REVUE DE PRESSE : 666≠88 Rassemblements Rac'NSbm clandestins. Figures NSBM völkisch. Stratégie métapolitique fasciste à posture apolitique de façade. Musée des horreurs White Power
Un collectif s’est rassemblé samedi 29 avril 2023 en mémoire d’Imad Bouhoud et James Dindoyal, tués par des néonazis dans les années 1990. Une sœur du premier était présente.
À l’appel, national, de la Marche des solidarités et d’Uni.e.s contre l’immigration jetable, quelque soixante-dix personnes sont rassemblées sur le parvis de la chambre de commerce et d’industrie du Havre, samedi 29 avril 2023, à 15 h. La manifestation « contre les lois et les crimes fascistes et racistes » a dans le viseur le projet de loi sur l’immigration du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Mais aussi l’opération de lutte contre l’immigration clandestine menée par l’État à Mayotte.
C’est surtout un vibrant hommage à deux personnes victimes de crimes racistes qui marque ce rendez-vous au bord du bassin Vauban.
À l’appel, national, de la Marche des solidarités et d’Uni.e.s contre l’immigration jetable, quelque soixante-dix personnes sont rassemblées sur le parvis de la chambre de commerce et d’industrie du Havre, samedi 29 avril 2023, à 15 h. La manifestation « contre les lois et les crimes fascistes et racistes » a dans le viseur le projet de loi sur l’immigration du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Mais aussi l’opération de lutte contre l’immigration clandestine menée par l’État à Mayotte.
C’est surtout un vibrant hommage à deux personnes victimes de crimes racistes qui marque ce rendez-vous au bord du bassin Vauban.
« Cet assassinat a marqué Le Havre »
C’est dans ces eaux que le corps du Havrais Imad Bouhoud, Français d’origine tunisienne âgé de 19 ans, avait été découvert, le 7 mai 1995. Deux hommes appartenant à la mouvance skinhead avaient été condamnés pour y avoir jeté le jeune habitant du quartier du Bois-de-Bléville, après l’avoir frappé. « Cet assassinat a marqué Le Havre. Je n’ai jamais oublié », explique Roselyne Mabille, militante de l’union syndicale Solidaires et de l’Ahseti (Association havraise de solidarité et d’échanges avec tous les immigrés).
Les couleurs du NPA, de la CGT, de LH Antifa sont aussi arborées. Le collectif représenté ici est le même que celui qui animera sur l’esplanade Nelson-Mandela une contre-manifestation en opposition à la Fête de la Nation du Rassemblement national, au Havre, lundi 1er mai 2023. « Cet hommage a été décidé lors de nos discussions autour du 1er mai et de la venue du RN », raconte Roselyne Mabille.
La sœur d’Imad Bouhoud : « Ils ont tué toute une famille »
Le collectif a pu retrouver des membres de la famille d’Imad Bouhoud. Dont sa sœur Sarah, présente sur le parvis avec son mari Lounes et d’autres proches. « Je n’avais que 6 ans. Aujourd’hui la douleur est encore plus forte. Ils ont tué toute une famille. Mais je tenais à venir », dit la jeune femme. « Tout son entourage a été traumatisé par cette affaire », ajoute son époux.
Tout près d’eux, en bordure du quai, vient d’être posée une plaque en la mémoire de son frère, mais aussi de celle de James Dindoyal, dont l’entourage n’a pu être invité. Ce Mauricien était mort le 3 juillet 1990 à l’âge de 24 ans suite à un empoisonnement à la soude caustique. Là encore, deux membres de la sphère néonazie avaient été condamnés.
« D’autres plaques avaient été placées par le passé autour du bassin pour Imad. Puis cassées. Celle-ci n’est pas sur le lieu exact du drame. Mais il y a ici beaucoup de passage. Jamais nous ne devrons oublier », souligne Roselyne Mabille. « James, Imad, on n’oublie pas ! On pardonne pas ! » entonne le groupe.
Bientôt, une partie des militants s’en va pour improviser un regroupement devant le Carré des Docks. Où la salle de meeting du RN est en préparation. « Le Pen, casse-toi ! Bardella, casse-toi ! » crient-ils.
Le 7 mai 1995, au Havre, un plaisancier met son voilier à l’eau. Il aperçoit un corps flotter. Police, sapeurs-pompiers : personne ne s’étonne dans cette ville où le suicide est plus commun qu’ailleurs. Pourtant, ce cadavre, encore anonyme, est le point de départ d’une extraordinaire affaire de violence raciste commise par des skinheads.
Par la rédaction / Publié: 3 Janvier 2021 à 13h09Temps de lecture: 8 min
Mai 1995 en France. Jacques Chirac vient d’être élu président de la République. Le pays est suspendu au résultat des prochaines municipales. L’ambiance est au tout politique et le maire PCF du Havre, Daniel Colliard, sait bien que le RPR Antoine Rufenacht risque de lui ravir la plus grande ville communiste de France. Le 1er mai, Jean-Marie Le Pen a fait défiler ses troupes à Paris devant la statue de Jeanne-d’Arc. Quatre skinheads venus dans les cars du parti frontiste passent en trombe devant le pont du Carrousel, voient deux Maghrébins se tenir par la main, estiment qu’il est temps de « taquiner du pédé, craquer du crouille » et poussent Brahim Bouraam dans la Seine. Il se noie. Indignation nationale, Mitterrand jette une brassée de fleurs dans le fleuve.
Le 7 mai, quand la police repêche un corps dans le bassin Vauban du Havre, personne ne songe à la violence raciste. C’est encore un suicidé, un accidenté, pense-t-on. La section opérationnelle spécialisée de l’inspecteur Daniel Blondel lance un appel à témoins pour identifier le mort. Le 11 mai, dans le quartier du Bois-de-Bléville, fait de chômage et de béton, Zouina Bouhoud s’alarme. Elle a vu l’appel à témoins, craint qu’il ne s’agisse de son fils adoptif Imad, âgé de 19 ans, diabétique et disparu depuis le 14 avril. Avec son mari, elle se rend au funérarium et identifie le corps.
La devise des SS gravée dans la peau
Au même moment, dans la ville basse, un skinhead âgé de 22 ans, tout juste sorti de prison, est interpellé dans un commerce de vêtements pour avoir tenté de passer un chèque volé. C’est David Beaune. Il entre et sort de prison depuis qu’il a 16 ans. Il a la croix gammée tatouée sur le corps, la devise des SS gravée dans la peau. Il sait que son arrestation peut lui coûter cher. Il est en récidive. La police perquisitionne son minable meublé du quartier de l’Eure et le skin s’aperçoit que l’ami qu’il héberge a tout saccagé chez lui. Il s’agit d’un autre crâne rasé âgé de 19 ans, Mickaël Goncalvès, tout juste sorti de chez les parachutistes de Tarbes. Goncalvès lui a même piqué ses disques de la Waffen SS. C’en est trop.
« J’ai peut-être quelque chose à te dire », murmure en garde à vue le skin à l’inspecteur Olivier Boulard, qui connaît la mouvance sur le bout des doigts pour avoir élucidé une sombre affaire de violences un peu avant. « Mais est-ce que ça peut me rapporter quelque chose ? ». « Je l’ai laissé venir », raconte le policier. Après trois auditions, en toute fin de garde à vue, Beaune avoue qu’avec Goncalvès, il a rencontré Imad Bouhoud le 18 avril, aux abords de la gare SNCF. Sous le prétexte bizarre d’essayer une arme qui ne fonctionne pas, le groupe va vers le bassin Vauban. Beaune attrape le jeune par le col, Goncalvès le pousse à l’eau. Imad, complètement ivre, se débat un peu et sombre. « Un de moins », exulte Beaune. Meurtre raciste précédé d’un guet-apens ou violences mortelles ?
Vu le tapage lié au meurtre de Brahim Bouraam, vu le contexte électoral, vu les violences racistes et les assassinats qui ont accompagné ce début d’année politique, la police craint le pire tandis qu’un juge met en examen Beaune pour non-assistance à personne en danger et délivre un mandat d’arrêt contre Goncalvès.
La police tape partout où les skins ont été vus : dans le bunker et le fort de Sainte-Adresse, près de la plage, dans le quartier de l’Eure. Sans succès. Elle garde surtout le couvercle sur l’information, car elle sait bien qu’elle est explosive. Mais, le 20 mai, Le Havre-Libre révèle l’affaire, raconte que Goncalvès est en fuite et détaille que la victime « savait nager » selon sa famille.
Le 22 mai, après un week-end où la tension est montée dans le quartier, les jeunes explosent. Ils se regroupent dans le quartier du Bois-de-Bléville vers 20 h, veulent manifester, se dirigent dans le quartier de pavillons de Sanvic avant de s’arrêter devant le Bar des Témoins. Un estaminet connu pour accueillir depuis des années les skins et leurs amis parisiens. C’est l’émeute. Les jeunes massacrent la façade à coups de pierres, s’en prennent aux consommateurs et la police fait refluer la révolte jusqu’au funérarium. Les émeutiers grillent des voitures et des poubelles. Les sapeurs-pompiers, mal avisés, débarquent en plein champ de bataille. Un cocktail Molotov s’écrase sur leur camion. « Ils ont voulu nous tuer. »
« J’ai bien rigolé quand il est mort le bicot »
Une marche blanche est organisée le 24 mai, elle tourne à l’insurrection en plein centre-ville. Tant que Goncalvès n’est pas « serré », les commerçants craignent le pire et la ville succombe au jeu des rumeurs. Le corps d’Imad était incomplet : est-ce le résultat de trois semaines dans l’eau et des crabes ou l’effet de la cruauté des skins avant qu’ils n’abattent leur victime ? Des cadavres d’arabes ? Il y en aurait des dizaines dans les bassins. Le skin n’est pas arrêté ? La justice et la police sont partiales. Des spécialistes de la guérilla urbaine vont arriver du « 93 », des skins d’Angleterre et l’affrontement sera terrible. La presse révèle que Beaune, la veille du meurtre, est passé à un meeting de Bruno Mégret au Havre, alors n° 2 du Front National. Collusion ? Incitation à la haine ? L’ambiance est plus que jamais explosive.
Le 1er juin, parce que le juge Christian Balayn a placé les parents de Goncalvès sur écoute et qu’ils se sont montrés bavards, la police débarque au domicile portugais d’un grand-parent du fugitif et l’arrête. Il reconnaît globalement les faits, mais accuse Beaune d’être le principal responsable du drame. Les rumeurs cessent. Comme Goncalvès a la double nationalité, il est jugé au Portugal après bien des péripéties. Il fait le salut nazi en début d’audience et se voit condamné à dix-huit ans de réclusion.
Ce n’est que le 10 décembre 1997 que s’ouvre le procès de Beaune devant la cour d’assises de la Seine-Maritime. Il se dit « complice », mais pas auteur. Il est pourtant mis en examen pour meurtre. Il écrit à une amie dans des lettres sorties du parloir : « J’ai bien rigolé quand il est mort, le bicot. » Alors, seulement complice ? « Trop facile », grogne Me Dominique Tricaud, avocat de SOS-Racisme et de la famille Bouhoud. L’avocat reprend le dossier et brandit deux cahiers d’écolier. Ce sont les écrits d’un « néonazi de France », des cahiers rédigés par Beaune pendant sa détention. Il y avoue et y glorifie sa haine du juif, de l’arabe, défend l’idée de créer des camps de concentration dans le bocage normand, hurle sa détestation de l’autre et s’avoue sans aucun remords. Comment décrit-il le drame ? « Cette nuit-là, la folie de la mort a envahi tout mon être. J’avais envie de cogner. De frapper. Nous avons rencontré Bouhoud aux abords du bassin Vauban, nous l’avons précipité dans l’eau glacée. Sans un cri, sans un hurlement, son corps a coulé. Ma soif de sang était assouvie. » Il est condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle.
Beaune et Goncalvès, des loups solitaires ? Pas vraiment, comme la suite de l’affaire va le démontrer. Pendant le procès de Beaune, un ex-skin, Michel Huquet, témoigne. Il dit que Beaune est le plus violent, qu’il est sans doute le plus coupable. Menacé après le procès, il pousse la porte de l’inspecteur Boulard et détaille une autre scène de meurtre. En 1990, il a 15 ans. Il est un jeunot dans cette bande qui ne jure que par « la bière, la baston, la baise ». Il voit ses mentors, Régis Kérhuel – le bassiste des Evil Skins qui chante les louanges du Zyklon B – et Joël Giraud, forcer un jeune Mauricien, James Dindoyal, à avaler une bière empoisonnée. Elle contient de la soude caustique. La victime est jetée à la mer depuis une digue, arrive à se réfugier chez un médecin et meurt trois semaines plus tard, les intestins rongés, à l’hôpital du Havre. Le drame a lieu dans la nuit du 18 au 19 juin 1990. « Ce soir-là, témoigne Michel Huquet, Joël Giraud voulait casser du boucaque. » Boucaque ? Une contraction raciste de bougnoule et de macaque. C’est Kérhuel qui a accueilli Beaune dans la mouvance skin.
Les deux crânes rasés condamnés à vingt ans de réclusion
Arrêtés, les crânes rasés crient leur innocence. Leur passé ne plaide pas en leur faveur. Précurseurs du mouvement skin en France, ils ont rejoint les Jeunesses nationalistes révolutionnaires de Serge Ayoub, ce fils de magistrat surnommé Batskin et devenu porte-parole des crânes rasés de France. Régis Kérhuel a été arrêté des dizaines de fois. Toujours pour des violences. « Je n’ai pas pu participer au meurtre, j’étais à Paris avec Serge Ayoub », plaide Kérhuel lors de son premier procès en octobre 2000. Ce dernier croit que son grand ami va le sauver, lui donner un alibi. Batskin a suivi les audiences à distance. Il est convoqué à la barre. Il sait qu’un témoin, dont personne n’a pu vérifier la version, l’a placé sur les lieux du crime. « Ce jour-là, j’étais dans un avion qui allait au Japon ». Ayoub « lâche » son frère d’armes.
Les skins, si c’est baston tous les jours, c’est aussi un milieu où règnent la trahison et la veulerie. Les deux crânes rasés sont condamnés à vingt années de réclusion criminelle. En 2002, le verdict est confirmé en appel. La sanglante saga des néonazis du Havre s’achève derrière les barreaux.
Le film raconte, sur une période de 19 ans (de 1994 à 2013), l’histoire de Marco (Alban Lenoir) et de ses acolytes, Braguette (Samuel Jouy), Grand-Guy (Paul Hamy) et Marvin (Olivier Chenille). Ils sont ce que l’on appelle des skinheads et passent leurs journées à cogner des noirs et des Arabes, à se battre contre des punks et des redskins, et à coller des affiches de l’extrême-droite. Mais peu à peu, au fil des années, Marco se remet en question et décide de se repentir, de devenir quelqu’un de bien et d’abandonner cette haine et ce mépris. On va alors suivre le parcours d’un homme essayant par tous les moyens d’abandonner la colère, la violence et la bêtise qui le rongent pendant qu’autour de lui, à l’inverse, la société se radicalise de plus en plus et plusieurs personnes de son entourage, notamment sa petite amie et un de ses amis, tous deux décidés à garder leurs idéaux racistes, xénophobes, islamophobes, homophobes…, ne le reconnaissent plus.
Un Français – Film de fiction inspiré de faits réels et d’individus connus.
Régis Kerhuel
bassiste du groupe Evil Skins
et militant des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR)
du militant néo-nazi Serge Ayoub dont il est le second supposé,
est arrêté en 1998
et condamné en octobre 2000 à vingt ans de réclusion criminelle
pour sa participation au meurtre de James Dindoyal au Havre, le 18 juin 19903.
Il est libéré en 2010 après avoir effectué la moitié de sa peine4,5,6.
Il décède le 8 août 2019, à l'age de 54 ans7.
Originaire de la région parisienne et du Havre, le groupe se forme en 1983. Nommé dans un premier temps Zyklon B, il est d'abord composé d'Iman Zarandifar (alias Sniff ou Fesni) au chant, William Deligny (alias P'tit Willy) à la guitare, Régis Kerhuel (1965-2019)1 à la basse et Cornette à la batterie.
Au début des années 1980, Sniff et P'tit Willy rencontrent Madskin (qui a des notions de basse) et Cornette, skinheads du Havre avec qui ils décident de monter un groupe de rock anti-communiste.
En 1984, à la sortie d'un bar-concert, à Paris, dans le quartier festif d'Oberkampf, une bagarre oppose le chanteur, Sniff, à Laurent Jacqua, un jeune de 17 ans. Sniff est blessé d'un coup de revolver : il est atteint à la colonne vertébrale et restera paralysé. À la suite de cet événement, le chanteur continue malgré tout au sein des Evil Skins, chantant désormais en chaise roulante.
En 1986, ils publient leur premier 45 tours Docteur Skinhead sur leur label Intensive Produc., qui fera connaître le groupe dans le milieu skinhead. Pour leur premier concert, ils assistent à une scène ouverte et prennent d'assaut la scène, expulsent les musiciens en train de jouer, prennent leurs instruments et jouent. C'est la photo qu'il y a sur le premier 45 tours des Evil Skins.
L'année suivante sort l'album intitulé Une force, une cause, un combat sur le label Evil Records (réalisé par Rock-O-Rama Records). Parmi les titres les plus connus du groupe, peuvent être mentionnés : La Zyklon Army, Bêtes et méchants, Paris by Night, Marcel ne regrette rien, Vivre pour frapper, Docteur Skinhead, Le Poisseux, Un amour perdu et Luxembourg.
Le guitariste du groupe William Deligny, quant à lui, se considère comme un repenti et est à présent moine Vaishnava dans une communauté hindoue8. Auteur de livres religieux, il ouvre en 2003 un centre, puis un monastère, à Rouen. En 2013, Il témoigne dans le cadre de l'affaire Clément Méric9.
La mort de James Dindoyal, un soir de beuverie au Havre, est une «correction» infligée à un «boucaque», mélange de bougnoule et de macaque, qui n’avait pas à passer par là. La triste fin de ce Mauricien de 23 ans sur la plage «du bout du monde» a été élucidée huit années plus tard, après les révélations à la police de Michel H., un «jeunot» de la bande à l’époque.
Ce 18 juin 1990, des crânes rasés du Havre la bande Blood and Honour et des durs de Paris se retrouvent à trente devant l’église du quartier Sanvic, achètent des packs de bière et des bouteilles de rhum chez Champion, puis filent au bunker sur la falaise en face du fort de Sainte-Adresse. Circuit habituel. Le soir, les voilà «chauds», qui descendent sur la plage au bistrot la Bodega s’envoyer encore des «barons» de bière. Selon Michel, le chef Joël Giraud donne le signal du départ: «On bouge, pour aller casser du boucaque.» Il interdit aux deux mineurs, âgés de 15 ans, de sortir. Michel et «Cafard» restent. Les «autres, Kerhuel, Cédrose, Poisson, Mammouth et trois meufs suivent Giraud».
«Trempette». Du bar, Michel observe le manège des dix qui se dirigent vers la digue. «Trois garçons reviennent sur le parking pour prendre un sac dans le coffre de la voiture de Giraud», puis rejoignent le groupe. Au bout d’une demi-heure, tout le monde réintègre la Bodega, hilare. Giraud lance: «On s’est bien marrés, il a bien picolé, celui-là, avant de faire trempette.» Le «jeunot» du groupe a gardé ses doutes jusqu’au 10 avril 1997. Ce jour-là, Michel, qui a témoigné dans une autre affaire de crime raciste (1), dépose plainte au commissariat pour «menaces de mort» à cause de coups de fil. En gage de sa bonne foi, le «repenti» branche les policiers sur «l’histoire du Pakistanais». Dans les archives, les enquêteurs trouvent trace de la mort classée sans suite d’un étranger, James Dindoyal, né le 11 juillet 1966 à l’île Maurice, décédé le 3 juillet 1990 au Havre, de façon atroce. Un médecin de Sainte-Adresse avait trouvé devant sa porte un jeune homme qui «se tordait de douleur, de la bave sanguinolente aux lèvres». A l’hôpital Monod, James Dindoyal avait parlé d’une agression violente, d’une boisson bizarre avalée de force. Avant de plonger dans le coma. Et de succomber, seize jours plus tard, de ses brûlures à l’estomac. Selon l’autopsie, la mort a été causée par «l’ingestion d’un produit caustique» indéterminé.
Le film "Un Français" s'inspire de ces faits pour une de ses scènes
Aiguillés par Michel sur la piste des boules à zéro, souvent désignés par des noms de guerre et éparpillés aux quatre coins de France Paris, Bordeaux, Perpignan, Le Havre , les policiers ont mis une année à démasquer les skinheads meurtriers. Le 12 juin 1998, six suspects ont été mis en examen par le juge Christian Balayn, du Havre, pour l’homicide de James Dindoyal.
Empoisonnement. Régis Kerhuel, 33 ans, maître-chien, et Joël Giraud, 30 ans, qui crient à la «dénonciation calomnieuse», sont accusés d’«empoisonnement». Pascal Liberge, dit «Poisson», 31 ans, qui se prétend «absent ce soir-là», Cédric Haudebout, «Cédrose», 29 ans, Carmen Vicente, 31 ans, qui «n’a rien à voir avec ça», et Elodie Lagarde, 24 ans, sont soupçonnés de «complicité». Les quatre garçons ont été écroués, les deux filles placées sous contrôle judiciaire. Me Dominique Tricaud s’est constitué partie civile pour la famille de James Dindoyal, ainsi que SOS-Racisme.
Régis Kerhuel et Joël Giraud sont des lieutenants de Serge Ayoub (2), un inconditionnel de la batte de base-ball surnommé «Batskin», qui a monté les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) à Paris en 1987 et a soutenu en hooligan le club de foot du Paris-Saint-Germain. «Carmen de Normandie» fabrique alors un fanzine, Bird’s Band, avec Elodie et Greg, le chanteur du groupe Viking. Son compagnon Giraud et Kerhuel, «partisans du White Power», traversent Le Havre «déguisés en grands chefs du Ku Klux Klan», tiennent des «réunions secrètes» pour monter un groupe KKK, «organisent les trajets sur Paris pour aller aux manifs du Front national, à la fête des Bleu-Blanc-Rouge ou au défilé à Jeanne d’Arc», et participent à des services d’ordre du FN au Havre et à Paris, «contre rémunération».
«Drôle de goût». Embrigadé par Kerhuel dans Blood and Honour, Cédrose a rapporté aux enquêteurs la scène du crime. «Assis sur la digue, on a vu passer un bien bronzé qui se promenait vers la mer, pas noir ni maghrébin, mais comme un Pakistanais. On l’a insulté, traité de sale boucaque: “Retourne dans ton pays. Il n’a rien dit. On lui a barré la route, on l’a entouré et bousculé. On le provoquait pour obtenir une réaction de sa part. Il voulait partir mais ne se défendait pas. On attendait qu’il se rebiffe pour le frapper. Les chefs ont décidé qu’on allait le forcer à boire. Il a vidé une bière sans rien dire. C’est la première fois qu’on faisait ça. On n’avait pas pour habitude d’user de la bière pour un boucaque. Comme il avait accepté une bière normale, Giraud et Kerhuel ont eu l’idée de lui en préparer une autre, ils se sont absentés quelques instants. Mort de trouille, le gars avait du mal à boire la deuxième bière, il faisait la grimace, il se plaignait qu’elle avait “un drôle de goût. Giraud et Kerhuel répondaient: “Mais non, c’est rien, elle doit être éventée. Soit tu la bois, soit on te tabasse. Finis ta bière, et on te laissera partir. Le mec l’a toute bue et a cherché à s’en aller. Le ton est monté, et on l’a balancé à l’eau par-dessus la rambarde. Il est remonté sur ses jambes vers la plage, trempé.» Aujourd’hui, Cédrose refuse de confirmer au juge ce long récit qu’il aurait livré «sous la pression de la police». Elodie Lagarde, elle, maintient ses aveux. Cheveux rasés sur le côté, petite queue-de-cheval, tatouée, elle est restée en retrait avec Cédrose et Carmen: «Notre rôle à tous les trois a été de servir en deuxième rideau à empêcher le gars de se barrer.» Pascal Liberge, alias Poisson, fut «l’un des gros bras qui maintenaient le gars», et Joël Giraud, «l’un des instigateurs de la correction» avec Régis Kerhuel, qui «a tendu la nouvelle canette de bière décapsulée au Black»: «Ils n’admettaient pas de personnes étrangères au groupe sur leur territoire, même simplement de passage. L’intrus était prié de s’en aller. Si, en plus, il était bronzé, il avait droit à une correction.» Sa copine Carmen Vicente prétend qu’elle est hors du coup. Mais, ex-femme de Joël Giraud, chef de la bande du Havre avec Régis Kerhuel, elle a raconté toutes leurs sales histoires.
Chat égorgé. Kerhuel et Giraud raffolent d’un «petit cocktail à base d’eau chaude, d’absinthe et d’alcool à 90°». Carmen, buveuse de whisky, a goûté à leur mixture et a souffert de brûlures d’estomac. Elle dépeint ses amis en tortionnaires. Giraud l’a souvent frappée les soirs de soûlerie, «cocards, bleus et autres», et lui a «cassé la jambe, d’un coup de pied au tibia». Kerhuel, lui, «aimait faire souffrir les animaux». Un jour, il a mis «son rat blanc dans une bouteille d’eau-de-vie pour le tuer». Un autre, il a «égorgé un chat en forêt de Montgeon pour manger son coeur, une sorte de messe noire». James Dindoyal, le pauvre «boucaque» échoué sur la plage «du bout du monde», a avalé leur breuvage mortel, un mélange de bière et de soude, ou d’acide, ou peut-être d’eau de Javel.
(1) Le meurtre d’Imad Bouhoud, noyé dans le port du Havre le 18 avril 1995 par David Beaune et Michaël Goncalves, deux skinheads du Havre.
(2) Serge Ayoub, Régis Kerhuel et Joël Giraud ont été condamnés ensemble pour l’agression de Karim Diallo à Paris en 1990 sous l’oeil des caméras de la 5.
Un reportage, tourné au havre, sur un groupe de jeunes skinhead que nous avons suivi pendant plusieurs semaines, pour mettre a jour leur univers, leurs motivations, leur quotidien.
Reportage “Envoyé Spécial” diffusé sur France 2 le 25 janvier 1996.
Commentaire: Marie Noëlle Himbert Images: Patrick Descheemaekere Son: Pascal Querou Montage: Martine Alison