Le petit monde skin de David Beaune. Vingt ans de réclusion requis contre le meurtrier présumé d’Imad Bouhoud.

par Brigitte VITAL-DURAND

publié le 13 décembre 1997 à 15h38

Rouen envoyée spéciale

Les skins du Havre étaient un petit monde. «Une vingtaine de garçons, trente avec leurs copines», dit le jeune lieutenant de police en charge de leurs dossiers. Le groupe a éclaté aujourd’hui. Il s’est dispersé après le meurtre d’un Tunisien de 20 ans, Imad Bouhoud, noyé le 18 avril 1995 dans un bassin de la ville et l’incarcération de l’un des leurs, David Beaune, qui comparaît depuis mercredi devant la cour d’assises de Rouen, accusé du crime. Son complice présumé, un portugais, Mickaël Gonçalves, a été condamné dans son pays à 18 ans d’emprisonnement.

«Idéal commun». Vingt garçons. Des inséparables. Réunis par les bières, les fêtes dans les bunkers des dunes, à écouter les Garçons Bouchers, à défoncer des carcasses de voitures. Ils allaient au Bar des Témoins, parce que là, jure David Beaune, «je n’ai jamais vu un seul Noir ni un seul Arabe». Ils avaient un «idéal commun: la race blanche». Ces fêtes, et les bagarres de rues, les «bastons», c’était «une époque qu’il n’oubliera jamais». Il avait 22 ans. Il s’était inventé un surnom «Toten». Mickaël Gonçalves, c’était Mickey. Les autres, Précoce, Cafard, Bourdon.

Quand l’un faisait quelque chose, les autres suivaient. «Jeter un Maghrébin à l’eau, est-ce que c’était une idée que l’on pouvait émettre dans le groupe ?», demande l’avocat de la famille Bouhoud à l’un des garçons appelé à témoigner: «C’était une idée qui circulait, moi, je n’étais pas d’accord, mais dans le groupe, on ne pouvait pas donner son opinion.» Il fallait suivre le chef, Leroy. «C’est lui qui disait ce qu’il fallait faire», poursuit l’ex-skin. «Et qu’est-ce qu’il disait qu’il fallait faire?», insiste l’avocat. «Rien. La plupart du temps, il buvait, alors on ne faisait rien.» Un jour, pourtant, il a collé des affiches pour le Front national. Il hausse les épaules: «C’était avec Willie et Ludovic. Il y en a un qui le faisait, les autres suivaient.» Quand, deux mois avant la noyade d’Imad Bouhoud, Mickey est monté dans un bus de la ville, a sorti son pistolet et a menacé un groupe d’enfants arabes, David Beaune était avec lui.

Les filles avaient 14 ans, comme Stéphanie, une lourde blonde. Elle est au lycée aujourd’hui. A la barre des témoins, elle éclate en gros sanglots quand on l’interroge: «Qu’est-ce que c’est que cette race normande dont vous vous revendiquiez?» «Un petit peu comme si on était les descendants des Vikings, blonds, de type français». A 14 ans, elle pensait qu’il y avait «des races inférieures, toutes celles de couleurs et les juifs». Elle pensait qu’il fallait «les éliminer». Cendrine est l’ancienne amie de l’accusée. Raide, dure. Elle a 21 ans aujourd’hui. Fille de commerçants du Havre, elle a quitté Beaune quand il a été arrêté pour se marier avec un autre skin du groupe. Après la mort d’Imad Bouhoud, c’est elle qui a répété aux policiers ce que Mickey lui avait dit: «Tu vas trouver ça rigolo, j’ai poussé un mec à l’eau.» A 19 ans, elle voulait «monter une petite section des Jeunesses hitlériennes» et «éclater les crouilles».

Dans sa cellule, David Beaune écrit beaucoup. Des lettres qu’il avait fait passer en douce, qu’il signait A.H., Adolf Hitler, et que la police a retrouvées: «C’est la première fois qu’un skin tue un Sarrazin, il s’est débattu dans l’eau, quel spectacle de choix!», lit le président de la cour d’assises. Il écrit sur des cahiers, de la marque Guillaume le Conquérant, de longs chapitres où il raconte sa vie. Le chapitre III est intitulé «Béatrice et moi». Il avait 16 ans, il a eu un enfant avec «Béa», un fils. «Vous écrivez que, quand votre fils avait 7 ou 8 mois, vous lui avez appris à faire le salut la main levée comme le faisait Hitler. C’est vrai, ça?», lui demande le président de la cour d’assises. «Oui», dit simplement David Beaune.

«Ah! voilà Hitler!» Il a été élevé au Havre par la sœur de son père, «Tata». Tata a 65 ans aujourd’hui, elle a fait le déplacement jusqu’au palais de justice de Rouen pour prendre sa défense. Quand David venait chez elle avec Mickey, elle leur faisait enlever leurs insignes. Pour les bombers, les jeans, les rangers, les cheveux rasés, elle ne disait rien, «il y a beaucoup de jeunes comme ça». Ce qu’elle ne voulait pas à la maison, c’étaient les croix gammées. Elle avait connu la guerre. Son mari, un ouvrier, employé municipal du Havre, alors ville communiste, avait «sa carte CGT comme tout le monde». Quand David Beaune venait chez elle, elle disait: «Ah! voilà Adolf Hitler!» «Pourquoi l’avez vous surnommé “Dodolf?», lui demande l’avocat des parties civiles. «Moi? J’ai dit ça?», hésite-t-elle, «c’était en rigolant peut-être».

Elle aime David «comme ses propres enfants». Elle l’a adopté quand il avait 2 ans, sa mère venait de l’abandonner. Un an plus tard, son père a été condamné à dix ans de prison pour un incendie volontaire, il a récidivé, et ne s’est plus montré en famille. Disparu. Elle ne sait pas s’il est encore vivant. A la cour, la vieille dame a expliqué que David «n’a jamais été malpoli, il n’a jamais rien dit jusqu’à l’âge de 16 ans. C’est après, quand le juge des enfants l’a mis dehors, qu’il a été livré à lui-même». Au moment où il a été arrêté pour le meurtre d’Imad Bouhoud, il avait un éducateur, un homme qui entretenait des relations particulières avec lui : il avait pris l’habitude de se faire battre par le jeune skin, ou par Mickey.

«Moins un». David Beaune porte une large cicatrice. Il s’est brûlé avec une fourchette pour effacer le tatouage d’un juif en flamme. Il a gardé une croix gammée sur l’épaule, un pitt-bull, et des inscriptions «White power», «I fuck you» sur une cuisse. Avant de comparaître devant la cour de Rouen, il avait été condamné cinq fois, pour des vols, des incendies volontaires. Lorsque le jeune Tunisien a coulé, il s’est tourné vers Mickey. Il lui a dit: «Moins un». L’avocat général a requis 20 ans réclusion criminelle.

LETTRE D’UN SKINHEAD SUR LA NOYADE D’UN BEUR AU HAVRE “ON L’A FRITE ET BALANCE A LA FLOTTE”

https://www.lesoir.be/art/%252Flettre-d-un-skinhead-sur-la-noyade-d-un-beur-au-havre-o_t-19960418-Z0AZ9X.html

On l’a frité (cogné) et balancé à la flotte… : des lettres clandestines envoyées de prison par David Beaune, 23 ans, à sa petite amie et à un groupe skinhead relancent l’instruction d’un crime raciste, commis il y a un an, au Havre. Le jeune homme, soupçonné jusque-là de «non-assistance à personne en danger», est désormais inculpé d’homicide volontaire sur Imad Bouhoud, un beur de 19 ans, frappé et poussé dans le bassin du port, avec la complicité d’un autre skinhead arrêté, lui, au Portugal.

 

Les skinheads du Havre (1995) – Reportage Envoyé Spécial

Un reportage, tourné au havre, sur un groupe de jeunes skinhead que nous avons suivi pendant plusieurs semaines, pour mettre a jour leur univers, leurs motivations, leur quotidien.

Reportage “Envoyé Spécial” diffusé sur France 2 le 25 janvier 1996.

Commentaire: Marie Noëlle Himbert Images: Patrick Descheemaekere Son: Pascal Querou Montage: Martine Alison

«Moi, David Beaune, néonazi de France». Le skinhead, impliqué dans la mort d’un jeune beur, a écrit ses carnets en prison. Extraits.

par Patricia Tourancheau

publié le 21 octobre 1995 à 8h48

David Beaune, 23 ans, est incarcéré depuis le 15 mai pour  «non-assistance à personne en danger et non-dénonciation du crime» d’Imad Bouhoud, 19 ans, que son copain Michael Goncalves est accusé d’avoir précipité dans le port du Havre, le 18 avril. En perquisitionnant chez Beaune, la police a découvert un cahier, «L’aventure sans étoile», «dédié à mon fils Allan, petit être de 4 ans.» Il a été commencé le 30 juin 1994 à la maison d’arrêt de Rouen, où le jeune homme purge alors une peine pour «vol avec violence». Libération n’aura jamais de mots assez forts pour condamner l’idéologie néonazie. Si nous choisissons de donner à lire des passages du cahier de David Beaune, c’est pour tenter de comprendre comment, aujourd’hui en France, des skinheads peuvent devenir des criminels racistes. «Le destin est parfois cruel envers les hommes, tout être humain a une destinée différente, la mienne est stupéfiante, voire rejetable, mais il en est à vous et à vous seul d’en juger!»

Ma mère. «Vers six mois, mes parents se sont séparés et, ne voulant pas que je reste avec ma mère, mon père me confia à ma tante. Cette affaire alla tout droit devant les tribunaux de grande instance du Havre. J’ai bien commencé ma triste carrière. Ma tante eut droit à ma garde. Elle avait déjà deux filles, Marie-Hélène et Martine, plus deux garçons, Marcel et Laurent, donc j’étais le plus jeune de la famille. Nous habitions rue des Bleuets, ce n’était pas Beverly Hills ni Oxford City, mais plutôt le Bronx. A l’époque, tout le monde se tirait dessus pour rien. Nous avons déménagé rue des Saules, une autre partie d’Aplemont, beaucoup plus calme. Ne pouvant subvenir à nos besoins, ma tante se mit à travailler la nuit, elle faisait le ménage. Aujourd’hui, je sais très bien que c’est pour moi qu’elle avait repris le travail.»

Cafard. «Douze années que je connais Cafard, et je n’ai plus aucun respect ni le moindre signe de compassion envers lui depuis trois ans. Pourtant, nous avons vécu de merveilleuses années. Tout commença un après-midi où j’avais bastonné un mec de mon âge qui m’avait dit: Je vais le dire à mon cousin. Quelques minutes plus tard, je vis un type chaussé de rangers, un treillis de l’armée, un Bomber’s noir et une crête jaune. Nous parlâmes et nous avons lié des liens style musique, tenue vestimentaire, etc. Dès lors nous étions inséparables, toujours à s’épauler dans les coups durs. Nous nous sommes fait des meufs ensemble. Nous avons pris de la drogue ensemble, vers 15 ans. Nous avions un idéal commun: la race blanche.

«Je me souviens que nous passions tous nos après-midi à la forêt de Montgeon au lieu d’aller tout simplement à l’école, nous allions aux balançoires, et nous faisions les fous à nous balancer dans tous les sens. Cafard avait un gros poste et nous écoutions les Béruriers noirs, les Garçons bouchers, avec une grenade dans la poche, car nous faisions de la détection d’armes anciennes au bois de la Comtesse, à Caucriauville. Vint le temps des virées à Mammouth, le trafic des jeux électroniques, sniffer des produits nocifs tels que le dégoudronnant et le trichlo, derrière les chaînes de magasins (Décathlon, Monsieur Meuble, Cuir Center). Notre amitié commença à se dégrader lorsque j’ai connu Béatrice.»

L’hôpital psychiatrique. «A ma sortie de prison, le 18 septembre 1989, sans domicile où aller, puisque j’avais quitté le foyer de mes parents vers 14 ans, comme aucun foyer pour jeunes délinquants ne voulait de moi en raison de mon agressivité envers les éducateurs et les autres jeunes, je ne savais où aller. Le juge des enfants, encore responsable de moi jusqu’à 18 ans, décida de m’interner pendant sept mois en hôpital psychiatrique, dans un service pour les jeunes ayant des problèmes à dominer leurs nerfs. Je me doutais pourquoi j’allais là-bas. J’avais fait mes preuves en matière de violence: sauter une fois sur le thorax d’un gendarme et lui lancer une plaque d’égout dans le bassin, sans oublier les bagarres dans les bars en Bretagne, où j’avais mis deux coups de couteau dans le ventre d’un marin, j’étais pris au piège…

«A notre arrivée au centre Pierre-Janet, une ravissante jeune femme me montra ma chambre, j’étais seul, je pouvais avoir ma clé, et j’avais le droit de sortir jusqu’à 21 heures. Le soir, j’allais chez ma mère, et en rentrant, je flânais dans les rues. En rentrant, je prenais une douche et je m’installais devant la télé avec d’autres jeunes. Ce qu’on ne m’avait pas dit, c’est que je devais prendre des cachets et des gouttes. Je voyais bien où cela menait. Les autres internés des pavillons, sous étroite surveillance, se comportaient d’une façon euphémistique. Je me doutais que l’absorption des médicaments en était la cause. Donc, je donnais mes cachets à un type, mais ce petit jeu ne dura pas longtemps. Une infirmière découvrit ma tactique et en informa mon psy qui, mécontent, ordonna de me clouer au lit avec une piqûre. Un soir, je reçus un coup de téléphone de Béatrice, cette fille qui correspondait avec moi quand j’étais incarcéré à la maison d’arrêt de Rouen, où elle m’avait fait parvenir une photo.»

Béatrice et moi. «Nous sortions ensemble, tout était neuf, tout était beau, nous allions à la mer le soir (…).

«Nos rapports se dégradèrent lorsqu’un après-midi, nous avons rencontré Cafard et Gaëlle. Béatrice vit un skinhead et une «bird’s» (un fille avec une crête comme un oiseau, ndlr) tenir conversation avec moi. Elle ne savait pas que j’étais un skinhead qui avait coupé avec le mouvement, depuis ma libération. Elle fut un peu choquée et bien sûr insista pour que nous nous en allions, ce que je fis. Je voyais bien qu’elle n’était pas heureuse, son comportement avait changé à mon égard, juste l’idée que son mec parle avec des nazis la dérangeait. Pourquoi devais-je avoir honte de mon passé puisque, dès mon plus jeune âge, j’avais fait partie de ces fameux mouvements d’extrême droite? Je n’avais jamais eu l’occasion de défendre mon point de vue sur ces Arabes envahisseurs qui viennent jusque dans nos campagnes égorger nos fils et nos compagnes.

«Les parents de Béatrice étaient de fervents admirateurs de Staline et membres du Parti communiste, opposés avec acharnement aux racistes ainsi qu’aux défenseurs de la race blanche. A ce niveau, moi, néonazi de France, j’étais dans une position délicate, car Béatrice soutenait bien naturellement ces deux rouges en puissance, ces abcès où il faut porter le scalpel ! Bien qu’elle soit en faveur de ses parents, elle n’a jamais su ce qu’est le communisme, et encore moins définir le mot national-socialisme! Poussée par ses parents, qui voulaient la faire rompre, elle hésitait et je sus remettre les choses en ordre, jusqu’au jour où elle me proposa une place de peintre en bâtiment. Je n’ai jamais eu le sens du travail. J’étais à cette époque un original. Pas question de bosser et d’entrer à mon tour dans le système vicieux de la société. Je pris la décision de rompre.»

Au nom d’une idéologie. «Dans le livre Hitler in uns Selbst, notre guide Adolf Hitler, père spirituel de notre voie, cite ces phrases: Les juifs sont des ordures qui pullulent, Ils ne sont qu’une troupe de rats, Des enfants aux vieillards, ils ne sont que des parasites. Si tu n’as pas la pensée du sentiment, ni la tendre figure du frère, alors deviens un néonazi, tu n’as rien à gagner aux côtés de tous ces chiens qui sont bâtardés!

«Notre Fürher est mort pour renaître sous d’autres visages, et ces visages ce sont les nôtres. Que tu sois un grand leader qui enflamme les foules, ou bien que tu sois un simple militant de la cause, tu as une part de l’héritage d’Adolf Hitler à léguer aux peuples nordiques. Défendre sa race est l’acte le plus noble qui puisse être commis.»

Allan. «Le 12 octobre 1990 à 0h40, est né Allan-André-Daniel, mon fils. A la maternité, je le vis tout petit, pas un cheveu sur la tête, je le pris dans mes bras pour l’embrasser, le petit homme faisait des grimaces avec sa bouche, comme s’il se disait: Qui t’es toi? J’étais fier de lui, j’ai pleuré des larmes de joie, ce qui m’arrivait était superbe, malgré mes 18 ans, j’étais papa. Après une semaine, nous sommes retournés chez nous. Toutes les nuits, je me levais pour lui donner le biberon, changer ses couches. A 10 mois, il commençait à marcher, il fallait tout cacher. Un jour, il fit tomber une assiette et, d’un coup, plus personne sur les lieux du méfait, le criminel s’était réfugié dans la chambre. Nous avions un chaton. Un jour, Allan s’amusait avec, quand le chaton le griffa. Bien sûr, les pleurs et les baba (papa) retentissaient. Plus tard, j’entendis un miaulement, et puis plus rien. Allan était assis sur le chaton qui, ne pouvant supporter les vingt kilos du petit monstre, était mort. Allan avait fait justice lui-même. Je pris le chaton et le donnai à un berger allemand qui en fit son repas. (…) J’ai passé seize mois avec lui, seize mois de bonheur complet. Lorsque je me suis séparé d’avec Béatrice, je venais le voir dès que je pouvais, j’avais toujours quelque chose pour lui. La dernière fois que je l’ai vu, il était dans les bras du mec à Béatrice, il me vit et me tendit les bras, je le pris et pendant 30 mn, je ne l’ai pas lâché, il rigolait, il me faisait de gros sourires comme à ses premiers mois, puis Béatrice vint le prendre. Puis je me suis souvent posé la question suivante: est-ce que tu iras le voir un jour? Je ne pense pas que j’essaierai de le revoir car cela pourrait lui créer des troubles dans son équilibre familial. Béatrice s’est remariée, elle a un autre bébé, je pense qu’Allan s’est habitué à sa famille. Tout ce que j’espère pour lui, c’est d’être heureux et que la vie lui réserve plein de bonnes choses.»

Sanvic. «Ce quartier situé sur les hauteurs du Havre, je l’aime. Tout d’abord pour son ambiance. Personne ne regarde personne d’une façon bizarre. J’aime aussi le centre de Sanvic, où est Champion, un grand parking avec des petits magasins, et surtout la laverie automatique. C’est un endroit où nous allions souvent pour délirer. Les parents des copines et des copains y allaient pour leur linge, nous étions toujours assis sur les grosses machines à laver, avec une bouteille, on rigolait bien dans cette laverie. Grâce aux vitres transparentes, nous étions aux premières loges pour voir tout ce qui se passait sur le parking, à Carrefour et à Champion. J’aime aussi la mairie de Sanvic, avec, dans l’arrière-cour, un arbre. Dans cet arbre, il y avait une pie qui, quand nous venions boire, se posait sur le béton et volait les capsules de bière. Un jour, nous avions mis de la bière dans une capsule et elle avait bu les gouttes, nous étions trop morts de rire. Le bar Le Témoin était génial. Tous les skins se retrouvaient le soir dans l’arrière-salle, avec un jeu électronique et un billard. Les gérants nous connaissaient bien, je n’ai jamais vu un seul Noir ou un seul Arabe dans ce bar… Quand les skinheads des autres villes venaient, c’est toujours au Témoin qu’ils allaient, mais ce bar n’a plus la même ambiance depuis 1991.

«Enfin, il y a le fort de Sanvic, c’est l’endroit que j’aime le plus. Devant l’entrée, il y a un bunker, incrusté dans la terre, recouvert d’herbe. De la dalle de béton, juste devant, on voit la plage du Havre, le port où s’enfoncent les car-ferries venus d’Angleterre, on voit aussi les toits des maisons havraises. A l’intérieur du fort, il y a deux bâtiments où se trouvaient les dortoirs des militaires, tout est délabré, les murs sont troués, détruits. Nous montions sur les toits en ruine, cela nous amusait de prendre des risques. Ensuite, il y a la chapelle. Dieu a déserté depuis longtemps cet endroit. Plus loin, dans les hangars à camions, on peut voir des petits tas de pierres en forme de cercle. C’est ici que nous nous réunissions pour faire la fête, l’été. Nous restions là toute la nuit, à boire, discuter, écouter de la musique, à faire des parties de chasse à l’homme. Dans le fort, la nuit, c’est lugubre. Dans les remparts, il y avait des galeries, nous avions mis des cordes pour que, si la police ou des bandes adverses, notamment zouloues, arrivaient, nous puissions nous cacher et sortir du fort par un cimetière situé derrière. Mais mon endroit favori se trouve sur les plaines, il y a des étendues d’herbes hautes à perte de vue, des blockhaus un peu partout, et au bout se trouve le câble d’acier. En dessous, c’est quarante mètres de vide avec des arbres, des carcasses de voitures et des ordures. Notre jeu préféré était de se laisser glisser le long de ce câble et d’arriver en un seul morceau. En dehors de ces endroits, je trouve Sanvic calme. Pas de cités avec d’énormes tours de béton. Les rues sont tranquilles. J’espère y habiter un jour car j’aime vraiment ce coin.».

Document retranscrit par PATRICIA TOURANCHEAU
Actuellement à l’isolement, David Beaune a repris l’écriture de son manuscrit inachevé.

Le Havre: la dérive skin de Michaël. Meurtrier présumé d’Imad, il avait songé à s’engager dans la Légion.

https://www.liberation.fr/france-archive/1995/06/07/le-havre-la-derive-skin-de-michael-meurtrier-presume-d-imad-il-avait-songe-a-s-engager-dans-la-legio_135372/
Michaël Gonçalves, 21 ans, ouvrier surnommé «Baby Boot» par les skinheads, soupçonné d’avoir jeté à l’eau un jeune beur au Havre voilà sept semaines, a été arrêté jeudi au Portugal, dans le village de ses grands-parents. Il y a passé quinze jours à «casser des cailloux» dans une carrière. Aux yeux de «ce gosse turbulent» mais «rude à la tâche» ­ selon ses proches ­, taper sur des pierres n’a rien de travaux forcés. C’est juste un moyen de gagner de la thune au jour le jour.

Les parents divorcés, Maryse, agent hospitalier en région parisienne à «vider les bocaux de sang dans un bloc opératoire» pour 4.500 F par mois, et Manuel, contremaître dans une entreprise de construction navale au Havre, sont en colère d’avoir été devancés par les policiers dans leur quête de Michaël. «On devait aller chercher notre fils samedi au Portugal, avec un laissez-passer pour la frontière, pour qu’il se rende et réponde à la justice. On avait réussi à le convaincre par téléphone», explique la mère, persuadée que, baigné dans une «famille cosmopolite, un père portugais, des Algériens, des Israéliens et Anglais, Michaël ne peut pas avoir commis un crime raciste, tout au plus une bagarre malheureuse entre trois jeunes dans le même état d’ébriété.»

Dans son HLM de Seine-et-Marne, en face d’une mosquée, Maryse avait entassé les habits neufs pour Michaël afin d’en finir avec «son déguisement de skinhead», et quatre tomes de la Bicyclette bleue, le best-seller de Régine Desforges, «réclamés par mon fils».

Une peine de prison attend en France Michaël Gonçalves, qui a la double nationalité, si le Portugal l’extrade. Il est en effet recherché depuis le 29 mai pour le «meurtre» de Imad Bouhoud, 19 ans, français d’origine tunisienne, noyé dans le port du Havre.

C’est son «grand frère» skin, David Beaune, 23 ans, mis en examen le 15 mai par le juge Christian Balayn pour «non-assistance à personne en danger, et non-dénonciation de crime» qui l’a balancé. Un corps anonyme repêché le 7 mai dans le bassin Vauban a été identifié cinq jours plus tard. David Beaune, nom de guerre Étoile de David, a été attrapé le lendemain pour avoir «dépouillé» et déshabillé un couple. Aiguillé sur le «noyé», David Beaune est passé aux aveux sur la virée du 18 avril avec Michaël, dit «Mickey»: «On est sorti à 23h30 de chez mon éducateur, on est descendu à la gare, on a vu deux maghrébins qui se disputaient, l’un est parti dans une voiture, on est allé voir l’autre qui était saoul.» David Beaune prétend qu’Imad Bouhoud a lancé: «Je suis skin moi aussi et j’aime pas les arabes, alors on va les attaquer.» David Beaune a poursuivi: «À 500 mètres au bord du bassin Vauban, ce type a essayé de piquer mon pistolet à grenailles. Alors, Michaël lui a mis une frite au-dessus du nez. L’arabe s’est effondré par terre, à moitié assommé, sonné. Je me suis baissé pour le secouer en disant Mickey, t’es dingue, qu’est-ce que t’as fait? Et Mickey m’a lancé: t’es complètement fou d’avoir dit mon nom. Alors, il a pris le corps et l’a jeté à l’eau.» L’autopsie d’Imad Bouhoud, réputé bon nageur a déterminé une mort par noyade ­ et non par des coups ­, avec de l’alcool dans le sang.

Interrogé par les policiers portugais, Michaël Gonçalves nie tout, jusqu’à sa présence au Havre au moment des faits. Le 18 avril, dit-il, il se trouvait «gare d’Austerlitz à Paris, en route pour Lourdes», «pour rencontrer un ermite au sujet d’un boulot», et donne les noms de «deux gars, dont un à l’armée» qui ont voyagé avec lui. Pourtant, des témoins ont parlé à la police judiciaire (PJ) de Rouen des allées et venues de Michaël Gonçalves au Havre le jour de la mort d’Imad Bouhoud.

Le juge a dû mal à comprendre, dans ce cas, «son départ précipité à l’étranger». Les parents contestent: «Michaël n’est pas un fugitif.» Il quitte la France deux semaines avant d’être l’objet d’un mandat d’arrêt, le 15 mai, un voyage imaginé dès le 30 avril si l’on en croit une lettre glissée sous la porte de son père: «Salut papa, je décide enfin à te donner de mes nouvelles, écrit Michaël Gonçalves, je me doute que tu dois être très fâché contre moi. Quand on se verra, si tu acceptes, donne-moi un coup de poing sur ma gueule car je le mérite. (…). Papa, je suis obligé de quitter la France car j’en ai marre de cette société merdique qui fait rien pour les jeunes. (…) Je ne sais pas comment t’expliquer ce qui se passe dans mon crâne mais j’en ai marre de toutes ces conneries, je veux grandir psychologiquement.»

Manuel Gonçalves est «père et chef en même temps». En 1990, Michaël a 16 ans et entre comme ouvrier sous les ordres de son père, dans l’entreprise de peinture industrielle pour la construction navale, où il travaille. Le garçon y est embauché au bout d’un an: «Il y avait 90% de Maghrébins, Tunisiens, Marocains, et de Noirs sur les chantiers, et jamais mon fils n’a été intolérant ou raciste envers eux.» Sa soeur Angélique, 16 ans, se souvient de cette «époque en hardos, cheveux à la punk, cuir perfecto, Doc Martens aux pieds, jean déchiré, tee-shirt du groupe de hard-rock Metallica, fan d’ACDC, buveur de bière et fumeur de shit.» La petite amie de ses 18-19 ans, paumée, fricote de son côté avec les skinheads et l’héroïne.

A la fin de l’année 92, Michaël Gonçalves part au service militaire, au 35e régiment d’artillerie parachutiste de Tarbes, et «heureux d’être béret rouge» rempile pour six mois. A son retour, en mai 1994, il endosse le look crâne rasé, a envie d’aller se battre dans l’ex-Yougoslavie, trouve un boulot ­ par son père ­ à Mantes-la-Jolie (Yvelines).

La mère qui sent la «dérive de Michaël» l’encourage à aller à Sarajevo ou à s’engager dans la Légion selon ses vœux, recueille ses confidences et ses copines ­ «c’est un cœur d’artichaut» ­, le confronte avec les copains «asiatiques, arabes ou noirs» de sa sœur Angélique, lui prête ses livres «sur les juifs dans les camps de concentration», le rembarre: «Même si Le Pen dit le contraire, tu sais bien que ça a existé.»

La femme fluette et brune, née à Chelles, de parents «parigots» rétorque à une question de Michaël sur ses origines: «Je suis une gitane avec une étoile rouge», et reçoit après ses «disputes» des «bisous» de son fils: «C’est encore un enfant turbulent, pas méchant, qui se donne des apparences, s’affirme dans une étiquette, juste pour se sentir fort.»

En janvier 1995, Michaël Gonçalves rencontre au Havre un «skin pur et dur», David Beaune, de deux ans son aîné, qui sort de trois ans de prison pour «vols et explosion par substances incendiaire». L’ex-para aux cheveux encore ras devient Mickey, plaque son travail, s’installe chez David Beaune, sa copine Céline et son rat Hubert. Ensemble, ils se «tapent des délires», des casses de vitrine par exemple, dopés aux idées d’extrême droite, au whisky, à la bière, au haschich. En mars ou avril, les deux potes font un voyage initiatique chez les skins du Luxembourg, de Suisse, et d’Allemagne, où on le surnomme «Baby Boot». Il se fait tatouer une croix-gammée sur la main.

Michaël Gonçalves en a-t-il rajouté le 18 avril pour décrocher son brevet skin? En tout cas, dix jours plus tard, Michaël envoye à un copain détenu à cause d’un accident de voiture contre un maghrébin, cette lettre versée au dossier d’instruction: «C’est cool ce que tu as fait au bougnoule. Moi, j’aurais fait une marche arrière pour l’achever, un coup en plus et il tombait raide. Comme ça, il n’aurait pas porté plainte. C’est pas cool le travail inachevé».

PNFE, le retour

https://reflexes.samizdat.net/pnfe-le-retour-2/

Article publié en octobre 1993 dans le n° 40 de la revue REFLEXes)

PNFE-le-retour1

Depuis l’attentat du foyer Sonacotra de Cagnes-sur-Mer, dans lequel étaient impliqués certains de ses membres, et les arrestations et la détention de ses principaux dirigeants fin 1989 (voir Réflexes n° 23-24 et n° 25-26), le PNFE n’avait plus beaucoup fait parler de lui, entamant une traversée du désert ponctuée par les départs de cadres et de militants, par l’interdiction de ses manifestations publiques et de son journal Tribune nationaliste. Il semble aujourd’hui que cette période soit terminée, le parti de Cornilleau ayant été réorganisé au niveau interne et connaissant une nouvelle vague d’adhésions dont notamment celle d’une vieille figure de la scène néo-nazie française, Michel Faci (voir portrait). Un renouveau confirmé par le développement de liens privilégiés avec plusieurs groupes néo-nazis internationaux et la tenue de son 5ème congrès le 3 avril 1993 où a été annoncée la fusion des FNE (Faisceaux nationalistes européens) de Mark Frederiksen avec le parti de Cornilleau. Un congrès significatif à plus d’un titre puisque y a été exposée la future stratégie du PNFE.

Résumé des chapitres précédents : créé en 1987 par Claude Cornilleau (un ex-membre du FN), le PNFE PNF (bis) —ne pas confondre avec PNF (marque déposée antérieurement chez Militant and Co)— se fait très vite remarquer par son discours violemment raciste et antisémite, l’intérêt qu’il porte au mouvement skinhead et le port d’un uniforme (chemise brune de préférence). Très vite, il attire les déçus du FN, les rasés, et les nazis pur sucre. Mais son ascension est brutalement stoppée au milieu de l’année 1989, quand des militants niçois de son organisation, Michel Gouge et Gilbert Hervochon, sont arrêtés à la suite de plusieurs attentats sur la Côte d’Azur, attentats qui feront un mort. À cette occasion, on a découvert que le PNFE avait créé un réseau néo-nazi dans la police par l’intermédiaire de policiers membres de la FPIP, syndicat d’extrême droite.
Du coup, les principaux dirigeants du PNFE, son président Cornilleau, son secrétaire général Allouchery et l’inspecteur Lecanu sont interpellés et incarcérés ainsi que plusieurs militants.
Après 5 mois d’incarcération, c’est d’un PNFE moribond que Cornilleau reprend la direction. Une situation aggravée par la démission fin mai 1989 de Allouchery (sorti de prison avant son chef). Il explique son départ par un changement radical de ses conceptions politiques puisqu’il proclame être devenu, au contact de la prison, «un militant révolutionnaire anti-impérialiste, anti-capitaliste» bien évidemment opposé au néo-nazisme de son ancienne organisation.
En fait, plus prosaïquement, il semble que, profitant de l’incarcération de son chef, il a tout simplement, avec la complicité de sa petite amie Christelle Duguet, la responsable du cercle féminin du PNFE, empoché le fric des cotisations et du soutien financier des militants et sympathisants. Fric dont il se serait servi pour s’acheter une voiture et partir en vacances. Il faut ajouter des soupçons portant sur les relations d’Allouchery avec la police. En clair, il aurait balancé. Depuis, il serait parti outre-mer.
Autre départ forcé, celui de l’inspecteur Lecanu, viré de la police, reconverti depuis dans le gardiennage pour une société privée de sécurité dirigée par d’anciens militants d’extrême droite (on ne se refait pas).
Au niveau des militants, c’est la fuite de ceux qui s’auto-proclamaient les plus durs et les plus purs, à force de croix gammées dans leurs zines, et de la tendance skin «mytho-bière».

Réorganisation du mouvement

Dans un premier temps, Cornilleau réorganise la direction en nommant Michelle Dall’ara secrétaire nationale et son mari Alain trésorier (deux transfuges du RPR), et en s’entourant d’une équipe de jeunes comme Olivier Revet, Marc Nicoud de Lyon, Philippe Debonnet de Metz et Erik Sausset de Caen.

Michel Faci, Claude Cornilleau et Eric Sausset

Michel Faci, Claude Cornilleau et Eric Sausset

Pour pallier à l’interruption du journal, Ultime Ralliement, la revue du groupe Horst Wessel devient la « lettre de combat » du parti. Au niveau des activités, le PNFE s’investit dans le soutien aux prisonniers nationalistes en réactivant le COBRA (Comité Objectif Boycott de la Répression antinationaliste) créé par Olivier Devalez dans les années 1980 et dont le nouveau responsable est Rolf Guillou, un skin du Havre et ancien responsable du service d’ordre des FNE, et en créant un comité de soutien à Aruni et Lajoye, deux activistes d’extrême droite responsables de plusieurs attentats dans la région de Caen, dont l’assassinat d’un épicier maghrébin. Lajoye, ayant adhéré depuis au PNFE en prison, est devenu le « héros » de toute une partie de l’extrême droite néo-nazie pour ses actions et ses écrits abondamment publiés, notamment dans l’Empire invisible, le bulletin de la branche française du KKK.

Autre activité du PNFE, le soutien au courant révisionniste par l’intermédiaire de l’ANEC (Association normande pour l’Éveil du Citoyen) basée à Caen et dirigée par un élève-ingénieur, Vincent Reynouard, qui se fait très vite remarquer en diffusant des tracts révisionnistes sur le campus de la fac. Dès lors, il grimpe dans la hiérarchie du parti jusqu’à en devenir le secrétaire général à la place de Michelle Dall’ara (qui a quitté le Parti avec son mari, là encore pour «divergences politiques»), lors du 4ème congrès du PNFE en mars 1991. Cette nouvelle année commence par ressembler aux précédentes. Interdit de défilé Jeanne d’Arc en 1990 par le préfet de police, le PNFE a beaucoup de mal à organiser des réunions publiques. La création d’une association des Amis de Tribune Nationaliste vise alors à contourner ces interdictions. La seule réunion qui est organisée le 21 avril dans un restaurant de l’Aisne et qui réunit une cinquantaine de militants, est troublée par la gendarmerie. Les mauvaises nouvelles s’accumulent, c’est l’interdiction de publicité et de vente aux mineurs de TN, puis la suppression de sa commission paritaire, ce qui signifie l’interdiction de fait de la parution du journal ; enfin, en septembre, le procès intenté contre son tout nouveau secrétaire Vincent Reynouard (qui quitte le PNFE mais continue ses activités révisionnistes). Ces nouveaux ennuis entraînent une nouvelle réorganisation du parti. Erik Sausset remplace Reynouard, tandis que Yannick Jordan est nommé responsable pour l’Ile-de-France. Mais une fois de plus, ce sont les médias qui provoquent le retour du PNFE au premier plan, en décembre 1991, grâce à une émission de télé consacrée à l’extrême droite en France, animée par Daniel Bilalian. Plusieurs groupes peuvent s’y exprimer sans retenue et notamment le PNFE, par l’intermédiaire de Cornilleau, Sausset et Jordan. Résultat, les adhésions ne tardent pas à suivre, tandis que le journal du parti reparaît avec le début du récit des « exploits » de Michel Faci en Croatie, déjà auteur dans le n°49 de TN de l’histoire des volontaires français en Irak lors de la guerre du Golfe. Un Faci que l’on retrouvera le 11 janvier 1992, présent aux côtés de Cornilleau lors d’une réunion du PNFE dans la région de Caen : cela augure déjà de son adhésion au parti.

Après un attentat contre un foyer de la Sonacotra

Après un attentat contre un foyer de la Sonacotra

Entre temps, fin 1991 naît le parti «frère» de celui de Cornilleau, le PNSE (Parti nationaliste suisse européen), créé à la Chaud-de-fond à l’initiative de Pierre Barbezat, qui en laisse vite la direction à un skin, Cedrik Pythoud. Regonflé par toutes ces arrivées, le PNFE envisage même de présenter des candidats aux cantonales de 1992 : Jacky Charpentier et Claude Cornilleau en Seine-et-Marne et Xavier Bourdin en Seine-Saint-Denis, mais le projet n’aboutit pas. Le parti en profite pour développer ses relations avec d’autres mouvement néo-nazis en Europe ; une politique engagée dès 1987 avec sa participation à l’Euro Ring, une initiative créé à l’initiative du VMO belge qui a cessé toute apparition publique depuis 1989. C’est lors de ces congrès que sont noués des liens avec pour l’Allemagne, le FAP de Michael Kühnen (aujourd’hui décédé). En juin 1989, une délégation du Cercle nationaliste féminin du PNFE est invitée à Hambourg pour rencontrer ses consorts du FAP qui lui rendra la politesse en venant les voir en France. De plus, des liens très étroits sont noués entre la section du PNFE de l’Est de la France (Strasbourg, Metz) et ses voisins allemands. Durant 1992, le PNFE est invité par la Nationaliste List et l’AVÖ à participer au défilé commémoratif de la mort de Rudolf Hess. Une délégation composée d’une vingtaine de militants fait le déplacement.
En Angleterre, c’est avec le BNP (British National Party) que le mouvement de Cornilleau entretient les meilleures relations, comme le prouve la présence du PNFE aux trois derniers congrès du BNP en 1990, 1991 et septembre 1992.
Aux États-Unis, il faut noter des contacts avec l’Église du Créateur, une secte catholique national-socialiste dont le leader le révérend Ben Klaessen a été interviewé dans le n°50 de TN (il s’est suicidé au mois d’août).

Au niveau national, c’est le rapprochement de plus en plus prononcé avec les FNE de Fredericksen, entamé dès 1989 lorsque les FNE mirent la boîte postale de leur journal Notre Europe combattante au service du Comité de soutien du PNFE. Rapprochement confirmé par un meeting en avril dans une brasserie de la Place de la République bien connue des vitriers. Il est vrai que les FNE, descendants directs de la FANE (Faisceaux Actions Nationales Européens) n’ont jamais réussi à redevenir ce qu’ils ont été ; leur activité principale se bornant à la diffusion de leur journal et aux divers dîners-anniversaires en l’honneur d’Adolf Hitler. Le dernier en date, prévu en 1991 dans un restaurant de Bagnolet a été annulé, le nombre de participants se montant à une trentaine.

C’est ce renouveau qu’est venu confirmer le 5ème congrès du PNFE le 3 avril 1993. De nombreuses délégations étrangères étaient présentes. Les Anglais du BNP avec à leur tête leur président John Tyndall, une délégation allemande, l’AVÖ et son leader Ewald Althans, les Suisses du PNSE venus avec Cedryk Pythoud ainsi qu’une importante délégation belge.
Hervé Van Laethem, du groupe belge l’Assaut, et l’Américain Gerhard Lauck du NSDAP-AO n’ayant pu être présents avaient envoyé un message de soutien.
Ce sont environ 200 personnes qui ont tour à tour écouté Erik Sausset, le vice-président du PNFE, Michel Faci, membre du Bureau politique, John Tyndall, le président du BNP, Mark Fredricksen des FNE et enfin Claude Cornilleau qui a fait un récapitulatif de toutes les difficultés auxquelles s’est heurté le parti avant de faire un point sur la situation sociale et les dernières élections.
Le «Flan national», dixit Cornilleau, ne trouve pas même grâce à ses yeux, car il est lui aussi «démocrate» et se compose de juifs (référence au Cercle d’amitié française juive et chrétienne créé par Bernard Anthony). Au niveau stratégique, le PNFE va chercher à « adopter une voie étroite consistant à développer une opposition extra-parlementaire totalement en dehors du système » et se fixe comme but de « le renverser pour instaurer un ordre nouveau sans pour cela s’interdire de descendre dans l’arène électorale ». Bien que, pour Cornilleau, les élections ne changent rien : « Toutes les élections [de mai 1992] sont symbolisées à mes yeux par celles de Sarcelles où un Juif de gauche, Strauss-Kahn, a été battu par un Juif de droite, un certain Lellouche : nous n’avons fait que changer de Juif, un point c’est tout. »
L’action du PNFE se centre donc sur la propagande ; ainsi Cornilleau a-t-il annoncé la reparution de son journal en dépit de l’interdiction qui l’a frappé, mais à partir de l’étranger.
La police n’étant plus capable d’assurer la sécurité des biens et des personnes, le PNFE assurera lui-même sa propre sécurité, et Cornilleau d’ajouter : « Je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer toutes les armes que vous pouvez encore acquérir légalement, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit » (Ah, les dits et les non-dits !) et enfin « Dans le régime actuel, nous sommes tous en état de légitime défense et il n’est pas impossible que l’avenir voit la création de communautés nationalistes dans la France profonde, qui serviraient de base à la reconquête de notre pays envahi et avachi aux mains d’une équipe mafieuse vendue à la juiverie internationale. »
On peut voir dans cette dernière proposition l’influence de groupes américains tels que The Order ou Aryan Nation. Alors, à quand des communautés de skins agricoles ?

Enfin, le PNFE prône le resserrement des liens entre tous les nationalistes européens car « nous tous, nationalistes européens, nationalistes blancs de tous les continents, nous n’avons qu’un seul et même ennemi c’est la juiverie internationale. »
En conclusion, suite à ce congrès, on peut penser que le PNFE est amené à jouer dans les mois qui viennent un rôle important au sein de l’Internationale néo-nazie. Le message envoyé par Gerhard Lauck du NSDAP-AO (qui devait participer à ce congrès) est significatif à cet égard.
Le PNFE va-t-il être amené à jouer le même rôle que l’ANS ou le FAP en Allemagne, celui de la branche politique du NSDAP-AO ? L’arrivée de Faci, très proche de cette organisation, au sein du bureau politique et la fusion avec les FNE prononcée après le congrès sont déjà des éléments de réponse (Fredricksen est devenu vice-président suite à la fusion).
La présence au congrès de Ewald Althans, considéré comme un des successeurs de Michael Kühnen, la participation pour la deuxième année consécutive d’une délégation d’une quarantaine de militants du PNFE et la prise de parole de Cornilleau au cours de la manifestation en sont comme une confirmation.
La suite au prochain numéro…

Publié en novembre 1993

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