m’a envoyé son histoire, qui est une véritable plongée en eaux troubles. Je n’ai pratiquement retouché que des coquilles, le texte est brut, magnifique. Je n’ai pas pour volonté de devenir un expert de ce milieu, et j’avoue que je reste toujours capable de confondre du sludge metal et du metalcore (aïe, patapé, patapé !). Mais j’ai compris deux choses : que metalis a new jazz, et que la richesse du milieu est épatante ; et que de même que le maloya, le blues, ou le sirtaki, le metal est une courroie politique non négligeable. C’est dans un growling raté qui ressemble à un miaou de chat malade que je ferme cette introduction. N’étant pas expert, je laisse la responsabilité des propos à mon témoignant, et je ferai des addendums ou correctifs au besoin. N’hésitez pas à commenter, courtoisement, ci-dessous.


Ayant lu récemment sur le blog de Richard Monvoisin le témoignage de Thomas, un ancien adepte de NSBM (National-Socialist Black metal, le Black metal nazi) tombé durant l’adolescence dans l’extrême-droite puis dans la pensée néo-nazie, je me suis motivé moi aussi pour partager mon vécu, car en parcourant ledit témoignage, j’ai retrouvé énormément d’éléments en commun avec mon propre parcours, de la droite libérale-conservatrice au confusionnisme rouge-brun, et de ce confusionnisme à la fétichisation d’artistes comme le trop fameux Famine de KPN (Kommando Peste Noire, connu aussi sous le simple Peste noire).

J’ai simplement pensé qu’il serait intéressant de faire profiter les gens du vécu d’une personne comme moi, qui ne se considère pas comme étant « tombée » dans l’extrême-droite, mais qui considère plutôt en être sortie après y avoir été élevée.

Allons‑y déjà pour un brin de contexte. Ça va être long.

1. La famille 

Je suis né dans un milieu de classe moyenne, voire de petite bourgeoisie aisée, marqué politiquement sur deux pôles.

La famille de mon père est de bourgeoisie traditionaliste, marquée par la droite libérale, gaulliste, républicaine, quelques éléments de catholicisme diffus. Si je devais définir mon père et son camp politique, je pense pouvoir le qualifier de bonapartiste, pas dans le sens où il veut un Bonaparte au pouvoir, mais dans la gestion de l’État et la vision de comment doit s’exercer le pouvoir.

La famille de ma mère est ouvrière, mon grand père étant un ouvrier ayant réussi dans les 30 glorieuses à monter sa petite entreprise de maçon, ayant commencé à travailler sur les chantiers à 14 ans. Ancien communiste, mon grand père maternel était aussi fortement réactionnaire (attachement à la petite propriété, hostilité aux étrangers, et très attaché aux valeurs du travail et du mérite) et continuait à voter socialiste par habitude, et par souvenir salvateur de son enfance sous Vichy, tout en reconnaissant que Le Pen par exemple avait raison sur pas mal de choses. Ma mère a largement repris ses convictions.

J’ai donc eu une famille scindée en deux pôles sur les parcours individuels mais finalement très conforme à une vision droitisée et petite bourgeoise de la société. Une vision du monde ordinaire et typique d’une famille de classe moyenne aisée de province, entre discours de droite libérale classique et discours assez « rouge-brun », rouge-brun désignant une mouvance politique mêlant des valeurs hybrides entre l’extrême-droite nationaliste (le brun) et l’extrême-gauche communiste (le rouge). Ces discours viennent notamment de mon grand-père et de son passé communiste, puis de petit patron, et finalement de personne âgée assez aigrie sur « l’époque actuelle » et ses « dérives ».

J’ai également été pétri de valeurs républicaines et patriotes. J’ai grandi avec l’idée dite et répétée que « La France est le phare du monde », que j’étais le prolongement d’une histoire, d’un peuple et d’une nation glorieux, qui avaient inspiré et fait plier le monde entier ; qu’on se devait en tant que français d’être digne de ce modèle et que l’abandon de cette conviction était le signe de la décadence du pays.

J’ai également grandi avec énormément de racisme et antisémitisme autour de moi sous couvert d’humour. Mon enfance et adolescence ont été marquées par l’omniprésence de blagues sur l’avarice des Juifs, sur la fourberie des « Arabes », etc. Tout ça avec les justifications habituelles : « c’est de l’humour, et puis on a un arrière grand père juif dans la famille ». J’ai très tôt appris à accepter cet humour et les façons de penser qui vont avec comme normes, et effectivement autour de moi, cet « humour » était, de fait, la norme. Je vivais et je vis toujours à la campagne, dans un village assez isolé, dans un département connu pour voter beaucoup à droite et extrême-droite. Mon contexte d’éducation était donc très orienté. Par souci d’honnêteté, je dois aussi dire que j’ai grandi avec l’idée que le patriotisme et le nationalisme sont deux valeurs différentes, et donc que l’extrême-droite et son nationalisme étaient à rejeter. Mon père croyait ferme à cette différence comme beaucoup de gens de droite classique. L’expérience m’a appris que cette distinction était peu fondée en pratique.

2. Éducation et « premiers contacts »

Plus tard, en fin collège et tout le lycée, j’ai été en internat catholique privé, dans un lycée agricole, en pleine campagne. Pas particulièrement friqué (les fils/filles du monde paysan qui constituent la base du profil des élèves ne roulent pas sur l’or non plus) mais à l’atmosphère imprégnée de cette mentalité petite bourgeoise que j’ai décrite un peu plus haut en parlant de ma famille : attachement au travail, à la petite propriété, à la patrie et la tradition. C’est là que j’ai été réellement mis au contact de l’extrême-droite la plus radicale, sous la forme de discours d’adolescent·es comme moi. Bien sûr leurs discours n’étaient pas structurés ou même vus comme idéologiques ou politiques, dans un premier temps. Mais habitué au racisme ordinaire pratiqué dans ma famille, qui se targuait tout de même de « ne pas être raciste, contrairement aux paysans du coin », j’ai été mis en contact avec un racisme clair, agressif, assumé et affiché, qui se manifeste quand suffisamment de racistes ordinaires se retrouvent suffisamment en force pour se manifester au grand jour sans conséquences.

J’ai donc été au contact de manifestations très exacerbées de xénophobie durant ces années : des références continuelles aux « arabes » comme étant les Gris/ Bougnoules/ Boukaks/ Bachés etc, et qu’il fallait les « démonter à coups de masse ». Quand on se baladait en ville et qu’on croisait une femme avec un voile on était sûr d’entendre un concert de « tiens regarde ça encore une bâchée. Ça, c’est tout juste bon à ensiler, à passer dans le bol et à donner aux vaches ». Quelques références aux « youpins », affublés du qualificatif de « sangsues », des attaques continuelles sur les Gens du voyage dont il faudrait « cramer les caravanes »… etc. vous avez compris le ton.

Des surnoms humiliants étaient assignés à celleux qui ressemblaient de près ou de loin ou adoptaient des codes culturels perçus comme « étrangers (la « racaille blanche ») ou qui pouvaient de loin être assimilés à des étrangers. Je me souviens d’un mec de mon internat, qui petit, brun et très bronzé, a gagné le surnom de « petit gris » (gris étant un surnom péjoratif pour dire arabe ou maghrébin) qu’il a gardé trois ans. Il n’était bien sûr absolument pas maghrébin et pouvait se montrer aussi raciste, voire plus, que les autres.

Dans les dortoirs de l’internat, l’écoute d’artistes violemment nationalistes voire néo-nazis était courante, volume à fond, sans que ça fasse réagir les pions, de même dans quelques chambres que les affiches de promotion pour le Front National qui n’occasionnaient pas plus de réaction. J’ai quotidiennement entendu et vu chanter du punk-rock skinhead (Légion 88 et son inénarrable refrain qui me reste encore en tête puisqu’il était gueulé dans les piaules : « Sale arabe, on va te gazer. Vive la France ! Mort aux immigrés… ») ou du Black metal nationaliste (KPN, Baise ma hache, Autarcie,etc.). On aura compris j’étais donc un adolescent ayant baigné dans une mentalité parfaitement facho-compatible, qui a opéré par étapes du racisme petit bourgeois et sage de ma famille à l’univers adolescent et provocateur de fils de paysan·nes ouvertement nationalistes et racistes, baignant dans de la culture skin néo-nazie. Je l’ai vu, j’y ai aussi participé.

Légion 88
Légion 88.

Je suis aussi le produit d’une époque faite d’insécurité sociale et économique, et donc naturellement inquiet vis-à-vis de ces problèmes. J’ai été au contact de fils/filles d’agriculteurs·ices ayant de gros problème d’argent, et j’ai connu des voisin·es et connaissances victimes du suicide après un dépôt de bilan. J’ai vu l’alcoolisme d’agriculteurs retraités buvant la liquidation de leur ferme au bar du coin faute de reprise, dans un monde rural déserté, qui ne sert largement plus que de dortoir aux gens travaillant en ville, ou ont été concentrés services et emplois. Un aspect du monde rural par ailleurs très mis en valeur par le groupe Peste Noire entres autres, et qui ne pouvait que me parler.

Famine, chanteur du groupe KPN

Famine, chanteur du groupe KPN

J’ai aussi vu la crise de 2008 comme tout un chacun et ressenti la profonde insécurité

et le pessimisme sur l’avenir qui se dessinaient pour la jeunesse dont je faisais partie, une jeunesse rurale aux perspectives d’avenir déjà incertains comme dit plus haut. Ces facteurs ont fait que, de par mon contexte d’éducation et les insécurités que je ressentais, j’ai vite essayé de faire une synthèse des discours politiques que j’entendais autour de moi. Ça donnait à peu près ça : d’un coté je rejetais le discours politique de droite classique de mon père et de mes proches immédiats autant par quête d’identité juvénile que pour des raisons plus logiques. Mon père était issu d’une famille aisée et n’avait pas connu le travail manuel ou les grosses difficultés matérielles. Son discours était celui d’un homme bien installé des Trente glorieuses et il me semblait assez peu à la page sur les difficultés de notre temps. Je préférais le discours politiquement plus radical et socialement engagé de mon grand-père qui lui avait connu les chantiers et avait monté son entreprise à partir de rien (mais c’était toujours les mêmes valeurs petites bourgeoises : mérite, travail, petite propriété). De l’autre je rejetais le discours ambiant que j’entendais au lycée, fait de nationalisme et de patriotisme virulent. J’avais été trop imprégné de droite libérale aux valeurs « universalistes » pour céder facilement à un discours aussi simpliste, même si je pouvais baisser la tête et accompagner le groupe. Plus trivialement, scolairement, j’ai toujours été mis à l’écart et j’ai même connu du harcèlement violent, ce qui m’a mené à ne pas avoir de volonté de reproduire un discours raciste par volonté d’intégration à un cercle, même si j’étais sous influence.

En gros je n’aimais pas le discours extrême du lycée mais je reconnaissais que celui de ma famille, plus « sage » et moins affiché, était d’une part hypocrite (leur racisme était moins affiché que certains avant tout par souci d’image et de démarcation sociale, même un ado un peu con-con comme moi pouvait le voir), mais c’était également le discours de personnes moins paupérisées que les agriculteurs·ices, qui avaient le « luxe » de ne pas être plus radicales car elles ne ressentaient pas l’urgence.

Il y a aussi la question des liens sociaux. Dans un univers composé de pas mal de personnes de droite nationalistes, tes relations et affections se font avec des gens de cet univers et il devient difficile de les critiquer, surtout quand tu compares ton histoire perso à la leur. Un de mes amis de l’époque était par exemple un raciste virulent. C’était un fils d’agriculteurs, petits propriétaires, plutôt précaires en termes de situation financière. Il a commencé à bosser à 16 ans en apprentissage, il a été père à 20 et dans sa famille on en a chié, et pas qu’un peu : il a perdu un frère à l’âge de 13 ans lors d’un accident du travail et s’il a dû partir bosser, c’est parce que sa famille avait peu de revenu et devait s’occuper d’un autre frère lourdement handicapé et incapable de travailler. Qui étais-je, moi qui avais plus de chance que lui a bien des égards, pour lui reprocher de voter FN et de jouer les piliers de bars contre tous les « étrangers » qu’il croisait en soirée ? En soi sur le terrain pur des idées ça ne change rien mais cette notion sentimentale rentre en ligne de compte, d’autant plus quand tu es jeune et peu formé au raisonnement politique pur.

3. Premiers engagements

Me voila donc à 17 ans avec tout ce contexte derrière moi, à essayer de trouver ma voie entre un discours de droite libérale que je juge inadapté, dépassé, et pas à la hauteur des enjeux du temps, et un discours très violemment nationaliste et raciste que je jugeais simplement bête et méchant bien que je concédais qu’il prenait sa source dans des problématiques et souffrances réels que je constatais autour de moi. Le tout sur un fort sentiment de décadence sociale et de catastrophe imminente à venir qui menaçait mon pays, mon peuple, tout ce qu’on m’avait appris à aimer et défendre jusqu’à la garde, au nom de mon sang, de l’histoire et de la tradition.

J’étais mûr pour trouver un militant politique qui saurait répondre à mon sentiment d’urgence et de radicalité avec un discours social et révolutionnaire, tout en y alliant les valeurs de droite libérale-conservatrice que j’avais intériorisées. La devise d’Égalité et Réconciliation de Soral : « Gauche du travail, Droite des valeurs » était taillée pour moi, de même que l’univers nationaliste dégénéré de KPN qui m’a beaucoup marqué par la suite et sur lequel je reviendrai car l’univers musical de Famine a été fondamental pour moi (jusqu’à la fin du lycée on peut dire que la culture nationaliste faisait partie d’un substrat culturel avec lequel j’avais des contacts mais pas une relation émotionnelle forte. C’est un peu plus tard que j’ai réellement mobilisé ce « substrat » et qu’il a commencé à faire réellement partie de mon identité).

Le glissement s’est fait par étapes : un cousin a commencé par me faire découvrir Dieudonné vers 16–17 ans. J’ai été très vite conquis par cet humour noir qui correspondait à la fois à mon sentiment de malaise sur mon époque, mes dépressions et aussi à mon acceptation des discours racistes ambiants sous couvert d’humour. Les quelques propos sociaux de Dieudonné sur la société française, le tiers-mondisme… avaient cette apparence de radicalité et de volonté de changement que je recherchais. Plus que tout, j’appréciais une des maximes de l’humoriste et qui je crois à une profonde importance : « Faut rigoler, c’est tout ce qui nous reste ».

De Dieudonné, je suis vite passé aux personnalités qui lui étaient liées. D’abord Soral bien sûr, mais aussi Marion Sigaud (l’« historienne »), l’ex-député belge Laurent Louis mais j’ai aussi été amené par le soutien de Dieudonné et Soral à regarder quelques conférences de Robert Faurisson, et si je n’ai jamais totalement cédé sur ses pseudo-théories négationnistes, j’ai été pris de doutes. D’ailleurs, et puisqu’on aborde le complotisme, j’ai très vite via Dieudonné adhéré aux théories du complot classiques. Je croyais fermement que le 11 septembre était un faux attentat orchestré par les USA et Israël et que l’Humain n’avait pas été sur la Lune. J’ai aussi via Soral été sensibilisé aux pseudo-théories du complot juif : la création de l’état d’Israël et ses « racines profondes », la révolution française et ses manipulations par les Francs-maçons (les Juifs). Il m’est arrivé de dire et penser comme l’affirmait Soral que « Quand un peuple se fait virer partout où il arrive au bout de quelques décennies, c’est que c’est ce peuple le problème il faut arrêter la victimisation ». Bien sûr, via ces mêmes cercles je pouvais reproduire les arguments anti-féministes, du genre à reprendre certaines phrases de Soral « Il faut des sous-hommes pour qu’il y ait des sur-femmes ». J’allais toujours plus loin dans les couches de l’oignon.

On constatera l’ironie crasse de la situation : je voulais trouver ma voie entre mes deux contextes d’éducation évoqués plus tôt. Ma famille de droite libérale et un brin rouge-brun et les discours nationalistes assumés entendus à mon lycée et dans mon cercle amical. Et j’ai cherché un discours qui sans tomber (d’apparence) dans la rhétorique raciste crasse et simpliste, répondrait à mon sentiment d’urgence et l’engagement nécessaire vis-à-vis de l’époque actuelle : et le discours que j’ai trouvé, entre rejet et synthèse de ces valeurs, n’a fait que m’y faire retomber à pieds joints par des moyens détournés. Le tout était même plus dangereux puisque en rejetant le racisme crasse, j’étais sans m’en rendre compte en train de RATIONALISER le racisme et de le renforcer. Ce pseudo intellectualisme me donnait un sentiment de maîtrise et de modération qui me donnait la sensation d’avoir mieux compris les choses que mon camarade de lycée qui hurlait « gnnn les bougnoules » tout en me distinguant de la droite « molle » de ma famille.

Je n’arrive pas encore à savoir si la manipulation était grossière ou génialement orchestrée. À l’époque on m’aurait dit que j’étais d’extrême-droite, antisémite, misogyne et raciste, j’aurais tout bonnement nié en bloc.

4. La crise, la radicalisation

Il faut aussi savoir que durant mes années de collège-lycée puis au-delà, j’ai pour diverses raisons traversé divers épisodes de dépression nerveuse qui m’ont forcé à interrompre mes études et à exercer durant un assez long moment divers métiers peu valorisants et difficiles. J’ai été ouvrier agricole, dormant dans une tente par temps de gel à la fin mars, j’ai été embauché dans une usine de tri de déchets, j’ai bossé dans une usine de fabrication de palettes, ouvrier d’atelier de peinture dans une usine de fabrication de porte et fenêtres, ouvrier en chantier de démolition ou encore employé à la mise de viande sous vide à l’abattoir. À terme le recul de ces expériences m’a permis de développer une réflexion de classe, mais sur le moment je ne l’entendais pas de cette oreille : J’étais passé de ma jeunesse privilégiée dans un village isolé où je ne manquais ni d’air, ni d’espace, ni de calme et de nature à la réalité d’un quotidien en grande ville, un univers artificiel, bétonné et bruyant qui ne m’inspirait qu’angoisse et dégoût, le tout sur fond de précarité économique. Pour le fils issu de la classe moyenne que j’étais, vivre dans cette situation, avec la conviction d’être coincé, indigne, sans avenir et condamné à la disparition a généré un vif sentiment d’abandon et de décadence sociale et morale que j’avais également honte de ressentir car je le voyais comme la marque de mon éducation bourgeoise qui m’avait rendu fragile (« féminisé » aurais-je dit à une période) et incapable de survivre dans le « monde réel ». D’où de profondes angoisses qui ne trouvaient un apaisement que dans la consommation de musiques et expédients extrêmes. J’ai cité KPN, Autarcie, Baise ma hache… mais on peut aussi citer Black Magick SS (le groupe joue esthétiquement sur l’imagerie nazie mais j’ai des doutes sur l’idéologie je le mets finalement car il gravite dans cet univers),

Affiche de Black magick SS

Affiche de Black Magick SS.

Sühnopfer, Maléfice, Vermine, Régiment, Constantinople, Drudkh, Akitsa, etc. J’ai aussi été marqué à cette période par l’univers décadentiste fin de siècle des romans de Joris-Karl Huymans, les poèmes d’Antonin Artaud, de Georges Trakl, Émile Verhaeren, Charles Leconte de Lisle, Roger Gilbert Lecomte, j’étais marqué par l’univers ésotérique de René Rémond, et même de Julius Evola et Savitri Devi, ou par le livre « Le déclin de l’Occident » d’Oswald Spengler, les romans d’Ernst Jünger, de Yukio Mishima (grand romancier et essayiste nationaliste japonais d’après-guerre), de Pierre Drieu la Rochelle et le pessimisme radical teinté d’humour de Louis-Ferdinand Céline… je lisais « Le matin des magiciens », de Louis Pauwels et Jacques Bergier, je me régalais de lectures lovecraftiennes, j’ai même parcouru le trop connu « Le camp des saints » de Jean Raspail et certains textes de Dominique Venner.

couverture de « samourai d’Occident », de DominiqueVenner

Couverture de « Samourai d’Occident », de DominiqueVenner.

Non pas que tous les artistes et écrivains que je lisais avaient tous des affinités avec l’extrême-droite, mais j’errais constamment dans les frontières de cet univers mental, n’hésitant pas à sauter à pieds joints dedans à l’occasion.

Cette façon de voyager en eaux troubles, je l’ai aussi reproduite en m’intéressant à des thèmes a priori plus consensuels comme l’écologie. Dans un contexte de crise environnementale sur fond de sentiment d’effondrement avec la conviction d’une catastrophe imminente à venir, j’en suis venu à m’intéresser à tout ce qui touche à l’anthropocène. Mais en parallèle de la collection Anthropocène des éditions Seuil, des livres des éditions Monde sauvage et de lectures de romans « Nature writing » assez innocents je suis vite passé à l’écologie profonde, la « théorie » de l’effondrement, le survivalisme, sur fond de néo-paganisme aux relents new age douteux. Savitri Devi, que j’ai déjà citée, entre dans ces catégories de lectures, mais aussi le manifeste du terroriste anarcho-primitiviste et réactionnaire Theodor Kaczyncki (La société industrielle et son avenir), des manuels de survie divers, dont le livre du très connu de Piero San Giorgo, qu’on trouve partout, et diverses chaines YouTube parlant d’autarcie, lesquelles ont explosé en popularité ces derniers temps pour des raisons très identifiables ; mais aussi des ouvrages d’histoire des religions comme ceux de l’historien au passé trouble Mircea Eliade. Sans compter les albums de metal et black metal, où la nature fantasmée en religion cosmique et le chamanisme font partie intégrante de l’identité du genre.
Quelques exemples :

Cette vision de la nature n’est certes pas apolitique loin s’en faut mais elle traverse le monde du (black) metal dans son entièreté des groupes les plus consensuels aux plus inquiétants, des sur-populaires Eluveitie aux néo-nazis de Graveland.

Il serait fastidieux de démonter le discours écologique d’extrême-droite et d’autres ont relevé mieux que moi ses contradictions, mais dans l’ensemble je reste fasciné par ce croisement entre nature et religion, où l’écologie se fait théologie, où la nature devient une entité à part entière, vivante foisonnante et hostile. Une forêt de film d’épouvante où l’Humain n’est plus rien mais où il va néanmoins se perdre avec délice car cette forêt a le merveilleux qui manque à notre monde moderne, morose et désenchanté.

Cette vision cosmique, organique, du monde, où se mêlent grands anciens, rites douteux, assemblées occultes, mythes fantasmés, ésotérisme, voire « théorie » du complot et exopolitique, pétrie d’une narration à la Howard Philip Lovecraft (qui par ailleurs était admiratif du nazisme, c’est qui toujours bon à savoir), et qui se retrouve dans le livre Le matin des magiciens, garde comme toute narration complotiste quelque chose d’indiciblement fascinant car elle semble nous traiter en élu (« l’élite » qui a compris, qui a été chercher l’explication du grand mystère) tout en gardant ce voile pudique de mystère qui permet à la narration de garder son potentiel mystique et par ce biais la fascination que cette narration exerce, et cela même quand on est au courant du procédé. Regardez les romans de Lovecraft : on sait que ce n’est que mythe, mais on voudrait y croire. Je me plongeais beaucoup dans cet univers culturel, qui répondait à mes angoisses tout en me permettant un genre d’évasion dans les limbes de l’imaginaire. L’extrême-droite, qui s’imagine un monde d’ennemis soudés par un complot intangible contre « la civilisation » (l’islamo gauchisme, le judéo-bolchevisme maçonnique, etc.) a bien compris cela et c’est pourquoi elle se fait le véhicule de beaucoup de « théories » du complot… quand elle ne les lance pas elle-même.

Voici donc où j’en étais rendu après quelques années. J’étais passé de jeune lycéen à étudiant, puis travailleur précaire. On était vers 2014–2015 et un peu au-delà. J’avais connu Dieudonné et commencé ma « vraie » descente en 2011. C’était à cette époque l’âge d’or de Dieudonné et du mouvement de contestation qu’il avait lancé suite à ses interdictions de spectacle par Manuel Valls. À cette époque j’étais donc ce jeune qui écoutait sans participer (je le précise ici : je n’ai jamais été actif sur les comptes d’Égalité & Réconciliation (ER) ou les pages de Dieudonné ou ailleurs, et je n’ai jamais lancé de harcèlement ou autre. Mon rôle s’est borné à écouter, intérioriser, et parfois à reproduire un argumentaire mais rien de plus. Si je vous dis ça, c’est parce qu’il faut comprendre que le harceleur qui rage derrière son clavier est l’arbre pourri qui cache la forêt des gens qui ne disent rien mais qui dans l’ombre sont peu à peu convaincus par les discours et donc laissent faire les plus violents d’entre eux, la violence du bras armé étant perçue par ces bons attentistes comme « regrettable, mais nécessaire »).

Cependant j’étais de plus en plus gêné par pas mal de choses dans le cercle d’Alain Soral et compagnie et bien que le processus se soit fait sur un temps long, j’ai commencé à voir ma confiance s’effriter. Cette confiance s’est ébranlée suite aux diverses affaires qu’il serait fastidieux de résumer mais en gros j’ai réalisé que Dieudonné était un prédateur financier de la pire espèce qui prenait les gens pour des cons, que Soral ne supportait pas la contradiction et était un pervers narcissique frustré en puissance, que Laurent Louis était un pur opportuniste et manipulateur compulsif et globalement que tous les pseudos intellectuels d’ER avaient ces tendances. Je commençais en parallèle de ma perte de confiance à m’intéresser aux discours de gauche, sur les luttes sociales, le constructivisme, etc. et à comprendre les failles de raisonnement… Suite à mes études et j’ai commencé à réfléchir, dans le contexte de l’après-attentat de Charlie hebdo, au fait que les Islamistes avaient une idéologie dans le fond très similaire aux nationalistes révolutionnaires « occidentaux » (ça m’a frappé quand j’ai remarqué que quelques nationalistes crasses pouvaient montrer des marques de respect aux islamistes, comme Zemmour qui a dit des terroristes islamistes « Je respecte des gens prêts à mourir pour ce en quoi ils croient, ce dont nous ne sommes plus capables… »), lesquels eux aussi montaient en puissance et en activisme, en même temps que leurs discours devenaient de plus plus présents dans l’espace médiatique ou sur YouTube. Tout cela commençait à bouillonner sérieusement dans ma cervelle et j’ai commencé à me demander « Mais à quoi j’ai pris part au juste ? ». Précisons d’ailleurs que mon premier réflexe suite à cette perte de confiance, parallèle à ce que j’ai dit plus haut, a été dans un premier temps la recherche de substituts plus radicaux, et non une « sortie » nette du milieu. Le fait d’avoir des doutes n’a dans un premier temps fait que renforcer mes angoisses et radicaliser mes manières de les extérioriser.

Le coup de grâce est sans doute venu lors de la période charnière de 2015–2016. À cette époque, c’est non seulement le traumatisme de Charlie Hebdo et l’effervescence sociale, la panique même, qui en découle, mais c’est aussi la période la grande mue de l’extrême-droite en France. Après s’être perpétré dans l’ombre du duo Soral-Dieudonné, qui s’étaient faits un nom mais restaient dans l’ensemble assez « souterrains », et suite à la déliquescence de leur mouvement, une extrême-droite plus affirmée, confortée par le duo et s’étant nourrie de leurs discours avant de les évincer, a commencé à sérieusement s’activer. C’était la période de naissance et expansion du Raptor dissident, de Valek et de globalement tous les ersatz de Soral plus rincés les uns que les autres qui après s’être suffisamment nourris de sa rhétorique, ont décidé de prendre eux-mêmes une caméra et un micro pour aller sur YouTube.

C’est aussi la période de la grande bagarre entre Soral et Conversano qui a défrayé la chronique à l’époque.

Le « débat » Soral-Conversano

Le « débat » Soral-Conversano

Et là où Soral était un nazifiant qui usait d’éléments de langages, de clins d’œil plus ou moins cryptiques à la pensée fasciste et nazie, Conversano s’assumait clairement comme tel (et il faut savoir qu’à une période antérieure, vers 2011, j’avais regardé certaines vidéos de lui, comme celle sur l’art contemporain, que j’approuvais).

Bref, c’est la période du grand coming out de l’ultra droite sur YouTube, qui avec ses multiples réseaux et lieux de rencontres et grandes personnalités comme De Lesquen, Hassen Occident, Conversano, Pagan TV, etc. ont créé sur YouTube un véritable écosystème. Des personnalités qui se déchirent sans arrêt et sont dans un concours permanent pour savoir qui incarne la vraie droite et dont les disputes constituent autant un milieu anxiogène et épuisant qu’une radicalisation, car quand telle ou telle personnalité se discrédite ou que le milieu en lui-même est victime d’un drama ou d’un pourrissement, la conséquence en est une radicalisation générale du discours ambiant dans un cycle sans fin. On constatera une constante dans le milieu d’extrême-droite : le monde et l’étranger étant un ennemi, et l’important étant l’ordre et la hiérarchie pour faire face au chaos, ils ont tendance à projeter sur le monde leur propre pratique de gestion de leur univers politique. Tout chez eux est concours d’influence, coups de Trafalgar et trahisons qui nourrissent allègrement clashes et batailles d’ego dont sont friands la fanbase, laquelle s’auto-convainc d’ailleurs par l’attitude de leurs propres gourous que le monde entier fonctionne comme un gigantesque aquarium à piranhas ou seules les lois « manger ou être mangé » et « les nôtres avant les autres », comptent.

La « chute » de Soral et la perte d’influence d’Égalité & Réconciliation obéit à ce mécanisme : ça n’a pas affaibli la base militante de l’extrême-droite, ça l’a renforcée, tout en radicalisant d’autant plus les militants, bien plus vénères et frontaux aujourd’hui qu’ils l’étaient sous Soral, la fenêtre d’Overton et leur acceptation dans l’espace de discussion s’étant considérablement étendue ‒ la fenêtre d’Overton, ou fenêtre de discours, est une allégorie de l’ensemble des idées et des opinions considérées comme acceptables dans l’opinion publique d’une société, si tant est qu’ « opinion publique » ait un sens clair. Ce processus n’a d’ailleurs pas de réelle fin car si Soral s’est fait doubler par sa droite par tous les youtubeurs dissidents, ces derniers comme le Raptor sont aussi en passe de se faire doubler sur leur droite ces derniers temps, devenant de plus en plus ringards et dépassés, la base militante la plus active devenant toujours plus violente et organisée, se tournant vers les groupes d’extrême-droite comme Génération identitaire ou des vidéastes nationalistes incitant à la violence armée comme Code rno (ou Code Reinho) et tout l’univers des chaînes survivalistes. Bref, ces périodes où l’extrême-droite et ses réseaux se reconfigurent suite à un drama quelconque constituent pour la fanbase des périodes de choix. Les militants les plus radicaux avalent la redpill (référence au film The Matrix : « Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre ») et s’enfoncent plus loin dans les couches de l’alt rigth Les désillusionnés peuvent choisir de sortir du cercle en profitant de cette période de doute pour faire une auto-critique radicale. Ce que j’ai fait.

5. La sortie

À cette période donc, je suis à la fois dégoûté de Soral, de Dieudonné, et de tout leur milieu. Je contemple les exactions du Raptor et de sa communauté sur les réseaux. Les harcèlements de masse, les raids. Je vois leur idées et discours se généraliser. Tout cela me dégoûte car je le répète, je n’ai jamais aimé et jamais participé à des raids. Je réalise que si les têtes changent, l’idéologie souterraine ne change pas, donc que les problèmes resteront inchangés et que tout cela participe à un même cycle de radicalisation dont l’issue m’effraie. Car là où je pouvais encore m’aveugler sur Soral et Dieudonné ‒ je n’avais pas outils d’analyse et que je ne prenais pas le temps d’analyser leur discours, celui de la « nouvelle droite » était totalement assumé et sans fard. Et c’est en comparant ce discours très brut et premier degré que j’ai réalisé que j’avais écouté pendant des années le même discours, mais plus subtilement instillé. En parallèle je suivais des études d’histoire et j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire du fascisme, du nazisme, de ce qui l’avait fait naître, et sur quels éléments de langage l’extrême-droite de l’époque s’appuyait. J’ai vu les similitudes. Puis j’ai commencé à réfléchir sur mon parcours, comment les discours ambiants dans ma famille, au lycée, m’avaient amenés à penser ceci ou cela… Ça a été un vrai choc. À partir de là, j’ai commencé à me reconfigurer à gauche, notamment grâce à des lectures diverses en histoire, en sociologie et grâce à des chaînes YouTube engagées à gauche ou parlant tout simplement de sciences sociales, ce qui m’a permis de trouver petit à petit des réponses. Quelques chaînes de zététique m’ont aussi aidé à comprendre la rhétorique complotiste.

Bien sûr, tout cela ne s’est pas fait en un mois et en « remontant » les couches, je suis passé par des gens très discutables comme Greg Tabibian. Heureusement pour moi, je venais de l’univers vers lequel il oriente son public et j’ai vite compris qu’il jouait ce même rôle de passerelle entre la gauche rouge brun et l’extrême-droite, d’autant que plus ça allait, moins il camouflait sa ligne. J’ai donc assez vite laissé tomber et continué à remonter. Quelques rencontres et discussions avec des militants de gauche radicale parmi mes relations m’ont aussi permis d’affiner ma pensée. Bref. Pour conclure, je vais balancer une idée qui m’a permis de fondamentalement remettre en cause le discours d’extrême-droite en réalisant qu’il était totalement anxiogène. Ma compréhension et remise en cause de l’essentialisme (les gens ont une nature innée et inchangeable de naissance), là où la gauche est constructiviste (tout est construction sociale et influences).

La droite carbure à l’essentialisme, ce qui a diverses conséquences très nocives. La première est un mépris pour la pensée et l’intellectualisme. Puisque tout est basé sur la nature innée, réfléchir c’est ne pas être en accord avec la nature, la biologie, l’instantanéité. La réflexion est une « castration » et tout doit être basé sur l’acceptation des instincts.

La deuxième conséquence est plus marquante encore car elle conditionne à la violence par sa promotion d’une vision tragique du monde. Si tout est inné, alors il ne sert en définitive à rien de discuter avec un adversaire car ce dernier est au fond programmé pour être votre adversaire. Le convaincre ne sert à rien et c’est aller contre sa nature profonde.

Dans l’esprit d’une personne d’extrême-droite, chercher à convaincre est déjà chercher à subvertir la nature innée d’une personne, discuter est comme tout aspect de la vie une lutte pour l’existence, le dialogue n’est pas un échange mais un combat, avec à terme pour le/a vaincu·e une soumission et un formatage, et est donc suspect par nature. La discussion est dans l’esprit de l’extrême-droite l’arme de la morale d’esclave pour asservir le « maître » à son insu sans avoir à passer par l’épreuve de la sélection naturelle qu’est l’affrontement pur et simple. Elle est de facto suspecte d’être du totalitarisme déguisé. En ces conditions il ne reste que l’épreuve de force, la violence, l’élimination pure et simple de la contestation, pour décider qui l’ordre naturel a jugé bon de mettre au sommet. Le perdant n’a qu’a s’en prendre à lui-même et toute pensée constructiviste n’est vue que comme un truchement de l’ordre naturel, de la « morale d’esclave ». Et si tu es perdant, c’est parce que ta volonté n’était pas suffisante et toute autre explication, notamment sociologique, est une fuite devant son infériorité. Dans cette optique, il ne reste plus que l’ultra violence, le blasphème et le suicide comme seules issues au sentiment de défaite. La pensée d’extrême-droite conditionne à la violence contre les autres et contre soi.

En remettant en cause cette idée fondatrice, tout simplement parce qu’elle abouti à une vision du monde où l’angoisse de ne pas être à la hauteur, où la compétition pour la survie physique et intellectuelle est une lutte permanente et vraiment épuisante, on ôte ce qui fait la force d’attraction de la droite mais aussi son potentiel anxiogène. L’essentialisme est aussi une vision tragique du monde car elle porte fondamentalement en germe l’idée qu’il faut retourner en arrière, à un mythe des origines, pour retrouver du sens à l’existence, quelque-chose de « vrai ». L’histoire étant faite de multiples couches de constructions sociales, pour la droite, le monde et l’histoire ne peuvent aller que dans le sens d’une perversion lente et contre-nature jusqu’à l’apocalypse qui restaurera l’ordre originel en brûlant toutes les couches de construction contre-nature qui se sont accumulées au fil des décennies, des siècles, voire des millénaires. Les divers degrés de la droite se faisant un devoir de discuter où au juste se situe ce point d’origine « à partir duquel ça a foiré » et vers lequel il faut revenir. C’est en cela qu’on peut parler d’une vision suicidaire et tragique de la société.

Dans cet univers crépusculaire, le dandysme, le culte de la mort et de l’effondrement est la seule alternative que donne la droite face au défi d’un monde à réinventer. S’asseoir et réfléchir « à ce qu’un vieux romain ferait à notre place et agir en conséquence » comme dirait Julien Rochedy. Préférer le néant que ne rien vouloir. Attendre l’effondrement sourire carnassier aux lèvres en stockant du riz et des munitions dans son garage, en regardant des tutos de Piero San Giorgo et en consultant le site www.guerredefrance.fr.

F comme Fist
F comme France
F comme Famine
Un coq loufoque qui t’fuck et poc
J’vais trouer toute ta famille
A coup d’pine, d’barre à mine, d’carabine
Et sous amphétamine
En même temps qu’j’volerai vos villes
####### vos filles
J’ferai bobo
À tous les bobos
À tous les #######
Les ptits Zoros d’ghetto…
Ton Samsung dernier cri
On va te l’fout” dans l’cul
Tu pousseras un dernier cri
Et tu reviendras plus…[…]
Retour à l’âge de pierre
Y’a des catastrophes qui s’préparent
On n’aura plus de bière
Ni de venaison dans les Spar
Mais dans ç’capharnaüm
Un bel horizon s’offre à nous :
On va bouffer des hommes
Et fout’ leurs grosses putes à genoux
Un – me fais pas la morale
Deux – quand j’bronzerai dans mon val
Tu – prendras une double anale
Par – le Maroc le Sénégal
Trois – salue le Zaïrois
Quatre – qui coupera ton goitre
Cinq – fallait pas l’appeler « zinc »
Six – et chier sur la police

Kommando Peste Noire, extrait de « Niquez vos villes »

Site internet violemment nationaliste prônant la « reconquête » de la France par les armes et diffusant moult documents souvent tirés des manuels d’entraînement de l’armée et des forces de l’ordre afin de donner des conseils et instructions en ce sens. Code Rno y est référencé. Le site renvoie aussi à divers sites d’extrême droite comme « Démocratie participative ».

L’extrême-droite vous vend une vision très noire de la vie où tout est question de nature, d’inné et de volonté individuelle, répond à vos angoisses sur l’existence et la perte de sens dans un monde à la narration toujours plus floue en vous vendant finalement plus d’angoisse, vous coupant des autres et de vous-même jusqu’à ce que votre seul sentiment d’appartenance soit celui lié à votre petite chaire politique et à des idéaux de race et de nation, lesquelles entités sont entourées d’ennemis bouc émissaires invisibles qu’il convient d’identifier et éliminer pour remédier à vos maux. Personnellement, comprendre cela m’a permis de réaliser pourquoi le discours d’extrême-droite était autant fasciné par la dépression, la décadence, la perversion et où tout cela menait. Et à quel point il faisait en sorte de générer cette vision très noire des choses. Ça fait partie du processus de radicalisation et les personnes isolées, solitaires, fragilisées et aux tendances dépressives y sont d’autant plus sensibles, comme je l’étais. Par ailleurs dans mes goûts artistiques je reste fortement influencé et même sur certains points admiratif de certains artistes d’extrême-droite qui savent très bien mobiliser cette vision apocalyptique et décadentiste de la la vie (Comme Peste noire qui reste parmi mes références musicales).

De par mon expérience, la vision biologisante de l’extrême-droite d’une société malade, dévoyée et gangrenée qu’il faut purger de sa « maladie » tire aussi sa source pour une bonne part dans une projection de l’état d’esprit du militant à la société dans son ensemble. Je me sentais périr, ma dépression me rongeait, et la gangrène qui me foutait en l’air le cerveau et le corps, et dont je voulais me purger, la vision paranoïaque d’être cerné de toutes part par des ennemis invisibles : mes dépressions, la maladie, la peur, l’angoisse, la souffrance et la mort, je l’ai projetée autour de moi en cherchant frénétiquement « l’ennemi » invisible qui me privait d’air et me vidait de mon sang. L’extrême-droite a une vision paranoïaque, biologisante et dépressive du monde parce qu’une bonne part de ses idéologues et militants les plus marquants sont eux-mêmes profondément atteints de ces maux, ce qui crée d’ailleurs un genre de solidarité entre eux et leur permet via leur création artistique d’attirer de nouveaux adeptes. Je me sens toujours un lien émotionnel avec Famine de KPN par exemple parce que sa personnalité et ses paroles décrivent la dépression, l’angoisse, le déclassement et la crasse d’une façon qui fait énormément écho à ma propre histoire et mes propres ressentis.

Comment aurais-je pu ne pas me sentir concerné, et même solidaire, de Famine quand dans ses chansons il balance des choses comme :

Jours couleur merde, saveur crépuscule

De mon crâne

Ils ont fait une cellule

Où crimes, idées noires

Où idées noires, crimes

Comme des crapauds sautent

Sautent

Hop sautent

Pullulent sautent !

De coups, de crottes

Est taguée ma mémoire

Mon présent dévoré

Par la dépression, le cafard.

Vers et verrues les obsessions

M’ont verrouillé et laissent croire

Que le futur est rance

Que tout n’est qu’erreur et errance.

Enseveli vivant parmi les vivants

(Kommando Peste Noire, extrait de « Noire Peste », album « Split »)

Comment n’aurais-je pas pu me sentir compris quand il balance dans « J’avais rêvé du nord » :

Jaune aux bleus tout calciné,

Planté dans le mauvais décor,

Quêtant ma juste destinée,

J’avais d’un coup rêvé du Nord.

[…]

J’eus voulu crevasser Phoebus,

Y redarder toutes ses flèches,

Pour qu’il s’écrase comme un airbus

Entre Marseille et Marrakech !

Et tu m’es apparu miroir, frangin de haine,

[…]

Toi Métal Noir ! Forgé dans la nuit des garages

Comme un obus artisanal

Fait moitié-rêve moitié-rage,

Toi Métal Noir ! Sortant des tripes de la terre

Comme une énorme sonde anale

Exploser des villes entières !

(Kommando Peste Noire, extrait de « J’avais rêvé du Nord », album « L’ordure à l’état pur »)

Ou encore quand il chante dans la « condi hu » :

Syphilis, tétanos, hépatites, fusariose,

Fièvre jaune, chancre mou, infarctus, brucelloses,

Pneumonies, gonorrhées, aplasies, choléra,

Genre humain, malaria, di-arhhées, mokola,

SRAS, SIDA, CAC, sclérose en plaques,

Gale, herpès, pu, t’es d’la barbaque,

Ulcères, typhus, pub, chikungunya,

Rouille, mégalopole, chtouille, tu ploies rouya

Guerres, excavata, rectocolite hémorragique

Gangrène gazeuse, poux, République,

Peur, peste, nucléaire, sodoku,

L’Homme, se terre, hurle, sue du cul,

Borrelia recurrentis, molluscum contagiosum,

MST, MTV, Loft Story, en gros zoom,

Ma scoliose, supérieure, à 35, degrés d’angle,

Me fait voir, dans le ciel, un gros trou, qui m’étrangle.

(Kommando Peste Noire, extrait de « La condi hu », Album « L’ordure à l’état pur »)

Comment n’aurais-je pas pu me sentir des affinités avec la musique et la personnalité de Famine, ses albums d’une musique coincée entre crasse et sublime, entre passé révolu et modernité insoutenable, où les hurlements de bête malade côtoient les vers de Verlaine, de François Villon et de Christine de Pisan, où les riffs endiablés d’un metal très brut côtoient des samples à l’esprit très « trap », où le nationalisme et la religion, cadavres pourris et profanés, s’engagent dans une dernière danse sur chaise électrique, où la masculinité la plus malade se suicide en grande pompe avec tout ce qu’il y a autour, où la campagne hallucinée et la ville tentaculaire se mêlent en un bal cradingue où mon ego était ravi d’aller se noyer. La musique de Famine, son univers, ses paroles, me parlaient, et continuent d’ailleurs à me parler. La musique de KPN faisait plus qu’écho à mon vécu : elle parlait à ma chair. J’aurais beau faire tous les efforts à le nier ou changer cet état de fait, « J’avais rêvé du nord » trouvera toujours une résonance en moi.

Des groupes comme KPN et les gens comme Famine (et moi) ne sont en définitive que le produit logique d’une société hégémonique « occidentale » blanche, masculine et hétéro-normée qui, au sommet de sa domination et au bord du précipice, produit en dernière défense une redoutable caricature d’elle-même.

Élevez des enfants dès le plus jeune âge à être des bêtes de concours, à coups de tableaux, de classements, de prix et de mérite, apprenez-leur à lutter les uns contre les autres, dites-leur qu’ils peuvent et doivent s’accomplir seuls et que au final, si la solidarité c’est bien beau et très moral, au moindre pépin, on est juste tout seul face à ses problèmes et que ce qui distingue le winner de la loque c’est la volonté… Sélectionnez les plus aptes aux études supérieures comme étant les plus aptes à la compétition permanente, rendez normal le fait d’éliminer l’autre et de le voir avant tout comme un concurrent, assommez-les de normes à respecter, de quotas à remplir, brimez-les avec l’angoisse de ne pas être la hauteur de ce qu’on attend d’ell·eux, dites-leur que la vie est une lutte permanente pour la survie du plus apte, que leur bien-être passe par l’élimination des concurrents lors d’une grande course vers le sommet de la pyramide… Bref faites-en dès l’enfance des tueurs symboliques, avec tout l’appui du système scolaire et du monde du travail, lequel n’est qu’une projection de ce que nous apprend l’école.

Élevez des petits Blancs comme des flocons précieux avec la conviction qu’ils sont au sommet du monde civilisé et de ses valeurs, produits chouchoutés d’une culture pluriséculaire et d’une histoire glorieuse dont ils doivent être gardiens et héritiers, mettez-leur dans la tête que la vie est une compétition pour la survie et que seule la victoire importe, matraquez-les de promesses d’accomplissement et de développement personnel avec une vision méritocratique de la réalité où celui qui fait des efforts et attend son heure de gloire sera récompensé, traitez les comme des élus en devenir, promis à la gloire et à qui on doit admiration et vénération, puis faites-leur subir la désillusion que leur mode de vie est intenable matériellement parlant, que la civilisation qui leur a donné naissance n’a rien de belle ou glorieuse, qu’ils ne doivent pas leur situation au « mérite » mais aux hasards de l’histoire, que personne ne les admire, que ce qu’on leur a vendu est une mythologie toxique, qu’on leur a menti, qu’ils ne sont personne dans un ordre capitaliste qui n’attend plus d’eux qu’obéissance et performance, et qu’ils ont le choix entre lutter vainement ou se laisser disparaître eux et leur civilisation, dans un océan d’indifférence… Dîtes-leur après une éducation de privilégié·e que tout est hasard et mythe informe, lequel est en train de disparaître, dans l’indifférence générale…

Élevez des hommes avec l’idée dite et répétée que la virilité est ce qui distingue le « vrai homme » de la « flaque », dites-leur que pleurer est un acte de faiblesse, dites-leur à longueur de cours d’histoire, de films, de série et de musiques et de pub que ce sont les vrais hommes qui font l’histoire et que le modèle à suivre est le seul valable, dites-leur que la virilité leur donne accès à la réussite, à l’admiration d’un troupeau de femmes qui ne demanderont qu’à porter leurs enfants. Faites-leur subir la désillusion que le monde ne fonctionne pas comme ça et dites-leur que quoi qu’ils fassent le statut d’élu sera réservé à un petit nombre et que la plupart d’entre eux seront condamnés à rester devant les portes du palais à crever la dalle dans la solitude et le froid… Dites-leur que s’ils ont échoué c’est parce que la vraie morale d’antan a été dévoyée par un bouc émissaire quelconque, que l’âge d’or est mort depuis longtemps et que la seule issue digne pour sauver sa virilité dans l’échec, c’est l’accélérationnisme, l’action suicidaire, le crime de masse et le suicide…

Faites tout cela, et à la fin, et en toute logique, vous obtiendrez « Domine », de Peste Noire.

Wow, éteignez-moi ces putains d’lumières là
C’est quoi ces têtes de glands sérieux ?
Et tout c’sang dégueu ?
J’y retournerais bien dans le bide à ma mère
Mais comme tous je demeure
Dans l’angoisse, la poisse, la de-mer
En spéléo dans le royaume du sale
J’ai de suite perçu c’monde
Comme un rectum abyssal
Où fister tes fils, tes créatures, Ô Domine
Juste pour l’plaisir sale pourriture
De les dominer
Était de toutes les nourritures
La plus exquise et raffinée
Ici-bas rien, ni bien, ni mal
Juste les lois fatales du règne animal
Et l’arbitraire et le hasard et le désert
Où les anges mangent la fange sous le ronron des bulldozers
Quoi ? T’as cru qu’j’étais un chien ou quoi ? Une fourmi ?
Un truc qui passe là, bosse là, meurt là
Sans foutre la merde dans c’foutu fourbi ?
J’partirai pas sans faire mal
Sans contempler quelques commis de ce système devenir bleus
Tout froids et pâles
Appelle ça Pan, Wotan, Satan, Baal…
J’m’en bats les couilles tant qu’à coup d’crosse j’fais des cratères dans des collimateurs

Pour me venger de cette tristesse que depuis gosse le Créateur
M’a mis gratos comme une seringue de tétanos dans les artères
J’ai jamais pris mon pied autrement qu’en tirant sur les ambulances
J’bande mou si y a pas du pu, d’l’abus et d’étranges souffrances
M’sors pas tes trucs de feuj genre j’voulais ken ma mère pendant mon enfance
J’voulais déjà percer leur panse, niquer leurs chances, dès la naissance
A qui la faute si les nuages de la mélancolie
Tombent comme des piafs malades
Et bouffent par la racine les pissenlits
Dès que la haine surgit, telle une aubaine
Miraculeuse et saine, comme le Messie ?
Ne rien kiffer à part l’ivresse de salir
Baiser l’autorité pour seul et unique plaisir
Telle est la vocation, le passe-temps, le loisir
De la race des crevures avant de moisir
Si Dieu existe dans le ciel de nos têtes
C’est pour prêter son cul afin que l’on lui pète
Et qu’on atteigne par lui ou plutôt par son train-arrière
La joie ultime sans difficulté ni prières
Dieu, tu es une putain au sens propre
C’est par toi leur moyen, que tes fils
Jouissent
Dieu, tu es le pont et la barrière
La barrière qu’on enfonce, la barrière nécessaire
Oui Dieu, tu es le meilleur auxiliaire de ton putain d’adversaire
Dieu, t’es le soleil du Mal, le flamboyant miroir
De son écrasante gloire

6. Conclusion

À l’aune de tout cela, il me revient un extrait de la conclusion dans « Les damnés de la terre », de Franz Fanon.

« L’Europe a pris la direction du monde avec ardeur, cynisme et violence. Et voyez combien l’ombre de ses monuments s’étend et se multiplie. Chaque mouvement de l’Europe a fait craquer les limites de l’espace et celles de la pensée. l’Europe s’est refusée à toute humilité, à toute modestie, mais aussi à toute sollicitude, à toute tendresse. […] Allons, camarades, le jeu européen est définitivement terminé, il faut trouver autre chose. Nous pouvons tout faire aujourd’hui à condition de ne pas singer l’Europe, à condition de ne pas être obsédés par le désir de rattraper l’Europe. L’Europe a acquis une telle vitesse, folle et désordonnée, qu’elle échappe aujourd’hui à tout conducteur, à toute raison et qu’elle va dans un vertige effroyable vers des abîmes dont il vaut mieux le plus rapidement s’éloigner. »

Peut-être est-ce dans ces quelques mots qu’on trouve la réponse de pourquoi ce qu’il convient d’appeler des jeunes Blancs isolés préfèrent aller vers l’extrême-droite que vers la gauche. Le modèle socio-économique d’un monde tournant autour de l’Occident et des « valeurs » occidentales étant remis en cause sur tous les fronts, il faut en tant qu’Occidentaux (si tant est que ce terme est un sens*) admettre l’idée que toutes nos valeurs sont à reprendre, que nous sommes le dernier prolongement d’une histoire et de valeurs désormais intenables, bref, qu’en tant que Blancs « occidentaux, », nous sommes au cœur de ce qui s’effondre, là où les minorités oppressées ont l’espoir rassurant de se situer à la périphérie de ce qui s’élève. Le choix doit se faire entre d’un coté le culte vain de valeurs nécrosées sur un modèle à la dérive, et le pari d’un avenir meilleur où nous ne savons pas quelle sera notre place et notre modèle, d’autant plus quand l’éducation qui a été la nôtre nous a enseignée que notre place était partout de base et que le seul modèle de virilité blanche qu’on valorise consiste en survalorisation de l’égo sur fond d’affirmation agressive de son identité.

Pour un développement de cette problématique sous un autre angle, je vous renvoie à l’excellente vidéo de Contrapoints sur « Les hommes », notamment sa conclusion.

À l’heure actuelle, je ne parviens pas à savoir exactement par quel procédé je me suis sorti de cet univers mental qui pourtant constitue encore une large part de mon identité. Je pourrais vous dire que j’ai rencontré les bonnes personnes, lu les bons livres, eu les bonnes pistes de réflexion… La réponse est sans doute plus terre à terre : je me suis fatigué. J’en ai eu assez de me taper les mêmes cycles, à être éternellement insatisfait et a tourner en rond avec mes dépressions sans espoir de sortie et j’ai eu le bon sens de réaliser qu’il fallait que je modifie mes habitudes de vie pour retrouver un mental plus sain, et que fétichiser sans arrêt ce qu’il y avait de plus sombre en l’être humain par besoin de « catharsis »/libération émotionnelle n’était pas le meilleur moyen de se stabiliser mentalement.

Mon malheur et ma chance c’est sans doute que dans mon parcours j’ai assez peu bénéficié de soutiens, dans le sens où je n’ai pas fait partie d’un groupe d’extrême-droite ou même d’un cercle clairement politisé. Je suis le type même de ces nouveaux extrémistes fantômes, d’autant plus difficiles à détecter qu’ils se forment en solitaire sur les réseaux. Mais ce faisant, je n’ai pas eu à subir de menaces ou de pressions pour quitter le navire.

Aujourd’hui donc, je me détoxifie du mieux que j’ai pu des idéologies d’extrême-droite mais je reste globalement très influencé par mon expérience de ces cercles. Mon goût pour l’humour très noir, mes tendances artistiques décadentistes et extrêmes en sont autant de témoignages. Je continue à faire mon chemin dans l’extrême-gauche, en faisant un peu de veille, en informant de mon vécu et surtout, en ne cachant pas ce vécu car c’est finalement d’informer des militants de ce passé qui m’a permis d’avoir des critiques. Leur vigilance vis-à-vis de moi ‒ je comprends qu’on ne me fasse pas vraiment confiance et je ne le demande pas ‒ me sert de guide et de garde fou.

J’espère que ce très long pavé ne vous aura pas trop mobilisé et qu’il aura aidés certains à reconnaître comment l’extrême-droite procède pour recruter ses adeptes. Si vous êtes un·e militant ·e d’extrême-droite et que vous êtes arrivé jusqu’ici j’ai ce message : il n’est jamais trop tard pour s’en sortir, mais plus on tarde, plus le processus sera difficile. Il va falloir en premier lieu nous rendre compte que nous avons évolué dans un milieu qui ne donne que des réponses floues à nos souffrances et questionnements afin de devenir le seul intermédiaire entre ces souffrances qu’il prétend calmer par diverses redpills, tout en les amplifiant par la construction d’une vision du monde anxiogène qui augmente toujours plus notre besoin de redpills. Sortez vous de cette logique avant de vous isoler totalement et de vous détruire.

Sur ce,

« J’ai refermé sur moi la porte étroite et lourde

J’avais sur mon cœur marqué d’un fer rigide

La trace éphémère de nos derniers soupirs,

J’ai regardé le ciel.

Les divinités sourdes

Ont fermé leur épouvantable et lent cortège

Pour s’asseoir et pour dire

« Cessez un instant de pleurer !

Battez-vous

La guerre c’est ce métal qui coule et redore

Sur les fonts baptismaux d’une auréole nouvelle

Les trop fidèles espoirs

De vos muscles de pierres —

Nous tresserons pour vous des guirlandes de fleurs

Mais vous irez mourir au-delà des colonnes

Dans des retraits profonds

Et des vallées rougies.

Où dorment des serpents

Dont les anneaux meurtris au sépulcre des

Vôtres —

Vous marquerez l’infini

D’un doigt toujours malsain

Dressé vers l’infortune ».

Mais je me suis tourné vers eux

Pour leur cracher au visage

Sans craindre leur bave.

Adieu, les dieux. »

Roger Gilbert-Lecomte (Extrait de « La vie, l’amour, la mort le vide et le vent »)

*Note de Richard : dans mes enseignements, je fais une critique de ce terme, car Occident est une conceptualisation duale, archaïque et fausse du monde. Car d’une part les limites de l’Occident n’ont rien de clair. D’autre part, il est difficile de trouver quelque chose de proprement occidental. Enfin, parce que la contraposée, l’Orient, est souvent le fruit d’une lecture très coloniale. En général, on emploie Occident pour dire « capitalisto-judéochrétien »… Alors autant l’assumer.

Post scriptum

Je ne pouvais fermer ce texte un peu déprimant sans donner quelques pistes de réflexion et essayer de de relever un peu le Black metal aux yeux de certaines personnes. Malgré mon vécu avec cette musique, je n’oublie pas que quand j’étais au fond, c’est encore la part de moi qui hurle, se tord et hait qui est venue à mon secours quand je pensais n’avoir rien d’autre. C’est dans cette part que j’ai puisé la force de survivre. Le Black metal mérite certainement mieux que certains artistes qui lui servent de porte-étendard, mais il reste et restera ma musique de cœur parce que c’est elle qui a su le mieux exprimer ce que je ressentais dans les pires moments. Aussi je tiens à rappeler l’existence de groupes et artistes engagés dans cette mouvance. Au premier chef :

  • le groupe Biesy qui traite des sujets LGBT+ , notamment dans leur excellentissime album au titre bien nommé Transssatanism sorti en 2020.Le groupe BM pro-LGBT Biesy
  • Le groupe Worhs, groupe francais aux thématiques également lié à l’engagement pour la cause LGBT+. Une entrevue intéressante du groupe se trouve ici.
  • Neckbeard deathcamp, groupe très ouvertement antifasciste.
  • L’album « Spiritual rebel propaganda », composé par un des très nombreux émules du groupe Bathuska, dont l’esthétique de la pochette et les titres de tracks sont évocateurs.
  • Le groupe Sankara et leur très bon Total abolition of all hierarchy.
  • Le groupe plus connu Sordide et leur album Hier déjà mort.
  • Les féministes radicales du groupe Feminazgul et leur album au titre délicieusement ironique tiré du Seigneur des anneaux (de J. R.R. Tolkien) The age of men is over.
  • Les non moins radicales Matriarkathum et leur album Curse you all men !.
  • Le groupe Sarparast et leur album The red concil.
  • Le groupe Iron column et leur album Power from below, qui ressuscite pour nous les anarchistes de la guerre d’Espagne.

… et ils sont encore nombreux.

Dans l’ensemble, et bien que décider de la direction politique d’une forme d’art soit indiscutablement prétentieux, le dévoiement du Black metal par l’extrême-droite est un non-sens si on regarde l’histoire du genre, ses racines et son esthétique :

Le black metal puise son origine d’une part dans le punk et la profonde désillusion qui a suivi la fin du « flower power » hippie lors de la transition des années 70 aux années 80, qui ont vu le modèle capitaliste américain néolibéral balayer les derniers débris du bloc de l’Est, et avec, de ce qu’il restait des espoirs dans une alternative socialiste à l’exploitation capitaliste planétaire désormais libre de s’étendre sans frein.

D’autre part le black metal est issu de la culture rock et a toujours été queer au sens très littéral du terme (queer = bizarre) : Le black metal a toujours été un genre extrême dans tous les sens qu’on peut donner à ce mot et il s’est toujours fait un devoir de brouiller toutes les limites, que ce soit morales, entre les notions de « bien » et de « mal », mais aussi esthétiquement en brouillant les limites entre les genres. En soi il n’y a rien de plus queer que des hommes à cheveux (souvent) longs décidant de se vêtir de cuir moulant pour se tordre sur scène pour étaler leurs dépressions tout en se peignant le visage en adoptant des voix si désincarnées qu’elles n’en ont plus rien de « masculin » ou de « féminin ». Et par ailleurs, malgré la misogynie générale du milieu, le virilisme exacerbé et agressif ne trompe pas grand monde : d’une part cet entre-soi masculin a toujours été un peu « suspect » d’homosexualité (d’où d’ailleurs ces tendances au virilisme exacerbé je pense), et ensuite et par-dessus tout il est bien question dans le black metal de communier avec des personnes qui hurlent, pleurent et étalent toute leur faiblesse, leur chagrin et leur frustration à la face du monde dans une orgie dont la violence cache mal le besoin trop refoulé d’exprimer ses sentiments. Si pleurer est mal vu pour un homme, enrober ce chagrin d’une violence plus ou moins théâtrale reste encore le meilleur moyen de rendre socialement, virilement, acceptable le temps d’un morceau le fait de se plaindre, hurler et gémir. Le black metal est profondément né des travers de l’éducation ultra genrée et masculine qui empêche les hommes d’exprimer leurs émotions de manière saine. Et en ce sens, il s’agit peut être du genre musical le plus potentiellement révolutionnaire qui soit.

D’où l’importance d’une réappropriation du genre par l’extrême-gauche, ce qui ces derniers temps me semble être un peu plus qu’un espoir au vu des productions engagées et les initiatives de groupes qui émergent ici et là.

Ce ne sont bien sûr pas les seuls à lancer des initiatives. Le punk français et francophone est plus que dynamique et fournit de très belles perles, et ce depuis toujours.

Et j’en oublie : Le fameux groupe The oppressed outre atlantique, les groupes comme Hors contrôle, Radical kitten, Ekkaia, Gasmask terror et tout le mouvement du punk discharge… Mentionnons aussi les indispensables russes de Moscow death brigade, La Vida Cuesta Libertades, DSA commando, etc.

Pour aller plus loin, quelques chaînes/vidéos sur divers thèmes liées à la pensée progressiste d’extrême-gauche et à la critique de la pensée de droite

  • La chaîne de Contrapoints.
  • La chaîne d’Innuendo Studios et leur exellente vidéo (sous-titrée en français) « How radicalize a normie ? »
  • L’épisode 9 « Éducations viriles » du podcast « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon

Pour les anglophones :

L’idéologie des différents groupes de metal cités comme illustration de ma plongée dans l’imaginaire d’extrême droite païen et néo-nazi.

  • Black magick SS : à ce que je sache, ce n’est pas un groupe NSBM . Il joue sur une esthétique nazie ésotérique mêlée de psychédélisme très 70’s et globalement toute la culture occulte nazie découlant du livre fondateur Le matin des magiciens, de Pauwels et Bergier.
  • Maléfice : Idem, mais bien que la musique en elle-même soit assez purgée au premier abord d’un manifeste politique, les interwiews des membres qui définissent entre autres leur musique comme de « L’Ahnenerbe black metal », ne laissent guère place au doute (l’Ahnenerbe Forschungs und Lehrgemeinschaft, c’est-à-dire « Société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral », était un institut de recherches pluridisciplinaire nazi, créé par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler). [le batteur est membre de Graveland NDLR]
  • Kommando Peste Noire : nationaliste, identitaire, anarchisant de droite.
  • Suhnopfer : le membre central du groupe est passé par le groupe Peste noire et apparaît notamment dans le documentaire « la chaise dyable » [c’est une figure RAC au centre de Wolfsangel et Lemovice, et ce avant d’intégrer KPN NDLR]
  • Vermine : NSBM déclaré
  • Régiment : pétainiste
  • Constantinople : royaliste, anti républicain virulent
  • Drudkh : très lié au groupe NSBM Hate forest
  • Akitsa : nationaliste.

Suggestion de lecture : Tueries. Forcenés et suicidaires à l’ère du capitalisme absolu, de Franco « Bifo » Berardi, Lux Editeur, 2016.

Du sang et des saluts fascistes Les fights clubs néonazis

https://www.streetpress.com/sujet/1615331185-fights-clubs-neonazis-extreme-droite-zouaves-generation-identitaire-hooligans-supremacistes

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Ils sont fans d’Hitler et de bastons. Dans des parkings de Suède ou des salles des fêtes de la région lyonnaise, ils organisent des fights sans gants et sans règles ou presque. Enquête sur ces réseaux européens de combats clandestins.

Un homme s’avance en short au centre d’une arène improvisée, son torse, nu, est bardé de tatouages nazis et suprémacistes. Sur le béton brut d’une zone industrielle quelconque, dans une cage faite de barrières de chantier, devant un public de hooligans quasiment tous cagoulés ou dissimulant leur visage, il est venu combattre à poings nus dans ce fight club underground. Une espèce de tournoi de bagarre de rue qui connaît un énorme succès sur Internet. Tomasz Szkatulski, c’est son nom, est une figure de l’extrême droite française radicale, lui-même organisateur de combats plus ou moins clandestins et réservés aux blancs, où nostalgiques des années 30 viennent se mesurer entre deux concerts de rock anti-communiste nazifiant. Ce soir-là, il combattait pour « représenter » les supporters lillois violents et nationalistes de la LOSC Army. Bienvenue au « King of the streets » (KOTS) – « roi de la rue », un pur tournoi de bagarre dont les combattants ressortent en sang, quand ils tiennent encore debout. Des combats clandestins organisés par des hooligans suédois depuis 2013, mais qui ont surtout pris de l’ampleur à partir de 2018. Sur le ring improvisé, des adversaires venus de toute l’Europe. Beaucoup sont issus du hooliganisme notamment allemand, scandinave ou est-européen, plus marginalement russe, les autres sont référencés en tant que simples « combattants de rue ». Le KOTS est une sorte d’UFC en moins normée, en plus violent, en plus sauvage. Et parmi les participants on retrouve des combattants français et francophones liés à l’extrême droite la plus radicale. Le concept plaît tant à cette mouvance évoluant à la croisée du supportérisme violent et des crânes rasés que certains songeraient à dupliquer le modèle en France…

Pas de règles

Ici, pas de gants ni de règles ou presque. Pour assurer le spectacle, les organisateurs veillent seulement à l’homogénéité de poids entre opposants (à cinq kilos près) et à l’harmonisation des types de combattants : MMA contre MMA par exemple. Et encore : « Si deux personnes veulent régler une embrouille en se battant, nous ne nous soucions pas du poids ou de l’expérience », précise le site officiel du King of the streets. Rares sont les opposants qui ne finissent pas en lambeaux : « J’ai eu le nez cassé, deux phalanges cassées à la main droite, ainsi que le majeur fissuré », témoigne Marco, combattant berlinois de 19 ans récemment passé au KOTS, interrogé par Clément Le Foll pour le journal suisse Le Temps.

Autour de l’arène, le public est peu nombreux et le plus souvent composé de proches des combattants. Mais le « spectacle » attire un public énorme sur internet avec près de 100.000 personnes abonnées à la page Facebook et plus de 300.000 sur la chaîne YouTube. Certaines vidéos de combat dépassent le million de vues. Les créateurs de ces pugilats en ont même fait un business puisqu’il faut payer pour visionner les fights : comptez 20 euros pour pouvoir regarder neuf combats. Pour renforcer encore un peu plus l’imagerie hardcore du KOTS, seuls les gagnants remportent un prix en monnaie sonnante et trébuchante – alors que dans les combats classiques, les deux participants sont rémunérés. Ainsi que du matériel de la marque des organisateurs, Askari, dédiée aux sports de combat.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Hype Crew, la « firm » (ou groupe de hooligans) suédoise à l’origine du King of the streets, n’est pas d’extrême droite. Les organisateurs soulignent d’ailleurs que le KOTS est apolitique. On y retrouve en effet tout autant des combattants issus de groupes de hooligans marqués à la droite radicale (un membre de la Losc Army lilloise, donc, un Allemand du Borussia Dortmund ou encore un hooligan du Spartak Moscou) qu’à la gauche radicale (un Espagnol du Rayo Vallecano, des « Antifas hooligans » suédois du KGB d’Hammarby et un Allemand du FC Cologne dont la firm se réclame également de l’antiracisme). Mais il n’empêche que ces combats véhiculent une vision du monde masculiniste et violente, dont il n’est pas surprenant qu’elle séduise les militants d’extrême droite les plus radicaux. D’autant que le groupe ne fait rien pour les tenir à l’écart, comme le prouve le CV des deux Français qui ont combattu sur le béton de ce fight club clandestin.

Le premier à participer est Tomasz Szkatulski, dit « Gamin ». Une figure connue chez les nostalgiques français du IIIe Reich. Ancien membre du groupe de boneheads de Serge « Batskin » Ayoub, Troisième Voie, il a un temps frayé avec les gros bras aux crânes rasés du Blood and Honour. Deux groupuscules dissous par les autorités en 2013 et 2019. C’est un hooligan, aussi, membre de la LOSC Army, qu’il a tatouée sur les phalanges et très copain avec un autre pilier de cette firm : Yohan Mutte, emprisonné un temps pour son rôle présumé dans l’affaire des noyés de la Deûle et lui aussi passé par Troisième Voie. Un gaillard aperçu de temps en temps à La Citadelle, local d’extrême droite lillois lié à Génération identitaire.

 

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Avant de rencontrer Tomasz « Gamin ». / Crédits : DR
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Après avoir rencontré Tomasz « Gamin ». / Crédits : DR

Szkatulski, déjà condamné pour une agression au couteau ou le tabassage d’un SDF d’origine étrangère, ne passe pas inaperçu puisqu’il est couvert de tatouages nazis ou suprémacistes, dont un « White Power » qui lui barre le cou ou une grosse croix gammée à l’intérieur du biceps droit. Il est propriétaire d’une marque de vêtements de sport, en vente sur le site 2YT4U dont le nom est l’acronyme déguisé de « Too white for you », littéralement « trop blanc pour toi ». Sur cette boutique en ligne on peut s’offrir des tee-shirts « HTLR » pour « Hitler » ou barré de la Totenkopf SS, des pulls « Hate antifa » et autres hoodies avec le slogan : « Defend your tradition », accompagné d’une kalachnikov recouverte de symboles suprémacistes. Il se dit qu’il jouirait d’une sorte de licence pour la distribution de marques suprémacistes et/ou néonazies comme White Rex, Svastone ou Black Legion.

Un nouveau fight club néonazi en préparation

Gamin est aussi un organisateur d’événements mêlant concerts de RAC (pour « Rock against communism ») et combats clandestins. Comme le « Tournoi Force et Honneur » en 2017 qui a rassemblé dans la région genevoise la crème de l’extrême droite radicale européenne. Il met ainsi « en réseau la scène militante européenne d’arts martiaux néonazis », selon le site antifasciste suisse Runter von der Matte.

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Tomasz Szkatulski est propriétaire d’une marque de vêtements de sport dont l’acronyme veut dire : « Trop blanc pour toi ». Sur cette boutique en ligne on peut notamment acheter des tee-shirts « HTLR », pour « Hitler » / Crédits : DR
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« Gamin » distribue des vêtmeents avec des slogans et de l’imagerie suprémaciste et néonazis. / Crédits : DR

Un autre de ces fights clubs réservés aux blancs organisés par Tomasz Szkatulski est d’ailleurs dans les cartons. Prévu initialement le 6 juin 2020, cet événement en partenariat avec les marques et réseaux les plus radicaux a été décalé au 5 juin prochain pour cause de crise sanitaire, toujours selon les antifas helvètes. Il devrait se dérouler « entre Bâle et Zurich », a précisé sur Telegram Gamin, qui vit dans la région d’Annecy, entre deux « blagues » au racisme crasse et autres glorifications d’Hitler.

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Fiers comme Artaban. / Crédits : DR

Le second Français à avoir participé au KOTS, Valentin Vauthiers, dit « French Viking », affiche moins haut ses couleurs. Il a simplement une sorte de rune, symbole prisé des paganistes nazis, tatoué sur le pectoral gauche. Mais il semble bien lié à Szkatulski, qui lui dédicace sur Facebook un « 88 Valentin » : un code courant dans les milieux nazis signifiant « HH » pour « Heil Hitler ». Tandis que Vauthiers mentionne à l’occasion le compte Instagram de Gamin (désormais supprimé) dans ses publications… Les deux hommes ont participé à la même soirée KOTS en fin d’année dernière. Vauthiers et Gamin sont aussi liés à un certain Yanek Czura, francophone avec lequel « French Viking » vient d’ailleurs de faire le voyage pour sa deuxième participation au KOTS, il y a quelques jours à peine, où il a combattu sous son vrai nom et accompagné du même entraîneur.

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Valentin Vauthiers, dit « French Viking », est le second Français à avoir participé au KOTS. S’il affiche moins haut ses couleur, Szkatulski lui a fait une spéciale dédicace nazie sur Facebook : « 88 Valentin ». / Crédits : DR
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Pour sa deuxième participation au KOTS, il y a quelques jours à peine, Valentin Vauthiers a combattu sous son vrai nom et a mis des gros coups de pieds. Pour l’occasion, il était accompagné du combattant Yanek Czura (au fond, à droite). / Crédits : DR

Yanek Vincent Czura, colosse suisse de 120kg, fait lui aussi partie des rares francophones à avoir déjà mis les pieds au KOTS. Possédant une salle de fitness à Gland, dans le canton de Vaud, l’homme n’est pas tout à fait un paisible entrepreneur occupé par ses seuls bilans comptables de sa PME. Il affectionne aussi les bagarres en forêt contre d’autres hooligans. Des affrontements violents organisés par le Swastiklan Wallis (pour « Svastika », la croix gammée), groupe auquel Yanek appartient et composé essentiellement de néonazis helvètes. Une enquête du Nouvelliste, reprenant notamment des informations du site antifasciste suisse Renversé, avait montré que des Français, dont le chef des Zouaves Paris Marc de Cacqueray-Valménier, participent à des fights avec ces hools d’extrême droite.

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Les joyeux drilles du Swastiklan Wallis, groupe de néonazis helvètes qui accueillent parfois des Français, comme Marc de Cacqueray-Valménier. / Crédits : DR

S’il était identifié comme « streetfighter » sur certains visuels, c’est bien pour défendre les couleurs du Swatisklan Wallis que Yanek le bodybuilder suisse s’est rendu en Suède pour affronter un Polonais au KOTS. Lors de l’événement, des photos publiées sur les réseaux sociaux confirment d’ailleurs qu’il entretient une certaine proximité avec les Français Tomasz Szkatulski et Valentin Vauthiers.

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« C’est l’heure de la bagarre » / « J’ai perdu la bagarre ». / Crédits : DR

Des participations européennes

D’autres « événements sportifs » organisés par des membres de l’extrême droite européenne drainent des combattants proches de la mouvance néonazie. En Allemagne, c’est le cas du Kampf der Nibelungen, du nom que portent les nains dans la mythologie germanique. Comme le KOTS, la première édition de ce tournoi d’arts martiaux s’est déroulée en 2013, mais la ressemblance s’arrête là : aucune trace, par exemple, de groupes de gauche radicale participant à l’événement. L’édition 2018, qui a eu lieu à Ostritz en Saxe sur un terrain mis à disposition par un ancien membre du parti d’extrême droite allemand NPD, a réuni plus de 800 participants venus de toute l’Europe, dont de France. En grande majorité des crânes rasés bardés de tatouages de runes nordiques et autres symboles chers à la mouvance néonazie. « En tout temps, ce sont les combattants qui ont défendu leur clan, leur tribu, leur patrie », vante l’organisation.

Ce dernier rassemblement était notamment sponsorisé par la marque de vêtements White Rex, créé en 2008 par le néonazi russe Denis Nikitin, cheville ouvrière de nombreux tournois de MMA organisés par des hooligans d’extrême droite en Europe et dont Gamin aurait donc repris le flambeau. Dans une interview donnée au Guardian en 2018, Nikitin avait admis avoir régulièrement mené des agressions violentes contre des minorités ou des immigrés avec ses camarades hooligans.

En Grèce se tient aussi ce genre de show. Le ProPatria Fest se décrit comme un tournoi de MMA « paneuropéen ». Il réunit les combattants d’extrême droite depuis 2014. Le Français Tomasz Szkatulski y avait pris part en 2016. On trouve des événements similaires en Italie avec le Tana delle Tigri à Rome organisé par les néo-fascistes de Casapound ou dans les Balkans et en Europe de l’Est.

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Le ProPatria Fest (en haut) qui se tient en Grèce réunit les combattants d’extrême droite depuis 2014. Le Français Tomasz Szkatulski y avait pris part en 2016. / Crédits : DR
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Le Kampf der Nibelungen (KDN) est un tournoi qui rassemble les néonazis et suprémacistes blancs de toute l’Europe, dont la France. / Crédits : DR

Octogone dans l’Hexagone

En France, ce genre de compétition est particulièrement difficile à organiser compte tenu de la législation particulière sur les combats de MMA même si la discipline est largement pratiquée au niveau amateur. Mais surtout, les associations antiracistes et les autorités font pression sur les élus qui accepteraient d’accueillir ce genre d’événement sur le territoire de leur commune, obligeant les organisateurs à se réfugier à l’étranger ou à camoufler la vraie nature de leurs petites sauteries pour tenter de brouiller les pistes, comme l’a raconté Rue89 Lyon.

Si le contexte sanitaire actuel n’est pas propice à l’organisation de tournois de MMA entre blancs ou de concerts de groupes néonazis (les deux vont souvent de pair), de tels événements font régulièrement la Une de la presse locale et parfois nationale. C’était notamment le cas lors des éditions 2014 et 2015 du « Day of Glory », organisées par l’inévitable Tomasz Szkatulski, alors affilié à l’organisation de skinheads néonazis « Blood and Honour ». Les deux événements avaient respectivement eu lieu à Pollionnay, une petite commune à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Lyon, puis à Talencieux, paisible village ardéchois d’un millier d’âmes. Les deux fois, l’événement a réuni entre 150 et 200 crânes rasés. Les salles municipales des deux communes ont été réservées par des jeunes du coin sous le prétexte de fêter un anniversaire ou de passer une soirée privée. Mis devant le fait accompli le jour même, les élus et les forces de l’ordre locales ont été obligés de laisser l’événement se dérouler. Dans les deux cas, des arrêtés municipaux ont été pris par les maires des communes pour marquer leur désapprobation à défaut de pouvoir les faire annuler.

En 2017, c’est le village de Saint-Hélène-sur-Isère en Savoie qui était le théâtre d’un tournoi de MMA organisé par l’extrême droite radicale. Là encore, le maire de la ville avait découvert seulement quelques heures avant le début des « festivités » la vraie nature de l’événement.

Les nostalgiques du Troisième Reich ne se contentent pas d’organiser ponctuellement des combats clandestins. Ils montent des salles de boxe ou d’entraînement au combat. Ainsi les identitaires à Lyon ont ouvert L’Agogé – où le tournoi accueille des combattants nationalistes-révolutionnaires ou néonazis –, à Paris La Baffe lutécienne et à Nice le 15.43. Des salles qui ont survécues à la dissolution récente de Génération Identitaire. Les nationaux-catholiques angevins de l’Alvarium, proches des héritiers du GUD autant que de GI, tentent de réunir des fonds pour ouvrir leur salle depuis plusieurs mois maintenant.

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De gauche à droite : l’Agogé, la Baffe lutécienne et le 15.43. / Crédits : DR

D’autres se sont repliés vers le hooliganisme pur. Ainsi certains membres des Zouaves Paris participent à de nombreux fights avec leurs copains des MesOs Reims. Mais ils ont aussi repris récemment le flambeau du KOP of Boulogne en combattant sous l’étiquette « Jeunesse Boulogne (PSG U23) ».

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Certains membres des Zouaves participent à des fights avec d’autres hools, comme les Mesos. Ils ont aussi repris récemment le flambeau du KOP of Boulogne en combattant sous l’étiquette « Jeunesse Boulogne ». / Crédits : DR

D’autres enfin semblent, selon nos informations, tentés de reproduire le modèle du KOTS à leur échelle. À l’image de jeunes nationalistes de la région de Rennes qui sont à l’initiative – encore en gestation – du « Roazhon Fighting Contest », présenté comme une « organisation de combats non-officiels et pour le plaisir de la pratique de la boxe anglaise, du Muay Thaï et du MMA ». Pas ou peu d’infos supplémentaires, les organisateurs ayant opposé une fin de non-recevoir à nos questions.

Nous avons toutefois réussi à identifier au moins un jeune homme qui se cache derrière ce compte. Fréquentant le stade du Roazhon Park, il est militant de la remuante section locale du groupuscule royaliste Action française et s’entraîne déjà régulièrement aux sports de combat en groupe dans des parkings souterrains ou sur des terrains publics. Sa bande, très active, a participé il y a quelques semaines au service d’ordre plus ou moins officiel d’une manif anti-PMA de Marchons enfants à Rennes. Fin février, certains sont montés à Paris pour participer à la manif organisée par Génération identitaire pour protester contre la dissolution du groupe et qui a été émaillée d’incidents violents. L’un d’eux a même diffusé une photo de son petit groupe accompagnée de commentaires racistes. Un cliché qui a été repris sur le compte Telegram « Ouest Casual », grosse chaîne des hooligans proches des héritiers du GUD et du Bastion social (Zouaves Paris en tête). En légende du cliché : « 20/02/2021 Nationalists in Paris ».

 

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La bande des natios rennais à Paris pour la manif de Génération identitaire. La notion de « trois doigts » fait référence au « salut de Kühnen » – une variante à trois doigts du salut nazi. Et le « 3Rei » fait référence au Troisième Reich. / Crédits : DR

Contacté, Tomasz Szkatulski a refusé de répondre à nos questions.


https://youtu.be/8mhA6MYoZH4?si=Pe5-6g86fb19G-n8

https://youtu.be/pjwbXfuUcrY?si=3vvDOUwZaNskmung

KOTS 117

KOTS 99

KOTS 83


KOTS 10 décembre 2022

https://youtu.be/-cmUZfx9yws?si=3oXno6LJrdb4qbGX


2018 : Tomasz figure dans le jeu de carte des “sept familles de l’extreme-droite”

Le fils cadet : surnommé « Gamin », Szkatulski est un skin néonazi qui a fréquenté la LOSC Army (hools faf lillois) et édité des fanzines d’extrême droite. Après un passage en prison pour avoir agressé un SDF en 2008, il lance début 2010 la marque de vêtements Pride France et s’associe avec les  Russes de White Rex dans l’organisation de concerts RAC et de tournois de MMA clandestins.

NSBM outing ou comment j’ai arrêté d’être nazillon : Histoire d’une déconversion musicale et politique

Nazi-outing, ou comment j’ai arrêté d’être nazillon. Histoire d’une déconversion musicale et politique

En septembre dernier, sur Twitter, un type chevelu, tatoué, guitariste et m’écrit pour me dire qu’il compte reprendre des études en lien avec la pensée critique.

De fil en aiguille, on en vient à causer de NSBM, le National-Socialist Black Metal, musique metal nazi. Et Thomas – c’est son nom – me glisse : « j’ai encore des disques de NSBM, tirés de mon passé, je veux m’en débarrasser ». Moi, ni une ni deux, je lui réponds « envoie ! » Et me voici en train d’écrire ces lignes avec en fond musical les CD de Peste noire (sic), un autre de Baise ma hache (tout un programme), et puis ceux des polonais Mgła, des Norvégiens Taake, pour finir sur un concert du groupe belge Ancient Rites. Autant dire que c’est… saisissant. Même mes gencives ont saigné.
Alors je comprends que Thomas est revenu des limbes à coups de head-banging. Je lui ai demandé à Thomas s’il était prêt à raconter l’histoire de sa déconversion. Là où d’habitude les gens, en mûrissant, passent de gauche à droite, de progressiste à conservateur, du Solex® à la Rolex®, lui a fait le chemin inverse, comme Victor Hugo, d’ailleurs, comme Clément, du collectif L’extracteur, et dans une moindre mesure comme moi, qui suis né dans un milieu pour le moins gaulliste et militariste.

C’est cette histoire qui est narrée ci-dessous, par Thomas lui-même. Je suis très touché, en la lisant et la relisant.

NdRichard : metal, ça s’écrit sans accent, je viens de l’apprendre.
NB : en vert, des ajouts et modifications qui ont suivi l’abondant courrier reçu.

Contexte

Originaire d’un petit village dans l’Est de la France, j’ai vécu les treize premières années de ma vie dans un village engagé politiquement à droite et/ou extrême-droite.

Cependant, dans la sphère familiale dans laquelle j’étais, le discours de mes parents était plutôt de gauche. À la maison, on disait clairement que le racisme ce n’était pas bien. Pourtant, on rigolait de blagues racistes, homophobes, etc. Je ne sais pas si je peux dire que mes parents étaient plutôt des antiracistes « passifs ».

Affiche du film Lords Of Chaos de Jonas Akerlund, 2018. Adaptation du livre qui retrace l’émergence du Black Metal Norvégien.

À l’âge de 13 ans, j’ai déménagé chez mes grands-parents. Encore une fois dans un petit village de l’Est de la France mais avec une orientation politique plutôt à gauche (Une grand-mère engagée Lutte Ouvrière souvent en manif et un grand-père droitard passif, lui il voulait être tranquille devant les matchs de tennis).

Il me paraissait nécessaire de situer le contexte politique dans lequel j’ai grandi avant de retracer chronologiquement mon parcours.

Je vais essayer d’expliquer la façon dont je me suis laissé happer par des idéologies d’extrême-droite dès l’âge de dix ans sous les yeux de ma famille. Cette façon de penser, je l’ai construite en grande partie à cause de la musique que j’écoutais et que j’écoute toujours : le Black Metal, et plus particulièrement la branche National Socialist Black Metal (NSBM) et toutes les formes de sympathie à l’égard de toutes les formes d’extrême-droite [1].

Je conçois parfaitement que beaucoup de personnes attendent de la nuance pour classer certains groupes. J’ai toujours défini le NSBM de la façon suivante :

[Le National Socialist Black Metal (abrégé NS Black Metal ou NSBM) qui se traduit par « black metal national-socialiste » est une étiquette donnée à certains groupes de black metal faisant référence (explicitement ou non) au national-socialisme allemand, ou à des thèmes fortement liés comme le fascisme, le racisme, l’antisémitisme, l’aryanisme, le suprémacisme blanc, le mysticisme nazi et plus largement le paganisme ou le nationalisme.]

Je tiens également à préciser que je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de nuancer par peur de rendre plus ou moins tolérables des comportements et propos nauséabonds.

Aujourd’hui, j’ai 27 ans et mes opinions ont radicalement changé. C’était loin d’être gagné…

Pour illustrer mes propos, j’utiliserai le terme « nous » pour désigner mon groupe d’ami·es de l’époque composé·e d’une petite dizaine de personnes.

Il est important de préciser que nous n’avions pas d’ami·e non-blanc·he et qu’au début, la question du racisme (et de l’antiracisme) ne se posait pas pour nous. Les parents de certain·es étaient plutôt décomplexés face au racisme (portrait de Jean-Marie Le Pen au mur de la chambre ou propos racistes en public sans réponse en face par exemple).

Dans le village où l’on habitait, un camp de Roms était installé et au moindre problème, ils étaient accusés sans preuve par la plupart des habitant·es…

L’arrivée du NSBM

Vers l’âge de dix ans, donc, on s’est mis à écouter de la musique avec intérêt et plus particulièrement du Metal. Ça allait des classiques de nos parents jusqu’aux disques de nos grands frères et grandes sœurs : de AC/DC à Rammstein en passant par Korn et Iron Maiden.

On est en 2003 et Internet arrive dans notre petit village.

Photo du groupe finlandais Satanic Warmaster

Photo du groupe finlandais Satanic Warmaster.On aura vu plus subtil, non ?

C’est le tout début ; modem 56k, plusieurs heures pour télécharger une musique… Aucun des parents n’était sensibilisé et n’avait mesuré la portée que pouvait avoir cet outil. En moins d’un ou deux ans, on s’est tou·tes plus ou moins radicalisé·es sans se poser de questions et sans que personne de notre entourage ne s’en rende compte.

C’est en quelque sorte pour nous émanciper de nos proches qu’on a voulu découvrir des groupes par nous-mêmes, avoir nos propres références. Grâce à Internet et à des magazines bien spécifiques comme Metallian et HardNHeavy on a pu découvrir du Metal plus extrême.

« Les gars, Varg Vikernes vient de sortir de tôle pour assassinat. Et c’est aussi un neo-nazi n’oublions pas ! On le met en couverture du prochain numéro ? »

« Varg Vikernes vient de sortir de tôle pour assassinat. Et c’est aussi un néo-nazi n’oublions pas ! On le met en couverture du prochain numéro ? »

Nos parents n’aimaient pas ce genre de musique et trouvaient ça « trop violent ». C’était un bon point pour nous. On apprenait à aimer un style de musique que nos parents ne comprenaient pas et n’aimaient pas. On avait notre truc à nous, avec nos codes.

Pochette de l'album Butchered At Birth du groupe Americain Cannibal Corpse

C’était « trop violent » ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire ! Pochette de l’album Butchered At Birth du groupe de Death Metal Cannibal Corpse. 1991. Attention ! Cannibal corpse n’a rien de nazi, c’est juste pour illustrer ce que nous reprochait nos parents : de la musique violente à l’imagerie violente.

Certains ont découvert le Death Metal [2] avec Cannibal Corpse ou Morbid Angel, d’autres ont découvert la nouvelle vague américaine [3] avec Chimaira ou Devildriver.
Et moi je découvrais le Black Metal [4] avec Burzum et Absurd ( et si certain·es ont plus de sources, des envies d’enquêtes ou même de recherches universitaires pour approfondir encore plus ce sujet : le sexisme dans les artworks gores, faites-le nous savoir).

En y réfléchissant, il me semble évident que le NSBM n’est pas le seul facteur de cette adhésion, il est un des multiples éléments de ce sac de nœuds. Cependant, le NSBM m’a permis d’assimiler plus facilement les idées d’extrême-droite que prônaient mes idoles et de me sentir intégré à des communautés, notamment sur Internet.

 

Pochette de l'album Aske du groupe Norvegien Burzum

Pochette de l’album Aske du groupe norvégien Burzum, 1993 (réalisé juste avant l’incarcération du chanteur pour meurtre. Il est soupçonné de l’incendie de cette église pour prendre une photo et en faire la pochette du disque).

Pochette de l'album Factu Loquuntur du groupe Allemand Absurd

Album Facta Loquuntur du groupe allemand Absurd, 1996 (dont trois membres furent incarcérés pour meurtre et séquestration)

 

On allait sur des blogs bien spécifiques à ce qu’on cherchait. On rentrait dans des chats privés avec des personnes qui nous donnaient des sites à visiter, des conseils sur les groupes à écouter ou éviter, leur avis sur la politique du pays, etc. C’était un peu nos grands-frères du web sans jamais savoir qui étaient ces personnes…

Je me souviens très bien d’un site appelé nsbm.org. Ce site parlait

Capture d'écran d'une archive du site nsbm:org

Archive du site NSBM.org. Grosse ambiance sur le site !

de groupes que j’écoutais comme Burzum ou Graveland. Nsbm.org était un site à l’effigie du IIIème Reich avec des croix gammées qui faisait la promotion des groupes de NSBM, affichait des liens vers d’autres sites de néo-nazis, proposait une boutique pour acheter des livres, drapeaux, etc. J’étais jeune, je ne savais pas trop ce que ça impliquait mais je me doutais qu’il fallait que je planque ça à mes parents.

Je me souviens aussi d’un blog français qui référençait des groupes de Metal. Ce blog existe toujours (ici) et sous un article à propos de Burzum (et son leader et unique membre Varg Vikernes). On peut y lire encore des commentaires comme « Vive Varg et vive les nazis » ou « HAIL (sic) VARG VIKERNES ! ».

Radicalisation

À l’âge de 11–12 ans, j’étais inscrit sur des sites qui militaient pour exterminer les Africains afin d’avoir plus de place pour les Blancs, qui partageaient des musiques NSBM… J’étais également sur des sites pour s’armer afin de partir en croisade contre les Arabes.

En écrivant ces lignes, ces faits me paraissent tellement hallucinants et graves…

C’était un peu à celui qui serait le plus sulfureux de la bande. On était pris dans une escalade de haine entre nous. On n’avait pas peur d’affirmer en public la supériorité de la race blanche. On était presque infréquentables et ça nous plaisait. Par contre, on faisait tout ça en cachette de nos parents, on arrivait presque toujours à ne pas se faire attraper ou alors on arrivait à remettre la faute sur les Roms du village. Évidemment on avait toujours raison face à eux…

À cette même période, on découvrait le groupe Supreme M.R.A.P. : un groupe français aux paroles xénophobes, homophobes, sexistes, pro-nazis, etc… (NdRich : voici quelques titres de l’album paru en 2000 sous le titre « Négroloka

Image de la décoration de la chambre de Derek Vinyard, American History X

Piaule de Derek Vinyard, dans American History X, de Tony Kaye. On rêvait tous d’avoir la même chambre…

ust » : Il est né le divin Adolph, Maurice, Chasse aux pédés, Adam et Eve, Bombe atomique sur l’Afrique… Même Sardou est choqué). On n’a jamais su si c’était parodique, mais on prenait ça au premier degré, la question de la parodie ne se posait même pas pour nous (à noter que les rumeurs sur l’identité du chanteur le reliaient à la scène Black Metal française. Elles étaient fondées : sous le nom de Rose Hreidmarr, il est à présent dans le groupe de Haute-Savoie Baise ma hache, qu’il est pratiquement le seul à ne pas vouloir classer comme NSBM).

On peut noter que l’extrême-droite étasunienne aime se servir de l’humour ultra-violent comme arme d’adhésion : « the unindoctrinated should not to be able to tell if we are joking or not », comme on peut le lire dans l’article d’Ashley Feinberg,  « This Is The Daily Stormer’s Playbook », sur le site du Huffpost (2017).

On était clairement dans une période de contestation de toute autorité et on voyait que l’apologie du nazisme fonctionnait bien et cette image nous plaisait.

Notre citation préférée de l’époque c’était : « fous ta bouche sur le trottoir, maintenant dis bonsoir » – en référence à une scène du film American History X de Tony Kaye (1998).

Avec le recul, je me rends compte qu’on ne comprenait pas la morale de ce film, on s’identifiait juste aux Blancs du film sans aller plus loin.

Assaut du Capitole par Manuel Balce Ceneta:AP:SIPA

C’est drôle de pouvoir faire le rapprochement avec ce personnage (… en fait, non, pas du tout).

À l’âge de 13 ans je suis allez vivre chez mes grands-parents suite au décès de ma mère. Période complexe, de colère, de tristesse et de fragilité pour moi. J’ai donc changé de collège et me suis encore plus radicalisé car je ne me suis pas trop fait de potes et cette fois j’avais un ordinateur avec une connexion rapide dans ma chambre. Toujours sans aucun contrôle parental, je pouvais approfondir ma recherche de musique NSBM. Je découvrais les interviews de groupe, leurs opinions, leurs revendications. Cela m’a permis de m’identifier à eux et de les placer au rang d’idoles, d’exemples à suivre. On m’expliquait aussi le wotanisme (idéologie religieuse et identitaire germanique, raciste, antisémite et néonazie), le néo-paganisme, les liens avec les nazis, l’importance des symboles et toutes les autres « subtilités » qui finalement relèvent plus de la pseudo-histoire, de l’appropriation nationale et de la culture de l’élu·e.

À l’âge de 14 ans j’avais une photo de Hitler dans mon portefeuille, des symboles nazis cachés dans ma chambre. Je me suis mis en couple avec une personne blonde aux yeux bleus en lui expliquant clairement que son appartenance à la race aryenne me plaisait beaucoup. Aujourd’hui nous sommes toujours en couple, cela fera 13 ans en juin, et c’est en grande partie grâce à elle que je suis sorti de tout ça.

Je réfléchissais avec mes potes sur la manière de tuer des gens (devinez qui ?) et comment ne pas se faire prendre.

À ce moment-là, j’écoutais principalement des groupes comme Peste Noire, Nokturnal Mortum, Graveland ou Goatmoon, tous très engagés dans des idéologies nationalistes, traditionalistes, etc.

Mais il est peut-être intéressant de noter aussi, que dans le Black Metal (et même le Metal en général), les thèmes et l’imagerie sont parfois liés au satanisme, à l’occultisme ou différentes formes de mysticismes tous azimuts. C’est le genre d’imagerie très attirante pour un ado qui adore les films d’horreur, de guerre et les musiques extrêmes. C’était mon cas.

 

Vinyle d'une messe de l’Église de Satan

Vinyle d’une messe de l’Église de Satan

 

T-shirt du groupe finlandais Goatmoon

T‑shirt du groupe finlandais Goatmoon

 

Drapeau de la Wehrmacht, en 1938

Drapeau de la Wehrmacht, en 1938

Blanc, rouge, noir et un logo dans un cercle. La charte graphique semble assez respectée dans le NSBM…

Je n’étais pas armé pour me plonger dans l’histoire de personnes comme l’occultiste Aleister Crowley ou Anton Szandor LaVey (fondateur de l’Église de Satan). Ils faisaient partie du paysage et leur véritable implication ne m’a jamais questionné jusque-là (Mr. Crowley d’Ozzy Osbourne, l’album Thelema 6 de Behemoth, Crown de Samael, The Destruction of reason by illumination de Blut Aus Nord, etc…).

Je n’ai également pas cherché à savoir s’il existait d’autres branches du satanismes, des philosophies propres à elles, des dérives sectaires, etc. (à part l’Église de Satan et le Temple de Set ayant une dimension assez violente). Aleister Crowley rend célèbre cette phrase « fais ce que tu voudras » dans son Livre de la loi paru en 1904. Crowley étant cité et célébré par de nombreux groupes de Metal influents, cette pseudo-philosophie m’a permis de justifier certaines pensées extrêmes (Alors même que je n’ai jamais lu ce livre, c’est dire ! Je ne savais pas que Rabelais avait écrit cette phrase presque quatre siècles plus tôt, sur le fronton de l’Abbaye de Thélème, dans Gargantua). Attention Crowley et LaVey ne semblent donc pas liés directement avec le nazisme quand on creuse leurs histoires personnelles, mais des liens peuvent être tissés (très) facilement.

Prenons un exemple concret avec Emperor, groupe emblématique de la scène norvégienne. En 1993, un des membres est en prison pour l’assassinat d’une personne homosexuelle, un autre pour incendie criminel et un dernier sera mis à l’écart à cause d’une enquête policière à son encontre. Ihsahn (chanteur/guitariste), le dernier membre en liberté répondra ceci lors d’une interview en 1995 :

Crois-tu en la philosophie – « le fort au-dessus du faible » ou « la raison du plus fort » ? (Do you believe in the philosophy – Strong over the weak or Might is right ?)

Les deux. C’est la loi de la nature. Les forts survivent. C’est fondamentalement la mentalité derrière mon satanisme – l’individu. Fort, intelligent et puissant.

Que pensez-vous de l’Église de Satan d’Anton LaVey ?

Anton LaVey est un homme très intelligent. Avec son église, il est très bon pour amener les gens dans le concept anti-chrétien et satanique. Avoir ses idéologies bien écrites aux gens pour que même la femme au foyer la plus simple puisse être d’accord avec cela. Beaucoup de ses idées sont très bonnes, d’autres avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Mais un individu doit penser par lui-même. »

Intégralité de l’interview ici

 

The might is right est un livre de Ragnard Redbeard (Arthur Desmond de son vrai nom). Ce livre fait l’apologie du « darwinisme » social (qui n’a rien de darwinien) avec, notamment, des passages antichrétiens et antisémites. Ce livre sera, aux côtés de l’oeuvre de la libératrienne Ayn Rand ou de celle de l’anarchiste de droite H. L. Mencken une influence majeure pour Anton LaVey dans sa rédaction de la Bible satanique ou pour Katja Lane, éditrice et femme du suprémaciste blanc David Lane (membres de la structure Aryan Nations, du Ku Klux Klan ou encore de The Order, ils sont également les fondateurs du Temple of Wotan).

Emperor n’est pas un cas isolé. Burzum a composé un titre appelé Dominus Sathanas. Mayhem sort l’album De Mysteriis Dom Sathanas en 1994 (Hellhammer, batteur de Mayhem & Dimmu Borgir déclare « I’ll put it this way, we don’t like black people here. Black metal is for white people.… I’m pretty convinced that there are differences between races as well as everything else ». Il s’affiche aussi habillé en SS sur des photos promos). Goatmoon compose Quest for the goat en 2011. Peste Noire compose Le diable existe en 2015… Emperor, Mayhem, Dimmu Borgir, Ozzy Osbourne, Samael, Behemoth et Blut Aus Nord ne sont pas identifiés comme des artistes de NSBM ! Ils me servent d’exemples pour montrer la porosité entre les thèmes comme le satanisme, l’occultisme et l’extrême droite dans le Metal. Un peu comme avec le paganisme.

Je ne saurais pas dire si l’image que je me faisais de l’occultisme à l’époque a joué un rôle pour renforcer et consolider mes pensées d’extrême droite ou non. On trouvait un lien très fort entre le nazisme et l’occulstime avec d’autres éléments culturels comme les jeux-vidéos avec Wolfenstein ou des blockbusters hollywoodiens comme Hellboy de Guillermo Del Torro ou Captain America : First Avengers de Joe Johnston …

Je me rappelle aussi avoir salivé devant le catalogue de l’éditeur Camion noir. Je possédais déjà les 2 premiers ouvrages Black Metal Satanique : les seigneurs du chaos de Michael Moynihan et Didrik Søderlind et La Bible Satanique d’Anton LaVey. Mais on y trouve des livres aux titres suivants :

  • La race à venir, celle qui nous exterminera de Edward Bulwer-Lytton
  • Soleil noir, cultes aryens, nazisme ésotérique et politique de l’identité de Nicholas Goodrick-Clarke
  • Hitler et la tradition cathare de Jean-Michel Angebert
  • Les nazis et l’occulte, les forces obscures libérées par le IIIe Reich de Paul Roland
  • Might is Right, la raison du plus fort de Ragnar Redbeard
  • Charles Manson, Gourou du rock de Noël et Christophe Lorentz

Je vous laisse admirer le catalogue ici. De quoi alimenter mon imaginaire mêlé de diables et de races supérieures…

Aujourd’hui, avec le recul je repense à ce que ma grand-mère me disait « Oh ta musique, c’est un truc de nazi sataniste » et elle n’avait pas si tort que ça, la mamie…

Le début de la fin

C’est à partir de l’âge de 15 ans que j’ai commencé à déconstruire petit à petit ces idéologies racistes, xénophobes… sans vraiment en avoir conscience.

Documentaire La Cravate, 2020

Documentaire La cravate, 2020.

Mes pensées fonctionnaient bien avec mon groupe de potes mais en étant seul dans ce délire, la planche sur laquelle j’étais s’est mise à pourrir. Mais aussi parce que ma copine m’a conduit à modifier mon comportement parce que ça ne lui plaisait pas (et qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour hein ?!). Également parce qu’en grandissant notre groupe de potes a éclaté progressivement et que j’ai fréquenté de plus en plus de personnes loin de ces idées-là et de moins en moins de personnes aux idées d’extrême-droite.

En 2015, âgé de 22 ans, je me suis retrouvé dans une situation précaire et j’ai trouvé un travail dans un milieu plutôt solidaire. J’ai pris goût à la lecture, aux podcasts, aux vidéos sur la société et la politique, et merci l’autodéfense intellectuelle ! Plus je creusais (et creuse encore aujourd’hui), plus je me sentais convaincu par les principes de solidarité, d’égalité, de luttes antiracistes, etc…

Si ce changement de façon de penser s’est fait progressivement, mes références bibliographiques et cinématographiques ont également évolué au fur et à mesure que je déconstruisais mes idées bien ancrées. C’est pour cela que je ne peux pas citer un film ou livre en particulier qui serait à l’origine même de ce changement. Cependant, lorsque j’y réfléchis certaines œuvres m’ont marqué. Les voici.

Pour la dimension des luttes raciales

  • Le podcast Kiffe ta race de Rokhaya Diallo et Grace Ly sur Binge Audio.
  • Le film Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi (2020)
  • Le film Django Unchained, de Quentin Tarantino (2012)
  • Le film District 9, de Neill Blomkamp (2009)

Pour la dimension politique

  • La chaîne vidéo de Patchwork
  • La chaine vidéo Politikon
  • Le film La vague, de Dennis Gansel (2008) – même si Richard a beaucoup de doutes sur l’existence réelle de cette soi-disant expérience de Ron Jones à l’école Cubberlay, en 1967.

Pour la dimension Esprit Critique

Pour le rapport à « l’autre » (de manière générale)

  • Le rapport de Brodeck, de Philippe Claudel (2007, Stock)
  • Lectures de sciences sociales d’Usul et Modiiie

Pour les mouvements antiracistes

J’ai donc eu de la chance.

J’utilise le terme « chance » car, lorsque je vois Bastien, dans le film documentaire La cravate (de Mathias Théry et Étienne Chaillou, 2019), je ne peux pas m’empêcher de voir des similitudes de parcours et d’imaginer que j’aurais pu être à la même place que lui avec les mêmes convictions aujourd’hui. Je me dis que lui n’a juste pas eu la chance de croiser les « bonnes » personnes et d’arrêter de croiser les « mauvaises ».[6]

Aujourd’hui, même si certains groupes de NSBM sont interdits de diffusion ou de vente en France (et sûrement dans d’autres pays) pour non-respect des lois ou règlement d’utilisation des plateforme (impossible d’acheter du Goatmoon sur Discogs ou d’écouter Peste Noire sur Deezer), on en trouve encore officiellement sur des plateformes comme Deezer ou Spotify (l’intégralité de la discographie de Burzum, Graveland ou Temnozor reste disponible).

Il est important de noter que certains albums sont écoutables sur YouTube et nécessite un rapport en masse des utilisateurs/rices pour faire les faire disparaître. Ceci s’explique par la porosité des thèmes. Des groupes se servent de thèmes comme l’histoire, le paganisme ou le folklore national pour véhiculer leurs idéologies. En voici quelques exemples :

  • Burzum utilise l’odinisme pour affirmer la supériorité de la race aryenne (on lira par exemple cette entrevue).
  • Nokturnal Mortum se sert des traditions slaves pour défendre le nationalisme ukrainien.

D’autres groupes ne cachent aucune intention dans leurs textes :

  • Seigneur Voland chante « Ai-je rêvé où l’étoile jaune n’a pas assez brûlé » dans Dernier bastion blanc.
  • Peste Noire chante « J’aime ma race, j’aime ta race / Mais si tu veux diluer les deux, frère trace / Rentre chez toi, fais comme Kémi Séba » dans Turbofascisme.
 

Poster promotionnel de l'album Peste Noire Split Peste Noire de Peste Noire

Poster promotionnel de l’album Peste Noire – Split – Peste Noire, de Peste Noire

 

Poster du groupe Nokturnal Mortum

Poster du groupe ukrainien Nokturnal Mortum (avec des runes dans les angles)

  • Satanic Warmaster chante « Enthroned Aryan spirit the resurrection of our reich //
    Valour of pagan Europe » dans Strenght & Honour.

Il est donc très difficile de déceler les groupes qui usent de certains thèmes pour véhiculer leurs idées merdiques. Il semble parfois nécessaire de creuser dans les interviews, les photos de groupes ou voir les autres groupes et collaborations des musiciens.

Par exemple, même si le groupe polonais Mgła ne semble pas forcément lié à l’extrême-droite, l’un des musiciens arbore pourtant un patch à l’effigie du groupe Peste Noire sur scène, et le groupe sort ses albums via le label Northern Heritage, (label géré par Mikko Aspa, musicien reconnu dans le milieu NSBM et accessoirement fan de pédopornographie – regardez le projet Nicole 12, si vous en avez le coeur –, qui possède un catalogue bien fourni en groupes national-socialistes et sympathisants), sort un split avec Clandestine Blaze (groupe antisémite finlandais) et les membres de Mgła seront même embauchés pour jouer en live pour Clandestine Blaze. Si on ne peut pas affirmer que le groupe est ouvertement d’extrême-droite avec ces éléments, on peut reconnaître un certain copinage suspect (ici). De plus, l’existence du Temple Of Fullmoon (cercle NSBM polonais assez influent) me fait me méfier des groupes de Black Metal polonais aux attitudes ambiguës vis-à-vis de l’extrême-droite.Peut-être qu’un jour, je parlerai de « l’apolitisme » dans la musique. Ce sujet m’intéresse énormément. Il faut que je creuse.

Jusqu’en 2020, j’assumais publiquement les groupes que j’écoutais, je ne voyais aucun problème à ça. Je pouvais porter des habits à l’effigie de Peste Noire ou Baise Ma Hache par exemple en expliquant que j’adorais ces groupes et que l’idéologie véhiculée faisait partie de l’essence même du genre, que ça représentait leur sincérité, qu’il ne fallait pas s’arrêter à ça. Je ne comprenais pas qu’on me reproche de faire la promotion pour ces groupes…

À présent, je me sépare de tout ce que j’ai en lien avec cette scène. Elle ne représente plus rien de bon pour moi et même « écouter pour la musique » me renvoie à des choses plutôt négatives de ma vie. Je ne souhaite plus soutenir ni ces artistes, ni les labels qui en font la promotion et/ou la diffusion. J’accepte que mes amis proches puissent séparer l’œuvre de l’artiste, mais personnellement je ne veux plus le faire ni faire la promotion de ces groupes et je préfère soutenir d’autres projets beaucoup plus en adéquation avec le moi d’aujourd’hui.

antifascist black metal par Branca Studio

Image offerte gracieusement à tous les groupes de Black Metal voulant estampiller leurs albums de cette image. Par Branca Studio.

C’est à cause des groupes de NSBM (et des sympathisants d’extrême-droite) que j’ai embrassé l’extrême-droite. Aujourd’hui, ça ne m’intéresse plus.

Désormais, j’essaie d’appliquer au mieux ce processus de déconstruction à tous les autres rapports de domination de nos sociétés (luttes LGBTQIA+, égalité femmes/hommes, luttes des classes, intersectionnalité…).

Je ne regrette pas de m’éloigner de cette idéologie.

Il est clair, que dans mon témoignage des faits et détails historiques sont erronés. La pseudo-histoire et l’imaginaire d’un ado pas assez curieux pour ouvrir un livre de plus de cinquante pages mêlés à un esprit critique non-aiguisé (voire inexistant) m’a fait tisser des liens qui n’ont peut-être pas lieu d’être dans le réel. Et pourtant…

Ne laissons pas l’esprit critique se dépolitiser et ne le laissons pas non plus basculer dans le conservatisme. Car là-bas, il fait froid, ça pue et ce sont des horizons trop étriqués.

Gloire au Black Metal !

Mort au NSBM !

Thomas

[1] As Wolves Among Sheep, La saga funeste du NSBM, de Davide Maspero et Max Ribaric, éditions Camion noir (2015)

[2] Choosing Death, L’histoire du death metal et du grindcore, d’Albert Mudrian, éditions Camion blanc (2004).

[3] New Wave of American Heavy Metal, de Garry Sharpe-Young, Zonda Books (2005).

[4] Anthologie du Black Metal. Tome 1 & 2 d’Alexandre Guudrath, éditions Camion blanc (2012).

[5] Le satanisme, marchepied de l’extrême droite, Elsa Evrard, Libération 23 mars 2005.

[6] Je vais faire un parallèle avec Je ne MÉRITE PAS mon SUCCÈS, vidéo de Linguisticae.

 

« Le nuancier des groupes des groupes de Black Metal d’extrême droite »

Suite à un commentaire de Jean (et d’autres personnes sur d’autres réseaux), j’ai pu constater que le manque de nuance pour classer les groupes cités dans le NSBM ou non a pu déranger. Et même si je ne partage pas cette opinion je peux l’entendre et la considérer comme valable. J’ai expliqué au début de l’article ma difficulté morale à nuancer les comportements de certains groupes. Je précise que ma position ne change pas, si je change d’avis sur l’utilisation de la définition large de NSBM, je le ferai savoir. Je tiens aussi à souligner que cet article, qui est un témoignage, est teinté d’une certaine dose de militantisme. N’oublions pas que les idéologies politiques se transmettent aussi à travers l’art et la culture.

Nous pouvons discuter de la subjectivité sans problème, bien évidemment.

Cités dans l’ordre de l’article :

Peste Noire : anarchiste de droite, racialiste et identitaire

Baise Ma Hache : nationaliste et suprémaciste blanc

Mgla : sympathisant avec la sphère d’extrême-droite

Taake : idéologie d’extrême-droite marquée (islamophobie, nationalisme, rhétorique d’extrême-droite)

Ancient Rites : thèmes hautement nationalistes (ambigu), tendance néo-païen

Burzum : racialiste, aryaniste, raciste, antisémite et suprémaciste blanc

Absurd : nazi assumé

Graveland : nazi assumé

Nokturnal Mortum : antisémite et nationaliste

Goatmoon : nazi assumé

Temnozor : nationaliste assumé

Seigneur Voland : nazi assumé

Satanic Warmaster : nazi assumé

 

Pourquoi les groupes cités sont d’extrême-droite ?

  • Burzum (projet solitaire de Varg Vikernes, alias Louis Cachet, chantre de l’óðalisme, un néopaganisme teutonique antisémite survivaliste) : ici, ici et
  • Absurd : il suffit de traduire les paroles et regarder les visuels des productions du groupe, , ou
  • Graveland : , ici ou ici
  • Nokturnal Mortum : , , ici
  • Peste noire : , , ici, ici. Les paroles des musiques sont très explicites. La première démo s’intitule même Aryan Supremacy (suprématie aryenne).
  • Seigneur Voland : paroles explicites elles aussi.
  • Clandestine Blaze : , ici
  • Goatmoon : ici,
  • Baise Ma Hache : , ici. On remarque le blason de la division Charlemagne
  • Supreme Mrap : en tapant juste le nom du groupe dans un moteur de recherche ça devrait vous convaincre…

Pour aller plus loin

  • Bleu blanc Satan, documentaire sur une partie de la scène Black Metal française, de Franck Trébillac et Camille Dauteuille (2018)
  • Until The Light Takes Us, documentaire sur le black metal norvégien, par Aaron Aites et Audrey Ewell (2009)
  • Metal Crypt, le NSBM, vidéo de Maxwell, ex-2guys1Tv, sur le NSBM. La vidéo n’est plus hébergée sur sa chaîne, elle a été supprimée par YouTube. Maxwell n’a pas souhaité la ré-uploader car sa position vis-à-vis du NSBM a changé. Il ne souhaite plus donner de visibilité à certains groupes nommés dans la vidéo. Néanmoins Maxwell nous a donné son accord pour partager le lien de sa vidéo uploadée par un autre utilisateur. On le remercie.

Voici quelques articles que je juge importants dans les actions antifascistes dans le (Black) metal :

Petites refs de Richard

  • Sur le néo-paganisme, j’ai encadré le travail de master de Jérémy Fernandes-Mollien, Modalités et raisons d’entrée en religion dans les syncrétismes néopaïens français. Sciences Po Grenoble 2017 (ici). Il y a aussi quelques travaux introductifs sur la symbolique nazi, et l’instrumentation de l’archéologie, comme ce travail réalisé dans mon cours, ainsi que des travaux historiques plus poussés comme ceux de Jean-Paul Demoule (j’en ai causé en 2014).
  • Sur un autre parcours du même type, voir Clément alias Karp, du collectif L’Extracteur, et son outing soralien (à écouter ici sur le soundcloud de Conspiracy Watch, ou regarder ).
  • Il n’y a pas que du black metal nazillon. Il y a aussi du rap et des paroliers. Pour les plus téméraires, il y a Basic Celtos, Kro Blanc, Amalek, Mc Amor, Goldofaf, Fasc, et chez les paroliers à l’ancienne, Jean-Pax Méfret par exemple (dont l’écoute de plusieurs albums d’affilée m’a fait frôler l’AVC).
  • Sur l’infusion de la pensée d’extrême-droite, crue, dans certains milieux comme la police, le podcast Gardiens de la paix, d’Ilham Maad (Arte radio, 2020).
  • Sur la pensée d’Anders Breivik, écouter la série saisissante Utoya, 22 juillet : quelques minutes du procès, dans Les Pieds sur Terre, France Culture, juillet 2012.
  • Quelques films ou documentaires sur l’extrême droite :
    • This is England, de Shane Meadows (2006)
    • Danny Balint (The Believer), de Henry Bean (2001)
    • Antifa chasseurs de skins, de Marc-Aurèle Vecchione (2008).

La droite radicale américaine prête au combat ? – RTBF Info

https://youtu.be/1ppMxLpHGdA

🔴 Attention, certaines images de ce reportage peuvent choquer. Aux États-Unis, la liberté d’expression est un droit constitutionnel. Du coup tout est permis: Ku Klux Klan, croix gammée, bottes à clous, toute la panoplie. ➡ Nos équipes ont rencontré divers groupes de la droite radicale américaine en 2017, juste après les évènements de Charlottesville, en Virginie. Quatre jours après la manifestation, Donald Trump avait déclaré “Vous avez plein de gens dans ces groupes qui ne sont pas néonazis ou nationalistes blancs”. Alors, l’équipe du Scan a cherché. Force est de constater que la plupart des groupuscules mobilisés pour la manifestation de Charlottesville s’équipent aujourd’hui dans l’ombre. Des manifestants “ordinaires” présents à Charlottesville, nous n’en avons pas retrouvés. Portée par un nouvel élan patriote, la droite radicale américaine est prête au combat. Un reportage de R. De Rath, diffusé initialement le 25/09/2017. ————————————————————————————————————————-

📌 Retrouvez l’article complet : 🟣 A la rencontre de la droite radicale américaine: “Nous sommes prêts à défendre notre race, notre nation” : https://www.rtbf.be/info/monde/detail…

Ces faits divers qui ont marqué la Normandie : La dérive meurtrière des skins havrais en 1995

https://prmeng.rosselcdn.net/sites/default/files/dpistyles_v2/prm_16_9_856w/2023/04/29/node_409763/39519864/public/2023/04/29/B9734151494Z.1_20230429192709_000%2BGAJMM9D3P.2-0.jpg?itok=dx5dl7FC1682790192Le 7 mai 1995, au Havre, un plaisancier met son voilier à l’eau. Il aperçoit un corps flotter. Police, sapeurs-pompiers : personne ne s’étonne dans cette ville où le suicide est plus commun qu’ailleurs. Pourtant, ce cadavre, encore anonyme, est le point de départ d’une extraordinaire affaire de violence raciste commise par des skinheads.
Par la rédaction / Publié: 3 Janvier 2021 à 13h09 Temps de lecture: 8 min 

Mai 1995 en France. Jacques Chirac vient d’être élu président de la République. Le pays est suspendu au résultat des prochaines municipales. L’ambiance est au tout politique et le maire PCF du Havre, Daniel Colliard, sait bien que le RPR Antoine Rufenacht risque de lui ravir la plus grande ville communiste de France. Le 1er mai, Jean-Marie Le Pen a fait défiler ses troupes à Paris devant la statue de Jeanne-d’Arc. Quatre skinheads venus dans les cars du parti frontiste passent en trombe devant le pont du Carrousel, voient deux Maghrébins se tenir par la main, estiment qu’il est temps de « taquiner du pédé, craquer du crouille » et poussent Brahim Bouraam dans la Seine. Il se noie. Indignation nationale, Mitterrand jette une brassée de fleurs dans le fleuve.

Le 7 mai, quand la police repêche un corps dans le bassin Vauban du Havre, personne ne songe à la violence raciste. C’est encore un suicidé, un accidenté, pense-t-on. La section opérationnelle spécialisée de l’inspecteur Daniel Blondel lance un appel à témoins pour identifier le mort. Le 11 mai, dans le quartier du Bois-de-Bléville, fait de chômage et de béton, Zouina Bouhoud s’alarme. Elle a vu l’appel à témoins, craint qu’il ne s’agisse de son fils adoptif Imad, âgé de 19 ans, diabétique et disparu depuis le 14 avril. Avec son mari, elle se rend au funérarium et identifie le corps.

La devise des SS gravée dans la peau

Au même moment, dans la ville basse, un skinhead âgé de 22 ans, tout juste sorti de prison, est interpellé dans un commerce de vêtements pour avoir tenté de passer un chèque volé. C’est David Beaune. Il entre et sort de prison depuis qu’il a 16 ans. Il a la croix gammée tatouée sur le corps, la devise des SS gravée dans la peau. Il sait que son arrestation peut lui coûter cher. Il est en récidive. La police perquisitionne son minable meublé du quartier de l’Eure et le skin s’aperçoit que l’ami qu’il héberge a tout saccagé chez lui. Il s’agit d’un autre crâne rasé âgé de 19 ans, Mickaël Goncalvès, tout juste sorti de chez les parachutistes de Tarbes. Goncalvès lui a même piqué ses disques de la Waffen SS. C’en est trop.

« J’ai peut-être quelque chose à te dire », murmure en garde à vue le skin à l’inspecteur Olivier Boulard, qui connaît la mouvance sur le bout des doigts pour avoir élucidé une sombre affaire de violences un peu avant. « Mais est-ce que ça peut me rapporter quelque chose ? ». « Je l’ai laissé venir », raconte le policier. Après trois auditions, en toute fin de garde à vue, Beaune avoue qu’avec Goncalvès, il a rencontré Imad Bouhoud le 18 avril, aux abords de la gare SNCF. Sous le prétexte bizarre d’essayer une arme qui ne fonctionne pas, le groupe va vers le bassin Vauban. Beaune attrape le jeune par le col, Goncalvès le pousse à l’eau. Imad, complètement ivre, se débat un peu et sombre. « Un de moins », exulte Beaune. Meurtre raciste précédé d’un guet-apens ou violences mortelles ?

Vu le tapage lié au meurtre de Brahim Bouraam, vu le contexte électoral, vu les violences racistes et les assassinats qui ont accompagné ce début d’année politique, la police craint le pire tandis qu’un juge met en examen Beaune pour non-assistance à personne en danger et délivre un mandat d’arrêt contre Goncalvès.

La police tape partout où les skins ont été vus : dans le bunker et le fort de Sainte-Adresse, près de la plage, dans le quartier de l’Eure. Sans succès. Elle garde surtout le couvercle sur l’information, car elle sait bien qu’elle est explosive. Mais, le 20 mai, Le Havre-Libre révèle l’affaire, raconte que Goncalvès est en fuite et détaille que la victime « savait nager » selon sa famille.

Le 22 mai, après un week-end où la tension est montée dans le quartier, les jeunes explosent. Ils se regroupent dans le quartier du Bois-de-Bléville vers 20 h, veulent manifester, se dirigent dans le quartier de pavillons de Sanvic avant de s’arrêter devant le Bar des Témoins. Un estaminet connu pour accueillir depuis des années les skins et leurs amis parisiens. C’est l’émeute. Les jeunes massacrent la façade à coups de pierres, s’en prennent aux consommateurs et la police fait refluer la révolte jusqu’au funérarium. Les émeutiers grillent des voitures et des poubelles. Les sapeurs-pompiers, mal avisés, débarquent en plein champ de bataille. Un cocktail Molotov s’écrase sur leur camion. « Ils ont voulu nous tuer. »

« J’ai bien rigolé quand il est mort le bicot »

Une marche blanche est organisée le 24 mai, elle tourne à l’insurrection en plein centre-ville. Tant que Goncalvès n’est pas « serré », les commerçants craignent le pire et la ville succombe au jeu des rumeurs. Le corps d’Imad était incomplet : est-ce le résultat de trois semaines dans l’eau et des crabes ou l’effet de la cruauté des skins avant qu’ils n’abattent leur victime ? Des cadavres d’arabes ? Il y en aurait des dizaines dans les bassins. Le skin n’est pas arrêté ? La justice et la police sont partiales. Des spécialistes de la guérilla urbaine vont arriver du « 93 », des skins d’Angleterre et l’affrontement sera terrible. La presse révèle que Beaune, la veille du meurtre, est passé à un meeting de Bruno Mégret au Havre, alors n° 2 du Front National. Collusion ? Incitation à la haine ? L’ambiance est plus que jamais explosive.

Le 1er juin, parce que le juge Christian Balayn a placé les parents de Goncalvès sur écoute et qu’ils se sont montrés bavards, la police débarque au domicile portugais d’un grand-parent du fugitif et l’arrête. Il reconnaît globalement les faits, mais accuse Beaune d’être le principal responsable du drame. Les rumeurs cessent. Comme Goncalvès a la double nationalité, il est jugé au Portugal après bien des péripéties. Il fait le salut nazi en début d’audience et se voit condamné à dix-huit ans de réclusion.

Ce n’est que le 10 décembre 1997 que s’ouvre le procès de Beaune devant la cour d’assises de la Seine-Maritime. Il se dit « complice », mais pas auteur. Il est pourtant mis en examen pour meurtre. Il écrit à une amie dans des lettres sorties du parloir : « J’ai bien rigolé quand il est mort, le bicot. » Alors, seulement complice ? « Trop facile », grogne Me Dominique Tricaud, avocat de SOS-Racisme et de la famille Bouhoud. L’avocat reprend le dossier et brandit deux cahiers d’écolier. Ce sont les écrits d’un « néonazi de France », des cahiers rédigés par Beaune pendant sa détention. Il y avoue et y glorifie sa haine du juif, de l’arabe, défend l’idée de créer des camps de concentration dans le bocage normand, hurle sa détestation de l’autre et s’avoue sans aucun remords. Comment décrit-il le drame ? « Cette nuit-là, la folie de la mort a envahi tout mon être. J’avais envie de cogner. De frapper. Nous avons rencontré Bouhoud aux abords du bassin Vauban, nous l’avons précipité dans l’eau glacée. Sans un cri, sans un hurlement, son corps a coulé. Ma soif de sang était assouvie. » Il est condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle.

Beaune et Goncalvès, des loups solitaires ? Pas vraiment, comme la suite de l’affaire va le démontrer. Pendant le procès de Beaune, un ex-skin, Michel Huquet, témoigne. Il dit que Beaune est le plus violent, qu’il est sans doute le plus coupable. Menacé après le procès, il pousse la porte de l’inspecteur Boulard et détaille une autre scène de meurtre. En 1990, il a 15 ans. Il est un jeunot dans cette bande qui ne jure que par « la bière, la baston, la baise ». Il voit ses mentors, Régis Kérhuel – le bassiste des Evil Skins qui chante les louanges du Zyklon B – et Joël Giraud, forcer un jeune Mauricien, James Dindoyal, à avaler une bière empoisonnée. Elle contient de la soude caustique. La victime est jetée à la mer depuis une digue, arrive à se réfugier chez un médecin et meurt trois semaines plus tard, les intestins rongés, à l’hôpital du Havre. Le drame a lieu dans la nuit du 18 au 19 juin 1990. « Ce soir-là, témoigne Michel Huquet, Joël Giraud voulait casser du boucaque. » Boucaque ? Une contraction raciste de bougnoule et de macaque. C’est Kérhuel qui a accueilli Beaune dans la mouvance skin.

Les deux crânes rasés condamnés à vingt ans de réclusion

Arrêtés, les crânes rasés crient leur innocence. Leur passé ne plaide pas en leur faveur. Précurseurs du mouvement skin en France, ils ont rejoint les Jeunesses nationalistes révolutionnaires de Serge Ayoub, ce fils de magistrat surnommé Batskin et devenu porte-parole des crânes rasés de France. Régis Kérhuel a été arrêté des dizaines de fois. Toujours pour des violences. « Je n’ai pas pu participer au meurtre, j’étais à Paris avec Serge Ayoub », plaide Kérhuel lors de son premier procès en octobre 2000. Ce dernier croit que son grand ami va le sauver, lui donner un alibi. Batskin a suivi les audiences à distance. Il est convoqué à la barre. Il sait qu’un témoin, dont personne n’a pu vérifier la version, l’a placé sur les lieux du crime. « Ce jour-là, j’étais dans un avion qui allait au Japon ». Ayoub « lâche » son frère d’armes.

Les skins, si c’est baston tous les jours, c’est aussi un milieu où règnent la trahison et la veulerie. Les deux crânes rasés sont condamnés à vingt années de réclusion criminelle. En 2002, le verdict est confirmé en appel. La sanglante saga des néonazis du Havre s’achève derrière les barreaux.