“Call of terror fest 28/01/17: Baise Ma Hache, Dark Fury, Goatmoon, Peste Noire/ ou une immersion dans la haine ordinaire“
” Dimanche Matin, le réveil est amer. Je suis allé au concert de Peste Noire et j’ai une sensation de malaise. Comme si les choses révoltantes que j’y avais vues étaient désormais passées et communément acceptables. J’en parle le jour même avec un pote qui y était aussi et je crois qu’on a eu tous les deux eu besoin de témoigner de notre expérience au sein du microcosme socio-facho-politique auquel nous avons été confrontés le temps d’une soirée. Sous cette sorte de chronique -Cahier de bord- je vais simplement décrire une ambiance “conviviale” dont les acteurs sont réunis par des idéaux d’un autre age.
Alors Peste Noire et consorts: simple farce régionaliste qui sent le Rustique, la Suze, le PMU et la baguette de chez Ginette telle l’image que je m’en étais faite? Ou le porte étendard des formes d’extrémismes les plus obscurs?
J’arrive avec trois potes et le parking est déjà plein. Les moteurs vrombissent comme avant les courses souterraines dans Tokyo Drift, à la différence que les enceintes crachent du Rac et j’entends du Ad Hominem.
Des agents de la maréchaussée font une ronde alentour avec un rythme et une boucle aussi précis que l’IA dans Metal Gear Solid, ce qui rend la consommation de substances illicites autour de moi facile à anticiper. A première vue, le public est plutôt jeune et pas spécialement looké identitaire. Je croise pas mal de connaissances lyonnaises, ce qui me déculpabilise un peu de remplir les rangs de cette soirée sulfureuse. Les 8,6 bon marché et les bouteilles de vin circulent allègrement dans la file d’attente, j’apprends qu’il y a des autrichiens, des allemands. Un gars rigole avec son pote derrière moi, la “blague” en question parle du fait que l’excitation du public devait être comme celle des files d’attentes lors de la distribution des cartes de rationnement dans la France Occupée…je n’ai pas compris la blague, mais le ton est donné. Une fois à l’intérieur, petite florilège des “gueules cassées” croisées: pas mal de crânes rasés bodybuildés et bien saouls, nourris d’un sein maternel duquel explose des geyser de Monster Energy, déjà pas mal bourrés. Il ne leur manque plus que le marcel JCVD. Ils ont l’air de passer huit heures par jour dans une salle de musculation, ce qui donne moyennement envie d’aller prêcher la bonne parole et proposer un débat pacifique sur les inégalités, le mariage pour tous, et plus largement la répartition des richesses en Ouzbekistan. Un mec avec un t shirt “remember Kristal Nacht” (putain sérieux!!).
Quelques attention whores dans leurs dans leurs plus beaux corsets gothopouf mais d’un level de badassitude un peu plus véner que les gentilles gothiques poseuses que tu croises a Nightwish ou Sonata artica qui ont une page de modèle photo avec presque 22 j’aime et que tu tentes de draguer à chaque fois que t’as bu un verre de trop. Ici les filles assument patchs identitaires, blagues racistes, et leur posterieur semble être la principale source d’animation dans ce hall bondé qui ferait exploser le Testomètre de ton Pip-Boy. J’ai l’impression qu’une communauté est réunie et qu’ils ont leurs codes, la plupart arbore ses idéaux avec des patchs ou des tatouages. Le type au bar qui me sert une bière a une croix gammée sur le cou et d’autres signes sur le visage que je ne comprends pas. Apparemment il draine la sympathie de l’équipe du bar, c’est le “papa” de l’équipe de bénévoles et il a un trait d’humour pour chacun. Je me demande comment il vit au quotidien, quand ton appartenance à un groupe est si radicalement affichée et que tu fais tes courses au Leclerc, tes démarches à la mairie ou que tu cherches ton gamin à l’école, bref des trucs chiants et normaux dont seuls les plus obscurs films d’auteurs français arrivent a mettre en image l’ennuyeux quotidien. Mais passons aux groupes
BAISE MA HACHE
Voilà un groupe intrigant: le chanteur semble sortir d’une séance photo de mannequinat avec la coupe impeccablement brossée sur le côté. Le public est présent et nombreux sont les spectateurs avec des t shirt BMH sur eux, pour le moment on est dans du bling bling black metal. Musicalement c’est un black metal assez primaire et redondant, pas trop ma tasse de thé. Cela serait écoutable sans l’effroyable son de crécelle trouvée sur Le Bon Coin qui émane du gosier enroué du chanteur qui avait pourtant bon look… les paroles sont incompréhensibles, apparemment ça parle de temps révolus et de valeurs ancestrales blabla, le tout dans un vieux français approximatif. Tout est mis en place pour satisfaire l’ego du chanteur car on entend que lui, franchement lorsqu’on est un minimum musicien on essaye de faire autre chose que d’aboyer des textes, sans aucun travail de scream ou de placement en rythme par rapport aux instrus… ne serait-ce que par respect pour les musiciens. Le premier gros malaise de la soirée tombe lorsque les gars dans la fosse félicitent les fins de morceau à coups de zieg hail. C’est franchement glaçant. A ma gauche, un gamin qui a l’air d’avoir 18 ans, sac à dos sur le dos et look baggy tshirt a la cool comme la belle époque du néo métal s’y met aussi en gueulant hail hail!… Quel modèle d’éducation t’ont donné tes parents,les adultes autour de toi pour banaliser un geste aussi grave? Influence du groupe, endoctrinement, Cyril Hanouna, Troubles de l’identité? Ou réelle haine? Le public en liesse qui se joint à ce type de salut est très varié: cinquantenaires, jeunes femmes, shemales, adolescents (trouvez l’intrus)…
DARK FURY
Aucun intérêt. Trois playmobil tout en gonflette enchainent un set mollasson et pas très carré. Le chanteur regarde froidement devant lui et c’est très statique. Il y a un côté très martial et je trouve que le bassiste est à côté de la plaque, bref pas grand-chose derrière le look GI. Comme pour baise ma hache, c’est applaudissements et zieg hail a tout va. Je rappelle au passage qu’ils jouent dans la “salle des fêtes” qui devait accueillir la veille un mariage ou un évènement familial…allo la municipalité? Enfin, le son est tellement dégueulasse que j’ai l’impression d’écouter une vieille cassette audio abimée de Sadistik Exekution. J’en ai marre, mettez nous au moins de la bonne musique si déjà on est trempé jusqu’au cou.
Du coup besoin de prendre l’air. J’arrive à l’extérieur et d’instinct je cherche mon tel dans ma poche pour appeler ma copine et lui raconter les trucs de ouf que j’entends et que j’ai quand même hâte de rentrer pour un debrief. J’ai envie de retrouver les choses saines et normales qui m’attendent à Lyon car ici la normalité se définit par l’idéologie dominante, et elle est effraie. C’est vrai les tel sont interdits, ils ont été confisqués à l’entrée ou laissés dans les voitures pour éviter que le public prenne des self…des photos de l’événement. Deux gamins discutent avec un énergumène qui arbore un t shirt “Call Of terror”, lorsque j’arrive il demande aux gamins ce qu’ils foutent la avec leur look de “gauchiste”. Pour l’instant le ton est cordial et ça sent la vanne gratuite, “gauchistes” et “antifa” étant les deux mots qui déclenchent des émeutes ici. Un des gamins a l’air d’avoir seize ans au max et se justifie en disant qu’il adore les groupes et qu’il est venu pour la musique. Je sens l’ambiance se raidir radicalement lorsque ce jeune sort un bonnet aux couleurs de la Jamaïque de sa poche et le met sur la tête. L’énergumène en question lui rappelle qu’ici il « n’est pas en Afrique » (un rapide coup d’œil sur la géoloc de Google Map me confirme cette information) et qu’il a intérêt à dégager vite. L’attitude du mec a changé, il devient nerveux, observe le gamin et commence à persifler en hachant ses mots «t’es un antifa petite merde hein,t’es un antifa putain”…le gamin est surpris par ce changement radical et pose une main sur l’épaule de l’excité en lui disant mais non t’inquiète. Au même moment, notre excité lui hurle de dégager, non sans appuyer sa demande d’un middle kick médiocrement placé (comme dans les films), alcool oblige, sur la hanche du gamin qui n’a rien vu venir. Le jeune pacifiste tente alors une négociation et son ultime tentative de retour au dialogue (Calme toi mec c’est cool) est récompensée par une formidable claque (comme dans la vraie vie). Tout va très vite: d’autres mecs qui ont entendu le mot antifa arrivent prêts à cogner. La sécu arrive et calme les véritables pitbulls que sont devenus les chalands quand leur pote a hurlé. Le mec de la sécu dit aux gamins de dégager: “vous voyez on est tolérants: on vous laisse repartir en vie petites merdes!”. Je suis au milieu de cette action et un mec me prend a parti, fier de lui, t’as vu comme on les encule les antifa hein, t’as vu? Je lui réponds plutôt posément que faut quand même faire un peu gaffe parce que c’est quand même des mineurs et que ça craint quand même. Le mec qui se mouille pas. Heureusement mon pull xxxxx xx xxxxx fait diversion car son attention se détourne sur mon magnifique logo xxx
GOATMOON
S’il y a une chose sur laquelle tout le monde est d’accord (mais surtout moi avec moi-même), c’est que le black métal est le medium musical le plus expéditif pour exprimer des sentiments négatifs, cathartiques (placement de mot de merde appris en bac L, sortez le a une Tinder date avec un gothique ça marche a chaque fois) et de misanthropie extrêmes. GoatMoon donne directement le ton. C’est avec un plaisir coupable que j’assiste à une heure de show glaçant, d’une grande qualité musicale avec un chant qui n’est pas sans rappeler les débuts de Hecate Enthroned ; ou encore le génial Hat sur l’album Pentagram de Gorgoroth, qui est au passage un album majeur du black metal des années 90. Le public est un peu moins agité et les gens du premier rang semblent encaisser toute cette énergie négative comme une parole prophétique. Par moments dans la fosse, chacun est dans ses pensées et je me surprends moi-même à me laisser emporter par ce Blizzard musical. C’est pour moi le meilleur groupe de la soirée musicalement parlant.
PESTE NOIRE
Je crois que le concert commence vers 3 heures du matin, pas mal de fans du début de soirée ; alors rendus gaillards par l’hydromel ; sont à présent endormis comme des bébés aux abords de la salle, leur petit sachet de merchandising servant d’oreiller de fortune. Mon premier intérêt est d’observer le batteur qui est de l’excellent one man band SÜHNOPFER, un black metal aux élans épiques de Sacramentum et je crois non politisé, dont l’album « offertoire » fut une des grandes sorties de 2015 (Apres « waiting for love » de Avicii bien sûr). Famine sait tenir son public et ce dernier passe le set entier à réclamer le morceau “dans ma nuit” qui n’arrivera jamais. Les mecs, la récréation commence, profitez déjà de ce qu’il y a! Famine véhicule une image plutôt orientée Frontiste harassé, une France des racines et du terroir, avec une qualité évidente dans l’écriture (pas dans le sens évidemment). L’audace de un ou deux passages en débit rap, ainsi qu’un Dab placé vers la fin du set et qui rend COTOREP d’admiration mon pote coreux font de Famine un personnage assez atypique. Sans vraiment se mouiller, il accepte pourtant que sa musique draine le festival d’aboiements nationalistes dans la fosse. Je suis mal à l’aise, échange de regards avec les potes qui sont eux aussi navrés d’être la. La bonne humeur et les ballons rose de l’Obscene Extreme nous manquent… Vers le milieu du concert, Famine entonne un « antifa enculés » qui trouve écho dans tout le public.
Au final, cette date a réuni des metalleux relativement neutres, sous le discours de “je viens pour la musique”, et des individus bien plus engagés qui voyaient là une rare occasion de se réunir. Est-ce qu’en observateur j’ai contribué à la banalisation de ce type regroupement? Comment interpréter ces types d’extrémisme, en rupture totale avec une notion de bon sens?Manges tu quand même des Kebab quand tu es facho? quels outils pour stopper les idéaux NSBM dans un style musical pourtant riche et fédérateur? Peut on tenir le discours que la musique et les idées sont dissociables? Je voulais faire ce papier, peut-être pour me racheter une conscience (parce que je sais que mon Karma est foutu pour dix ans !) et parce que je pense que c’est tout le monde du metal qui doit s’interroger sur ses branches les plus extrêmes. La musique quelle qu’elle soit est basée sur le partage, la communication, et l’acception de l’autre (oh purée je me calme je m’altermondialise la).”
publié sur facebook par une personne désirant rester anonyme par sécurité (a reçu des menaces)