Un néo-nazi norvégien arrêté en France

 

Kristian Vikernes, dit "Varg", était venu s'installer en France après avoir purgé une peine de 21 ans de prison en Norvège.

Kristian Vikernes, dit “Varg”,
le réfugié a trouvé asile à Salon-la-Tour en Corrèze en France
après avoir purgé une peine de 21 ans de prison en Norvège.
© Capture Facebook de Kristian Vikernes

 

Sympathisant de Breivik, il était soupçonné de préparer un “acte terroriste d’envergure”.

Un néo-nazi norvégien et figure du black metal, sympathisant de l’auteur de la tuerie d’Utoya en juillet 2011 Anders Breivik, et son épouse française ont été arrêtés mardi à l’aube en Corrèze. Kristian Vikernes, dit “Varg”, 40 ans, et Marie Cachet, 25 ans, ont été interpellés par les policiers de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) à leur domicile à Salon-La-Tour, où ils vivaient avec leurs trois enfants, a indiqué cette source, confirmant une information de RTL. Ce néo-nazi était susceptible de préparer un “acte terroriste d’envergure”, a fait savoir  mardi midi le ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, tout en reconnaissant qu’il n’y a pour le moment “ni cible, ni projet identifié”.

Adepte des tenues militaires, Kristian Vikernes avait camouflé ses trois voitures :

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© Europe1/Benjamin Peter

Quatre fusils achetés par sa femme. Kristian Vikernes, dit Varg, était venu s’installer en France en 2010 après avoir purgé une peine de 21 ans de prison en Norvège, la peine la plus lourde dans ce pays, finalement ramenée à 16 ans. Sa femme, une Française inscrite dans un club de tir, venait d’acheter quatre fusils en toute légalité. Si le Norvégien était depuis plusieurs années l’objet d’une surveillance c’est au début du mois que l’affaire a été judiciarisée, avec l’ouverture d’une enquête préliminaire par la section antiterroriste du parquet de Paris. Une décision consécutive à cet achat d’armement. En perquisition, les policiers ont notamment saisi mardi matin cinq armes longues, dont quatre carabines 22 long rifle.

Raciste et néo-nazi notoire. Raciste et néo-nazi notoire, Kristian Vikernes est par ailleurs un des 500 destinataires du manifeste écrit par Anders Behring Breivik, l’auteur de la tuerie d’Utoya qui a fait 77 morts en juillet 2011. Ce dernier a été jugé pénalement responsable d'”actes terroristes” et condamné à 21 ans de prison en août 2012  [Kristian Vikernes est condamné le 16 mai 1994] par la justice norvégienne. En avril 2011, Kristian Vikernes avait signé une tribune en français sur son site internet personnel. Intitulé “Chère France”, ce texte appelait les Français à voter pour le Front National.

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© Capture -site Burzum.org

L’homme  était  considéré par les enquêteurs comme “susceptible de préparer des actions violentes” et à ce titre “jugé dangereux”, a indiqué une source policière. Une source judiciaire a de son côté évoqué une “dangerosité potentielle”. Les enquêteurs s’inquiétaient notamment de messages ouvertement antisémites et xénophobes du Norvégien sur internet à quelques jours de la date du 22 juillet, le triste anniversaire de la tuerie d’Utoya.

Une figure du black métal déjà condamnée. “Varg”, qui signifie le loup, est une figure de la musique black metal, connue au-delà des frontières norvégiennes jusqu’en France. Sa condamnation dans les années 90 avait été prononcée pour plusieurs incendies d’églises et pour l’assassinat de plus de 20 coups de couteau de son ami Oyestein Aarseth, alias Euronymous, ancien leader du groupe Mayhem, groupe culte de ce genre musical.

Varg venait de sortir un disque, le 28 juin dernier, avec son groupe actuel, “Burzum”, ce qui signifie “ténèbres” en langue de Tolkien.

https://www.europe1.fr/international/Un-neo-nazi-norvegien-arrete-en-France-550324

“Vikernes défend une Europe blanche débarrassée de tous les peuples métissés et des juifs”

https://www.lemonde.fr/politique/article/2013/07/16/vikernes-defend-une-europe-blanche-debarrassee-de-tous-les-peuples-metisses-et-des-juifs_5992839_823448.html

Stéphane François est historien des idées et spécialiste des sous-cultures d’extrême droite. Il revient sur Varg Vikernes, néonazi norvégien interpellé mardi matin en Corrèze et sur les relations entre la scène Black metal et l’extrême droite.

Qui est Varg Vikernes ?

C’est un musicien norvégien de la scène Black Metal, une figure importante, même mondiale de ce courant musical. Varg Vikernes, Kristian de son prénom, est surtout connu pour avoir défrayé la chronique dans les années 1990 pour des propos racistes, satanistes et des incendies d’églises plus que millénaires en Norvège.

https://youtu.be/CYJ6H2kKbFE

Il est aussi connu pour avoir tué un membre de son groupe, Øystein Aarseth, alias Euronymous. Il fera de la prison pour cela, 21 ans, la peine la plus lourde en Norvège.

Il a aussi fait quelque chose qui a beaucoup choqué en Norvège, il a pris comme second prénom, Quisling, du nom chef de gouvernement pronazi norvégien pendant la seconde guerre mondiale.

Vikernes fut aussi un ancien skinhead dans sa jeunesse. Il est à la fois un musicien et quelqu’un qui s’est radicalisé avant d’aller en prison mais est devenu « officiellement » néonazi en prison. Varg Vikernes a aussi soutenu un groupuscule néonazi, le « Einsatzgruppe », qui prévoyait de faire des attentats en Norvège. Cette frange radicale n’hésite pas à avoir de propos racistes dans leurs entretiens.

Appartient-il à des groupes politiques ?

https://lahorde.samizdat.net/local/cache-vignettes/L730xH300/vikernes-proaee8-26fa2.jpg?1697470728

Oui, il appartient à plusieurs structures néo-païennes völkisch, des groupuscules, comme le Front païen norvégien et le Front païen germanique. Il se réclame du paganisme nordique. Il est aussi un des membres fondateurs du mouvement extrémiste norvégien Résistance Aryenne.

 Quel est son courant musical ? 

Au départ, c’est le Black metal. Avec son premier groupe, Mayhem, c’est une des figures phares du Black metal. Une fois qu’il a fondé Burzum, son nouveau groupe, il est devenu une figure de proue dans le monde du National socialist black metal (NSBM). D’ailleurs, Burzum, c’est une grande référence, quelque chose d’important, on peut trouver leur disque à la Fnac ou chez Gibert ! Ce n’est pas cantonné au « petit milieu ». Les CD peuvent tirer à 20 000 ou 30 000 exemplaires.

Le Black metal est apparu au milieu des années 1980. C’est une évolution musicalement, esthétiquement et textuellement violente du Metal. C’est une sorte de vision lourde musicalement, pessimiste du hard-rock, qui prise les sons gutturaux et les atmosphères oppressantes. Sa genèse musicale renvoie à plusieurs groupes et registres : Black Sabbath, pour les textes désespérés, Kiss et Alice Cooper, pour les maquillages et Led Zeppelin pour les textes occultistes. Parmi les codes du Black metal, il y a la misanthropie, la haine du monde mais surtout un discours élitiste.

Une partie des références est ouvertement païenne, l’autre étant un satanisme bricolé à partir des représentations romantiques du satanisme médiéval. Ces groupes font référence à un monde mythique d’avant l’histoire où de super guerriers harnachés de cuir et de métal combattent les dragons, les entités maléfiques, les dieux…

Au niveau (pseudo) religieux, cette scène a fait un syncrétisme entre le paganisme nordique, celte parfois, et le satanisme, à un tel point que parfois nous pouvons même parler de « pagano-satanisme ». Ce syncrétisme se renforce chez les plus radicaux d’un racisme biologique.

Ces « pagano-satanistes » professent un antichristianisme primaire mâtiné de darwinisme social. « Le christianisme est pratiqué par des gens trop faibles pour contrôler leur propre vie. La religion représente la morale de pitié illogique qui va à l’encontre des lois de la nature », explique par exemple l’une des figures du milieu. Ces groupes insistent ouvertement sur la bestialité, la brutalité et la force, les faibles subissant la violence des forts, c’est-à-dire des Vikings. Ce darwinisme primaire est revendiqué et assumé par la frange la plus radicale de cette scène.

Certains des groupes radicaux influencés par les délires racialistes païens de Varg Vikernes accompagnent leurs disques de représentation de la Totenkopf (la tête de mort des divisions SS gardiennes des camps de concentration) et de runes. Il a même existé même un groupe appelé Zyklon B, du nom du gaz utilisé dans les camps d’extermination.

Cette mouvance est implantée partout ?

On en a principalement du NSBM en Europe et aux Etats-Unis mais aussi en Australie ou en Nouvelle-Zélande. En France, leur heure de gloire a eu lieu lors de la décennie 1990-2000. Il y a encore pas mal de fanzines et de labels qui en font la promotion, comme* Deo Occidi, fondé par Rudy Potyralla, lié aux Charlemagne Hammerskins. [* à la fin des années 90]

Il y a eu une tentative de récupération politique de la scène Black metal  par l’extrême droite radicale  ?

Le genre de propos et de provocations du milieu Black metal radicalisé ont incité une partie de l’extrême droite païenne à tenter de récupérer ces groupes. Nouvelle résistance  [formation nationaliste-révolutionnaire créée en 1990 et disparue aujourd’hui] l’a tenté par exemple.  Ils  avaient  essayé   de mettre en place un label pour sortir des disques de musique industrielle et de Black metal. Le fanzine Napalm Rock était  d’ailleurs lié à ce groupuscule animé par Christian Bouchet [ancien dirigeant nationaliste révolutionnaire, il est aujourd’hui tête de liste FN aux élections municipales à Nantes].  Le but affiché de Napalm Rock  était de « montrer que la culture musicale nationaliste/païenne est aussi liée au Black metal, au Death metal, à la musique industrielle et au hardcore ».

Cette politique est aussi celle   aujourd’hui  de  la revue  Réfléchir & Agir qui chronique dans ses pages des productions musicales Black metal. Actuellement encore, les forums de certains sites Internet consacrés au Black metal voient des tentatives d’entrisme de la part de militants d’extrême droite, notamment néo-nazis et nationalistes-révolutionnaires, quand ils ne sont pas complètement noyautés par ceux-ci. Cet entrisme est facilité par la naïveté et l’apolitisme revendiqué des animateurs de ces sites. Il se peut aussi que des sites soient créés par des militants d’extrême droite, adaptant au Web la politique de la décennie précédente vis-à-vis des fanzines.

Autre exemple, les profanateurs de Carpentras, des skinheads, venaient de la scène Black metal. La tendance NSBM est une des composantes de la mouvance néonazie actuelle.

Ne soyons pas trop dur avec les imprécisions journalistiques :
L'auteur confond 2 affaires de profanations de cimetières :

- Carpentras 1990 : skinhead PNFE crane rasé ne provenant pas de la scène black metal
la profanation d’un cadavre dans le cimetière juif de Carpentras (Vaucluse), en mars 1990. Imputé à l’influence culturelle du FN, cet acte, qui devint un événement de mobilisation fondamental dans la stratégie de mobilisation politique et associative contre le Front national, fut élucidé seulement en 1996, alors que l’un des auteurs, Jean-Claude Gos, skinhead de Denain (Nord) et membre du PNFE, était déjà décédé. 

- Toulon 1996 : les profanateurs membres du groupe Funeral sont chevelus et pas skinheads mais ont opérés la convergence NS+BM

Quels rapports Varg Vikernes entretient-il avec Andreas Breivik ? Il était récipiendaire du Manifeste de Breivik mais au lendemain de la tuerie d’Utoya, il avait estimé que ce dernier « faisait le jeu des juifs »…

Pour Varg Vikernes, Breivik est un petit joueur. Vikernes est beaucoup plus radical et extrême.. Breivik défend l’Occident chrétien, pour Vikernes il est hors de question de défendre l’Occident chrétien, ni l’Occident tout court, qu’il considère comme dégénéré.

Vikernes reprend les thèmes nazis sur la décadence de la civilisation américaine. D’ailleurs les personnes avec qui il est en contact aux États-Unis comme Michael Moynihan,  vivent au fin fond des Etats-Unis, sans aucun contact avec le monde extérieur, en autarcie, ils ont leur communauté païenne germanique et surtout aucun mélange ni aucun contact avec les populations métissées.

Un exemple pour illustrer tout ça : Vikernes a laissé tomber le heavy métal car pour lui le rock, qui vient du blues, est une « musique de nègres ». Il a abandonné l’aspect rock pour se tourner vers le folk, musique « blanche » dépourvu de toutes influences, et musique électronique de type industriel, entièrement « blanche » aussi.

Pour résumer sa pensée, Vikernes défend une Europe blanche débarrassée de tous les peuples métissés et des juifs. C’est le nouvel ordre européen des nazis avec une Europe forcément païenne.

Propos recueillis par Abel Mestre et Caroline Monnot