La plainte déposée par le Crif vient d’être classée sans suite. «Libération» s’était infiltré chez ces prophètes du IIIe Reich.
Deux colosses cagoulés et masqués multiplient les rondes sur le vaste parking, quatre autres gardent la porte d’entrée. De l’intérieur des bonnets au fond des chaussures, leur fouille est millimétrée. Aucun téléphone, pas un micro ne doit passer entre les mailles du filet. L’atmosphère est lourde.
Ce samedi-là, on célébrait les 124 ans de la création du Parti national-socialiste allemand, le parti nazi.
Quant à la réponse de l’État elle reste, à ce stade, homéopathique. Comment un tel rassemblement a-t-il pu passer sous les radars ? Cinq préfectures de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont celle de l’Isère, avaient pourtant pris les devants en interdisant cette cinquième édition du Call of Terror. En plein cœur d’une région gangrenée par les groupuscules d’ultra-droite, l’arrêté préfectoral n’a vraisemblablement pas été très dissuasif. «Il s’agit d’une épreuve de force. Le maintien du concert est symptomatique du degré de confiance actuel de ces militants, synthétise Thorsten Hindrichs, docteur spécialiste des mouvements musicaux d’extrême droite à l’Université de Mayence (Allemagne). En clair, ils disent : “Vous voyez, nous n’avons pas peur des autorités et nous poursuivons notre projet, quoi qu’il nous en coûte.”»
L’envoi d’un mail suffisait pourtant à connaître l’adresse du festival.
Une trentaine euros permettait même d’y pénétrer pour observer ce que les organisateurs voulaient tant cacher.
Leur stratégie était-elle de collecter des renseignements sur les participants pour les sanctionner ?
Certes, les cinq points de contrôles dressés aux abords de la ville et la centaine de gendarmes dépêchés sur le site ont permis 330 contrôles … pour un bilan dérisoire : une dizaine de contraventions. A-t-on préféré limiter les risques de débordements ? «Les flics préfèrent laisser 300 personnes dans un lieu privé sans aucun trouble plutôt qu’une annulation de dernière minute avec des centaines de personnes énervées dans un village… C’est une autre responsabilité», sourit l’un des participants. Résultat : si dehors les gyrophares bleus illuminent le ciel de pleine lune, dedans, plus l’heure avance, plus l’indécence s’accentue. Il ne manque que le bruit des bottes.
Un festival de black metal néonazi s’est tenu malgré l’interdiction des autorités le 24 février en Isère…
🎙️ Ce n’est pas la première fois que ces mouvances parviennent à défier les autorités… L’occasion pour @Const_vila de décrypter ces événements avec @ChrisCGarnier 👇 pic.twitter.com/Q3TtTCKSO9
— Mouv' (@mouv) March 4, 2024
“On s’est fait rouler dans la farine.” La réaction ce dimanche 25 février, du maire de Vézeronce-Curtin (Isère), Maurice Belantan. La salle des fêtes de sa commune, située près de Morestel (Isère), a été louée il y a deux mois et demi pour un anniversaire. Il s’agissait en fait d’une couverture pour un festival de black metal, “Call of Terror”, qualifié comme “proche de l’idéologie néonazie” par la préfecture de l’Isère. Le maire de la commune a porté plainte samedi soir à la gendarmerie de Morestel pour “tromperie sur le type de qualificatif”, a-t-il expliqué.
Prévu en Auvergne-Rhône-Alpes, le lieu de l’événement a été révélé au dernier moment. Les organisateurs avaient notamment choisi la date d’anniversaire de la création du parti nazi par Adolf Hitler pour déterminer le jour. L’événement avait été interdit au préalable par les services de l’État. “Il s’agissait de prévenir toute atteinte à l’ordre public que peut générer un tel événement”, explique la préfecture de l’Isère dans un communiqué.
“On ne nous a pas laissés rentrer”
“J’ai été surpris quand la préfecture m’a appelé pour dire que le rassemblement interdit allait se tenir dans la salle de Vézeronce-Curtin, raconte le maire. On a souhaité rentrer dans la salle, mais on ne nous a pas laissés rentrer avec mon adjoint, la plupart portait un foulard.”
Les gendarmes ont contrôlé le locataire de la salle, mais il n’a pas souhaité plier bagage.
Ce dimanche matin, les 150 participants qui ont assisté au concert, dans une salle pouvant en accueillir jusqu’à 1 000 debout d’après la préfecture, sont partis. L’événement a pris fin vers 1h30 dans la nuit de samedi à dimanche. “On avait une certaine crainte pour la nuit, ajoute le maire Maurice Belantan. Tout s’est finalement bien passé. Au niveau du voisinage, il n’y a pas eu de bruit.” L’état des lieux de la salle a été effectué dimanche après-midi. Aucun dégât n’a été constaté indique Maurice Belantan.
330 véhicules contrôlés par la gendarmerie
Les gendarmes ont contrôlé 330 véhicules. “Les identités des occupants ont systématiquement été relevées“, indique la préfecture dans un communiqué en précisant que “plusieurs infractions ont été constatées sur le champ qui ont fait l’objet de verbalisation”. Samedi soir, cinq points de contrôles avaient été mis en place par la gendarmerie sur les principales routes permettant d’accéder à la commune.
Dans un communiqué samedi soir, le préfet rappelle que toute infraction sera constatée et réprimée, s’agissant des organisateurs, dans les conditions fixées par l’article 431-9 du code pénal, à savoir six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende et, s’agissant des participants, par l’article R. 644-4 du même code instituant une contravention de quatrième classe.
Le Crif Grenoble-Dauphiné appelle à des poursuites
Dans un communiqué, le Crif Grenoble-Dauphiné (Conseil représentatif des institutions juives en France) appelle à des poursuites contre les organisateurs et les participants, “non pas seulement sur les seules infractions de participation à un spectacle interdit mais avant tout pour incitation à la haine et apologie de crime contre l’humanité“. L’association annonce par ailleurs que si des poursuites venaient à être engagées, elle se constituerait partie civile.
Louée pour un anniversaire, la salle des fêtes du village accueille un festival de black métal néonazi clandestin
➡️ https://t.co/3tzSqxG9Xohttps://t.co/3tzSqxG9Xo— La Dépêche du Midi (@ladepechedumidi) February 25, 2024
Le maire a déposé plainte. https://t.co/hwrEFCMOii
— Le Dauphiné Libéré (@ledauphine) February 24, 2024
Isère : un festival de black metal interdit, "proche de l'idéologie néonazi", se tient à Vézeronce-Curtin
➡️ https://t.co/Cyu5GUUIW3 pic.twitter.com/LsbWut7eaY— France Bleu (@francebleu) February 24, 2024
Voici l’adresse de la salle. Selon le @Prefet38, « la gendarmerie a procédé à la notification de l'arrêté d'interdiction à l'organisateur à 18 h, celui ci a refusé d'en respecter les termes ». 🫠 pic.twitter.com/3ongnLHegR
— Donatien Huet (@dodonatien) February 24, 2024
Le lieu était soigneusement caché. Le festival de black métal « Call of terror » se tient en fait ce soir à Vézeronce-Curtin dans une salle communale. https://t.co/xs4aIV2z7A
— Le Dauphiné Libéré Nord Isère Vallée du Rhône (@LeDLisere) February 24, 2024