REVUE DE PRESSE : 666≠88 Rassemblements Rac'NSbm clandestins. Figures NSBM völkisch. Stratégie métapolitique fasciste à posture apolitique de façade. Musée des horreurs White Power
Les Français ont qualifié au second tour Emmanuel Macron et Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement national a comptabilisé près de 23% des suffrages au premier tour, une performance qui s’explique notamment par sa capacité à dédiaboliser son parti. Une normalisation de son image facilitée par la radicalité d’un Éric Zemmour. Mais derrière la façade plus ou moins institutionnalisée, l’extrême droite reste parcourue par des mouvements et des courants très radicaux et parfois violents. Des groupes toujours actifs, de plus en plus actifs. Aujourd’hui, Blast vous propose de faire la cartographie de ces mouvances très diverses. Lyon, Montpellier, Angers, Nantes, Toulouse et même des villes plus petites, un peu partout en France, des militants font le coup de poing contre leurs opposants. Un véritable maillage du territoire se dessine. Mais qui désigne-t-on sous ce terme de “groupuscule d’extrême droite” ? Comment s’organisent-ils ? Où sont-ils ? Y a-t-il des liens entre eux et le Rassemblement national et Reconquête ?
Une vidéo co-écrite avec Thierry Vincent, spécialiste de ces mouvances. Journalistes : Antoine Etcheto, Thierry Vincent Montage : Delfina de Oliveira Cézar Images : Arthur Frainet Son : Baptiste Veilhan Graphisme : Adrien Colrat Diffusion : Maxime Hector Production : Thomas Bornot Direction des programmes : Mathias Enthoven Rédaction en chef : Soumaya Benaissa
L’étudiant reçoit, depuis le numéro de Jürgens Tyll, un fichier sonore que nous avons pu écouter. C’est une musique du groupe Supreme MRAP consacrée à Maurice Papon, le préfet de police condamné à 10 ans de prison pour crime contre l’humanité pour avoir participé à la déportation de centaines de Juifs à Auschwitz. Les paroles sont explicitement antisémites : “Ce vendredi 22 octobre 1999, Maurice Papon est injustement arrêté en Suisse pour service rendu à l’humanité. Un déporteur de Juifs pour sauver des français.” Puis le refrain : “Libérez Maurice Papon”. Le groupe Supreme MRAP est aussi auteur d’autres chansons aux titres sans équivoque : Il est né le divin Adolph, Chasse aux pédés, Negrolokaust…
“J’ai été surpris, je n’ai pas trop compris quand j’ai reçu ce message”, explique Christopher. “Je n’ai pas répondu. Je ne savais pas comment le prendre.” Après cette première entrée en matière, il est intégré aux groupes Telegram (une messagerie cryptée) de Génération Z. Et dit constater, au fil des échanges et des soirées, de nouveaux dérapages.
Des chansons racistes et néonazies couramment écoutées par les militants
“Les propos racistes et homophobes étaient hyper courants. Il y a de nombreux chants racistes aussi, chantés en soirée.” Des chants non diffusés sur les plateformes classiques. Christopher nous montre un site sur lequel on peut les trouver, et en cite plusieurs. “Africaine enturbannée, c’est celle qui est vraiment le plus chantée en soirée. A pleins cargos, ils aiment bien aussi. Et aussi C’est quand même bien les runes, qui reproche au RN de ne pas être assez extrémiste.”
Christopher dit notamment avoir un souvenir précis autour de cette musique. “J’étais dans une voiture avec deux militants hauts placés en Bourgogne. Le premier a mis C’est quand même bien les runes. L’autre a crié “Oh oui !” et le premier a répondu “Dès que je la mets, c’est toujours le même ‘Oh oui’… Autrement dit, ils l’écoutent souvent”, affirme Christopher.
L’étudiant reçoit, depuis le numéro de Jürgens Tyll, un fichier sonore que nous avons pu écouter. C’est une musique du groupe Supreme MRAP consacrée à Maurice Papon, le préfet de police condamné à 10 ans de prison pour crime contre l’humanité pour avoir participé à la déportation de centaines de Juifs à Auschwitz.
Les paroles sont explicitement antisémites :
“Ce vendredi 22 octobre 1999, Maurice Papon est injustement arrêté en Suisse pour service rendu à l’humanité. Un déporteur de Juifs pour sauver des français.”
Puis le refrain :
“Libérez Maurice Papon”. Le groupe Supreme MRAP est aussi auteur d’autres chansons aux titres sans équivoque : Il est né le divin Adolph, Chasse aux pédés, Negrolokaust…
“J’ai été surpris, je n’ai pas trop compris quand j’ai reçu ce message”, explique Christopher. “Je n’ai pas répondu. Je ne savais pas comment le prendre.” Après cette première entrée en matière, il est intégré aux groupes Telegram (une messagerie cryptée) de Génération Z. Et dit constater, au fil des échanges et des soirées, de nouveaux dérapages.
Des chansons racistes et néonazies couramment écoutées par les militants
“Les propos racistes et homophobes étaient hyper courants. Il y a de nombreux chants racistes aussi, chantés en soirée.” Des chants non diffusés sur les plateformes classiques. Christopher nous montre un site sur lequel on peut les trouver, et en cite plusieurs.
“Africaine enturbannée, c’est celle qui est vraiment le plus chantée en soirée.
A pleins cargos, ils aiment bien aussi.
Et aussi C’est quand même bien les runes, qui reproche au RN de ne pas être assez extrémiste.”
Christopher dit notamment avoir un souvenir précis autour de cette musique. “J’étais dans une voiture avec deux militants hauts placés en Bourgogne. Le premier a mis C’est quand même bien les runes. L’autre a crié “Oh oui !” et le premier a répondu “Dès que je la mets, c’est toujours le même ‘Oh oui’… Autrement dit, ils l’écoutent souvent”, affirme Christopher.
Federico Martín Aramburu, rugbyman argentin à la retraite, a été abattu à Paris dans la nuit du 18 au 19 mars. StreetPress a enquêté sur les 2 principaux suspects de ce meurtre : Loïk Le Priol et Romain Bouvier. Tous les deux sont des militants néofascistes. On vous résume l’affaire.
Retour sur l’enquête de notre journaliste Marine Turchi sur le profil et les réseaux des principaux suspects dans l’affaire de l’assassinat de Federico Martin Aramburu à Paris. Les deux amis ont fréquenté pendant plusieurs années une bande rassemblant des militants du Front national de la jeunesse et du GUD. Également sur notre plateau, Christophe Cariou, avocat de Shaun Hegarty, l’ami qui accompagnait Federico Martin Aramburu le soir des faits. Pour lire l’enquête de Marine Turchi : https://www.mediapart.fr/journal/fran…
Le groupuscule de jeunes d’ultradroite a été dissous après plusieurs épisodes de violence. Code source retrace l’histoire de ce mouvement. Dans ce podcast : Ils ont moins de 25 ans, viennent de Paris et sa banlieue et baignent dans l’idéologie néonazi depuis plusieurs années. Ces jeunes hommes qui se font appeler les zouaves sèment la terreur dans la rue. Ils s’en prennent notamment à des militants d’extrême gauche dans des manifestations et des meetings. Au début du mois de janvier ce groupuscule d’ultra-droite a été dissout en Conseil des Ministres et la figure de proue des Zouave Paris Marc de Cacqueray Valmeinier 23 ans est désormais en prison. Classé à l’ultra-droite les zouaves Paris c’est un groupe qu’on voit apparaître au tournant des années 2017-2018. C’est un groupe de jeunes hommes nés en général à la fin des années 90 qui peuvent être issus de milieux aisés ou du milieux plus populaires. C’est un groupe informel il n’y a pas de statuts déposés il n’y a pas de carte de membre et il est relié à diversgroupes de hooligans que ce soit en France ou en Europe. L’ultra-droite c’est un terme qui vient des services de renseignement qui est utilisé pour désigner ces mouvements qui sont en dehors de l’extrême droite classique. En fait ce sont des groupuscules qui prônent le renversement de la République…
Infiltrés dans la Fraternité Hammerskins – WDR Doku
Le documentaire révèle le danger que représentent les “Hammerskins” – un réseau d’extrême droite qui opère en secret et est souvent fatalement sous-estimé. Ils croient en la “suprématie blanche”, s’entraînent pour un coup d’État prétendument imminent le “Jour X” et ont des liens avec des terroristes d’extrême droite. Les “Hammerskins” sont l’un des groupes d’extrême droite les plus influents et les plus anciens d’Allemagne. Qu’il s’agisse d’événements lucratifs de rock de droite ou d’arts martiaux d’extrême droite – les principaux “Hammerkins” ont un doigt dans le gâteau dans de nombreux endroits. Malgré cela, on sait peu de choses sur elle. Les recherches de MDR et du magazine WDR MONITOR montrent : Les “Hammerskins” sont une sorte de société secrète, ils aiment rester sous le radar et tirer les ficelles en arrière-plan. Ils se considèrent comme une organisation d’élite, sont en réseau dans le monde entier et organisés comme un club de rockeurs [terme allemand pour les gangs de motards criminalisés dits “1%”] : fermés à l’extérieur, les hiérarchies à l’intérieur. Il n’y a pratiquement pas d’abandons – une fois que vous y êtes, restez avec nous ou gardez le silence après. Les aperçus de l’intérieur de la société secrète néo-nazie que le documentaire fournit sont d’autant plus extraordinaires. Des images secrètement tournées d’événements importants, des extraits de forums internes, des photos de réunions secrètes, des concerts complotistes et même des entraînements au tir montrent à quel point les “Hammerskins” sont actifs et violents.
La recherche montre également qu’il y a toujours eu des meurtres et des actes de violence d’extrême droite dans lesquels les auteurs appartiennent au spectre Hammerskin. Même des attaques terroristes ont impliqué des membres des Hammerskins. Les autorités de sécurité l’ont également remarqué. Néanmoins, ils semblent souvent rester les bras croisés et ne rien faire. Vous retenez-vous consciemment ? Ce qui est frappant, c’est que plusieurs Hammerskins ont été exposés comme informateurs dans le passé. Il n’y a jamais eu de conséquences, comme une interdiction. La société secrète est plus occupée que jamais.
00:00 - 04:16 Les Hammer
04:17 - 05:56 La hiérarchie chez les Hammerskins
07:01 - 08:16 Le réseau Hammerskins
11:47 - 12:33 Livres de règles Hammerskins
15:58 - 18:09 rôle du business de la musique pour la scène d'extrême droite
19:45 - 22:55 Arts martiaux et violence
22:56 - 25:02 "Bataille des Nibelungs"
26:54 - 29:54 Hammerskins et terreur de droite
37:21 - 39:07 Rôle du Bureau de la protection de la Constitution
40:58 - 42:46 Hammerskins aux manifestations COVID-19
Petite description des groupes et groupuscules d’extrême-droite présents à l’échelle locale et/ou nationale par le Comité Antifa Saint-Étienne. #13. Ouest casual
Ouest Casual est un média présent sur YouTube, Facebook, Instagram et Telegram. Souvent supprimé en raison de la teneur politique de ces posts, iels refont surface régulièrement avec de nouvelles pages.
S’inspirant du milieu Hooligan, iels collectent et publient une multitude de vidéo et/ou photos d’agressions en tout genre. Au menu du canal d’information : apologie du nazisme, incitation à la haine raciale, agression caractérisée, attaque de bar et autres violences en tout genre… Un cocktail d’ingrédients permettant à Ouest Casual d’être le relais de la crème de la crème des groupuscules fascistes, royalistes et néo-nazis de toute l’Europe. En plus d’être un canal d’information, Ouest Casual est un groupe officieux composé de militants fascistes lyonnais et parisiens, qui, individuellement, revendiquent de multiples actions racistes et LGBTIQ+phobes dans leurs régions respectives, en connivence avec des groupes comme les Zouaves Paris ainsi que des firmes Hooligans fascistes Lyonnaises, comme c’est le cas du groupe « Mezza Lyon » présent dans le Virage Sud Lyon (au stade de l’Olympique Lyonnais).
Le 15 décembre, la page Facebook "Ouest Casual" (associée au canal Telegram) partage cette photo prise sur la place Maïdan à Kiev. pic.twitter.com/e3kmKHDRZ6
C’est très pertinent de citer Famine figure NSBM qui a passé deux années entières chez AZOV en plus de ses séjours et concerts au sujet de l’influence exercée sur Zouaves Paris ce que ne relèvent pas Arrêt sur Image ni “six journalistes spécialistes de l’extrême droite, dont quatre ont travaillé spécifiquement sur les Zouaves. “
Anna von Hausswolff annulée, des politiques pétrifiés, des intégristes qui ont le dernier mot : enquête sur un fiasco.
n l’a tous bien de travers. » Il y a un peu plus d’une semaine maintenant, le mardi 7 décembre, Fabien était parti pour une soirée tranquille à l’écoute de la musique d’Anna von Hausswolff à Nantes. La Suédoise devait jouer dans une église de la ville son dernier album (lire l’épisode 113 de Face A, face B, « Anna von Hausswolff, orgue et préjugés »), le remarquable All Thoughts Fly qui fond ambiances gothiques électroniques et orgue liturgique. Le concert était prévu en 2020 dans le cadre d’une collaboration entre le Lieu unique, grande salle de concert de la ville, et le diocèse de Nantes. Puis le Covid l’a fait rebondir jusqu’à ce début de mois de décembre 2021. Sauf que rien ne s’est passé normalement ce soir-là. Arrivé sur place à vélo, Fabien, comme les quelque 400 spectateurs, a trouvé les portes de l’église de Notre-Dame-de-Bon-Port bloquées par une cinquantaine de jeunes militants catholiques intégristes, chantant des psaumes en boucle et dénonçant en vrac l’occupation d’une église par une musicienne profane et le « satanisme » professé selon eux par une chanson d’Anna von Hausswolff vieille de dix ans, où n’importe quel collégien aurait lu une évidente métaphore de l’addiction aux drogues.
Tout cela s’était organisé depuis des sites de l’extrême droite religieuse, Riposte catholique et Salon beige. Tout cela était un coup médiatique. Anna von Hausswolff était la cliente parfaite, une musicienne de la sphère metal qui joue de l’orgue dans des églises et file des métaphores sur la mort ou le diable faciles à détourner quand on est mal intentionné. Après plus d’une heure de blocage tendu, le concert de Nantes a fini par être annulé. Puis, deux jours plus tard à Paris, c’est l’église Saint-Eustache, la géante qui veille sur le quartier des Halles, qui a renoncé à son tour, obligeant les organisateurs à se replier dans un temple protestant tenu secret. Ce sont toutes ces reculades devant une mobilisation intégriste qui ne passent pas, une semaine après.
Ce n’était pas deux camps qui s’affrontaient, on était légitimes et on ne s’est pas sentis pris en compte par la police, qui a visiblement reçu l’ordre de ne pas bouger. Les intégristes, eux, se sentaient protégés, c’est clair.
Tous les acteurs de ces journées qui ont choqué se posent ainsi les mêmes questions et la première est adressée à la police. Aymeric Seassau est adjoint communiste à la culture à la mairie socialiste de Nantes, il a été « mis au courant le lundi matin » des remous en ligne autour du concert d’Anna von Hausswolff. « Dès le dimanche soir, sur des sites de cette obédience intégriste, il y avait des menaces et des appels à l’empêchement, raconte-t-il aux Jours. Nous avons alors prévenu la préfecture [de Loire-Atlantique], nous avons fait le nécessaire. » Prévu au départ dans l’église Saint-Clément, dont l’orgue a été récemment rénové avec l’aide de fonds publics, le concert a commencé par être déplacé à Notre-Dame-de-Bon-Port, dont les paroissiens sont moins rigoristes. Mais cela n’a pas suffi. D’après nos informations, les pneus du véhicule d’Anna von Hausswolff et ses deux musiciens ont été lacérés, avant que plusieurs personnes ne s’introduisent dans l’église dans l’après-midi pour tenter de perturber l’installation.
Les forces de l’ordre étaient là pendant tout ce temps. Plusieurs camions de CRS étaient présents quand le blocage a commencé autour de Notre-Dame-de-Bon-Port en fin d’après-midi, levant le camp vers 20 h 45 – avant l’annulation du concert annoncée juste après 21 heures. Seules des voitures de la brigade anticriminalité sont restées sur les lieux jusqu’à la fin des événements, sans jamais intervenir. Aucune interpellation n’a eu lieu sur place ou depuis à notre connaissance. « C’est là qu’il y a de la rage et un sentiment d’inachevé, dit Alexandre, un autre des spectateurs du soir. Ce n’était pas deux camps qui s’affrontaient, on était légitimes et on ne s’est pas sentis pris en compte par la police, qui a visiblement reçu l’ordre de ne pas bouger. Les intégristes, eux, se sentaient protégés, c’est clair. » Thomas faisait également partie des spectateurs nantais. Il raconte « l’étonnement » du public face aux intégristes « très jeunes » qui bloquaient chaque porte sans accepter de discuter, cornaqués par l’abbé Philippe Guépin de l’association antipape Saint-Pie-V, présent sur place, ou la fraternité intégriste Saint-Pie-X, elle aussi en rupture avec l’Église catholique. « Oui, j’aurais trouvé ça normal que la police leur demande de partir, affirme Thomas. C’est un délit d’empêcher un concert. » De fait, l’article 431-1 du Code pénal punit « le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique ». « Probablement que le mouvement a été sous-estimé, personne ne s’est rendu compte que [les intégristes] seraient aussi virulents, continue Thomas. Mais la police, quand elle veut expulser des gens elle sait faire, et ça la dérange moins d’expulser des gens affiliés à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite. »
Ce soir-là, ni la mairie, ni l’organisateur, le Lieu unique, ni le diocèse de Nantes n’ont demandé sur place à la police d’intervenir. Mais « tout cela s’est passé sur l’espace public, pas à l’intérieur d’un édifice religieux », pointent Pascale Miracle et Adrien Kremer, qui dirigent Voulez-vous danser, la structure qui organise les tournées d’Anna von Hausswolff en France. « Ce qui interroge, poursuivent-ils, c’est le pourquoi » de cette non-intervention face à un blocage manifeste, des prières de rue, des « vous n’avez qu’à faire votre concert dans une mosquée » et des coups échangés lorsqu’un groupe de spectateurs lassés a tenté de déloger les intégristes eux-mêmes. « Anna [von Hausswolff] nous a posé la question, continue Pascale Miracle. Elle n’a pas compris que la police n’intervienne pas. » Interrogée par Les Jours, la préfecture de Loire-Atlantique a fini par nous dire de « voir avec le diocèse ». Une réponse curieuse, puisque l’Église catholique n’est plus en charge de la force publique depuis au moins l’Inquisition. Même l’agent chargé de porter cette réponse lunaire en avait honte au téléphone. À la mairie de Nantes, Aymeric Seassau pense pourtant avoir suffisamment informé la préfecture du blocage à venir. « Je ne peux que confirmer que si jamais notre demande n’a pas été suffisamment précise dans l’alerte, je la redis : oui, les spectacles doivent se tenir à Nantes et, dès qu’il y a entrave, je demande à ce qu’elle soit levée. »
Deux jours plus tard, cette question du rôle de la police dans la sécurité d’un concert dûment autorisé mais ouvertement menacé s’est posée à nouveau à Paris. Voulez-vous danser a vite pris la décision de trouver une autre salle dotée d’un orgue pour ne surtout pas annuler le concert d’Anna von Hausswolff après la défection de l’église Saint-Eustache, effrayée par la mobilisation des catholiques intégristes elle-même relayée par des groupuscules violents d’extrême droite comme les Zouaves Paris, désormais en cours de dissolution.
Mais il n’était pas question, au départ, de faire ce concert en secret, de se cacher. Les tourneurs ont commencé par contacter Frédéric Hocquard, adjoint à la mairie de Paris en charge de la nuit, qui a alerté le cabinet de la maire. Mais il ne s’est rien passé de plus du côté de l’Hôtel de Ville. C’est Frédéric Hocquard qui a alerté lui-même le commissariat du VIIe arrondissement, où s’est finalement tenu le concert dans l’église protestante unie de l’Étoile, qui a dépêché deux voitures banalisées le soir du concert. « On s’est sentis seuls », avouent Adrien Kremer et Pascale Miracle, les deux organisateurs. Le ministère de l’Intérieur, notamment, a été totalement absent. « Nous n’avons pas eu beaucoup de contact avec des instances publiques. On a juste été contactés par le cabinet de la ministre de la Culture, le jeudi matin vers 11 heures, pour nous demander si on avait trouvé un nouveau lieu, nous poser des questions concernant ce qu’il s’était passé et d’autres d’ordre économique. On leur a dit qu’on était inquiets, qu’on avait pris la décision [de tenir un concert secret] pour ça. » La discussion s’est arrêtée là. Jamais le ministère de la Culture ne l’a placée à un niveau moral, ne s’est offusqué qu’un concert tout à fait légal se tienne sous la menace et en catimini à Paris après une annulation déjà problématique à Nantes. « Peut-être que si on avait fait intervenir la police, les dingues seraient venus en force et le concert aurait été annulé à la fin, tempère Frédéric Hocquard. La priorité était que ce concert ait lieu. Mais sur le plan politique, c’est complètement inacceptable. Dans quelle société on vit pour qu’une artiste soit obligée d’organiser un concert clandestin ? »
C’est le deuxième niveau de malaise que laisse planer cette histoire après une semaine de décantation. La mobilisation politique a été très faible après l’annulation du concert de Nantes et la tenue de celui de Paris sous le manteau. Du côté du gouvernement, en tout et pour tout, un tweet clair mais tardif de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, le jeudi en fin d’après-midi, et une phrase de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Cultes, le dimanche sur RTL. Ces deux ministères n’ont pas donné suite aux questions des Jours pour cette enquête. « Les communiqués, les tweets, ce ne sera jamais suffisant si on veut garder les valeurs qu’on est censés avoir en République, regrette Pascale Miracle, de Voulez-vous danser. Tout ça interroge le rapport que l’on peut avoir à l’art quand il est menacé. On a fait d’un concert qui aurait dû être normal un concert clandestin, je ne sais pas comment on peut cautionner ça. Voilà notre sentiment aujourd’hui. De l’interrogation, de l’étonnement et une certaine tristesse. »
Le Syndicat des musiques actuelles (SMA), qui rassemble des salles de spectacles et des labels, a pourtant « interpellé le cabinet de la ministre dès le mercredi matin, en disant qu’elle ne pouvait pas ne rien dire, qu’elle devait prendre la parole », explique Aurélie Hannedouche, sa déléguée générale. Que ça ne monte pas plus haut, que les conseillers ne bougent pas le Premier ministre ou le Président, je trouve ça un peu fou. C’est même hyper dangereux. J’ai du mal à comprendre que, quatre mois avant l’élection présidentielle, dans une ambiance de Zemmour et Le Pen, le gouvernement n’en profite pas pour remettre des points sur les I sur des valeurs indiscutables. » La nature de la musique d’Anna von Hausswolff, ancrée dans le metal et une imagerie gothique traditionnellement morbide, a aussi possiblement joué un rôle dans la gestion très distante de cette crise pourtant grave. Les services du ministère de la Culture, notamment, ont régulièrement fait preuve d’une méconnaissance des musiques qui jouent un minimum en marge – techno, metal… – et l’ont montré encore une fois la semaine dernière. « Ça aurait été un spectacle de théâtre ou de musique contemporaine qui était bloqué, ils étaient vent debout, se désole un bon connaisseur des couloirs du ministère aujourd’hui. Mais là, c’était du metal et ils ne maîtrisent pas trop. Ils se sont demandé si ce n’était pas vraiment tendancieux… »
Cette affaire laissera aussi des traces chez les spectateurs. Thomas, par exemple, qui était à Nantes, parle d’un « sentiment d’échec énorme » : « Il y a une symbolique très très forte. On a l’impression que ce genre de manif intégriste peut avoir lieu sans conséquence. Je suis très choqué qu’il n’y ait pas de réaction alors que les ministres de ce gouvernement ne sont pas les derniers à s’exprimer sur plein d’autres sujets. » Pour Fabien, autre spectateur nantais, « ce qui a été problématique aussi, c’est le traitement de cette histoire. Les médias se sont beaucoup concentrés sur l’accusation de satanisme [adressée à Anna von Hausswolff], ce qui est ridicule, et la présence de concerts dans les églises alors que c’est assez classique. On a oublié de dire qui sont les gens qu’on a en face de nous », c’est-à-dire des intégristes complotistes. « Dans cette affaire, ils se sont fait une place au grand jour et c’est aussi pour ça que l’absence de réactions politiques est super grave. » Elle a laissé un arrière-goût pas clair à tout le monde, au risque de laisser croire aux extrémistes de tous bords, déjà libérés par la candidature d’Éric Zemmour, que leur marge de manœuvre s’est élargie bien facilement. C’est pour cela que les différents acteurs de ces journées, à Nantes et Paris, envisagent aujourd’hui de porter plainte. Puisqu’il faut en arriver là.