Call of Terror 5 le 24 février et Hot Shower 9 le 16 mars 2024 [revue de presse]

Call of Terror ET Hot Shower :

 

International media :

Rapports d’études Counter Extremism Project :

(c) Couter Extremism Project 2020 – “Violent Right-Wing Extremism and Terrorism – Transnational Connectivity, Definitions, Incidents, Structures and Countermeasures”
https://exif-recherche.org/wp-content/uploads/2022/08/5-Gael-Renevey-mitte-als-Security-auf-dem-NS-Black-Metal-Event-Call-of-Terror.jpg
l’équipe de sécurité du Call of Terror 2017, avec les Hammerskins suisses Gaël Renevey et Michaël Biolley et le néonazi français Tomasz Szkatulski, adepte des sports de combat à la tête de la boutique en ligne Pride France. © Documents Exif

 


 


  • la préfecture du Rhône a pris un arrêté d’interdiction pour empêcher le concert de se tenir sur son territoire.

  • Difficile de savoir si les services de l’État pourront le faire respecter.

  • Il faudrait pour ça qu’ils connaissent le lieu précis où le concert est organisé.

    Rue89Lyon

https://tribunedelyon.fr/wp-content/uploads/sites/5/2024/02/votre-texte-de-paragraphe-29.jpg

 


  • Interdiction administrative

 


https://static.mediapart.fr/etmagine/og/journal/files/2024/01/29/20240129-img-call-of-terror-hot-shower-fest-nsbm-graveland-seigneur-voland.jpg

https://www.mediapart.fr/journal/international/310124/race-aryenne-reveille-toi-de-lyon-milan-une-internationale-de-la-musique-nazie-se-reunit
  • « Race aryenne, réveille-toi ! » : de Lyon à Milan, une internationale de la musique nazie se réunit

Après quatre années d’interruption, le Call of Terror et le Hot Shower, deux des principaux festivals de black metal national-socialiste, font leur retour en Rhône-Alpes et en Lombardie les 24 février et 16 mars. Sans être, à ce stade, empêchés par les autorités des deux pays.

Mise en garde
Cet article fait notamment état d’appels au meurtre, de propos antisémites, racistes, xénophobes et glorifiant l’Holocauste, de récits d’assassinat sataniste et de profanation de sépulture. Sa lecture peut être difficile et choquante.

D’ordinaire, les événements néonazis clandestins ne font l’objet que d’une publicité discrète. Afin d’éviter toute interdiction préalable, leurs promoteurs distillent les informations au compte-gouttes dans des cercles restreints d’initiés. Cette fois, le festival de black metal national-socialiste (NSBM) Call of Terror, dont la cinquième édition est censée se tenir le 24 février dans un lieu indéterminé en Rhône-Alpes, ne cherche pas spécialement à se camoufler et a sorti l’artillerie lourde sur les réseaux sociaux, avec un compte Instagram et un canal Telegram ouverts au public. Lire la suite

Diffusé le 5 décembre 2023 et également repéré par Libération, le flyer aux teintes criardes joue sur les codes des affiches traditionnelles de metal, allant jusqu’à emprunter le slogan « See you in hell » (« Rendez-vous en enfer ») au Hellfest, le plus important rassemblement de musiques extrêmes en France. Y figurent deux casques spartiates, un symbole belliqueux répandu dans l’extrême droite violente, utilisé par les groupuscules Division nationaliste révolutionnaire puis Honneur & Nation ou le club de boxe identitaire L’Agogé, à Lyon. Le choix du 24 février ne doit rien au hasard : c’est la date anniversaire de la fondation du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), à Munich, en 1920.

https://static.mediapart.fr/etmagine/article_google_discover/files/2024/01/29/flyers-call-of-terror-nsbm.jpg
Les flyers des éditions 2017, 2018, 2019, 2020 et 2024 du Call of Terror. © Photomontage Mediapart

La tête d’affiche, Graveland, est un groupe phare de la scène NSBM. Originaire de Wrocław en Pologne, active depuis le début des années 1990, la formation multiplie dans ses morceaux épiques les références à la mythologie germanique, se réclamant du culte de Wotan – qui est à la fois la version en vieux haut allemand du dieu suprême Odin et l’acronyme du slogan américain « Will of the aryan nation » (« Volonté de la nation aryenne »).

Admirateur revendiqué d’Adolf Hitler, qui a accompli selon lui « le véritable destin caché dans le sang des personnes blanches », son leader Robert Fudali, 54 ans, est connu de longue date pour ses appels au meurtre et ses saillies antisémites, suprémacistes et xénophobes.

« Race aryenne, réveille-toi ! La nouvelle ère du paganisme et des ténèbres arrive. Graveland vous montrera le chemin. Recommencez l’holocauste, tuez les juifs et les chrétiens. […] Nous avons choisi la voie de la guerre, parce que nous devons faire la guerre aux races sous-humaines de Turquie, d’Afrique et de Roumanie. Détruisez les nègres et autres sous-hommes, qui sabotent nos traditions et notre culture. L’Europe doit être nettoyée de cette putain de merde ! », proclamait-il en 1996 dans la revue musicale Pit Magazine.

« Nos traditions et coutumes indigènes sont remplacées par le folklore africain. Les Blancs sont bombardés d’une pop culture moderne et vide de sens qui plonge notre civilisation dans la décadence et la superficialité spirituelle. Le puissant lobby pro-juif est responsable de cette situation parce que les juifs ayant peur d’un nouvel Holocauste, ils soutiennent toutes les activités anti-extrême droite », assénait-il encore au mensuel américain Decibel Magazine en 2006.

Le groupe Graveland en marge d’un concert clandestin dans le nord-est de la France, en septembre 2023. À gauche : le leader Robert Fudali. © Compte Instagram de Graveland

Récemment, Robert Fudali saluait sur son compte Facebook le « courage » du rappeur américain Kanye West de poser avec un tee-shirt à l’effigie de Burzum, un célèbre groupe de NSBM norvégien : « Il [West] risque d’attirer sur lui la colère de toute l’industrie musicale, qui est complément contrôlée par un “certain groupe”. »

Drakkar Prods maison de disque de Cyril Mendre de Peste Noire, Gestapo 666 (C) Midi Libre

Graveland, qui collabore avec le label Drakkar Productions établi à Millau (Aveyron), s’était entre autres produit au Ragnard Rock Festival, à Simandre-sur-Suran (Ain), en juillet 2016. Au cours du concert, des saluts nazis et des tee-shirts à la gloire du Troisième Reich avaient été observés dans l’assistance, à la suite de quoi la justice avait été saisie.

(C) Le Figaro 2016

 

https://antipestenoire.noblogs.org/files/2016/03/antifa-berlin-pagan-front-234x300.jpgAu Call of Terror 2024, Graveland partagera l’affiche avec un autre groupe polonais, Kataxu, membre comme lui du Pagan Front (« Front païen »). Ce mouvement, qui fédère une trentaine de formations de NSBM européennes et slaves, expliquait ainsi sa stratégie métapolitique dans le magazine allemand A-Blaze, en 2008 : « Nous comprenons notre musique comme un moyen adapté de transmettre un message qui peut aller au-delà du simple plaisir esthétique. L’auditeur devrait être encouragé à penser. […] Et c’est pour cela que nous cherchons à motiver nos compagnons et nos fans à aller sur la voie de l’activisme politique. »

Un manifeste, publié sur son site en 2007, dressait la liste des douze « commandements » du Pagan Front. Parmi ceux-ci : « Fiers nationaux-socialistes », « Contre toute influence judéo-chrétienne », « Tolérance zéro pour les ennemis de notre race » ou « Rassemblement sous la bannière du svastika ».

https://static.mediapart.fr/etmagine/article_thumbnail/files/2024/01/29/header-pagan-front.jpg

Le Call of Terror programme également les Italiens de SPQR. Le groupe tire son blase de la devise de l’Empire romain (« Senatus populusque Romanus », soit « Le Sénat et le peuple romain »), emblème récupéré a posteriori par le régime fasciste de Benito Mussolini, qui souhaitait ressusciter l’histoire culturelle de la Rome antique.

En septembre 2022, les musiciens de SPQR sont montés sur la scène de la Direzione Rivoluzione, la fête annuelle organisée par le parti néofasciste CasaPound Italia à Grosseto (Toscane), où le mari de la vice-présidente de Reconquête Marion Maréchal, l’eurodéputé Vincenzo Sofo, avait été convié. En ce début d’année, le quatuor romain a diffusé le clip de sa nouvelle chanson « Il mio nome è vendetta » (« Mon nom est vengeance »), à la gloire de la brigade Azov, cette unité militaire ukrainienne connue pour ses affiliations néonazies et ultranationalistes.

https://static.mediapart.fr/etmagine/article_thumbnail/files/2024/01/29/spqr-grossetto-casapound-italia-rac-nsbm.jpg
Le concert du groupe SPQR au festival annuel de CasaPound Italia, en septembre 2022. Le logo du parti néofasciste est volontairement pixellisé. © Compte Instagram de SPQR

Le quatrième et dernier groupe à l’affiche, Leibwächter, n’a pas d’existence documentée mais pourrait constituer un alias de la formation de NSBM lyonnaise Leibstandarte – du nom de la 1re division Schutzstaffel (SS) chargée de la garde personnelle de Hitler.

Contactés par Mediapart, les organisateurs du Call of Terror n’ont pas donné suite. Selon nos informations, la soirée du 24 février se déroulera entre Lyon et Genève, et le tarif des préventes est fixé à 28 euros (35 euros sur place). Plusieurs centaines de spectateurs et spectatrices débarqué·es de plusieurs pays d’Europe sont attendu·es.

Sollicitées, les préfectures du Rhône, de l’Ain, de l’Isère, de Savoie et de Haute-Savoie, cinq départements où est susceptible de se dérouler l’événement, n’ont pas réagi. Dans un autre registre, la préfète de l’Ain a pris, le 25 janvier, un arrêté portant interdiction d’une représentation – prévue le lendemain – de l’humoriste Dieudonné, en raison de ses condamnations pour antisémitisme.

En février 2023, après les révélations de Mediapart, six préfets et préfètes de la région Grand Est avaient interdit, sur instruction du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, le festival NSBM Night for the Blood. L’organisateur et le lieu du concert, la salle polyvalente de Remomeix (Vosges), avaient été identifiés par les autorités, et le concert finalement annulé à la dernière minute.

Pour organiser leurs événements, les promoteurs néonazis usent souvent du même stratagème : louer la salle des fêtes d’une petite commune sous un faux motif. En 2020, ultime édition en date du Call of Terror, c’est l’Espace culturel de rencontre de Châtillon-la-Palud (Ain, 1 649 habitant·es) qui en avait fait les frais.

« Ils avaient l’air sympas, avec un look un peu rocker et des boucles d’oreilles, pas le style skinheads, avait raconté l’employée de mairie chargée de la location de l’équipement. Ils m’ont assuré que c’était juste une soirée privée avec de la musique. Ils ont visité la salle et ont payé. Ils m’ont dit qu’il y aurait seulement une centaine d’invités. »

https://static.mediapart.fr/etmagine/article_thumbnail/files/2024/01/29/saluts-nazis-call-of-terror-2019-absurd-goatmoon-nsbm-hendrik-moebus.jpg

https://pbs.twimg.com/media/GFLm6hfWAAAjk0H?format=jpg&name=large

En 2018, le Call of Terror s’était installé à Longes (Rhône, 964 habitant·es) puis, en 2019, à Trêves (Rhône, 735 habitant·es). Alors que les prises de vue sont généralement proscrites dans ces événements, deux clichés issus de cette édition 2019, que Mediapart s’est procurés, montrent des participants effectuer des saluts nazis pendant les concerts des groupes Absurd (Allemagne) et Goatmoon (Finlande).

Profanation de sépulture, assassinat de curé et provocation à la haine raciale

Trois semaines après le Call of Terror, le 16 mars, un autre rendez-vous majeur du genre NSBM se tiendra de l’autre côté des Alpes : la neuvième édition du Hot Shower Fest, dont le nom (« douche chaude ») se réfère aux chambres à gaz des camps d’extermination nazis, organisée dans la région de Milan, au nord de l’Italie. Avec, à l’affiche, des groupes américano-vietnamien (Vothana), brésilien (Walsung), autrichien (Knochenhorde) et français (Seigneur Voland).

Native de Toulon (Var), cette dernière formation propage un black metal ouvertement antisémite, avec des textes aussi explicites que « Des juifs et autres germes de pourriture », « Quand les svastikas étoilaient le ciel », « Sur les ruines et les cendres de Sion » ou « Les douze tribus [d’Israël – ndlr] exterminées par le dernier bastion blanc du IIIe Reich allemand ».

https://antipestenoire.noblogs.org/files/2024/02/Screenshot-2024-02-07-at-06-33-39-Les-anti-Christ-profanateurs-de-Toulon-Deux-garcons-et-deux-filles-ont-avoue-avoir-viole-la-tombe-d-Yvonne-Foin.png
(c) journal Libération

Le leader de Seigneur Voland (nom donné au diable dans le nord de la France au Moyen Âge), Anthony Mignoni, a été condamné en octobre 1997 à quatre ans de prison pour avoir exhumé et profané la sépulture d’Yvonne Foin, une septuagénaire enterrée vingt ans plus tôt, dans un cimetière toulonnais. Adepte à la fois de Satan et d’Hitler, il a justifié son geste par un rejet de l’humanité.

https://cdn-s-www.lalsace.fr/images/296EF34C-C2E7-4A20-815D-6B76F4A29641/NW_raw/le-cure-de-kingersheim-jean-uhl-etait-apprecie-de-tous-il-est-mort-a-cause-de-theses-satanistes-totalement-delirantes-photo-archives-l-alsace-jean-paul-frey-1627570378.jpg
Le curé de Kingersheim Jean Uhl était apprécié de tous. Il est mort à cause de thèses satanistes totalement délirantes. Photo archives L’Alsace /Jean-Paul FREY
https://leseng.rosselcdn.net/sites/default/files/dpistyles_v2/ls_16_9_864w/2022/05/17/node_442788/29108938/public/2022/05/17/B9730941700Z.1_20220517152041_000%2BG9BKFGVFJ.1-0.jpg?itok=fkFznENw1652793648
(C) Le Soir Belge – Le père curé Jean Uhl assassiné

En avril 2001, le même Anthony Mignoni a été appelé à la barre des témoins de la cour d’assises de Colmar parce que considéré comme le gourou de David Oberdorf, un jeune homme condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour l’assassinat, en décembre 1996, du curé de Kingersheim (Haut-Rhin). « David a fait ça parce qu’il a voulu faire mieux que moi dans l’horreur. C’est pour ça qu’il a signé son crime de 33 coups de couteau et d’une étoile gravée dans la main du curé », a déclaré le chanteur au tribunal.

Dans un entretien accordé à l’été 2023 à L’Alsace, qui retrace ce procès, l’avocat de la partie civile, Thierry Moser, évoque « un assassin sous influence et un auteur moral qui a échappé à la justice ».

 

https://antipestenoire.noblogs.org/files/2024/02/Screenshot-2024-02-09-at-04-23-55-Coup-de-filet-dans-le-milieu-neonazi-grace-a-l-Internet.png

En février 2004, Anthony Mignoni mais aussi Laurent Franchet, guitariste de Seigneur Voland, ont été condamnés pour provocation à la haine raciale et menaces de mort à l’égard de la journaliste Anne Sinclair, de l’ancienne ministre Simone Veil et de Patrick Gaubert, alors président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra).

https://reflexes.samizdat.net/wp-content/uploads/2004/12/WOTAN-214b1.jpg
archives REFLEXes – Zik et zina : Quand la musique fait Boum

Étaient visés des écrits imprimés dans le fanzine Wotan, bulletin mensuel de rééducation, édité par le groupuscule Charlemagne Hammer Skins.

(c) France Politique

 

(C) Discogs vouïvre – Xaphan Anthony Migni, Florian Denis de St Chirat, autours de Sün labellisé LMH

Reformé en 2019 après quinze ans de séparation, Seigneur Voland s’est depuis produit en Finlande, en Belgique, en Allemagne, en Ukraine, au Japon, au Royaume-Uni, au Portugal, et, en septembre 2023, lors d’un événement clandestin dans le nord-est de la France, en compagnie de Graveland et Kataxu (les deux têtes d’affiche polonaises du Call of Terror), selon les informations de Mediapart.

https://static.mediapart.fr/etmagine/article_thumbnail/files/2024/01/29/seigneur-voland-japon-nsbm-call-of-terror-hot-shower-fest.jpg
Les quatre membres de Seigneur Voland au cours de leur tournée japonaise en 2020 : Laurent Franchet, Valentin Dolatowski, Anthony Mignoni et Yann Munch. © Document Mediapart

https://twitter.com/seb_bourdon/status/1206531485513195522

https://antipestenoire.noblogs.org/files/2024/02/Screenshot-2024-02-06-at-17-52-42-At-Ukraines-Asgardsrei-A-French-Connection-bellingcat.png
(C) BELLINGCAT At Ukraine’s Asgardrsrei, A French Connection

 

L’ombre du néonazi allemand Hendrik Möbus

Contactés par mail, les organisateurs du Hot Shower Fest ont esquivé en demandant à être rappelés sur le numéro de téléphone fixe d’une pizzeria située à Naples (voir en Boîte noire). Sollicitée, la préfecture de la région de Milan n’a pas donné suite.

Selon le site Antifascist Europe, piloté par la fondation berlinoise Rosa-Luxemburg, l’accueil, la logistique et la sécurité du festival sont coordonnés par la branche italienne des Hammerskins, un gang criminel néonazi dédié à la « défense de la race blanche », aux ramifications internationales et à la hiérarchie stricte. Le média d’investigation allemand Exif a relevé que des Hammerskins français et suisses ont aussi assuré la sécurité de la première édition du Call of Terror en 2017. Le festival rhône-alpin peut en outre s’appuyer sur des groupuscules d’extrême droite particulièrement implantés à l’échelle locale.

https://static.mediapart.fr/etmagine/article_thumbnail/files/2024/01/29/hammerskins-call-of-terror-hot-shower-fest-italy-nsbm.jpg
À gauche : le local de la branche milanaise du gang criminel des Hammerskins, où les premières éditions du Hot Shower Fest ont été organisées. À droite : l’équipe de sécurité du Call of Terror 2017, avec les Hammerskins suisses Gaël Renevey et Michaël Biolley et le néonazi français Tomasz Szkatulski, adepte des sports de combat à la tête de la boutique en ligne Pride France. © Documents Exif

Derrière les deux événements français et italien plane l’ombre du néonazi allemand Hendrik Möbus, figure tutélaire de la scène NSBM. À la tête de son label Darker Than Black Records, l’influent musicien a édité les disques de plusieurs groupes présents à l’affiche et a lui-même joué, avec son projet Absurd, au Hot Shower Fest 2018 et au Call of Terror 2019. Selon Thorsten Heindrichs, musicologue à l’université de Mayence (Allemagne), le militant de 48 ans serait même « le fournisseur de billets » pour le festival transalpin.

Condamné en 1993 pour le meurtre d’un camarade de classe à Sondershausen en Thuringe, Hendrik Möbus est libéré de prison en 1998.

https://antipestenoire.noblogs.org/files/2024/02/Screenshot-2024-02-07-at-05-45-44-Arrest-of-German-Neo-Nazi-Reveals-Growing-Internationalization-of-White-Power-Music-Scene-1024x507.png
(c) 2000 – archive Intelligence Report / Southern Poverty Law Center

 

https://antifainfoblatt.de/sites/default/files/styles/responsive_3_2_300w/public/Hendrik.m%C3%B6bus.jpg?h=bd571149&itok=Y_fgRVvnDe nouveau condamné pour ses activités néonazies en 1999, il s’enfuit aux États-Unis pour échapper à une nouvelle incarcération et travaille pour William Luther Pierce III, chef de l’Alliance nationale, une organisation suprémaciste basée en Virginie-Occidentale. Extradé en 2001 en Allemagne, il est emprisonné jusqu’en 2007 et fait depuis l’objet de plusieurs procédures judiciaires.

https://antifainfoblatt.de/sites/default/files/styles/responsive_2_1_1200w/public/m%C3%B6bus-ronald.JPG?h=bfa41935&itok=VxvdUBGw
Hendrik Möbus (rechts) beim „Rock gegen Links“-Konzert im Oktober 2017 in Themar (Thüringen).

 

Le reportage documentaire sur la nébuleuse des rassemblements néonazis C18, Blood and Honour, Kampf des Niebelung, Arische Bruderschaft, Schild & Schwert (SS) & Co. – , … diffusé en 2018 par la télévision allemande propose évidement un chapitre sur le réseautage inter-nazi-onal de la NSBM  du promoteur et meurtrier néonazi Hendrik Möbus.

10:38 Tomasz Szkatulski Pride France @ RAC de Ostritz, en Allemagne à la frontière polonaise.
22:15 Hendrik Möbus, meurtre, cavale aux USA, …
@ RAC de Ostritz, en Allemagne à la frontière Polonaise
@ Hot Shower, en co-production avec Hammerskins à Milan dans le Nord de l’Italie à proximité de la France et La suisse : Graveland, Sacrificia Mortuorum amputé de sa croix celtique, … une accumulation turbonazi affichée.
24:35 - Asgardsrei de AZOV à Kiev en Ukraine, le plu gros rassemblement NSBM nommé d’un tire de Absurd l’orchestre nsbm autours de Hendrik Möbus.
Olena Semenyaka et Aleksey Levkin de M8l8t.H, Wotanjugend et Militant Zone.25:41 - Olena Semenyaka et Hendrik Möbus en Allemagne @ DerIIIweg

Surveillé de près par les services de renseignement de son pays, Hendrik Möbus mise donc sur l’étranger pour faire fructifier son entreprise extrémiste. Le chercheur Thorsten Heindrichs observe que « Möbus est bien mieux connecté au niveau international que la majorité des néonazis allemands ». Autre indice qui tend à corroborer cette analyse : l’artiste était impliqué dans l’organisation du festival NSBM ukrainien Asgardsrei qui, de 2015 à 2019, a attiré chaque année jusqu’à 1 500 participant·es venu·es du monde entier à Kyiv.

https://static.mediapart.fr/etmagine/article_thumbnail/files/2024/01/29/hendrik-moebus-olena-semenyaka-alexei-levkin-asgardsrei-ukraine-nsbm.jpg
Le musicien néonazi allemand Hendrik Möbus avec les deux principaux organisateurs du festival Asgardsrei à Kyiv, en 2018 : Olena Semenyaka, idéologue du mouvement Azov, et Alexeï Levkine, un néonazi russe expatrié en Ukraine, à la tête du groupe M8l8th et du label Militant Zone. © Capture d’écran Youtube

Dans le cadre du colloque paneuropéen « Pact of steel » (« Pacte de fer », du nom de l’alliance militaire germano-italienne scellée en 1939), organisé en marge de l’édition 2018 de l’événement, Hendrik Möbus avait donné une conférence sur le baron Roman von Ungern-Sternberg, général anticommuniste de la guerre civile russe. À ses côtés : la co-cheffe d’orchestre d’Asgardsrei, Olena Semenyaka, que le spécialiste français de l’extrême droite ukrainienne Adrien Nonjon qualifie de « première dame » du nationalisme ukrainien puisqu’elle est « la figure de proue féminine du mouvement Azov ».

 

En introduction du colloque, la philosophe de formation, qui dirige par ailleurs le club métapolitique Plomin, assumait parfaitement le fait d’associer dans un même endroit concerts de metal et tables rondes militantes. « [Asgardsrei] n’a jamais été un événement purement musical, tout comme le genre même de black metal qui, dans sa forme originelle, dépasse la seule musique. »

À l’occasion de son audition, en janvier 2023, devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg, Nicholas Potter, chercheur à la Fondation Amadeu-Antonio, une ONG allemande en pointe dans la lutte contre le racisme et l’extrémisme de droite, mettait en évidence le fait que « les festivals de rock et les tournois d’arts martiaux mixtes servent d’espaces de radicalisation, de recrutement et de collecte de fonds ».

Europol, l’agence européenne de police criminelle, n’en pense pas moins, jugeant ce genre de manifestation crucial pour la sphère néonazie. « Outre leur activisme en ligne, [ses militants] accordent une grande valeur aux réunions physiques et aux activités de groupe », notait-elle dans un rapport sur l’état de la menace terroriste publié en octobre.

Si vous avez des informations sur les extrêmes droites à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse extremedroite@mediapart.fr.

https://twitter.com/Mediapart/status/1752728780295094404

 


  • 27.01.2024 «Call of Terror» : un nouveau festival néonazi organisé en France

LibérationQuatre groupes de hard rock nazi sont à l’affiche de cet événement qui pourrait se tenir fin février en région lyonnaise. Joint par «Libération», le ministère de l’Intérieur n’était pas en mesure à ce stade d’apporter plus de précisions.

L’affiche de l’événement fixe le rendez-vous au 24 février, date d’anniversaire de la création, en 1920, du NSDAP, le parti national-socialiste d’Adolf Hitler

Après quatre années de sommeil, le «Call of Terror» («appel de la terreur») est de retour. En 2020, la dernière édition en date de ce festival nazi avait rassemblé quelques centaines de mélomanes, venus tendre le bras sur des sérénades beuglardes gloriant la haine. Libération s’est procuré l’affiche de ce nouveau rendez-vous, le cinquième du genre : elle annonce la présence de quatre groupes de NSBM (pour «National-socialist Black Metal», du hard rock nazi) et fixe le rendez-vous au 24 février. La date n’a pas été choisie au hasard par ces nostalgiques du IIIe Reich : elle correspond à l’anniversaire de la création, en 1920, du NSDAP, le parti national-socialiste d’Adolf Hitler. Si le lieu de cette soirée est soigneusement tenu secret, elle devrait, selon nos informations, se tenir en région Auvergne-Rhône-Alpes, quelque part entre Lyon et la frontière Suisse. Joint par Libé, le ministère de l’Intérieur n’était pas en mesure à ce stade d’apporter plus de précisions sur l’événement, qui devrait mobiliser les forces de l’ordre locales.

Sur l’affiche du Call of Terror 2024, des casques de légionnaires romains stylisés et une phrase : «See you in hell» («rendez-vous en enfer»). Parmi les groupes annoncés, la formation polonaise de black metal Graveland, connue et populaire au sein de cette sphère musicale, mais pointée pour ses accointances nazies. Notamment au vu de textes publiés sur son blog, selon lesquels «nous avons tous besoin de ségrégation raciale pour préserver notre propre culture et notre spiritualité» ou encore «la confrontation entre la civilisation occidentale blanche et la civilisation des immigrés de couleur est imminente». Le groupe y tenait également des propos ouvertement antisémites et homophobes. Graveland s’était déjà produit en France en 2016 lors d’un festival de «metal viking». Lors de son passage sur scène, de nombreux saluts nazis avaient été constatés dans la foule.

Festival en sommeil depuis quatre ans.
Star du concert à venir, qui a notamment été annoncé sur l’un des principaux canaux néonazis français, la chaîne Telegram Ouest Casual, Graveland partagera la scène avec les Polonais de Kataxu, tout aussi radicaux. Et avec les Italiens de SPQR (pour Senatus populusque romanus, «le Sénat et le peuple romain», devise la Rome antique), proches de la pire extrême droite transalpine et dans les concerts desquels les bras tendus sont légion. Aussi mentionné, un mystérieux groupe dénommé Leibwächte, «garde du corps» en allemand. Cette formation, qui n’a pas d’existence en ligne, est la seule dont les organisateurs du Call of Terror ne précisent pas la nationalité. Selon une source bien informée au sein de la mouvance, ce pourrait être un alias créé pour l’occasion, afin de cacher le nom du vrai groupe qui se produira. Pourrait-il renvoyer aux Français du groupe Leibstandarte, du nom de la division SS chargée de la protection rapprochée d’Adolf Hitler ?
Cela fait quatre ans que le Call of Terror était en sommeil, après les premières éditions organisées entre 2017 et 2020. Ces événements se sont tous tenus dans la grande région lyonnaise, en Auvergne-Rhône-Alpes. A la manœuvre, selon une autre source au fait de cette mouvance : des réseaux liés aux suprémacistes du mouvement Hammerskins France, émanation d’un gang néonazi américain violent dont la branche allemande, très connectée à ses homologues français, vient d’être interdite.
Interdiction d’un événement similaire en 2023.
Selon Rue89 Lyon, les précédentes éditions étaient plutôt pilotées par le groupuscule Blood and Honour Hexagone, section française du mouvement skinhead fondé en 1987 par Ian Stuart, chanteur anglais du groupe de RAC (pour «rock anticommuniste») Skrewdriver et interdit dans plusieurs pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou le Canada. Blood and Honour Hexagone, considéré comme un «groupe de combat», a été dissous par l’Etat en juillet 2019 car il diffusait «une idéologie néonazie, raciste et antisémite, exaltant la “race blanche”, appelant à la haine, à la discrimination et à la violence», notamment par «l’organisation de concerts de musique néonazie». Ses membres ont également été impliqués dans des violences, souvent à caractère raciste. En mars 2016, un vaste coup de filet avait débouché sur l’interpellation de onze militants et la saisie de 11 armes d’épaule, 28 armes blanches, des gilets pare-balles, des casques lourds et des objets ou drapeaux nazis.
En 2023, l’annonce d’un événement similaire en région Grand Est, le «Night for the Blood» («nuit pour le sang»), avait mobilisé les autorités. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait réagi en personne et demandé aux «six préfets potentiellement concernés», ceux des départements où la soirée était susceptible de se tenir, de tout mettre en œuvre pour «interdire le concert», qui l’avait effectivement été.
Sans doute échaudés, les organisateurs du Call of Terror 2024 gardent jalousement le secret du lieu de rendez-vous pour le 24 février. Une pratique classique pour ce type d’événements, dont l’adresse, le plus souvent des salles des fêtes de petites communes réservées sous des faux prétextes, n’est communiquée qu’au dernier moment et aux seuls détenteurs d’une place, afin de contourner les interdictions. Le jeu du chat et du nazi.
Maxime Macé et Pierre Plottu (Libération)
publié le 27 janvier 2024 à 8h04

Libération

 


Un festival de black metal néonazi prévu près de Lyon

[…] on retrouve Graveland. […] Le groupe était présent en 2016 dans la région lyonnaise, à l’affiche du festival Ragnard Rock, à Simandre-sur-Suran, dans l’Ain. Un lecteur de Rue89Lyon, présent au festival, témoignait des saluts nazis aperçus durant leur passage sur scène : « les cas de mains levées durant sont bien réels, j’en ai compté plus d’une trentaine. Ce n’était pas un cas isolé, c’était plusieurs rangées de festivaliers ». […]

Le 24 février, Graveland retrouvera ses camarades polonais de Kataxu […] Les deux groupes sont membres du Pagan Front […] Les programmateurs du « Call of Terror » sont allés chercher dans divers pays d’Europe.

On retrouve également un groupe italien, SPQR. Leur nom vient de la devise romaine « Senatus populusque Romanus », qui signie « Le Sénat et le peuple romain ». Loin d’être une référence à la démocratie antique, le sigle est plutôt emprunté au régime fasciste de Benito Mussolini, qui en avait fait un de ses slogans. Selon Mediapart, le groupe était présent en septembre 2022 à la Direzione Rivoluzione, la fête annuelle organisée par le mouvement nationaliste et néofasciste italien Casapound.

Dernier sur l’affiche, figure le groupe Leibwächter (garde du corps en français), dont on ne sait pas grand chose. Il pourrait s’agir d’un nom d’emprunt pour le groupe de NSBM de Lyon, Leibstandarte. Contactés, les organisateurs du Call of terror n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Selon Adrien Nonjon, doctorant à l’Institut national des langues et civilisations
orientales (Inalco), spécialisé dans les nationalismes et mouvements d’extrême droite est-européens, ce type de festival n’est pas seulement un moment musical, mais aussi politique : « Les concerts de NSBM, avec leurs textes et leur esthétique, sont un moyen de promouvoir une vision du monde et de rassembler une communauté. Ils s’adressent à un public déjà idéologisé. L’invitation de groupes étrangers peut permettre de faire se rencontrer des militants d’extrême droite de plusieurs pays. » Dans son livre sur le bataillon Azov – bataillon nationaliste ukrainien, où l’on peut retrouver des militants néonazis – il raconte avoir rencontré le programmateur du Call of terror dans une base militaire à Kyiv, en recherche de groupes ukrainiens à mettre à l’afche d’une prochaine édition.

Un festival néonazi qui s’appuie sur un réseau régional et
lyonnais

« Après la chute de l’URSS, il y a eu une radicalisation anti-communiste en Europe de l’Est. Cela coïncide avec l’émergence du NSBM, dont Graveland est l’un des premiers groupes. Le NSBM s’est ensuite déporté vers l’Ukraine, puis la Russie. La France a réussi à se greffer à cette mouvance et en est devenu un des principaux pôles, notamment grâce aux groupes Peste Noire ou Baise ma hache », analyse Adrien Nonjon.

Les organisateurs du Call of terror peuvent en effet s’appuyer sur une scène rhône-alpine de NSBM plutôt dynamique.

Le groupe savoyard Baise ma hache était à l’affiche des éditions de 2017 et 2019. Cette fois, s’ils ne se produiront pas sur scène, ils seront tout de même présents. Le groupe a annoncé sur ses réseaux sociaux qu’il tiendrait un stand sur le site du festival. Outre leur logo qui utilise les symboles des jeunesses hitlériennes (la hache et l’os), Baise Ma Hache reprend intégralement un poème de Robert Brasillach, écrivain collaborationniste et antisémite fusillé en 1945, dans une de ses chansons. Le groupe a également rendu hommage à Dominique Venner, un idéologue d’extrême droite, dans un post Facebook aujourd’hui passé en privé. Le lendemain du concert de 2017, une rencontre avec le groupe avait eu lieu dans le local du groupuscule d’extrême droite Gud (devenu Bastion social puis Lyon Populaire) à Lyon.

Concernant la cinquième édition du Call of Terror, la préfecture du Rhône a indiqué qu’elle prendrait un arrêté d’interdiction dans les prochains jours.

Contactées, les préfectures de l’Ain, de la Savoie, de la Haute-Savoie et de l’Isère n’ont pas répondu à nos sollicitations.

En novembre 2023, un concert de RAC (rock anti-communiste) et néonazi devait se tenir près de Lyon. Après avoir été annulé puis interdit par la préfecture du Rhône et de plusieurs départements, dont l’Isère, il s’était finalement tenu en taille réduite dans un restaurant loué sous un faux prétexte.

 


 


  • European branch of @FightExtremism, a not-for-profit, international policy organization formed to combat the growing threat from extremist ideology.

https://pbs.twimg.com/media/EnQV-d5XMAI3MuL?format=jpg&name=900x900

https://pbs.twimg.com/media/EnQV_ddW4AAF-zy?format=jpg&name=900x900

https://www.counterextremism.com/sites/default/files/styles/large/public/press_image/financial%20strategies%20right-wing%20extremist%20orgs%20and%20actors%20in%20uk%20and%20germany.png?itok=km6PgN91

 

 


  • Scénographie armée de Graveland : casque d’armure, lames d’épée et de poignard.

Graveland @ Eternal Hate fest. juillet 2023

 


  • Vice News : Traduction

https://video-images.vice.com/articles/65c9f08173422818afed0a94/lede/1707740100529-screenshot-2024-02-12-at-120857.png?crop=1xw:0.829523346303502xh;center,center&resize=500:*
Screenshot 2024-02-12 at 12 Polish band Graveland are described as “one of the stars of the international National-Socialist black metal-scene.” Photo: Instagram

Deux grands concerts de musique néonazis auront lieu en France et en Italie au cours des prochaines semaines, dans les semaines à venir, que les experts de l’extrémisme alertent comme d’importants événements de mise en réseau et de collecte de fonds pour l’extrême droite européenne.

Le concert français, Call of Terror, doit se tenir dans un lieu inopiné dans le sud-est de la région de l’Auvergne-Rhône-Alpes le 24 février, tandis qu’un concert italien appelé Hot Shower se tiendra quelque part dans le nord de l’Italie trois semaines plus tard. Les événements marquent le retour des concerts, facturés par leurs organisateurs comme des festivals et tous deux des rencontres établies sur la scène musicale underground d’extrême droite en Europe, pour la première fois depuis qu’ils ont été interrompus par la pandémie de coronavirus.

LIRE: Le coronavirus a fermé la scène néonazie du festival de musique néo-nazie en Europe

Les concerts figureront quelques-uns des plus grands noms du genre musical explicitement néo-nazi connu sous le nom de « black metal national-socialiste » ou NSBM. L’idéologie raciste du genre est clairement diffusée sur une affiche diffusée sur les médias sociaux, qui comporte un rat de bande dessinée – Splinter des tortues ninjas – portant une étoile juive de David, avec un Klansman à capuche.

« S’il vous plaît, arrêtez de comparer les Juifs à la vermine – c’est insultant à la vermine », peut-on lire sous l’affiche sur la page Facebook du concert.

Thorsten Hindrichs, un musicologue de l’université Johannes Gutenberg de Mayence, qui se spécialise dans les sous-cultures musicales d’extrême droite, a déclaré à VICE News que les concerts sont deux des événements majeurs de la comédie musicale néo-nazie en Europe.

« Les deux festivals sont d’une importance capitale pour la scène internationale NSBM, parce qu’ils ont déjà établi une certaine tradition, et parce que les line-ups comportent généralement des bandes nazies de « haut calibre », a-t-il déclaré.

https://video-images.vice.com/_uncategorized/1707740743456-screenshot-2024-02-12-at-122526.png

Call of Terror, qui est proposé pour la cinquième fois, affiche le groupe polonais chevronné Graveland, décrit par Hindrichs comme « l’une des étoiles de la Scène internationale de la NSBM ».

Formé à Wroclaw en 1991, le groupe a fait interdire les albums en Allemagne, et apparaît sur une liste des groupes de « musique de haine ». Le fondateur du groupe, qui utilise le nom de scène « Rob Darken », a déclaré à un interviewer en 2006 que la plupart des gens qualifieraient sa politique de « convictions nationales-socialistes de droite ».

Parmi les autres actes de la formation Call of Terror, on peut citer le groupe italien SPQR – une phrase faisant référence à la République romaine – qui a promu son apparition au festival avec son dernier vidéo musical, qui présente des images de soldats ukrainiens au combat et est dédiée aux unités de combat d’extrême droite ukrainiennes, y compris la brigade Azov, le secteur droit et le corps des volontaires russes. Le groupe polonais de la NSBM Kataxu, qui, comme SPQR, était « très bien connu dans la scène », a déclaré Hindrichs.

La France était connue pour avoir l’une des scènes NSBM les plus fortes et les mieux en réseau en Europe, aux côtés de bastions plus forts plus à l’est comme la Pologne, l’Ukraine et la Russie, a-t-il ajouté.

Lire la liste : Le festival de black metal en Ukraine est l’événement néo-nazi de la mise en réseau de l’année

L’événement Hot Shower dans le nord de l’Italie, qui se tient pour la neuvième fois depuis le concert inaugural en 2012, proposeVothana, un groupe de la NSBM américano-vietnam qui, selon Hindrichs, a rarement joué en live. La formation comprend également le groupe brésilien Walsung, dont le catalogue comprend la chanson « When Totenkopf Rises » (Der Sturmer) et la bande française de la NSBM, Seigneur Voland, qui a une chanson intitulée « Quand les Svastikas étoilaienrt le Ciel » (« When Swastikas Light Up the Sky »).

Alexander Ritzmann, conseiller principal au Counter Extremism Project, a déclaré que des événements comme les concerts ont servi de « centres de réseau central » pour les mouvements transnationaux d’extrême droite.

« Ils ont une fonction sociale – « s’amuser au fascisme » – et ils sont utilisés pour gagner de l’argent pour le mouvement grâce à la vente de billets, de marchandises et de restauration », a-t-il déclaré à VICE News.

Les figures clés de la clandestinité de l’extrême droite se réuniraient généralement autour de l’événement et examineraient des domaines de collaboration, y compris des actions potentiellement violentes. Ritzmann a déclaré qu’il n’y avait pas de « distinction claire entre la scène musicale d’extrême droite et l’extrémisme violent de droite ».

« Ils se rencontrent tous lors de ces événements, où la diffusion de propagande haineuse contre les minorités est au centre de l’action », a-t-il déclaré.

Ces événements musicaux sont un flux de revenus clé pour la scène underground néo-nazie traditionnelle, avec une grande partie de l’argent collecté reléguer dans l’activité d’extrême droite. Ces activités comprennent le financement de la publication de matériel politique, l’organisation de manifestations, couvrant les frais de justice pour les extrémistes qui tombent sous le coup de la loi.

« Beaucoup d’argent liquide changent de mains à ces événements », a déclaré Ritzmann.

LIRE: Les festivals de musique néonazis financent l’extrémisme violent en Europe

Hindrichs a déclaré qu’il pensait que les précédentes éditions des concerts avaient attiré quelques centaines de participants chacun, qui auraient tous été des adeptes du noyau dur de la scène extrémiste de la NSBM. « Vous ne vous retrouvez pas à un festival comme celui-ci par accident », a-t-il déclaré. “Quiconque s’y rend… est déjà “à bord”.»

Les organisateurs de Hot Shower ont répondu à une demande de commentaires de VICE News d’une manière apparemment facétieuse, en utilisant apparemment un code de suprémaciste blanc commun faisant référence aux initiales d’Adolf Hitler (« A » étant la première lettre de l’alphabet, « H » étant la huitième) en réponse à une question sur la participation attendue à l’événement. « Pour la dernière édition, nous venons de vendre 188 billets, ce sera une bonne chose d’avoir à nouveau le même numéro », peut-on lire dans la réponse. Une affiche pour le festival indique que la capacité est limitée à 300 personnes.

Les organisateurs ont également mis de côté une question sur l’idéologie haineuse qui sous-tend l’événement, répondant qu’ils ont été « vraiment surpris que le VICE soit si heureux d’écrire sur quelques personnes dans un petit concert ».

Les organisateurs de Call of Terror n’ont pas répondu à une demande d’observation de VICE News.

 


  • Daï-Mon React : Lecture commentée de l’article Médiapart par une streamer actu live qui découvre la problématique NSBM

 


  • Le progrès de l’Ain : Le département possible point de chute d’un concert de rock de la mouvance néonazi

Les organisateurs de ce genre de soirée choisissent en général les salles des fêtes de communes rurales, comme ce fut le cas, en 2020, pour l’Espace culturel de rencontre de Châtillon-la-Palud, situé à l’écart de la route.


  • infolibre.es

 

NSBM : le sous-genre extrême du heavy metal et ses liens avec la guerre en Ukraine

Vidéo bien documentée !

3:00 –  NSBM slave en Russie, autours de Blazebirth Hall
4:25 – en Pologne autours de Temple of Fullmoon, Graveland, Nergal de Behemoth
4:43 – mondialisation NSBM
5:00 – M8l8t.H et Aleksey Levkin en Russie,
5:18 – puis félon affilié AZOV en Ukraine
5:45 – origines skinhead et hooligan de AZOV et mythologie Maidan
6:30 – logo AZOV
7:10 – M8l8t.H et Aleksey Levkin en Ukraine, officiellement affiliés AZOV
7:40 – Levkin organise LES festivals internationaux de AZOV
8:00 – M8l8t.H chante les hymnes néo-nationalistes ukrainiens pour AZOV
9:00 – M8l8t.H est Russe, Levkin a fuit la Russie ou il a commis des crimes violents en accord avec son idéologie.
9:08 – Le rassemblement NSBM international Asgardsrei est intitulé en hommage a Hendrik Möbus de Absurd, meurtrier également, qui participe régulièrement au micro lors des conférences Pact of Steel et des prestations scéniques de Absurd à Kiev.
9:30 – Nokturnal Mortum soutien effectif de AZOV
9:55 – Le KOLOVOROT nsbm Shop de Nokturnal Mortum et Kroda à Kharkiv était un objectif militaire russe, détruit par une roquette.
10:40 – Goatmoon NSBM de Finlande.
10:50 – Peste Noire = Misanthropic Division
11:00 – Misanthropic Division
11:10 – Heretic Fest
11:15 – Militant Zone
11:40 – Wotanjugend
13:38 – Drudkh
13:50 – Nergal et Behemoth : homophobie
14:14 – Varg Vikernes
19:09 – Roger Waters

Activez les sous-titres si besoin.

Gestes déplacés, misogynie, agressions sexuelles et marchandise néo-nazie : Quelles problématiques dans le METAL ?

Les métalleux ont l’air méchants, mais ils sont vraiment gentils. Il existe un large consensus à ce sujet dans la communauté du métal. Mais cette image autoproclamée est-elle vraiment vraie ?

Nous sommes allés à trois festivals de métal en Allemagne. Là-bas, nous avons parlé à des fans de metal, regardé les line-ups et examiné de plus près les produits dérivés. Tout ne fait pas battre le cœur de métal plus vite.
Certains métalleux nous ont fait part d’agressions sexuelles alors qu’ils faisaient du crowd surfing. Comment les festivals gèrent-ils cela ?
Nous avons demandé à Wacken, Party.San et Summer Breeze.

Un film d’Isabell Beer et Kim Eckert
Collaboration : Irem Yildirim, Jan Jacke, Mette Marit Olsen, Benjamin Possin
Caméra : David Diwiak, Jan Littelmann, Nadja Hübner, Isabell Ströh
Montage : Jan Littelmann, David Diwiak, Nadja Hübner
Finition : Maximilien Klein
Équipe éditoriale : Lutz Ackermann, Anna Orth, Han Park

vous pouvez activer les sous-titres traduits

17:16 Shining, en 2013 le vocaliste Niklas Kvarforth s’exprime en anglais au micro pendant un interview filmé et profère des propos misogynes antisémites.

Bård Guldvik “Faust” Eithun de Emperor est coupable de meurtre contre un personne homosexuelle, tuée a coups de couteau dans un parc la nuit.

Hellhammer est le batteur de Mayhem, il a déclaré que “le black metal est une musique de/pour les blancs”

19:34 Burzum

22:34 Goatmoon

22:50 Steelfest, puis Graveland, Horna, Nokturnal Mortum, Peste Noire, Baise ma Hache, Satanic Warmaster, Marduk, Destroyer 666, …

Contenu d'automutilation, d'agression sexuelle, d'homophobie, d'antisémitisme et de racisme selon les timecodes. Vous pouvez donc décider vous-même de ce que vous voulez voir ou non :

04:47 - 05:28 Rapports sur un forum sur une agression sexuelle lors d'un crowd surfing
06:33 - 08:57 Descriptions d'agressions sexuelles lors d'un crowd surfing du point de vue des personnes concernées
09:02 - 09h30 Images d'une agression sexuelle alors qu'elle surfait sur une foule
10:19 - 11h46 Relativisation de l'agression sexuelle
16:16 - 17h16 Extraits de concerts dans lesquels les gens fantasment sur le sexe avec un jeune de 16 ans
17:20 - 17h34 Comportement d'automutilation
17:57 - 17h59 Déclaration antisémite
18:04 - 18h31 Glorification de l'automutilation et du suicide
18:32 - 19h11 Homophobie et glorification du meurtre d'un homosexuel
20:17 - 20h25 Déclaration antisémite
22:40 - 22h57 Croix gammée ainsi que les cris de Heil et les saluts hitlériens
23:32 - 23:44 « Sieg Heil » et propos antisémites dans une chanson métal
24:29 - 24h53 Déclarations anti-musulmanes
Vous pouvez trouver de l’aide ici, gratuitement et en toute confidentialité :

Numéros de conseil téléphonique (appel gratuit et confidentiel, 24 heures sur 24)
0800 1110111
0800 1110222

Numéro contre le deuil pour les jeunes :
116 111
(du lundi au samedi, de 14h à 20h)

Conseils de chat pour les jeunes :
https://www.nummergegenkummer.de/kind...
(mercredi et jeudi, 14h00 - 18h00)

Ligne d'assistance téléphonique pour les abus sexuels :
0800 22 55 530
(Lun., mer., ven. : 9h à 14h)
(mardi, jeudi : 15h à 20h)

Rechercher des médecins et psychothérapeutes à proximité :
https://arztsuche.116117.de/

Partie II : Les réactions

23:46 l’idolâtrie pour les figures nsbm, et l’importante distinction entre le black metal et la promotion nsbm

S.P.Q.R. orchestre skinhead italien autours de Fabrizio Croce affiché pour le rassemblement néonazi semi-clandestin Call of Terror 5 autours de figures RAC et NSBM internationales le 24 févier 2024

SPQR ne joue pas de la musique “black metal” ni “trash* hardcore”,
SPQR n’est même pas référencé dans l’Encyclopaedia Metallum

Les disques SPQR sont vendus dans le circuit skinhead/RAC néonazi comme le label et distributeur Martel en Tête de Bourges. [* trash : “ordures” / et le THRASH est un style de music metal 80’s connu pour sa longue chevelure, son esprit crossover, ses tempos rapides soniques … etc.]

breizh info de la fachosphère rapporte les rassemblements RAC italiens de Casapound

Les annonces de concerts que SPQR propose sur son Intagram sont toujours des rassemblements néonazis et/ou de la mouvance skinhead, notamment autours de CasaPound.


Lors de ces dates de concerts, SPQR ne s’affiche pas du tout avec des groupes black metal, mais fait bien-sur l’exception pour s’afficher sous l’intitulé Call of Terror, l’appel au rassemblement RAC et NSBM autours de Graveland et Kataxu, sous les apparences d’un “concert” “black metal” promu par la vitrine folklorique de l’interfaf “hooligan” Ouest Casual, turbonazi.

 

SPQR s’est déjà affiché au centre d’un rassemblement clandestin autours de la musique white-power en France le 19 novembre 2016 avec les groupes français DC (ex-Décadence culturelle) et Bordel Boys (groupe breton prétendument apolitique) et des italiens proposé par “HardCore Wave” promotion RAC n’ MMA autours de Tomasz “gamin” Pride France lors de son premier rassemblement autours du RAC qui s’est tenu en Haute-Savoie.

 

spqr skinhead rac désigné "bien Hc/trash " et Call of Terror affiche des croix non-inversées pour promouvoir un event "black metal" et völkisch qui plus est
SPQR skinhead RAC italienne désignée ” bien Hc/trash “

 

SPQR est une formation RAC italienne de Rome active depuis 2005 autours de figures skinhead RAC :

  • La maison de disque Rupe Tarpea Produzioni affiliée a Massimo Morsello qui produit Londinium SPQR appartient à l’empire financier de Roberto Fiore.

 

https://lastfm.freetls.fastly.net/i/u/770x0/22512e6ececa47a9a732868cc75e61e5.jpg#22512e6ececa47a9a732868cc75e61e5
SPQR en “concert” sous bannière “anticlerical church”
  • Fabrizio Croce est désigné comme Hammerskin par Searchlight en apparaissant dans les enquêtes sur le réseau fasciste italien Forza Nuova opérant à Londres autours de Roberto Fiore sous la couverture “Easy London”
“portrait of a bomber” searchlight 2009

 

https://www.articolozero.org/2004/12/la-cosa-nera/

 

https://www.inventati.org/noeasylondon/I%20SOLDI%20AGLI%20STRAGISTI.htm

 

https://buco1996.wordpress.com/tag/fabrizio-croce/

 

https://csaintifada.org/wp/archives/1020

 

  • Fabrizio Croce est désigné comme ancien candidat à la mairie de Grottaerrata de la liste Casapound
https://buco1996.wordpress.com/tag/fabrizio-croce/

 

  • Fabrizio Croce candidat à la mairie de Grottaerrata sur la liste Casapound

 

  • Fabrizio Croce est promoteur et producteur du rassemblement “Eternal City Custom show” autours de la motocyclette.

https://i0.wp.com/www.mcscoordinati.it/wp-content/uploads/2021/06/locandina-summeredition-724x1024-1.jpg?w=640&ssl=1

 

spqr skinhead rac

 

  • Londinium SPQR  est un cas à part dans la scène identitaire italienne. Il a été fondé par des militants fascistes italiens réfugiés à Londres dans les années 1980. Le nom du groupe est la combinaison du nom latin de Londres, avec les lettres SPQR, signifiant Senatus Populus Que Romanus.

Dans une interview donnée aux fanzine skin d’extrême-droite Skin Side n°6, Londinium SPQR ne cache pas son appartenance au néo-fascisme et au néo-nazisme. Mais à la différence des autres groupes politiques et musicaux nazis, les musiciens de Londinium SPQR préfèrent mettre en avant leur héritage romain à travers des symboles renvoyant à la Rome Antique plutôt que d’utiliser la croix celtique comme la plupart des groupes fafs.

 

  • RAC et fight club néo-fasciste

SPQR entretient de multiples liens avec la fachosphère italienne autours de Casapound qui investit le terrain métapolitique des arts martiaux avec la production du rassemblement “Taana delle Tigri” en musique autours de figures RAC italiennes ou “Rock identitaire” internationales (In memoriam – 2012) et de combats d’arts martiaux.

concerto SPQR @ Tana delle Tigri 3 – 2013

SPQR live = skinheads qui scandent sur du RAC dans un rassemblement néo-fasciste.


En 2013, White Rex a organisé un tournoi MMA à Rome; l’un de ses invités était Erich Priebke, un criminel de guerre condamné et ancien SS Hauptsturmfôhrer qui est décédé plus tard dans l’année.

L’un des tournois de MMA de White Rex s’intitule « The Birth of a Nation », une référence au titre de D.W. Le film raciste de Griffith (à l’origine appelé The Clansman) qui a été publié en 1915

Anton Shekhovtsov

 


Secondary, 2 of 2

 

  • Vincenzo Sortino : guitariste dans l’orchestre SPQR autours de Fabrizion Croce et graphiste pop de signature chromatique néon, avec une touche identitaire romaine visible sur les marchandises SPQR et leurs visuels promotionnels.
(c)facebook

Vincenzo Sortino est tatoueur style völkisch,
et Vincenzo Sortino pratique les arts-matiaux.

https://antipestenoire.noblogs.org/files/2023/12/spqr-photo-sortino-mma-2015-indymedia.png
Vincenzo Sortino « Trenefa » au concours international White Rex MMA

Highlights of the photo est de Simone Cicalone

traduction automatique :

Rome – Vincenzo Sortino de la salle de gym « Huung Mun » à Rome a remporté le concours international de combat en White Rex qui s’est déroulé dans la capitale à la zone 19 de la Via Monti della Farnesina à l’occasion de « Taana delle Tigri 6 ».
C’est l’événement le plus important du circuit international MMA auquel ont participé des athlètes de haut niveau de toute l’Europe. […]
L’événement romain a été suivi par de nombreux fans venant principalement de Cha, ainsi que de Cha d’Italie, de France, d’Allemagne, de Russie, de Hongrie, de République tchèque et d’Ukraine, se confirmant ainsi comme un événement technique et compétitif de premier plan dans le monde MMA.

 


White Rex : Marchandises faf-wear sur le marché des combattants sportifs identitaires

L’Asgardsrei de cette année [décembre 2019] a présenté une “soirée de combat” d’arts martiaux mixtes (MMA) qui a eu lieu avant le coup d’envoi du concert. L’événement MMA a eu lieu à Mala Opera, un lieu appartenant à l’administration de la ville de Kiev.

Les photos et la vidéo de l’événement MMA montrent le logo de White Rex , une marque de promotion et de vêtements MMA d’extrême droite dirigée par le néonazi russe basé à Kiev Denis Nikitin (également connu sous le nom de Kapustin), visible au milieu du ring.

Bellingcat


 


  • DTB 590 : Hendrik möbus le meurtrier allemand pose sa marque Darker Than Black aux cotés de Rupe Tarpea Produzioni pour commercialiser la marchandise nsbm sous la forme d’un disque laser compilation d’enregistrements de la collaboration Frangar et SPQR, deux orchestres Rac’NSbm italiens.

 

 

 


 


SPQR sur Indextreme https://indextreme.fr/acro/spqr/2.png


September 2023 : Graveland and Seigneur Voland secret live in France (north)

GRAVELAND & SEIGNEUR VOLAND

EN CONCERT SECRET

EN FRANCE

20.09.2023 : La page Instagram de Graveland montre une photo vraiment pas terrible de Robert Fudali avec quatre autres types sur un parking de province, tous posent alignés debout jambes écartées et les bras croisés face à l’objectif avec des lunettes de soleil, cela ressemble à une étape pause-pipi ou arrêt sandwich de métalleux plus très jeunes sur la route vers un camping de festoch, intitulée “Graveland (Live in France, September 2023)”

(c)insta

La photo revendique donc à posteriori un concert en France, sans date ni localisation, ni visuel promotionnel, ni programmation, ni staff, ni promoteur.

Un concert black metal “normal” consiste en une proposition simple
avec une promotion d’affichages préalable des artistes programmés et produits
à la responsabilité d’un promoteur individuel ou collectif identifié au moins par un intitulé ou un sigle
précisant une date, des horaires et une localisation du projet de rassemblement en musique
sous la forme de supports promotionnels, flyers, affiches, events, agendas concerts, …
les spectateurs peuvent y prendre des photos et des vidéos en souvenirs à partager, …
et une fois l’événement terminé, il est parfois de coutume de remercier publiquement les orga, le staff, les autres groupes, la ville, … même dans le nord.

 

22.09.2023 : Release of the secret live recording. Digital.

L’enregistrement audio est rapidement diffusé sous la forme d’un album live à télécharger.

https://www.metal-archives.com/images/1/1/8/6/1186416.jpg?1548
(c)encyclométol

https://www.metal-archives.com/albums/Graveland/Live_in_France/1186416

29.09.2023 : La page instagram du guitariste de Seigneur Voland affiche une photo en noir et blanc granuleux
avec éclairage à la torche flambeaux sur un espace scénique assemblé d’échafaudages sous tonnelle.

31.10.2023 : à la date d’halloween nouvelle photo Insta. du guitariste de Seigneur Voland, en noir et blanc granuleux, sous éclairage de projecteurs de chantier, sous un abri

14.12.2023 : L’enregistrement Graveland – Live in France 2023 est diffusé sur Youtube

[Graveland c’est vraiment pas terrible musicalement depuis 30 ans, j’ai fait l’effort d’écouter cet enregistrement mis à disposition en ligne = ça donne pas envie de voir ça en live ni envie d’acheter les disques meme pas en mp3 gratos, j’aime pas les riffs ni le jeu de batterie, le chant est insupportable, comme les synthés-pipo en playbacks]

et NON! à la prédication völkisch

et NON! à la stratégie métapolitique fasciste à posture apolitique de façade qui entoure Graveland

 


lire la suite de l’article sur Mediapart

Le cas de l’arnaque Ragnard Rock Fest, rassemblement NSBM sous vernis viking par MaxYme

[36:16] Le choix de supprimer deux vidéos.
[37:59] Raw Talk 1 : la responsabilité d’un chroniqueur de webzine apolitique qui rapporte un rassemblement NSBM sans parole critique ni informations, par le cheval de Troie music only de la promotion nsbm.
[39:20] Evolution de la prise de conscience

[39:39] Le cas Ragnard Rock Fest en 2016 puis en 2017, rassemblement nsbm et arnaque sous vernis viking folklo. jusqu’a [44:15]

NSBM outing II : Ou comment moi-aussi j’ai arrêté d’être nazillon

https://www.monvoisin.xyz/nazi-outing-2-ou-comment-jai-moi-aussi-arrete-detre-nazillon-autre-histoire-dune-deconversion-musicale-et-politique/

Il y a une quinzaine, j’ai mis en ligne le témoignage édifiant de Thomas. depuis, j’ai reçu de nombreux courriers du milieu Black Metal, dont plusieurs témoignages qui n’ont pas velléité d’être diffusés. Hormis un, qui vaut son pesant de cacahuète : un garçon  souhaitant garder l’anonymat, m’a envoyé son histoire, qui est une véritable plongée en eaux troubles. Je n’ai pratiquement retouché que des coquilles, le texte est brut, magnifique. Je n’ai pas pour volonté de devenir un expert de ce milieu, et j’avoue que je reste toujours capable de confondre du sludge metal et du metalcore (aïe, patapé, patapé !). Mais j’ai compris deux choses : que metalis a new jazz, et que la richesse du milieu est épatante ; et que de même que le maloya, le blues, ou le sirtaki, le metal est une courroie politique non négligeable. C’est dans un growling raté qui ressemble à un miaou de chat malade que je ferme cette introduction. N’étant pas expert, je laisse la responsabilité des propos à mon témoignant, et je ferai des addendums ou correctifs au besoin. N’hésitez pas à commenter, courtoisement, ci-dessous.


Ayant lu récemment sur le blog de Richard Monvoisin le témoignage de Thomas, un ancien adepte de NSBM (National-Socialist Black metal, le Black metal nazi) tombé durant l’adolescence dans l’extrême-droite puis dans la pensée néo-nazie, je me suis motivé moi aussi pour partager mon vécu, car en parcourant ledit témoignage, j’ai retrouvé énormément d’éléments en commun avec mon propre parcours, de la droite libérale-conservatrice au confusionnisme rouge-brun, et de ce confusionnisme à la fétichisation d’artistes comme le trop fameux Famine de KPN (Kommando Peste Noire, connu aussi sous le simple Peste noire).

J’ai simplement pensé qu’il serait intéressant de faire profiter les gens du vécu d’une personne comme moi, qui ne se considère pas comme étant « tombée » dans l’extrême-droite, mais qui considère plutôt en être sortie après y avoir été élevée.

Allons‑y déjà pour un brin de contexte. Ça va être long.

1. La famille 

Je suis né dans un milieu de classe moyenne, voire de petite bourgeoisie aisée, marqué politiquement sur deux pôles.

La famille de mon père est de bourgeoisie traditionaliste, marquée par la droite libérale, gaulliste, républicaine, quelques éléments de catholicisme diffus. Si je devais définir mon père et son camp politique, je pense pouvoir le qualifier de bonapartiste, pas dans le sens où il veut un Bonaparte au pouvoir, mais dans la gestion de l’État et la vision de comment doit s’exercer le pouvoir.

La famille de ma mère est ouvrière, mon grand père étant un ouvrier ayant réussi dans les 30 glorieuses à monter sa petite entreprise de maçon, ayant commencé à travailler sur les chantiers à 14 ans. Ancien communiste, mon grand père maternel était aussi fortement réactionnaire (attachement à la petite propriété, hostilité aux étrangers, et très attaché aux valeurs du travail et du mérite) et continuait à voter socialiste par habitude, et par souvenir salvateur de son enfance sous Vichy, tout en reconnaissant que Le Pen par exemple avait raison sur pas mal de choses. Ma mère a largement repris ses convictions.

J’ai donc eu une famille scindée en deux pôles sur les parcours individuels mais finalement très conforme à une vision droitisée et petite bourgeoise de la société. Une vision du monde ordinaire et typique d’une famille de classe moyenne aisée de province, entre discours de droite libérale classique et discours assez « rouge-brun », rouge-brun désignant une mouvance politique mêlant des valeurs hybrides entre l’extrême-droite nationaliste (le brun) et l’extrême-gauche communiste (le rouge). Ces discours viennent notamment de mon grand-père et de son passé communiste, puis de petit patron, et finalement de personne âgée assez aigrie sur « l’époque actuelle » et ses « dérives ».

J’ai également été pétri de valeurs républicaines et patriotes. J’ai grandi avec l’idée dite et répétée que « La France est le phare du monde », que j’étais le prolongement d’une histoire, d’un peuple et d’une nation glorieux, qui avaient inspiré et fait plier le monde entier ; qu’on se devait en tant que français d’être digne de ce modèle et que l’abandon de cette conviction était le signe de la décadence du pays.

J’ai également grandi avec énormément de racisme et antisémitisme autour de moi sous couvert d’humour. Mon enfance et adolescence ont été marquées par l’omniprésence de blagues sur l’avarice des Juifs, sur la fourberie des « Arabes », etc. Tout ça avec les justifications habituelles : « c’est de l’humour, et puis on a un arrière grand père juif dans la famille ». J’ai très tôt appris à accepter cet humour et les façons de penser qui vont avec comme normes, et effectivement autour de moi, cet « humour » était, de fait, la norme. Je vivais et je vis toujours à la campagne, dans un village assez isolé, dans un département connu pour voter beaucoup à droite et extrême-droite. Mon contexte d’éducation était donc très orienté. Par souci d’honnêteté, je dois aussi dire que j’ai grandi avec l’idée que le patriotisme et le nationalisme sont deux valeurs différentes, et donc que l’extrême-droite et son nationalisme étaient à rejeter. Mon père croyait ferme à cette différence comme beaucoup de gens de droite classique. L’expérience m’a appris que cette distinction était peu fondée en pratique.

2. Éducation et « premiers contacts »

Plus tard, en fin collège et tout le lycée, j’ai été en internat catholique privé, dans un lycée agricole, en pleine campagne. Pas particulièrement friqué (les fils/filles du monde paysan qui constituent la base du profil des élèves ne roulent pas sur l’or non plus) mais à l’atmosphère imprégnée de cette mentalité petite bourgeoise que j’ai décrite un peu plus haut en parlant de ma famille : attachement au travail, à la petite propriété, à la patrie et la tradition. C’est là que j’ai été réellement mis au contact de l’extrême-droite la plus radicale, sous la forme de discours d’adolescent·es comme moi. Bien sûr leurs discours n’étaient pas structurés ou même vus comme idéologiques ou politiques, dans un premier temps. Mais habitué au racisme ordinaire pratiqué dans ma famille, qui se targuait tout de même de « ne pas être raciste, contrairement aux paysans du coin », j’ai été mis en contact avec un racisme clair, agressif, assumé et affiché, qui se manifeste quand suffisamment de racistes ordinaires se retrouvent suffisamment en force pour se manifester au grand jour sans conséquences.

J’ai donc été au contact de manifestations très exacerbées de xénophobie durant ces années : des références continuelles aux « arabes » comme étant les Gris/ Bougnoules/ Boukaks/ Bachés etc, et qu’il fallait les « démonter à coups de masse ». Quand on se baladait en ville et qu’on croisait une femme avec un voile on était sûr d’entendre un concert de « tiens regarde ça encore une bâchée. Ça, c’est tout juste bon à ensiler, à passer dans le bol et à donner aux vaches ». Quelques références aux « youpins », affublés du qualificatif de « sangsues », des attaques continuelles sur les Gens du voyage dont il faudrait « cramer les caravanes »… etc. vous avez compris le ton.

Des surnoms humiliants étaient assignés à celleux qui ressemblaient de près ou de loin ou adoptaient des codes culturels perçus comme « étrangers (la « racaille blanche ») ou qui pouvaient de loin être assimilés à des étrangers. Je me souviens d’un mec de mon internat, qui petit, brun et très bronzé, a gagné le surnom de « petit gris » (gris étant un surnom péjoratif pour dire arabe ou maghrébin) qu’il a gardé trois ans. Il n’était bien sûr absolument pas maghrébin et pouvait se montrer aussi raciste, voire plus, que les autres.

Dans les dortoirs de l’internat, l’écoute d’artistes violemment nationalistes voire néo-nazis était courante, volume à fond, sans que ça fasse réagir les pions, de même dans quelques chambres que les affiches de promotion pour le Front National qui n’occasionnaient pas plus de réaction. J’ai quotidiennement entendu et vu chanter du punk-rock skinhead (Légion 88 et son inénarrable refrain qui me reste encore en tête puisqu’il était gueulé dans les piaules : « Sale arabe, on va te gazer. Vive la France ! Mort aux immigrés… ») ou du Black metal nationaliste (KPN, Baise ma hache, Autarcie,etc.). On aura compris j’étais donc un adolescent ayant baigné dans une mentalité parfaitement facho-compatible, qui a opéré par étapes du racisme petit bourgeois et sage de ma famille à l’univers adolescent et provocateur de fils de paysan·nes ouvertement nationalistes et racistes, baignant dans de la culture skin néo-nazie. Je l’ai vu, j’y ai aussi participé.

Légion 88
Légion 88.

Je suis aussi le produit d’une époque faite d’insécurité sociale et économique, et donc naturellement inquiet vis-à-vis de ces problèmes. J’ai été au contact de fils/filles d’agriculteurs·ices ayant de gros problème d’argent, et j’ai connu des voisin·es et connaissances victimes du suicide après un dépôt de bilan. J’ai vu l’alcoolisme d’agriculteurs retraités buvant la liquidation de leur ferme au bar du coin faute de reprise, dans un monde rural déserté, qui ne sert largement plus que de dortoir aux gens travaillant en ville, ou ont été concentrés services et emplois. Un aspect du monde rural par ailleurs très mis en valeur par le groupe Peste Noire entres autres, et qui ne pouvait que me parler.

Famine, chanteur du groupe KPN

Famine, chanteur du groupe KPN

J’ai aussi vu la crise de 2008 comme tout un chacun et ressenti la profonde insécurité

et le pessimisme sur l’avenir qui se dessinaient pour la jeunesse dont je faisais partie, une jeunesse rurale aux perspectives d’avenir déjà incertains comme dit plus haut. Ces facteurs ont fait que, de par mon contexte d’éducation et les insécurités que je ressentais, j’ai vite essayé de faire une synthèse des discours politiques que j’entendais autour de moi. Ça donnait à peu près ça : d’un coté je rejetais le discours politique de droite classique de mon père et de mes proches immédiats autant par quête d’identité juvénile que pour des raisons plus logiques. Mon père était issu d’une famille aisée et n’avait pas connu le travail manuel ou les grosses difficultés matérielles. Son discours était celui d’un homme bien installé des Trente glorieuses et il me semblait assez peu à la page sur les difficultés de notre temps. Je préférais le discours politiquement plus radical et socialement engagé de mon grand-père qui lui avait connu les chantiers et avait monté son entreprise à partir de rien (mais c’était toujours les mêmes valeurs petites bourgeoises : mérite, travail, petite propriété). De l’autre je rejetais le discours ambiant que j’entendais au lycée, fait de nationalisme et de patriotisme virulent. J’avais été trop imprégné de droite libérale aux valeurs « universalistes » pour céder facilement à un discours aussi simpliste, même si je pouvais baisser la tête et accompagner le groupe. Plus trivialement, scolairement, j’ai toujours été mis à l’écart et j’ai même connu du harcèlement violent, ce qui m’a mené à ne pas avoir de volonté de reproduire un discours raciste par volonté d’intégration à un cercle, même si j’étais sous influence.

En gros je n’aimais pas le discours extrême du lycée mais je reconnaissais que celui de ma famille, plus « sage » et moins affiché, était d’une part hypocrite (leur racisme était moins affiché que certains avant tout par souci d’image et de démarcation sociale, même un ado un peu con-con comme moi pouvait le voir), mais c’était également le discours de personnes moins paupérisées que les agriculteurs·ices, qui avaient le « luxe » de ne pas être plus radicales car elles ne ressentaient pas l’urgence.

Il y a aussi la question des liens sociaux. Dans un univers composé de pas mal de personnes de droite nationalistes, tes relations et affections se font avec des gens de cet univers et il devient difficile de les critiquer, surtout quand tu compares ton histoire perso à la leur. Un de mes amis de l’époque était par exemple un raciste virulent. C’était un fils d’agriculteurs, petits propriétaires, plutôt précaires en termes de situation financière. Il a commencé à bosser à 16 ans en apprentissage, il a été père à 20 et dans sa famille on en a chié, et pas qu’un peu : il a perdu un frère à l’âge de 13 ans lors d’un accident du travail et s’il a dû partir bosser, c’est parce que sa famille avait peu de revenu et devait s’occuper d’un autre frère lourdement handicapé et incapable de travailler. Qui étais-je, moi qui avais plus de chance que lui a bien des égards, pour lui reprocher de voter FN et de jouer les piliers de bars contre tous les « étrangers » qu’il croisait en soirée ? En soi sur le terrain pur des idées ça ne change rien mais cette notion sentimentale rentre en ligne de compte, d’autant plus quand tu es jeune et peu formé au raisonnement politique pur.

3. Premiers engagements

Me voila donc à 17 ans avec tout ce contexte derrière moi, à essayer de trouver ma voie entre un discours de droite libérale que je juge inadapté, dépassé, et pas à la hauteur des enjeux du temps, et un discours très violemment nationaliste et raciste que je jugeais simplement bête et méchant bien que je concédais qu’il prenait sa source dans des problématiques et souffrances réels que je constatais autour de moi. Le tout sur un fort sentiment de décadence sociale et de catastrophe imminente à venir qui menaçait mon pays, mon peuple, tout ce qu’on m’avait appris à aimer et défendre jusqu’à la garde, au nom de mon sang, de l’histoire et de la tradition.

J’étais mûr pour trouver un militant politique qui saurait répondre à mon sentiment d’urgence et de radicalité avec un discours social et révolutionnaire, tout en y alliant les valeurs de droite libérale-conservatrice que j’avais intériorisées. La devise d’Égalité et Réconciliation de Soral : « Gauche du travail, Droite des valeurs » était taillée pour moi, de même que l’univers nationaliste dégénéré de KPN qui m’a beaucoup marqué par la suite et sur lequel je reviendrai car l’univers musical de Famine a été fondamental pour moi (jusqu’à la fin du lycée on peut dire que la culture nationaliste faisait partie d’un substrat culturel avec lequel j’avais des contacts mais pas une relation émotionnelle forte. C’est un peu plus tard que j’ai réellement mobilisé ce « substrat » et qu’il a commencé à faire réellement partie de mon identité).

Le glissement s’est fait par étapes : un cousin a commencé par me faire découvrir Dieudonné vers 16–17 ans. J’ai été très vite conquis par cet humour noir qui correspondait à la fois à mon sentiment de malaise sur mon époque, mes dépressions et aussi à mon acceptation des discours racistes ambiants sous couvert d’humour. Les quelques propos sociaux de Dieudonné sur la société française, le tiers-mondisme… avaient cette apparence de radicalité et de volonté de changement que je recherchais. Plus que tout, j’appréciais une des maximes de l’humoriste et qui je crois à une profonde importance : « Faut rigoler, c’est tout ce qui nous reste ».

De Dieudonné, je suis vite passé aux personnalités qui lui étaient liées. D’abord Soral bien sûr, mais aussi Marion Sigaud (l’« historienne »), l’ex-député belge Laurent Louis mais j’ai aussi été amené par le soutien de Dieudonné et Soral à regarder quelques conférences de Robert Faurisson, et si je n’ai jamais totalement cédé sur ses pseudo-théories négationnistes, j’ai été pris de doutes. D’ailleurs, et puisqu’on aborde le complotisme, j’ai très vite via Dieudonné adhéré aux théories du complot classiques. Je croyais fermement que le 11 septembre était un faux attentat orchestré par les USA et Israël et que l’Humain n’avait pas été sur la Lune. J’ai aussi via Soral été sensibilisé aux pseudo-théories du complot juif : la création de l’état d’Israël et ses « racines profondes », la révolution française et ses manipulations par les Francs-maçons (les Juifs). Il m’est arrivé de dire et penser comme l’affirmait Soral que « Quand un peuple se fait virer partout où il arrive au bout de quelques décennies, c’est que c’est ce peuple le problème il faut arrêter la victimisation ». Bien sûr, via ces mêmes cercles je pouvais reproduire les arguments anti-féministes, du genre à reprendre certaines phrases de Soral « Il faut des sous-hommes pour qu’il y ait des sur-femmes ». J’allais toujours plus loin dans les couches de l’oignon.

On constatera l’ironie crasse de la situation : je voulais trouver ma voie entre mes deux contextes d’éducation évoqués plus tôt. Ma famille de droite libérale et un brin rouge-brun et les discours nationalistes assumés entendus à mon lycée et dans mon cercle amical. Et j’ai cherché un discours qui sans tomber (d’apparence) dans la rhétorique raciste crasse et simpliste, répondrait à mon sentiment d’urgence et l’engagement nécessaire vis-à-vis de l’époque actuelle : et le discours que j’ai trouvé, entre rejet et synthèse de ces valeurs, n’a fait que m’y faire retomber à pieds joints par des moyens détournés. Le tout était même plus dangereux puisque en rejetant le racisme crasse, j’étais sans m’en rendre compte en train de RATIONALISER le racisme et de le renforcer. Ce pseudo intellectualisme me donnait un sentiment de maîtrise et de modération qui me donnait la sensation d’avoir mieux compris les choses que mon camarade de lycée qui hurlait « gnnn les bougnoules » tout en me distinguant de la droite « molle » de ma famille.

Je n’arrive pas encore à savoir si la manipulation était grossière ou génialement orchestrée. À l’époque on m’aurait dit que j’étais d’extrême-droite, antisémite, misogyne et raciste, j’aurais tout bonnement nié en bloc.

4. La crise, la radicalisation

Il faut aussi savoir que durant mes années de collège-lycée puis au-delà, j’ai pour diverses raisons traversé divers épisodes de dépression nerveuse qui m’ont forcé à interrompre mes études et à exercer durant un assez long moment divers métiers peu valorisants et difficiles. J’ai été ouvrier agricole, dormant dans une tente par temps de gel à la fin mars, j’ai été embauché dans une usine de tri de déchets, j’ai bossé dans une usine de fabrication de palettes, ouvrier d’atelier de peinture dans une usine de fabrication de porte et fenêtres, ouvrier en chantier de démolition ou encore employé à la mise de viande sous vide à l’abattoir. À terme le recul de ces expériences m’a permis de développer une réflexion de classe, mais sur le moment je ne l’entendais pas de cette oreille : J’étais passé de ma jeunesse privilégiée dans un village isolé où je ne manquais ni d’air, ni d’espace, ni de calme et de nature à la réalité d’un quotidien en grande ville, un univers artificiel, bétonné et bruyant qui ne m’inspirait qu’angoisse et dégoût, le tout sur fond de précarité économique. Pour le fils issu de la classe moyenne que j’étais, vivre dans cette situation, avec la conviction d’être coincé, indigne, sans avenir et condamné à la disparition a généré un vif sentiment d’abandon et de décadence sociale et morale que j’avais également honte de ressentir car je le voyais comme la marque de mon éducation bourgeoise qui m’avait rendu fragile (« féminisé » aurais-je dit à une période) et incapable de survivre dans le « monde réel ». D’où de profondes angoisses qui ne trouvaient un apaisement que dans la consommation de musiques et expédients extrêmes. J’ai cité KPN, Autarcie, Baise ma hache… mais on peut aussi citer Black Magick SS (le groupe joue esthétiquement sur l’imagerie nazie mais j’ai des doutes sur l’idéologie je le mets finalement car il gravite dans cet univers),

Affiche de Black magick SS

Affiche de Black Magick SS.

Sühnopfer, Maléfice, Vermine, Régiment, Constantinople, Drudkh, Akitsa, etc. J’ai aussi été marqué à cette période par l’univers décadentiste fin de siècle des romans de Joris-Karl Huymans, les poèmes d’Antonin Artaud, de Georges Trakl, Émile Verhaeren, Charles Leconte de Lisle, Roger Gilbert Lecomte, j’étais marqué par l’univers ésotérique de René Rémond, et même de Julius Evola et Savitri Devi, ou par le livre « Le déclin de l’Occident » d’Oswald Spengler, les romans d’Ernst Jünger, de Yukio Mishima (grand romancier et essayiste nationaliste japonais d’après-guerre), de Pierre Drieu la Rochelle et le pessimisme radical teinté d’humour de Louis-Ferdinand Céline… je lisais « Le matin des magiciens », de Louis Pauwels et Jacques Bergier, je me régalais de lectures lovecraftiennes, j’ai même parcouru le trop connu « Le camp des saints » de Jean Raspail et certains textes de Dominique Venner.

couverture de « samourai d’Occident », de DominiqueVenner

Couverture de « Samourai d’Occident », de DominiqueVenner.

Non pas que tous les artistes et écrivains que je lisais avaient tous des affinités avec l’extrême-droite, mais j’errais constamment dans les frontières de cet univers mental, n’hésitant pas à sauter à pieds joints dedans à l’occasion.

Cette façon de voyager en eaux troubles, je l’ai aussi reproduite en m’intéressant à des thèmes a priori plus consensuels comme l’écologie. Dans un contexte de crise environnementale sur fond de sentiment d’effondrement avec la conviction d’une catastrophe imminente à venir, j’en suis venu à m’intéresser à tout ce qui touche à l’anthropocène. Mais en parallèle de la collection Anthropocène des éditions Seuil, des livres des éditions Monde sauvage et de lectures de romans « Nature writing » assez innocents je suis vite passé à l’écologie profonde, la « théorie » de l’effondrement, le survivalisme, sur fond de néo-paganisme aux relents new age douteux. Savitri Devi, que j’ai déjà citée, entre dans ces catégories de lectures, mais aussi le manifeste du terroriste anarcho-primitiviste et réactionnaire Theodor Kaczyncki (La société industrielle et son avenir), des manuels de survie divers, dont le livre du très connu de Piero San Giorgo, qu’on trouve partout, et diverses chaines YouTube parlant d’autarcie, lesquelles ont explosé en popularité ces derniers temps pour des raisons très identifiables ; mais aussi des ouvrages d’histoire des religions comme ceux de l’historien au passé trouble Mircea Eliade. Sans compter les albums de metal et black metal, où la nature fantasmée en religion cosmique et le chamanisme font partie intégrante de l’identité du genre.
Quelques exemples :

Cette vision de la nature n’est certes pas apolitique loin s’en faut mais elle traverse le monde du (black) metal dans son entièreté des groupes les plus consensuels aux plus inquiétants, des sur-populaires Eluveitie aux néo-nazis de Graveland.

Il serait fastidieux de démonter le discours écologique d’extrême-droite et d’autres ont relevé mieux que moi ses contradictions, mais dans l’ensemble je reste fasciné par ce croisement entre nature et religion, où l’écologie se fait théologie, où la nature devient une entité à part entière, vivante foisonnante et hostile. Une forêt de film d’épouvante où l’Humain n’est plus rien mais où il va néanmoins se perdre avec délice car cette forêt a le merveilleux qui manque à notre monde moderne, morose et désenchanté.

Cette vision cosmique, organique, du monde, où se mêlent grands anciens, rites douteux, assemblées occultes, mythes fantasmés, ésotérisme, voire « théorie » du complot et exopolitique, pétrie d’une narration à la Howard Philip Lovecraft (qui par ailleurs était admiratif du nazisme, c’est qui toujours bon à savoir), et qui se retrouve dans le livre Le matin des magiciens, garde comme toute narration complotiste quelque chose d’indiciblement fascinant car elle semble nous traiter en élu (« l’élite » qui a compris, qui a été chercher l’explication du grand mystère) tout en gardant ce voile pudique de mystère qui permet à la narration de garder son potentiel mystique et par ce biais la fascination que cette narration exerce, et cela même quand on est au courant du procédé. Regardez les romans de Lovecraft : on sait que ce n’est que mythe, mais on voudrait y croire. Je me plongeais beaucoup dans cet univers culturel, qui répondait à mes angoisses tout en me permettant un genre d’évasion dans les limbes de l’imaginaire. L’extrême-droite, qui s’imagine un monde d’ennemis soudés par un complot intangible contre « la civilisation » (l’islamo gauchisme, le judéo-bolchevisme maçonnique, etc.) a bien compris cela et c’est pourquoi elle se fait le véhicule de beaucoup de « théories » du complot… quand elle ne les lance pas elle-même.

Voici donc où j’en étais rendu après quelques années. J’étais passé de jeune lycéen à étudiant, puis travailleur précaire. On était vers 2014–2015 et un peu au-delà. J’avais connu Dieudonné et commencé ma « vraie » descente en 2011. C’était à cette époque l’âge d’or de Dieudonné et du mouvement de contestation qu’il avait lancé suite à ses interdictions de spectacle par Manuel Valls. À cette époque j’étais donc ce jeune qui écoutait sans participer (je le précise ici : je n’ai jamais été actif sur les comptes d’Égalité & Réconciliation (ER) ou les pages de Dieudonné ou ailleurs, et je n’ai jamais lancé de harcèlement ou autre. Mon rôle s’est borné à écouter, intérioriser, et parfois à reproduire un argumentaire mais rien de plus. Si je vous dis ça, c’est parce qu’il faut comprendre que le harceleur qui rage derrière son clavier est l’arbre pourri qui cache la forêt des gens qui ne disent rien mais qui dans l’ombre sont peu à peu convaincus par les discours et donc laissent faire les plus violents d’entre eux, la violence du bras armé étant perçue par ces bons attentistes comme « regrettable, mais nécessaire »).

Cependant j’étais de plus en plus gêné par pas mal de choses dans le cercle d’Alain Soral et compagnie et bien que le processus se soit fait sur un temps long, j’ai commencé à voir ma confiance s’effriter. Cette confiance s’est ébranlée suite aux diverses affaires qu’il serait fastidieux de résumer mais en gros j’ai réalisé que Dieudonné était un prédateur financier de la pire espèce qui prenait les gens pour des cons, que Soral ne supportait pas la contradiction et était un pervers narcissique frustré en puissance, que Laurent Louis était un pur opportuniste et manipulateur compulsif et globalement que tous les pseudos intellectuels d’ER avaient ces tendances. Je commençais en parallèle de ma perte de confiance à m’intéresser aux discours de gauche, sur les luttes sociales, le constructivisme, etc. et à comprendre les failles de raisonnement… Suite à mes études et j’ai commencé à réfléchir, dans le contexte de l’après-attentat de Charlie hebdo, au fait que les Islamistes avaient une idéologie dans le fond très similaire aux nationalistes révolutionnaires « occidentaux » (ça m’a frappé quand j’ai remarqué que quelques nationalistes crasses pouvaient montrer des marques de respect aux islamistes, comme Zemmour qui a dit des terroristes islamistes « Je respecte des gens prêts à mourir pour ce en quoi ils croient, ce dont nous ne sommes plus capables… »), lesquels eux aussi montaient en puissance et en activisme, en même temps que leurs discours devenaient de plus plus présents dans l’espace médiatique ou sur YouTube. Tout cela commençait à bouillonner sérieusement dans ma cervelle et j’ai commencé à me demander « Mais à quoi j’ai pris part au juste ? ». Précisons d’ailleurs que mon premier réflexe suite à cette perte de confiance, parallèle à ce que j’ai dit plus haut, a été dans un premier temps la recherche de substituts plus radicaux, et non une « sortie » nette du milieu. Le fait d’avoir des doutes n’a dans un premier temps fait que renforcer mes angoisses et radicaliser mes manières de les extérioriser.

Le coup de grâce est sans doute venu lors de la période charnière de 2015–2016. À cette époque, c’est non seulement le traumatisme de Charlie Hebdo et l’effervescence sociale, la panique même, qui en découle, mais c’est aussi la période la grande mue de l’extrême-droite en France. Après s’être perpétré dans l’ombre du duo Soral-Dieudonné, qui s’étaient faits un nom mais restaient dans l’ensemble assez « souterrains », et suite à la déliquescence de leur mouvement, une extrême-droite plus affirmée, confortée par le duo et s’étant nourrie de leurs discours avant de les évincer, a commencé à sérieusement s’activer. C’était la période de naissance et expansion du Raptor dissident, de Valek et de globalement tous les ersatz de Soral plus rincés les uns que les autres qui après s’être suffisamment nourris de sa rhétorique, ont décidé de prendre eux-mêmes une caméra et un micro pour aller sur YouTube.

C’est aussi la période de la grande bagarre entre Soral et Conversano qui a défrayé la chronique à l’époque.

Le « débat » Soral-Conversano

Le « débat » Soral-Conversano

Et là où Soral était un nazifiant qui usait d’éléments de langages, de clins d’œil plus ou moins cryptiques à la pensée fasciste et nazie, Conversano s’assumait clairement comme tel (et il faut savoir qu’à une période antérieure, vers 2011, j’avais regardé certaines vidéos de lui, comme celle sur l’art contemporain, que j’approuvais).

Bref, c’est la période du grand coming out de l’ultra droite sur YouTube, qui avec ses multiples réseaux et lieux de rencontres et grandes personnalités comme De Lesquen, Hassen Occident, Conversano, Pagan TV, etc. ont créé sur YouTube un véritable écosystème. Des personnalités qui se déchirent sans arrêt et sont dans un concours permanent pour savoir qui incarne la vraie droite et dont les disputes constituent autant un milieu anxiogène et épuisant qu’une radicalisation, car quand telle ou telle personnalité se discrédite ou que le milieu en lui-même est victime d’un drama ou d’un pourrissement, la conséquence en est une radicalisation générale du discours ambiant dans un cycle sans fin. On constatera une constante dans le milieu d’extrême-droite : le monde et l’étranger étant un ennemi, et l’important étant l’ordre et la hiérarchie pour faire face au chaos, ils ont tendance à projeter sur le monde leur propre pratique de gestion de leur univers politique. Tout chez eux est concours d’influence, coups de Trafalgar et trahisons qui nourrissent allègrement clashes et batailles d’ego dont sont friands la fanbase, laquelle s’auto-convainc d’ailleurs par l’attitude de leurs propres gourous que le monde entier fonctionne comme un gigantesque aquarium à piranhas ou seules les lois « manger ou être mangé » et « les nôtres avant les autres », comptent.

La « chute » de Soral et la perte d’influence d’Égalité & Réconciliation obéit à ce mécanisme : ça n’a pas affaibli la base militante de l’extrême-droite, ça l’a renforcée, tout en radicalisant d’autant plus les militants, bien plus vénères et frontaux aujourd’hui qu’ils l’étaient sous Soral, la fenêtre d’Overton et leur acceptation dans l’espace de discussion s’étant considérablement étendue ‒ la fenêtre d’Overton, ou fenêtre de discours, est une allégorie de l’ensemble des idées et des opinions considérées comme acceptables dans l’opinion publique d’une société, si tant est qu’ « opinion publique » ait un sens clair. Ce processus n’a d’ailleurs pas de réelle fin car si Soral s’est fait doubler par sa droite par tous les youtubeurs dissidents, ces derniers comme le Raptor sont aussi en passe de se faire doubler sur leur droite ces derniers temps, devenant de plus en plus ringards et dépassés, la base militante la plus active devenant toujours plus violente et organisée, se tournant vers les groupes d’extrême-droite comme Génération identitaire ou des vidéastes nationalistes incitant à la violence armée comme Code rno (ou Code Reinho) et tout l’univers des chaînes survivalistes. Bref, ces périodes où l’extrême-droite et ses réseaux se reconfigurent suite à un drama quelconque constituent pour la fanbase des périodes de choix. Les militants les plus radicaux avalent la redpill (référence au film The Matrix : « Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre ») et s’enfoncent plus loin dans les couches de l’alt rigth Les désillusionnés peuvent choisir de sortir du cercle en profitant de cette période de doute pour faire une auto-critique radicale. Ce que j’ai fait.

5. La sortie

À cette période donc, je suis à la fois dégoûté de Soral, de Dieudonné, et de tout leur milieu. Je contemple les exactions du Raptor et de sa communauté sur les réseaux. Les harcèlements de masse, les raids. Je vois leur idées et discours se généraliser. Tout cela me dégoûte car je le répète, je n’ai jamais aimé et jamais participé à des raids. Je réalise que si les têtes changent, l’idéologie souterraine ne change pas, donc que les problèmes resteront inchangés et que tout cela participe à un même cycle de radicalisation dont l’issue m’effraie. Car là où je pouvais encore m’aveugler sur Soral et Dieudonné ‒ je n’avais pas outils d’analyse et que je ne prenais pas le temps d’analyser leur discours, celui de la « nouvelle droite » était totalement assumé et sans fard. Et c’est en comparant ce discours très brut et premier degré que j’ai réalisé que j’avais écouté pendant des années le même discours, mais plus subtilement instillé. En parallèle je suivais des études d’histoire et j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire du fascisme, du nazisme, de ce qui l’avait fait naître, et sur quels éléments de langage l’extrême-droite de l’époque s’appuyait. J’ai vu les similitudes. Puis j’ai commencé à réfléchir sur mon parcours, comment les discours ambiants dans ma famille, au lycée, m’avaient amenés à penser ceci ou cela… Ça a été un vrai choc. À partir de là, j’ai commencé à me reconfigurer à gauche, notamment grâce à des lectures diverses en histoire, en sociologie et grâce à des chaînes YouTube engagées à gauche ou parlant tout simplement de sciences sociales, ce qui m’a permis de trouver petit à petit des réponses. Quelques chaînes de zététique m’ont aussi aidé à comprendre la rhétorique complotiste.

Bien sûr, tout cela ne s’est pas fait en un mois et en « remontant » les couches, je suis passé par des gens très discutables comme Greg Tabibian. Heureusement pour moi, je venais de l’univers vers lequel il oriente son public et j’ai vite compris qu’il jouait ce même rôle de passerelle entre la gauche rouge brun et l’extrême-droite, d’autant que plus ça allait, moins il camouflait sa ligne. J’ai donc assez vite laissé tomber et continué à remonter. Quelques rencontres et discussions avec des militants de gauche radicale parmi mes relations m’ont aussi permis d’affiner ma pensée. Bref. Pour conclure, je vais balancer une idée qui m’a permis de fondamentalement remettre en cause le discours d’extrême-droite en réalisant qu’il était totalement anxiogène. Ma compréhension et remise en cause de l’essentialisme (les gens ont une nature innée et inchangeable de naissance), là où la gauche est constructiviste (tout est construction sociale et influences).

La droite carbure à l’essentialisme, ce qui a diverses conséquences très nocives. La première est un mépris pour la pensée et l’intellectualisme. Puisque tout est basé sur la nature innée, réfléchir c’est ne pas être en accord avec la nature, la biologie, l’instantanéité. La réflexion est une « castration » et tout doit être basé sur l’acceptation des instincts.

La deuxième conséquence est plus marquante encore car elle conditionne à la violence par sa promotion d’une vision tragique du monde. Si tout est inné, alors il ne sert en définitive à rien de discuter avec un adversaire car ce dernier est au fond programmé pour être votre adversaire. Le convaincre ne sert à rien et c’est aller contre sa nature profonde.

Dans l’esprit d’une personne d’extrême-droite, chercher à convaincre est déjà chercher à subvertir la nature innée d’une personne, discuter est comme tout aspect de la vie une lutte pour l’existence, le dialogue n’est pas un échange mais un combat, avec à terme pour le/a vaincu·e une soumission et un formatage, et est donc suspect par nature. La discussion est dans l’esprit de l’extrême-droite l’arme de la morale d’esclave pour asservir le « maître » à son insu sans avoir à passer par l’épreuve de la sélection naturelle qu’est l’affrontement pur et simple. Elle est de facto suspecte d’être du totalitarisme déguisé. En ces conditions il ne reste que l’épreuve de force, la violence, l’élimination pure et simple de la contestation, pour décider qui l’ordre naturel a jugé bon de mettre au sommet. Le perdant n’a qu’a s’en prendre à lui-même et toute pensée constructiviste n’est vue que comme un truchement de l’ordre naturel, de la « morale d’esclave ». Et si tu es perdant, c’est parce que ta volonté n’était pas suffisante et toute autre explication, notamment sociologique, est une fuite devant son infériorité. Dans cette optique, il ne reste plus que l’ultra violence, le blasphème et le suicide comme seules issues au sentiment de défaite. La pensée d’extrême-droite conditionne à la violence contre les autres et contre soi.

En remettant en cause cette idée fondatrice, tout simplement parce qu’elle abouti à une vision du monde où l’angoisse de ne pas être à la hauteur, où la compétition pour la survie physique et intellectuelle est une lutte permanente et vraiment épuisante, on ôte ce qui fait la force d’attraction de la droite mais aussi son potentiel anxiogène. L’essentialisme est aussi une vision tragique du monde car elle porte fondamentalement en germe l’idée qu’il faut retourner en arrière, à un mythe des origines, pour retrouver du sens à l’existence, quelque-chose de « vrai ». L’histoire étant faite de multiples couches de constructions sociales, pour la droite, le monde et l’histoire ne peuvent aller que dans le sens d’une perversion lente et contre-nature jusqu’à l’apocalypse qui restaurera l’ordre originel en brûlant toutes les couches de construction contre-nature qui se sont accumulées au fil des décennies, des siècles, voire des millénaires. Les divers degrés de la droite se faisant un devoir de discuter où au juste se situe ce point d’origine « à partir duquel ça a foiré » et vers lequel il faut revenir. C’est en cela qu’on peut parler d’une vision suicidaire et tragique de la société.

Dans cet univers crépusculaire, le dandysme, le culte de la mort et de l’effondrement est la seule alternative que donne la droite face au défi d’un monde à réinventer. S’asseoir et réfléchir « à ce qu’un vieux romain ferait à notre place et agir en conséquence » comme dirait Julien Rochedy. Préférer le néant que ne rien vouloir. Attendre l’effondrement sourire carnassier aux lèvres en stockant du riz et des munitions dans son garage, en regardant des tutos de Piero San Giorgo et en consultant le site www.guerredefrance.fr.

F comme Fist
F comme France
F comme Famine
Un coq loufoque qui t’fuck et poc
J’vais trouer toute ta famille
A coup d’pine, d’barre à mine, d’carabine
Et sous amphétamine
En même temps qu’j’volerai vos villes
####### vos filles
J’ferai bobo
À tous les bobos
À tous les #######
Les ptits Zoros d’ghetto…
Ton Samsung dernier cri
On va te l’fout” dans l’cul
Tu pousseras un dernier cri
Et tu reviendras plus…[…]
Retour à l’âge de pierre
Y’a des catastrophes qui s’préparent
On n’aura plus de bière
Ni de venaison dans les Spar
Mais dans ç’capharnaüm
Un bel horizon s’offre à nous :
On va bouffer des hommes
Et fout’ leurs grosses putes à genoux
Un – me fais pas la morale
Deux – quand j’bronzerai dans mon val
Tu – prendras une double anale
Par – le Maroc le Sénégal
Trois – salue le Zaïrois
Quatre – qui coupera ton goitre
Cinq – fallait pas l’appeler « zinc »
Six – et chier sur la police

Kommando Peste Noire, extrait de « Niquez vos villes »

Site internet violemment nationaliste prônant la « reconquête » de la France par les armes et diffusant moult documents souvent tirés des manuels d’entraînement de l’armée et des forces de l’ordre afin de donner des conseils et instructions en ce sens. Code Rno y est référencé. Le site renvoie aussi à divers sites d’extrême droite comme « Démocratie participative ».

L’extrême-droite vous vend une vision très noire de la vie où tout est question de nature, d’inné et de volonté individuelle, répond à vos angoisses sur l’existence et la perte de sens dans un monde à la narration toujours plus floue en vous vendant finalement plus d’angoisse, vous coupant des autres et de vous-même jusqu’à ce que votre seul sentiment d’appartenance soit celui lié à votre petite chaire politique et à des idéaux de race et de nation, lesquelles entités sont entourées d’ennemis bouc émissaires invisibles qu’il convient d’identifier et éliminer pour remédier à vos maux. Personnellement, comprendre cela m’a permis de réaliser pourquoi le discours d’extrême-droite était autant fasciné par la dépression, la décadence, la perversion et où tout cela menait. Et à quel point il faisait en sorte de générer cette vision très noire des choses. Ça fait partie du processus de radicalisation et les personnes isolées, solitaires, fragilisées et aux tendances dépressives y sont d’autant plus sensibles, comme je l’étais. Par ailleurs dans mes goûts artistiques je reste fortement influencé et même sur certains points admiratif de certains artistes d’extrême-droite qui savent très bien mobiliser cette vision apocalyptique et décadentiste de la la vie (Comme Peste noire qui reste parmi mes références musicales).

De par mon expérience, la vision biologisante de l’extrême-droite d’une société malade, dévoyée et gangrenée qu’il faut purger de sa « maladie » tire aussi sa source pour une bonne part dans une projection de l’état d’esprit du militant à la société dans son ensemble. Je me sentais périr, ma dépression me rongeait, et la gangrène qui me foutait en l’air le cerveau et le corps, et dont je voulais me purger, la vision paranoïaque d’être cerné de toutes part par des ennemis invisibles : mes dépressions, la maladie, la peur, l’angoisse, la souffrance et la mort, je l’ai projetée autour de moi en cherchant frénétiquement « l’ennemi » invisible qui me privait d’air et me vidait de mon sang. L’extrême-droite a une vision paranoïaque, biologisante et dépressive du monde parce qu’une bonne part de ses idéologues et militants les plus marquants sont eux-mêmes profondément atteints de ces maux, ce qui crée d’ailleurs un genre de solidarité entre eux et leur permet via leur création artistique d’attirer de nouveaux adeptes. Je me sens toujours un lien émotionnel avec Famine de KPN par exemple parce que sa personnalité et ses paroles décrivent la dépression, l’angoisse, le déclassement et la crasse d’une façon qui fait énormément écho à ma propre histoire et mes propres ressentis.

Comment aurais-je pu ne pas me sentir concerné, et même solidaire, de Famine quand dans ses chansons il balance des choses comme :

Jours couleur merde, saveur crépuscule

De mon crâne

Ils ont fait une cellule

Où crimes, idées noires

Où idées noires, crimes

Comme des crapauds sautent

Sautent

Hop sautent

Pullulent sautent !

De coups, de crottes

Est taguée ma mémoire

Mon présent dévoré

Par la dépression, le cafard.

Vers et verrues les obsessions

M’ont verrouillé et laissent croire

Que le futur est rance

Que tout n’est qu’erreur et errance.

Enseveli vivant parmi les vivants

(Kommando Peste Noire, extrait de « Noire Peste », album « Split »)

Comment n’aurais-je pas pu me sentir compris quand il balance dans « J’avais rêvé du nord » :

Jaune aux bleus tout calciné,

Planté dans le mauvais décor,

Quêtant ma juste destinée,

J’avais d’un coup rêvé du Nord.

[…]

J’eus voulu crevasser Phoebus,

Y redarder toutes ses flèches,

Pour qu’il s’écrase comme un airbus

Entre Marseille et Marrakech !

Et tu m’es apparu miroir, frangin de haine,

[…]

Toi Métal Noir ! Forgé dans la nuit des garages

Comme un obus artisanal

Fait moitié-rêve moitié-rage,

Toi Métal Noir ! Sortant des tripes de la terre

Comme une énorme sonde anale

Exploser des villes entières !

(Kommando Peste Noire, extrait de « J’avais rêvé du Nord », album « L’ordure à l’état pur »)

Ou encore quand il chante dans la « condi hu » :

Syphilis, tétanos, hépatites, fusariose,

Fièvre jaune, chancre mou, infarctus, brucelloses,

Pneumonies, gonorrhées, aplasies, choléra,

Genre humain, malaria, di-arhhées, mokola,

SRAS, SIDA, CAC, sclérose en plaques,

Gale, herpès, pu, t’es d’la barbaque,

Ulcères, typhus, pub, chikungunya,

Rouille, mégalopole, chtouille, tu ploies rouya

Guerres, excavata, rectocolite hémorragique

Gangrène gazeuse, poux, République,

Peur, peste, nucléaire, sodoku,

L’Homme, se terre, hurle, sue du cul,

Borrelia recurrentis, molluscum contagiosum,

MST, MTV, Loft Story, en gros zoom,

Ma scoliose, supérieure, à 35, degrés d’angle,

Me fait voir, dans le ciel, un gros trou, qui m’étrangle.

(Kommando Peste Noire, extrait de « La condi hu », Album « L’ordure à l’état pur »)

Comment n’aurais-je pas pu me sentir des affinités avec la musique et la personnalité de Famine, ses albums d’une musique coincée entre crasse et sublime, entre passé révolu et modernité insoutenable, où les hurlements de bête malade côtoient les vers de Verlaine, de François Villon et de Christine de Pisan, où les riffs endiablés d’un metal très brut côtoient des samples à l’esprit très « trap », où le nationalisme et la religion, cadavres pourris et profanés, s’engagent dans une dernière danse sur chaise électrique, où la masculinité la plus malade se suicide en grande pompe avec tout ce qu’il y a autour, où la campagne hallucinée et la ville tentaculaire se mêlent en un bal cradingue où mon ego était ravi d’aller se noyer. La musique de Famine, son univers, ses paroles, me parlaient, et continuent d’ailleurs à me parler. La musique de KPN faisait plus qu’écho à mon vécu : elle parlait à ma chair. J’aurais beau faire tous les efforts à le nier ou changer cet état de fait, « J’avais rêvé du nord » trouvera toujours une résonance en moi.

Des groupes comme KPN et les gens comme Famine (et moi) ne sont en définitive que le produit logique d’une société hégémonique « occidentale » blanche, masculine et hétéro-normée qui, au sommet de sa domination et au bord du précipice, produit en dernière défense une redoutable caricature d’elle-même.

Élevez des enfants dès le plus jeune âge à être des bêtes de concours, à coups de tableaux, de classements, de prix et de mérite, apprenez-leur à lutter les uns contre les autres, dites-leur qu’ils peuvent et doivent s’accomplir seuls et que au final, si la solidarité c’est bien beau et très moral, au moindre pépin, on est juste tout seul face à ses problèmes et que ce qui distingue le winner de la loque c’est la volonté… Sélectionnez les plus aptes aux études supérieures comme étant les plus aptes à la compétition permanente, rendez normal le fait d’éliminer l’autre et de le voir avant tout comme un concurrent, assommez-les de normes à respecter, de quotas à remplir, brimez-les avec l’angoisse de ne pas être la hauteur de ce qu’on attend d’ell·eux, dites-leur que la vie est une lutte permanente pour la survie du plus apte, que leur bien-être passe par l’élimination des concurrents lors d’une grande course vers le sommet de la pyramide… Bref faites-en dès l’enfance des tueurs symboliques, avec tout l’appui du système scolaire et du monde du travail, lequel n’est qu’une projection de ce que nous apprend l’école.

Élevez des petits Blancs comme des flocons précieux avec la conviction qu’ils sont au sommet du monde civilisé et de ses valeurs, produits chouchoutés d’une culture pluriséculaire et d’une histoire glorieuse dont ils doivent être gardiens et héritiers, mettez-leur dans la tête que la vie est une compétition pour la survie et que seule la victoire importe, matraquez-les de promesses d’accomplissement et de développement personnel avec une vision méritocratique de la réalité où celui qui fait des efforts et attend son heure de gloire sera récompensé, traitez les comme des élus en devenir, promis à la gloire et à qui on doit admiration et vénération, puis faites-leur subir la désillusion que leur mode de vie est intenable matériellement parlant, que la civilisation qui leur a donné naissance n’a rien de belle ou glorieuse, qu’ils ne doivent pas leur situation au « mérite » mais aux hasards de l’histoire, que personne ne les admire, que ce qu’on leur a vendu est une mythologie toxique, qu’on leur a menti, qu’ils ne sont personne dans un ordre capitaliste qui n’attend plus d’eux qu’obéissance et performance, et qu’ils ont le choix entre lutter vainement ou se laisser disparaître eux et leur civilisation, dans un océan d’indifférence… Dîtes-leur après une éducation de privilégié·e que tout est hasard et mythe informe, lequel est en train de disparaître, dans l’indifférence générale…

Élevez des hommes avec l’idée dite et répétée que la virilité est ce qui distingue le « vrai homme » de la « flaque », dites-leur que pleurer est un acte de faiblesse, dites-leur à longueur de cours d’histoire, de films, de série et de musiques et de pub que ce sont les vrais hommes qui font l’histoire et que le modèle à suivre est le seul valable, dites-leur que la virilité leur donne accès à la réussite, à l’admiration d’un troupeau de femmes qui ne demanderont qu’à porter leurs enfants. Faites-leur subir la désillusion que le monde ne fonctionne pas comme ça et dites-leur que quoi qu’ils fassent le statut d’élu sera réservé à un petit nombre et que la plupart d’entre eux seront condamnés à rester devant les portes du palais à crever la dalle dans la solitude et le froid… Dites-leur que s’ils ont échoué c’est parce que la vraie morale d’antan a été dévoyée par un bouc émissaire quelconque, que l’âge d’or est mort depuis longtemps et que la seule issue digne pour sauver sa virilité dans l’échec, c’est l’accélérationnisme, l’action suicidaire, le crime de masse et le suicide…

Faites tout cela, et à la fin, et en toute logique, vous obtiendrez « Domine », de Peste Noire.

Wow, éteignez-moi ces putains d’lumières là
C’est quoi ces têtes de glands sérieux ?
Et tout c’sang dégueu ?
J’y retournerais bien dans le bide à ma mère
Mais comme tous je demeure
Dans l’angoisse, la poisse, la de-mer
En spéléo dans le royaume du sale
J’ai de suite perçu c’monde
Comme un rectum abyssal
Où fister tes fils, tes créatures, Ô Domine
Juste pour l’plaisir sale pourriture
De les dominer
Était de toutes les nourritures
La plus exquise et raffinée
Ici-bas rien, ni bien, ni mal
Juste les lois fatales du règne animal
Et l’arbitraire et le hasard et le désert
Où les anges mangent la fange sous le ronron des bulldozers
Quoi ? T’as cru qu’j’étais un chien ou quoi ? Une fourmi ?
Un truc qui passe là, bosse là, meurt là
Sans foutre la merde dans c’foutu fourbi ?
J’partirai pas sans faire mal
Sans contempler quelques commis de ce système devenir bleus
Tout froids et pâles
Appelle ça Pan, Wotan, Satan, Baal…
J’m’en bats les couilles tant qu’à coup d’crosse j’fais des cratères dans des collimateurs

Pour me venger de cette tristesse que depuis gosse le Créateur
M’a mis gratos comme une seringue de tétanos dans les artères
J’ai jamais pris mon pied autrement qu’en tirant sur les ambulances
J’bande mou si y a pas du pu, d’l’abus et d’étranges souffrances
M’sors pas tes trucs de feuj genre j’voulais ken ma mère pendant mon enfance
J’voulais déjà percer leur panse, niquer leurs chances, dès la naissance
A qui la faute si les nuages de la mélancolie
Tombent comme des piafs malades
Et bouffent par la racine les pissenlits
Dès que la haine surgit, telle une aubaine
Miraculeuse et saine, comme le Messie ?
Ne rien kiffer à part l’ivresse de salir
Baiser l’autorité pour seul et unique plaisir
Telle est la vocation, le passe-temps, le loisir
De la race des crevures avant de moisir
Si Dieu existe dans le ciel de nos têtes
C’est pour prêter son cul afin que l’on lui pète
Et qu’on atteigne par lui ou plutôt par son train-arrière
La joie ultime sans difficulté ni prières
Dieu, tu es une putain au sens propre
C’est par toi leur moyen, que tes fils
Jouissent
Dieu, tu es le pont et la barrière
La barrière qu’on enfonce, la barrière nécessaire
Oui Dieu, tu es le meilleur auxiliaire de ton putain d’adversaire
Dieu, t’es le soleil du Mal, le flamboyant miroir
De son écrasante gloire

6. Conclusion

À l’aune de tout cela, il me revient un extrait de la conclusion dans « Les damnés de la terre », de Franz Fanon.

« L’Europe a pris la direction du monde avec ardeur, cynisme et violence. Et voyez combien l’ombre de ses monuments s’étend et se multiplie. Chaque mouvement de l’Europe a fait craquer les limites de l’espace et celles de la pensée. l’Europe s’est refusée à toute humilité, à toute modestie, mais aussi à toute sollicitude, à toute tendresse. […] Allons, camarades, le jeu européen est définitivement terminé, il faut trouver autre chose. Nous pouvons tout faire aujourd’hui à condition de ne pas singer l’Europe, à condition de ne pas être obsédés par le désir de rattraper l’Europe. L’Europe a acquis une telle vitesse, folle et désordonnée, qu’elle échappe aujourd’hui à tout conducteur, à toute raison et qu’elle va dans un vertige effroyable vers des abîmes dont il vaut mieux le plus rapidement s’éloigner. »

Peut-être est-ce dans ces quelques mots qu’on trouve la réponse de pourquoi ce qu’il convient d’appeler des jeunes Blancs isolés préfèrent aller vers l’extrême-droite que vers la gauche. Le modèle socio-économique d’un monde tournant autour de l’Occident et des « valeurs » occidentales étant remis en cause sur tous les fronts, il faut en tant qu’Occidentaux (si tant est que ce terme est un sens*) admettre l’idée que toutes nos valeurs sont à reprendre, que nous sommes le dernier prolongement d’une histoire et de valeurs désormais intenables, bref, qu’en tant que Blancs « occidentaux, », nous sommes au cœur de ce qui s’effondre, là où les minorités oppressées ont l’espoir rassurant de se situer à la périphérie de ce qui s’élève. Le choix doit se faire entre d’un coté le culte vain de valeurs nécrosées sur un modèle à la dérive, et le pari d’un avenir meilleur où nous ne savons pas quelle sera notre place et notre modèle, d’autant plus quand l’éducation qui a été la nôtre nous a enseignée que notre place était partout de base et que le seul modèle de virilité blanche qu’on valorise consiste en survalorisation de l’égo sur fond d’affirmation agressive de son identité.

Pour un développement de cette problématique sous un autre angle, je vous renvoie à l’excellente vidéo de Contrapoints sur « Les hommes », notamment sa conclusion.

À l’heure actuelle, je ne parviens pas à savoir exactement par quel procédé je me suis sorti de cet univers mental qui pourtant constitue encore une large part de mon identité. Je pourrais vous dire que j’ai rencontré les bonnes personnes, lu les bons livres, eu les bonnes pistes de réflexion… La réponse est sans doute plus terre à terre : je me suis fatigué. J’en ai eu assez de me taper les mêmes cycles, à être éternellement insatisfait et a tourner en rond avec mes dépressions sans espoir de sortie et j’ai eu le bon sens de réaliser qu’il fallait que je modifie mes habitudes de vie pour retrouver un mental plus sain, et que fétichiser sans arrêt ce qu’il y avait de plus sombre en l’être humain par besoin de « catharsis »/libération émotionnelle n’était pas le meilleur moyen de se stabiliser mentalement.

Mon malheur et ma chance c’est sans doute que dans mon parcours j’ai assez peu bénéficié de soutiens, dans le sens où je n’ai pas fait partie d’un groupe d’extrême-droite ou même d’un cercle clairement politisé. Je suis le type même de ces nouveaux extrémistes fantômes, d’autant plus difficiles à détecter qu’ils se forment en solitaire sur les réseaux. Mais ce faisant, je n’ai pas eu à subir de menaces ou de pressions pour quitter le navire.

Aujourd’hui donc, je me détoxifie du mieux que j’ai pu des idéologies d’extrême-droite mais je reste globalement très influencé par mon expérience de ces cercles. Mon goût pour l’humour très noir, mes tendances artistiques décadentistes et extrêmes en sont autant de témoignages. Je continue à faire mon chemin dans l’extrême-gauche, en faisant un peu de veille, en informant de mon vécu et surtout, en ne cachant pas ce vécu car c’est finalement d’informer des militants de ce passé qui m’a permis d’avoir des critiques. Leur vigilance vis-à-vis de moi ‒ je comprends qu’on ne me fasse pas vraiment confiance et je ne le demande pas ‒ me sert de guide et de garde fou.

J’espère que ce très long pavé ne vous aura pas trop mobilisé et qu’il aura aidés certains à reconnaître comment l’extrême-droite procède pour recruter ses adeptes. Si vous êtes un·e militant ·e d’extrême-droite et que vous êtes arrivé jusqu’ici j’ai ce message : il n’est jamais trop tard pour s’en sortir, mais plus on tarde, plus le processus sera difficile. Il va falloir en premier lieu nous rendre compte que nous avons évolué dans un milieu qui ne donne que des réponses floues à nos souffrances et questionnements afin de devenir le seul intermédiaire entre ces souffrances qu’il prétend calmer par diverses redpills, tout en les amplifiant par la construction d’une vision du monde anxiogène qui augmente toujours plus notre besoin de redpills. Sortez vous de cette logique avant de vous isoler totalement et de vous détruire.

Sur ce,

« J’ai refermé sur moi la porte étroite et lourde

J’avais sur mon cœur marqué d’un fer rigide

La trace éphémère de nos derniers soupirs,

J’ai regardé le ciel.

Les divinités sourdes

Ont fermé leur épouvantable et lent cortège

Pour s’asseoir et pour dire

« Cessez un instant de pleurer !

Battez-vous

La guerre c’est ce métal qui coule et redore

Sur les fonts baptismaux d’une auréole nouvelle

Les trop fidèles espoirs

De vos muscles de pierres —

Nous tresserons pour vous des guirlandes de fleurs

Mais vous irez mourir au-delà des colonnes

Dans des retraits profonds

Et des vallées rougies.

Où dorment des serpents

Dont les anneaux meurtris au sépulcre des

Vôtres —

Vous marquerez l’infini

D’un doigt toujours malsain

Dressé vers l’infortune ».

Mais je me suis tourné vers eux

Pour leur cracher au visage

Sans craindre leur bave.

Adieu, les dieux. »

Roger Gilbert-Lecomte (Extrait de « La vie, l’amour, la mort le vide et le vent »)

*Note de Richard : dans mes enseignements, je fais une critique de ce terme, car Occident est une conceptualisation duale, archaïque et fausse du monde. Car d’une part les limites de l’Occident n’ont rien de clair. D’autre part, il est difficile de trouver quelque chose de proprement occidental. Enfin, parce que la contraposée, l’Orient, est souvent le fruit d’une lecture très coloniale. En général, on emploie Occident pour dire « capitalisto-judéochrétien »… Alors autant l’assumer.

Post scriptum

Je ne pouvais fermer ce texte un peu déprimant sans donner quelques pistes de réflexion et essayer de de relever un peu le Black metal aux yeux de certaines personnes. Malgré mon vécu avec cette musique, je n’oublie pas que quand j’étais au fond, c’est encore la part de moi qui hurle, se tord et hait qui est venue à mon secours quand je pensais n’avoir rien d’autre. C’est dans cette part que j’ai puisé la force de survivre. Le Black metal mérite certainement mieux que certains artistes qui lui servent de porte-étendard, mais il reste et restera ma musique de cœur parce que c’est elle qui a su le mieux exprimer ce que je ressentais dans les pires moments. Aussi je tiens à rappeler l’existence de groupes et artistes engagés dans cette mouvance. Au premier chef :

  • le groupe Biesy qui traite des sujets LGBT+ , notamment dans leur excellentissime album au titre bien nommé Transssatanism sorti en 2020.Le groupe BM pro-LGBT Biesy
  • Le groupe Worhs, groupe francais aux thématiques également lié à l’engagement pour la cause LGBT+. Une entrevue intéressante du groupe se trouve ici.
  • Neckbeard deathcamp, groupe très ouvertement antifasciste.
  • L’album « Spiritual rebel propaganda », composé par un des très nombreux émules du groupe Bathuska, dont l’esthétique de la pochette et les titres de tracks sont évocateurs.
  • Le groupe Sankara et leur très bon Total abolition of all hierarchy.
  • Le groupe plus connu Sordide et leur album Hier déjà mort.
  • Les féministes radicales du groupe Feminazgul et leur album au titre délicieusement ironique tiré du Seigneur des anneaux (de J. R.R. Tolkien) The age of men is over.
  • Les non moins radicales Matriarkathum et leur album Curse you all men !.
  • Le groupe Sarparast et leur album The red concil.
  • Le groupe Iron column et leur album Power from below, qui ressuscite pour nous les anarchistes de la guerre d’Espagne.

… et ils sont encore nombreux.

Dans l’ensemble, et bien que décider de la direction politique d’une forme d’art soit indiscutablement prétentieux, le dévoiement du Black metal par l’extrême-droite est un non-sens si on regarde l’histoire du genre, ses racines et son esthétique :

Le black metal puise son origine d’une part dans le punk et la profonde désillusion qui a suivi la fin du « flower power » hippie lors de la transition des années 70 aux années 80, qui ont vu le modèle capitaliste américain néolibéral balayer les derniers débris du bloc de l’Est, et avec, de ce qu’il restait des espoirs dans une alternative socialiste à l’exploitation capitaliste planétaire désormais libre de s’étendre sans frein.

D’autre part le black metal est issu de la culture rock et a toujours été queer au sens très littéral du terme (queer = bizarre) : Le black metal a toujours été un genre extrême dans tous les sens qu’on peut donner à ce mot et il s’est toujours fait un devoir de brouiller toutes les limites, que ce soit morales, entre les notions de « bien » et de « mal », mais aussi esthétiquement en brouillant les limites entre les genres. En soi il n’y a rien de plus queer que des hommes à cheveux (souvent) longs décidant de se vêtir de cuir moulant pour se tordre sur scène pour étaler leurs dépressions tout en se peignant le visage en adoptant des voix si désincarnées qu’elles n’en ont plus rien de « masculin » ou de « féminin ». Et par ailleurs, malgré la misogynie générale du milieu, le virilisme exacerbé et agressif ne trompe pas grand monde : d’une part cet entre-soi masculin a toujours été un peu « suspect » d’homosexualité (d’où d’ailleurs ces tendances au virilisme exacerbé je pense), et ensuite et par-dessus tout il est bien question dans le black metal de communier avec des personnes qui hurlent, pleurent et étalent toute leur faiblesse, leur chagrin et leur frustration à la face du monde dans une orgie dont la violence cache mal le besoin trop refoulé d’exprimer ses sentiments. Si pleurer est mal vu pour un homme, enrober ce chagrin d’une violence plus ou moins théâtrale reste encore le meilleur moyen de rendre socialement, virilement, acceptable le temps d’un morceau le fait de se plaindre, hurler et gémir. Le black metal est profondément né des travers de l’éducation ultra genrée et masculine qui empêche les hommes d’exprimer leurs émotions de manière saine. Et en ce sens, il s’agit peut être du genre musical le plus potentiellement révolutionnaire qui soit.

D’où l’importance d’une réappropriation du genre par l’extrême-gauche, ce qui ces derniers temps me semble être un peu plus qu’un espoir au vu des productions engagées et les initiatives de groupes qui émergent ici et là.

Ce ne sont bien sûr pas les seuls à lancer des initiatives. Le punk français et francophone est plus que dynamique et fournit de très belles perles, et ce depuis toujours.

Et j’en oublie : Le fameux groupe The oppressed outre atlantique, les groupes comme Hors contrôle, Radical kitten, Ekkaia, Gasmask terror et tout le mouvement du punk discharge… Mentionnons aussi les indispensables russes de Moscow death brigade, La Vida Cuesta Libertades, DSA commando, etc.

Pour aller plus loin, quelques chaînes/vidéos sur divers thèmes liées à la pensée progressiste d’extrême-gauche et à la critique de la pensée de droite

  • La chaîne de Contrapoints.
  • La chaîne d’Innuendo Studios et leur exellente vidéo (sous-titrée en français) « How radicalize a normie ? »
  • L’épisode 9 « Éducations viriles » du podcast « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon

Pour les anglophones :

L’idéologie des différents groupes de metal cités comme illustration de ma plongée dans l’imaginaire d’extrême droite païen et néo-nazi.

  • Black magick SS : à ce que je sache, ce n’est pas un groupe NSBM . Il joue sur une esthétique nazie ésotérique mêlée de psychédélisme très 70’s et globalement toute la culture occulte nazie découlant du livre fondateur Le matin des magiciens, de Pauwels et Bergier.
  • Maléfice : Idem, mais bien que la musique en elle-même soit assez purgée au premier abord d’un manifeste politique, les interwiews des membres qui définissent entre autres leur musique comme de « L’Ahnenerbe black metal », ne laissent guère place au doute (l’Ahnenerbe Forschungs und Lehrgemeinschaft, c’est-à-dire « Société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral », était un institut de recherches pluridisciplinaire nazi, créé par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler). [le batteur est membre de Graveland NDLR]
  • Kommando Peste Noire : nationaliste, identitaire, anarchisant de droite.
  • Suhnopfer : le membre central du groupe est passé par le groupe Peste noire et apparaît notamment dans le documentaire « la chaise dyable » [c’est une figure RAC au centre de Wolfsangel et Lemovice, et ce avant d’intégrer KPN NDLR]
  • Vermine : NSBM déclaré
  • Régiment : pétainiste
  • Constantinople : royaliste, anti républicain virulent
  • Drudkh : très lié au groupe NSBM Hate forest
  • Akitsa : nationaliste.

Suggestion de lecture : Tueries. Forcenés et suicidaires à l’ère du capitalisme absolu, de Franco « Bifo » Berardi, Lux Editeur, 2016.

NSBM outing ou comment j’ai arrêté d’être nazillon : Histoire d’une déconversion musicale et politique

Nazi-outing, ou comment j’ai arrêté d’être nazillon. Histoire d’une déconversion musicale et politique

En septembre dernier, sur Twitter, un type chevelu, tatoué, guitariste et m’écrit pour me dire qu’il compte reprendre des études en lien avec la pensée critique.

De fil en aiguille, on en vient à causer de NSBM, le National-Socialist Black Metal, musique metal nazi. Et Thomas – c’est son nom – me glisse : « j’ai encore des disques de NSBM, tirés de mon passé, je veux m’en débarrasser ». Moi, ni une ni deux, je lui réponds « envoie ! » Et me voici en train d’écrire ces lignes avec en fond musical les CD de Peste noire (sic), un autre de Baise ma hache (tout un programme), et puis ceux des polonais Mgła, des Norvégiens Taake, pour finir sur un concert du groupe belge Ancient Rites. Autant dire que c’est… saisissant. Même mes gencives ont saigné.
Alors je comprends que Thomas est revenu des limbes à coups de head-banging. Je lui ai demandé à Thomas s’il était prêt à raconter l’histoire de sa déconversion. Là où d’habitude les gens, en mûrissant, passent de gauche à droite, de progressiste à conservateur, du Solex® à la Rolex®, lui a fait le chemin inverse, comme Victor Hugo, d’ailleurs, comme Clément, du collectif L’extracteur, et dans une moindre mesure comme moi, qui suis né dans un milieu pour le moins gaulliste et militariste.

C’est cette histoire qui est narrée ci-dessous, par Thomas lui-même. Je suis très touché, en la lisant et la relisant.

NdRichard : metal, ça s’écrit sans accent, je viens de l’apprendre.
NB : en vert, des ajouts et modifications qui ont suivi l’abondant courrier reçu.

Contexte

Originaire d’un petit village dans l’Est de la France, j’ai vécu les treize premières années de ma vie dans un village engagé politiquement à droite et/ou extrême-droite.

Cependant, dans la sphère familiale dans laquelle j’étais, le discours de mes parents était plutôt de gauche. À la maison, on disait clairement que le racisme ce n’était pas bien. Pourtant, on rigolait de blagues racistes, homophobes, etc. Je ne sais pas si je peux dire que mes parents étaient plutôt des antiracistes « passifs ».

Affiche du film Lords Of Chaos de Jonas Akerlund, 2018. Adaptation du livre qui retrace l’émergence du Black Metal Norvégien.

À l’âge de 13 ans, j’ai déménagé chez mes grands-parents. Encore une fois dans un petit village de l’Est de la France mais avec une orientation politique plutôt à gauche (Une grand-mère engagée Lutte Ouvrière souvent en manif et un grand-père droitard passif, lui il voulait être tranquille devant les matchs de tennis).

Il me paraissait nécessaire de situer le contexte politique dans lequel j’ai grandi avant de retracer chronologiquement mon parcours.

Je vais essayer d’expliquer la façon dont je me suis laissé happer par des idéologies d’extrême-droite dès l’âge de dix ans sous les yeux de ma famille. Cette façon de penser, je l’ai construite en grande partie à cause de la musique que j’écoutais et que j’écoute toujours : le Black Metal, et plus particulièrement la branche National Socialist Black Metal (NSBM) et toutes les formes de sympathie à l’égard de toutes les formes d’extrême-droite [1].

Je conçois parfaitement que beaucoup de personnes attendent de la nuance pour classer certains groupes. J’ai toujours défini le NSBM de la façon suivante :

[Le National Socialist Black Metal (abrégé NS Black Metal ou NSBM) qui se traduit par « black metal national-socialiste » est une étiquette donnée à certains groupes de black metal faisant référence (explicitement ou non) au national-socialisme allemand, ou à des thèmes fortement liés comme le fascisme, le racisme, l’antisémitisme, l’aryanisme, le suprémacisme blanc, le mysticisme nazi et plus largement le paganisme ou le nationalisme.]

Je tiens également à préciser que je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de nuancer par peur de rendre plus ou moins tolérables des comportements et propos nauséabonds.

Aujourd’hui, j’ai 27 ans et mes opinions ont radicalement changé. C’était loin d’être gagné…

Pour illustrer mes propos, j’utiliserai le terme « nous » pour désigner mon groupe d’ami·es de l’époque composé·e d’une petite dizaine de personnes.

Il est important de préciser que nous n’avions pas d’ami·e non-blanc·he et qu’au début, la question du racisme (et de l’antiracisme) ne se posait pas pour nous. Les parents de certain·es étaient plutôt décomplexés face au racisme (portrait de Jean-Marie Le Pen au mur de la chambre ou propos racistes en public sans réponse en face par exemple).

Dans le village où l’on habitait, un camp de Roms était installé et au moindre problème, ils étaient accusés sans preuve par la plupart des habitant·es…

L’arrivée du NSBM

Vers l’âge de dix ans, donc, on s’est mis à écouter de la musique avec intérêt et plus particulièrement du Metal. Ça allait des classiques de nos parents jusqu’aux disques de nos grands frères et grandes sœurs : de AC/DC à Rammstein en passant par Korn et Iron Maiden.

On est en 2003 et Internet arrive dans notre petit village.

Photo du groupe finlandais Satanic Warmaster

Photo du groupe finlandais Satanic Warmaster.On aura vu plus subtil, non ?

C’est le tout début ; modem 56k, plusieurs heures pour télécharger une musique… Aucun des parents n’était sensibilisé et n’avait mesuré la portée que pouvait avoir cet outil. En moins d’un ou deux ans, on s’est tou·tes plus ou moins radicalisé·es sans se poser de questions et sans que personne de notre entourage ne s’en rende compte.

C’est en quelque sorte pour nous émanciper de nos proches qu’on a voulu découvrir des groupes par nous-mêmes, avoir nos propres références. Grâce à Internet et à des magazines bien spécifiques comme Metallian et HardNHeavy on a pu découvrir du Metal plus extrême.

« Les gars, Varg Vikernes vient de sortir de tôle pour assassinat. Et c’est aussi un neo-nazi n’oublions pas ! On le met en couverture du prochain numéro ? »

« Varg Vikernes vient de sortir de tôle pour assassinat. Et c’est aussi un néo-nazi n’oublions pas ! On le met en couverture du prochain numéro ? »

Nos parents n’aimaient pas ce genre de musique et trouvaient ça « trop violent ». C’était un bon point pour nous. On apprenait à aimer un style de musique que nos parents ne comprenaient pas et n’aimaient pas. On avait notre truc à nous, avec nos codes.

Pochette de l'album Butchered At Birth du groupe Americain Cannibal Corpse

C’était « trop violent » ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire ! Pochette de l’album Butchered At Birth du groupe de Death Metal Cannibal Corpse. 1991. Attention ! Cannibal corpse n’a rien de nazi, c’est juste pour illustrer ce que nous reprochait nos parents : de la musique violente à l’imagerie violente.

Certains ont découvert le Death Metal [2] avec Cannibal Corpse ou Morbid Angel, d’autres ont découvert la nouvelle vague américaine [3] avec Chimaira ou Devildriver.
Et moi je découvrais le Black Metal [4] avec Burzum et Absurd ( et si certain·es ont plus de sources, des envies d’enquêtes ou même de recherches universitaires pour approfondir encore plus ce sujet : le sexisme dans les artworks gores, faites-le nous savoir).

En y réfléchissant, il me semble évident que le NSBM n’est pas le seul facteur de cette adhésion, il est un des multiples éléments de ce sac de nœuds. Cependant, le NSBM m’a permis d’assimiler plus facilement les idées d’extrême-droite que prônaient mes idoles et de me sentir intégré à des communautés, notamment sur Internet.

 

Pochette de l'album Aske du groupe Norvegien Burzum

Pochette de l’album Aske du groupe norvégien Burzum, 1993 (réalisé juste avant l’incarcération du chanteur pour meurtre. Il est soupçonné de l’incendie de cette église pour prendre une photo et en faire la pochette du disque).

Pochette de l'album Factu Loquuntur du groupe Allemand Absurd

Album Facta Loquuntur du groupe allemand Absurd, 1996 (dont trois membres furent incarcérés pour meurtre et séquestration)

 

On allait sur des blogs bien spécifiques à ce qu’on cherchait. On rentrait dans des chats privés avec des personnes qui nous donnaient des sites à visiter, des conseils sur les groupes à écouter ou éviter, leur avis sur la politique du pays, etc. C’était un peu nos grands-frères du web sans jamais savoir qui étaient ces personnes…

Je me souviens très bien d’un site appelé nsbm.org. Ce site parlait

Capture d'écran d'une archive du site nsbm:org

Archive du site NSBM.org. Grosse ambiance sur le site !

de groupes que j’écoutais comme Burzum ou Graveland. Nsbm.org était un site à l’effigie du IIIème Reich avec des croix gammées qui faisait la promotion des groupes de NSBM, affichait des liens vers d’autres sites de néo-nazis, proposait une boutique pour acheter des livres, drapeaux, etc. J’étais jeune, je ne savais pas trop ce que ça impliquait mais je me doutais qu’il fallait que je planque ça à mes parents.

Je me souviens aussi d’un blog français qui référençait des groupes de Metal. Ce blog existe toujours (ici) et sous un article à propos de Burzum (et son leader et unique membre Varg Vikernes). On peut y lire encore des commentaires comme « Vive Varg et vive les nazis » ou « HAIL (sic) VARG VIKERNES ! ».

Radicalisation

À l’âge de 11–12 ans, j’étais inscrit sur des sites qui militaient pour exterminer les Africains afin d’avoir plus de place pour les Blancs, qui partageaient des musiques NSBM… J’étais également sur des sites pour s’armer afin de partir en croisade contre les Arabes.

En écrivant ces lignes, ces faits me paraissent tellement hallucinants et graves…

C’était un peu à celui qui serait le plus sulfureux de la bande. On était pris dans une escalade de haine entre nous. On n’avait pas peur d’affirmer en public la supériorité de la race blanche. On était presque infréquentables et ça nous plaisait. Par contre, on faisait tout ça en cachette de nos parents, on arrivait presque toujours à ne pas se faire attraper ou alors on arrivait à remettre la faute sur les Roms du village. Évidemment on avait toujours raison face à eux…

À cette même période, on découvrait le groupe Supreme M.R.A.P. : un groupe français aux paroles xénophobes, homophobes, sexistes, pro-nazis, etc… (NdRich : voici quelques titres de l’album paru en 2000 sous le titre « Négroloka

Image de la décoration de la chambre de Derek Vinyard, American History X

Piaule de Derek Vinyard, dans American History X, de Tony Kaye. On rêvait tous d’avoir la même chambre…

ust » : Il est né le divin Adolph, Maurice, Chasse aux pédés, Adam et Eve, Bombe atomique sur l’Afrique… Même Sardou est choqué). On n’a jamais su si c’était parodique, mais on prenait ça au premier degré, la question de la parodie ne se posait même pas pour nous (à noter que les rumeurs sur l’identité du chanteur le reliaient à la scène Black Metal française. Elles étaient fondées : sous le nom de Rose Hreidmarr, il est à présent dans le groupe de Haute-Savoie Baise ma hache, qu’il est pratiquement le seul à ne pas vouloir classer comme NSBM).

On peut noter que l’extrême-droite étasunienne aime se servir de l’humour ultra-violent comme arme d’adhésion : « the unindoctrinated should not to be able to tell if we are joking or not », comme on peut le lire dans l’article d’Ashley Feinberg,  « This Is The Daily Stormer’s Playbook », sur le site du Huffpost (2017).

On était clairement dans une période de contestation de toute autorité et on voyait que l’apologie du nazisme fonctionnait bien et cette image nous plaisait.

Notre citation préférée de l’époque c’était : « fous ta bouche sur le trottoir, maintenant dis bonsoir » – en référence à une scène du film American History X de Tony Kaye (1998).

Avec le recul, je me rends compte qu’on ne comprenait pas la morale de ce film, on s’identifiait juste aux Blancs du film sans aller plus loin.

Assaut du Capitole par Manuel Balce Ceneta:AP:SIPA

C’est drôle de pouvoir faire le rapprochement avec ce personnage (… en fait, non, pas du tout).

À l’âge de 13 ans je suis allez vivre chez mes grands-parents suite au décès de ma mère. Période complexe, de colère, de tristesse et de fragilité pour moi. J’ai donc changé de collège et me suis encore plus radicalisé car je ne me suis pas trop fait de potes et cette fois j’avais un ordinateur avec une connexion rapide dans ma chambre. Toujours sans aucun contrôle parental, je pouvais approfondir ma recherche de musique NSBM. Je découvrais les interviews de groupe, leurs opinions, leurs revendications. Cela m’a permis de m’identifier à eux et de les placer au rang d’idoles, d’exemples à suivre. On m’expliquait aussi le wotanisme (idéologie religieuse et identitaire germanique, raciste, antisémite et néonazie), le néo-paganisme, les liens avec les nazis, l’importance des symboles et toutes les autres « subtilités » qui finalement relèvent plus de la pseudo-histoire, de l’appropriation nationale et de la culture de l’élu·e.

À l’âge de 14 ans j’avais une photo de Hitler dans mon portefeuille, des symboles nazis cachés dans ma chambre. Je me suis mis en couple avec une personne blonde aux yeux bleus en lui expliquant clairement que son appartenance à la race aryenne me plaisait beaucoup. Aujourd’hui nous sommes toujours en couple, cela fera 13 ans en juin, et c’est en grande partie grâce à elle que je suis sorti de tout ça.

Je réfléchissais avec mes potes sur la manière de tuer des gens (devinez qui ?) et comment ne pas se faire prendre.

À ce moment-là, j’écoutais principalement des groupes comme Peste Noire, Nokturnal Mortum, Graveland ou Goatmoon, tous très engagés dans des idéologies nationalistes, traditionalistes, etc.

Mais il est peut-être intéressant de noter aussi, que dans le Black Metal (et même le Metal en général), les thèmes et l’imagerie sont parfois liés au satanisme, à l’occultisme ou différentes formes de mysticismes tous azimuts. C’est le genre d’imagerie très attirante pour un ado qui adore les films d’horreur, de guerre et les musiques extrêmes. C’était mon cas.

 

Vinyle d'une messe de l’Église de Satan

Vinyle d’une messe de l’Église de Satan

 

T-shirt du groupe finlandais Goatmoon

T‑shirt du groupe finlandais Goatmoon

 

Drapeau de la Wehrmacht, en 1938

Drapeau de la Wehrmacht, en 1938

Blanc, rouge, noir et un logo dans un cercle. La charte graphique semble assez respectée dans le NSBM…

Je n’étais pas armé pour me plonger dans l’histoire de personnes comme l’occultiste Aleister Crowley ou Anton Szandor LaVey (fondateur de l’Église de Satan). Ils faisaient partie du paysage et leur véritable implication ne m’a jamais questionné jusque-là (Mr. Crowley d’Ozzy Osbourne, l’album Thelema 6 de Behemoth, Crown de Samael, The Destruction of reason by illumination de Blut Aus Nord, etc…).

Je n’ai également pas cherché à savoir s’il existait d’autres branches du satanismes, des philosophies propres à elles, des dérives sectaires, etc. (à part l’Église de Satan et le Temple de Set ayant une dimension assez violente). Aleister Crowley rend célèbre cette phrase « fais ce que tu voudras » dans son Livre de la loi paru en 1904. Crowley étant cité et célébré par de nombreux groupes de Metal influents, cette pseudo-philosophie m’a permis de justifier certaines pensées extrêmes (Alors même que je n’ai jamais lu ce livre, c’est dire ! Je ne savais pas que Rabelais avait écrit cette phrase presque quatre siècles plus tôt, sur le fronton de l’Abbaye de Thélème, dans Gargantua). Attention Crowley et LaVey ne semblent donc pas liés directement avec le nazisme quand on creuse leurs histoires personnelles, mais des liens peuvent être tissés (très) facilement.

Prenons un exemple concret avec Emperor, groupe emblématique de la scène norvégienne. En 1993, un des membres est en prison pour l’assassinat d’une personne homosexuelle, un autre pour incendie criminel et un dernier sera mis à l’écart à cause d’une enquête policière à son encontre. Ihsahn (chanteur/guitariste), le dernier membre en liberté répondra ceci lors d’une interview en 1995 :

Crois-tu en la philosophie – « le fort au-dessus du faible » ou « la raison du plus fort » ? (Do you believe in the philosophy – Strong over the weak or Might is right ?)

Les deux. C’est la loi de la nature. Les forts survivent. C’est fondamentalement la mentalité derrière mon satanisme – l’individu. Fort, intelligent et puissant.

Que pensez-vous de l’Église de Satan d’Anton LaVey ?

Anton LaVey est un homme très intelligent. Avec son église, il est très bon pour amener les gens dans le concept anti-chrétien et satanique. Avoir ses idéologies bien écrites aux gens pour que même la femme au foyer la plus simple puisse être d’accord avec cela. Beaucoup de ses idées sont très bonnes, d’autres avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Mais un individu doit penser par lui-même. »

Intégralité de l’interview ici

 

The might is right est un livre de Ragnard Redbeard (Arthur Desmond de son vrai nom). Ce livre fait l’apologie du « darwinisme » social (qui n’a rien de darwinien) avec, notamment, des passages antichrétiens et antisémites. Ce livre sera, aux côtés de l’oeuvre de la libératrienne Ayn Rand ou de celle de l’anarchiste de droite H. L. Mencken une influence majeure pour Anton LaVey dans sa rédaction de la Bible satanique ou pour Katja Lane, éditrice et femme du suprémaciste blanc David Lane (membres de la structure Aryan Nations, du Ku Klux Klan ou encore de The Order, ils sont également les fondateurs du Temple of Wotan).

Emperor n’est pas un cas isolé. Burzum a composé un titre appelé Dominus Sathanas. Mayhem sort l’album De Mysteriis Dom Sathanas en 1994 (Hellhammer, batteur de Mayhem & Dimmu Borgir déclare « I’ll put it this way, we don’t like black people here. Black metal is for white people.… I’m pretty convinced that there are differences between races as well as everything else ». Il s’affiche aussi habillé en SS sur des photos promos). Goatmoon compose Quest for the goat en 2011. Peste Noire compose Le diable existe en 2015… Emperor, Mayhem, Dimmu Borgir, Ozzy Osbourne, Samael, Behemoth et Blut Aus Nord ne sont pas identifiés comme des artistes de NSBM ! Ils me servent d’exemples pour montrer la porosité entre les thèmes comme le satanisme, l’occultisme et l’extrême droite dans le Metal. Un peu comme avec le paganisme.

Je ne saurais pas dire si l’image que je me faisais de l’occultisme à l’époque a joué un rôle pour renforcer et consolider mes pensées d’extrême droite ou non. On trouvait un lien très fort entre le nazisme et l’occulstime avec d’autres éléments culturels comme les jeux-vidéos avec Wolfenstein ou des blockbusters hollywoodiens comme Hellboy de Guillermo Del Torro ou Captain America : First Avengers de Joe Johnston …

Je me rappelle aussi avoir salivé devant le catalogue de l’éditeur Camion noir. Je possédais déjà les 2 premiers ouvrages Black Metal Satanique : les seigneurs du chaos de Michael Moynihan et Didrik Søderlind et La Bible Satanique d’Anton LaVey. Mais on y trouve des livres aux titres suivants :

  • La race à venir, celle qui nous exterminera de Edward Bulwer-Lytton
  • Soleil noir, cultes aryens, nazisme ésotérique et politique de l’identité de Nicholas Goodrick-Clarke
  • Hitler et la tradition cathare de Jean-Michel Angebert
  • Les nazis et l’occulte, les forces obscures libérées par le IIIe Reich de Paul Roland
  • Might is Right, la raison du plus fort de Ragnar Redbeard
  • Charles Manson, Gourou du rock de Noël et Christophe Lorentz

Je vous laisse admirer le catalogue ici. De quoi alimenter mon imaginaire mêlé de diables et de races supérieures…

Aujourd’hui, avec le recul je repense à ce que ma grand-mère me disait « Oh ta musique, c’est un truc de nazi sataniste » et elle n’avait pas si tort que ça, la mamie…

Le début de la fin

C’est à partir de l’âge de 15 ans que j’ai commencé à déconstruire petit à petit ces idéologies racistes, xénophobes… sans vraiment en avoir conscience.

Documentaire La Cravate, 2020

Documentaire La cravate, 2020.

Mes pensées fonctionnaient bien avec mon groupe de potes mais en étant seul dans ce délire, la planche sur laquelle j’étais s’est mise à pourrir. Mais aussi parce que ma copine m’a conduit à modifier mon comportement parce que ça ne lui plaisait pas (et qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour hein ?!). Également parce qu’en grandissant notre groupe de potes a éclaté progressivement et que j’ai fréquenté de plus en plus de personnes loin de ces idées-là et de moins en moins de personnes aux idées d’extrême-droite.

En 2015, âgé de 22 ans, je me suis retrouvé dans une situation précaire et j’ai trouvé un travail dans un milieu plutôt solidaire. J’ai pris goût à la lecture, aux podcasts, aux vidéos sur la société et la politique, et merci l’autodéfense intellectuelle ! Plus je creusais (et creuse encore aujourd’hui), plus je me sentais convaincu par les principes de solidarité, d’égalité, de luttes antiracistes, etc…

Si ce changement de façon de penser s’est fait progressivement, mes références bibliographiques et cinématographiques ont également évolué au fur et à mesure que je déconstruisais mes idées bien ancrées. C’est pour cela que je ne peux pas citer un film ou livre en particulier qui serait à l’origine même de ce changement. Cependant, lorsque j’y réfléchis certaines œuvres m’ont marqué. Les voici.

Pour la dimension des luttes raciales

  • Le podcast Kiffe ta race de Rokhaya Diallo et Grace Ly sur Binge Audio.
  • Le film Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi (2020)
  • Le film Django Unchained, de Quentin Tarantino (2012)
  • Le film District 9, de Neill Blomkamp (2009)

Pour la dimension politique

  • La chaîne vidéo de Patchwork
  • La chaine vidéo Politikon
  • Le film La vague, de Dennis Gansel (2008) – même si Richard a beaucoup de doutes sur l’existence réelle de cette soi-disant expérience de Ron Jones à l’école Cubberlay, en 1967.

Pour la dimension Esprit Critique

Pour le rapport à « l’autre » (de manière générale)

  • Le rapport de Brodeck, de Philippe Claudel (2007, Stock)
  • Lectures de sciences sociales d’Usul et Modiiie

Pour les mouvements antiracistes

J’ai donc eu de la chance.

J’utilise le terme « chance » car, lorsque je vois Bastien, dans le film documentaire La cravate (de Mathias Théry et Étienne Chaillou, 2019), je ne peux pas m’empêcher de voir des similitudes de parcours et d’imaginer que j’aurais pu être à la même place que lui avec les mêmes convictions aujourd’hui. Je me dis que lui n’a juste pas eu la chance de croiser les « bonnes » personnes et d’arrêter de croiser les « mauvaises ».[6]

Aujourd’hui, même si certains groupes de NSBM sont interdits de diffusion ou de vente en France (et sûrement dans d’autres pays) pour non-respect des lois ou règlement d’utilisation des plateforme (impossible d’acheter du Goatmoon sur Discogs ou d’écouter Peste Noire sur Deezer), on en trouve encore officiellement sur des plateformes comme Deezer ou Spotify (l’intégralité de la discographie de Burzum, Graveland ou Temnozor reste disponible).

Il est important de noter que certains albums sont écoutables sur YouTube et nécessite un rapport en masse des utilisateurs/rices pour faire les faire disparaître. Ceci s’explique par la porosité des thèmes. Des groupes se servent de thèmes comme l’histoire, le paganisme ou le folklore national pour véhiculer leurs idéologies. En voici quelques exemples :

  • Burzum utilise l’odinisme pour affirmer la supériorité de la race aryenne (on lira par exemple cette entrevue).
  • Nokturnal Mortum se sert des traditions slaves pour défendre le nationalisme ukrainien.

D’autres groupes ne cachent aucune intention dans leurs textes :

  • Seigneur Voland chante « Ai-je rêvé où l’étoile jaune n’a pas assez brûlé » dans Dernier bastion blanc.
  • Peste Noire chante « J’aime ma race, j’aime ta race / Mais si tu veux diluer les deux, frère trace / Rentre chez toi, fais comme Kémi Séba » dans Turbofascisme.
 

Poster promotionnel de l'album Peste Noire Split Peste Noire de Peste Noire

Poster promotionnel de l’album Peste Noire – Split – Peste Noire, de Peste Noire

 

Poster du groupe Nokturnal Mortum

Poster du groupe ukrainien Nokturnal Mortum (avec des runes dans les angles)

  • Satanic Warmaster chante « Enthroned Aryan spirit the resurrection of our reich //
    Valour of pagan Europe » dans Strenght & Honour.

Il est donc très difficile de déceler les groupes qui usent de certains thèmes pour véhiculer leurs idées merdiques. Il semble parfois nécessaire de creuser dans les interviews, les photos de groupes ou voir les autres groupes et collaborations des musiciens.

Par exemple, même si le groupe polonais Mgła ne semble pas forcément lié à l’extrême-droite, l’un des musiciens arbore pourtant un patch à l’effigie du groupe Peste Noire sur scène, et le groupe sort ses albums via le label Northern Heritage, (label géré par Mikko Aspa, musicien reconnu dans le milieu NSBM et accessoirement fan de pédopornographie – regardez le projet Nicole 12, si vous en avez le coeur –, qui possède un catalogue bien fourni en groupes national-socialistes et sympathisants), sort un split avec Clandestine Blaze (groupe antisémite finlandais) et les membres de Mgła seront même embauchés pour jouer en live pour Clandestine Blaze. Si on ne peut pas affirmer que le groupe est ouvertement d’extrême-droite avec ces éléments, on peut reconnaître un certain copinage suspect (ici). De plus, l’existence du Temple Of Fullmoon (cercle NSBM polonais assez influent) me fait me méfier des groupes de Black Metal polonais aux attitudes ambiguës vis-à-vis de l’extrême-droite.Peut-être qu’un jour, je parlerai de « l’apolitisme » dans la musique. Ce sujet m’intéresse énormément. Il faut que je creuse.

Jusqu’en 2020, j’assumais publiquement les groupes que j’écoutais, je ne voyais aucun problème à ça. Je pouvais porter des habits à l’effigie de Peste Noire ou Baise Ma Hache par exemple en expliquant que j’adorais ces groupes et que l’idéologie véhiculée faisait partie de l’essence même du genre, que ça représentait leur sincérité, qu’il ne fallait pas s’arrêter à ça. Je ne comprenais pas qu’on me reproche de faire la promotion pour ces groupes…

À présent, je me sépare de tout ce que j’ai en lien avec cette scène. Elle ne représente plus rien de bon pour moi et même « écouter pour la musique » me renvoie à des choses plutôt négatives de ma vie. Je ne souhaite plus soutenir ni ces artistes, ni les labels qui en font la promotion et/ou la diffusion. J’accepte que mes amis proches puissent séparer l’œuvre de l’artiste, mais personnellement je ne veux plus le faire ni faire la promotion de ces groupes et je préfère soutenir d’autres projets beaucoup plus en adéquation avec le moi d’aujourd’hui.

antifascist black metal par Branca Studio

Image offerte gracieusement à tous les groupes de Black Metal voulant estampiller leurs albums de cette image. Par Branca Studio.

C’est à cause des groupes de NSBM (et des sympathisants d’extrême-droite) que j’ai embrassé l’extrême-droite. Aujourd’hui, ça ne m’intéresse plus.

Désormais, j’essaie d’appliquer au mieux ce processus de déconstruction à tous les autres rapports de domination de nos sociétés (luttes LGBTQIA+, égalité femmes/hommes, luttes des classes, intersectionnalité…).

Je ne regrette pas de m’éloigner de cette idéologie.

Il est clair, que dans mon témoignage des faits et détails historiques sont erronés. La pseudo-histoire et l’imaginaire d’un ado pas assez curieux pour ouvrir un livre de plus de cinquante pages mêlés à un esprit critique non-aiguisé (voire inexistant) m’a fait tisser des liens qui n’ont peut-être pas lieu d’être dans le réel. Et pourtant…

Ne laissons pas l’esprit critique se dépolitiser et ne le laissons pas non plus basculer dans le conservatisme. Car là-bas, il fait froid, ça pue et ce sont des horizons trop étriqués.

Gloire au Black Metal !

Mort au NSBM !

Thomas

[1] As Wolves Among Sheep, La saga funeste du NSBM, de Davide Maspero et Max Ribaric, éditions Camion noir (2015)

[2] Choosing Death, L’histoire du death metal et du grindcore, d’Albert Mudrian, éditions Camion blanc (2004).

[3] New Wave of American Heavy Metal, de Garry Sharpe-Young, Zonda Books (2005).

[4] Anthologie du Black Metal. Tome 1 & 2 d’Alexandre Guudrath, éditions Camion blanc (2012).

[5] Le satanisme, marchepied de l’extrême droite, Elsa Evrard, Libération 23 mars 2005.

[6] Je vais faire un parallèle avec Je ne MÉRITE PAS mon SUCCÈS, vidéo de Linguisticae.

 

« Le nuancier des groupes des groupes de Black Metal d’extrême droite »

Suite à un commentaire de Jean (et d’autres personnes sur d’autres réseaux), j’ai pu constater que le manque de nuance pour classer les groupes cités dans le NSBM ou non a pu déranger. Et même si je ne partage pas cette opinion je peux l’entendre et la considérer comme valable. J’ai expliqué au début de l’article ma difficulté morale à nuancer les comportements de certains groupes. Je précise que ma position ne change pas, si je change d’avis sur l’utilisation de la définition large de NSBM, je le ferai savoir. Je tiens aussi à souligner que cet article, qui est un témoignage, est teinté d’une certaine dose de militantisme. N’oublions pas que les idéologies politiques se transmettent aussi à travers l’art et la culture.

Nous pouvons discuter de la subjectivité sans problème, bien évidemment.

Cités dans l’ordre de l’article :

Peste Noire : anarchiste de droite, racialiste et identitaire

Baise Ma Hache : nationaliste et suprémaciste blanc

Mgla : sympathisant avec la sphère d’extrême-droite

Taake : idéologie d’extrême-droite marquée (islamophobie, nationalisme, rhétorique d’extrême-droite)

Ancient Rites : thèmes hautement nationalistes (ambigu), tendance néo-païen

Burzum : racialiste, aryaniste, raciste, antisémite et suprémaciste blanc

Absurd : nazi assumé

Graveland : nazi assumé

Nokturnal Mortum : antisémite et nationaliste

Goatmoon : nazi assumé

Temnozor : nationaliste assumé

Seigneur Voland : nazi assumé

Satanic Warmaster : nazi assumé

 

Pourquoi les groupes cités sont d’extrême-droite ?

  • Burzum (projet solitaire de Varg Vikernes, alias Louis Cachet, chantre de l’óðalisme, un néopaganisme teutonique antisémite survivaliste) : ici, ici et
  • Absurd : il suffit de traduire les paroles et regarder les visuels des productions du groupe, , ou
  • Graveland : , ici ou ici
  • Nokturnal Mortum : , , ici
  • Peste noire : , , ici, ici. Les paroles des musiques sont très explicites. La première démo s’intitule même Aryan Supremacy (suprématie aryenne).
  • Seigneur Voland : paroles explicites elles aussi.
  • Clandestine Blaze : , ici
  • Goatmoon : ici,
  • Baise Ma Hache : , ici. On remarque le blason de la division Charlemagne
  • Supreme Mrap : en tapant juste le nom du groupe dans un moteur de recherche ça devrait vous convaincre…

Pour aller plus loin

  • Bleu blanc Satan, documentaire sur une partie de la scène Black Metal française, de Franck Trébillac et Camille Dauteuille (2018)
  • Until The Light Takes Us, documentaire sur le black metal norvégien, par Aaron Aites et Audrey Ewell (2009)
  • Metal Crypt, le NSBM, vidéo de Maxwell, ex-2guys1Tv, sur le NSBM. La vidéo n’est plus hébergée sur sa chaîne, elle a été supprimée par YouTube. Maxwell n’a pas souhaité la ré-uploader car sa position vis-à-vis du NSBM a changé. Il ne souhaite plus donner de visibilité à certains groupes nommés dans la vidéo. Néanmoins Maxwell nous a donné son accord pour partager le lien de sa vidéo uploadée par un autre utilisateur. On le remercie.

Voici quelques articles que je juge importants dans les actions antifascistes dans le (Black) metal :

Petites refs de Richard

  • Sur le néo-paganisme, j’ai encadré le travail de master de Jérémy Fernandes-Mollien, Modalités et raisons d’entrée en religion dans les syncrétismes néopaïens français. Sciences Po Grenoble 2017 (ici). Il y a aussi quelques travaux introductifs sur la symbolique nazi, et l’instrumentation de l’archéologie, comme ce travail réalisé dans mon cours, ainsi que des travaux historiques plus poussés comme ceux de Jean-Paul Demoule (j’en ai causé en 2014).
  • Sur un autre parcours du même type, voir Clément alias Karp, du collectif L’Extracteur, et son outing soralien (à écouter ici sur le soundcloud de Conspiracy Watch, ou regarder ).
  • Il n’y a pas que du black metal nazillon. Il y a aussi du rap et des paroliers. Pour les plus téméraires, il y a Basic Celtos, Kro Blanc, Amalek, Mc Amor, Goldofaf, Fasc, et chez les paroliers à l’ancienne, Jean-Pax Méfret par exemple (dont l’écoute de plusieurs albums d’affilée m’a fait frôler l’AVC).
  • Sur l’infusion de la pensée d’extrême-droite, crue, dans certains milieux comme la police, le podcast Gardiens de la paix, d’Ilham Maad (Arte radio, 2020).
  • Sur la pensée d’Anders Breivik, écouter la série saisissante Utoya, 22 juillet : quelques minutes du procès, dans Les Pieds sur Terre, France Culture, juillet 2012.
  • Quelques films ou documentaires sur l’extrême droite :
    • This is England, de Shane Meadows (2006)
    • Danny Balint (The Believer), de Henry Bean (2001)
    • Antifa chasseurs de skins, de Marc-Aurèle Vecchione (2008).

Promotion NSBM : Cyril Mendre Drakkar Productions et Noktu de Peste Noire

https://images.midilibre.fr/api/v1/images/view/5cad2e063e454658190e85be/large/image.jpg
affichage Sequane Fest VII dans les locaux Drakkar

Midi Libre

Wikipedia

Nous trouvons de multiples productions NSBM et figures NSBM dans le catalogue des marchandises labellisées Drakkar Prods :
Peste Noire dés la première heure, Grand Belial’s Key, Graveland, Sacrificia Mortuorum, … la liste est longue, mises en marché sous multiples formats : CD, K7, LP, EP, Vynil, …

Discogs

Membre historique de Peste Noire dont il a produit et mis en marché les propositions ouvertement antisémites sous la forme d’imagerie nazi qu’il a lui-même estampillé
Noktu
Noktu de Peste Noire et Drakkar Productions

 


Une rumeur dit que Cyril Mendre a des liens avec l’orchestre NSBM “Gestapo 666” affiché au rassemblement NSBM Hot Shower 2019