La repentance du tueur satanique

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LE FACE-A-FACE entre Dieu et Satan a tourné court, hier, devant la cour d’assises du Haut-Rhin à Colmar où David Oberdorf, 23 ans, comparaît pour le meurtre du curé de Kingersheim, le 19 décembre 1996. Assassiné en pleine nuit dans son presbytère de 33 coups de couteau, l’abbé Jean Uhl, 68 ans, a eu le temps de dire « Merci Seigneur » avant de mourir. Cette première journée d’audience a été celle du « pardon ».

David Oberdorf a l’air ailleurs lorsque le procès s’ouvre. Loin de sa musique lancinante de dark metal, des rites sataniques, des messes noires, les seules qui le fascinaient. L’accusé, au physique d’ado, a le regard vague, comme perdu dans cette enceinte. Il a tout juste un pincement des lèvres lorsqu’il aperçoit ses parents. A la lecture du rappel des faits, il paraît soudain prendre conscience de la réalité de la situation. Oberdorf éprouve même le besoin d’essuyer ses yeux qui ont lâché des larmes. A la présidente qui l’a observé pendant plus d’une heure avant de lui rappeler qu’il encourt la perpétuité, Oberdorf répond : « Je veux demander pardon à la famille du père Uhl. » Avant d’entamer les débats, la cour a dû s’interroger sur la recevabilité de la constitution de partie civile par l’archevêque de Strasbourg. Entendu, M g r Doré a pu ainsi honorer la mémoire de l’abbé Uhl, « le curé des pauvres ». Il veut dire, à quelques jours de Pâques, que « l’abbé Uhl est passé en faisant le bien, et que lui aussi a été mis à mort ».

« Aujourd’hui, je suis la voie de Dieu »

Se tournant vers Oberdorf, il se dit persuadé que les hommes qui ont commis le pire sont susceptibles de faire du chemin. « Il n’est probablement plus tout à fait le même. David a déjà fait ce bout de chemin. Je ne suis pas venu pour accabler David, ni le juger, ni le condamner. Je demanderai une justice clémente. Lorsque Dieu pardonne, le péché n’existe plus. » L’avocat général Jean Lorentz renverra l’évêque à son Eglise : « Je vous envie, parce que vous, vous pouvez pardonner, mais devant la justice des hommes, mon rôle ne peut être le même, la société que je représente ne me le pardonnerait pas. » Bien que David Oberdorf ait soudain accepté que l’évêque soit présent sur les bancs de la partie civile, « parce qu’il a l’air sincère », la cour a décidé que M g r Doré ne serait plus entendu. Ce sont des amis, des paroissiens et des prêtres qui évoquent la mémoire du curé de Kingersheim. Il avait une devise : « Dans la souffrance, il y a trois moyens pour faire face : se taire, dire oui, et la troisième, dire merci Seigneur », ce qu’il a fait au moment de sa mort. Marie-Thérèse, une soeur du prêtre assassiné, a raconté comment après une courte sieste, se réveillant en sursaut, sortant d’un mauvais rêve, l’abbé Uhl a dit à mi-voix : « Un jour, on va me tuer. » Une troisième fois, Oberdorf se lève et veut « demander pardon… si elle l’accepte ». La présidente explique alors que « la cour d’assises n’a pas de pardon à accorder. Elle n’est pas là pour ça ». David Oberdorf, s’adressant aux jurés, tente alors de les convaincre de sa reconversion, grâce à l’aumônier de la prison : « Je me suis demandé comment un prêtre pouvait encore me parler. Je suis plutôt victime du satanisme que satanique. C’est un copain, Anthony Mignoni, qui m’a fait sombrer dans le mal. Aujourd’hui, je suis une autre voie, celle de Dieu. Je sais que c’est moi qui ai commis ce crime, mais je n’arrive pas encore à y croire. J’espère que ce procès m’aidera à m’en rendre compte pour me libérer quelque part. »