Le groupe national-catholique Auctorum annonce un concert des Francs-Tireurs Patriotes demain samedi 18 juin à Versailles : ces ultimes rejetons du rock identitaire (qu’on espérait enterré) visiblement bougent encore…
Le groupe Francs-Tireurs Patriotes (FTP) apparaît en 2009, alors que les principaux groupes de rock identitaire (In Memoriam, qui s’est depuis reformé, Vae Victis ou Ile-de-France) mettaient fin à leurs carrières respectives (restées fort heureusement confidentielles), fermant ainsi la page de l’un des plus cinglants échecs culturels de l’extrême droite.
Le nom du groupe peut surprendre, puisqu’il reprend (à un détail près quand même !) celui des Francs-tireurs partisans, résistants communistes, étrangers qui plus est, qui pratiquaient la lutte armée contre l’occupant nazi. Philippe, l’un des membres fondateurs du groupe, justifie ce travestissement comme « un doigt d’honneur fièrement brandi à destination des gauchistes. » De notre côté, on trouve que ça trahit surtout un manque cruel d’imagination !
Le principal animateur du groupe, qui écrit l’essentiel des paroles, est le chanteur Tanguy Eude, un skinhead néonazi plutôt porté sur la oi !
- Tanguy en 2009 avec son t-shirt du groupe de RAC Lemovice aux couleurs de Blood & Honour. Les connaisseurs apprécieront la Totenkopf SS.
Il ne cache pas son admiration pour Léon Degrelle, fondateur du mouvement belge Rex, à l’origine proche des milieux catholiques qui devient pro-nazi durant la Seconde Guerre mondiale (Degrelle lui-même a rejoint les rangs de la SS) :
Mais pour monter un vrai groupe de rock (Tanguy se contente de chanter et Philippe joue de la guitare), ces deux Parisiens sont à la recherche d’un bassiste et d’un batteur. Pour tenir la basse, ils sont rejoint dans un premier temps rejoints par l’ancien leader d’Europa Nostra, un groupe créé en 2002 par des militants du FNJ tendance national-catholique sur Bourges, où il se font remarqué en se retrouvant impliqués dans une agression en mai 2003.
Et derrière la batterie vient prendre Colin, alias Fasc (une subtile abréviation de « fasciste », faut-il le préciser). Ce dernier avait débuté dans la musique d’extrême droite en faisant du rap (les FTP disent pourtant tout écouter sauf ce genre de musique) mais ouvertement néonazi : le titre de son album, « J’ai pas le Shoah », annonce déjà la couleur, tandis que les paroles de ses chansons sont sans ambiguïté : « Car ton honneur s’appelle fidélité / Bras tendu haut dans le ciel » (extrait de « Ton devoir c’est militer »), « Auschwitz serait-il devenu / Un véritable objet de culte / Exagéré pour qu’on accepte notre chute » (extrait de « Liberté d’expression »), etc.
- Le logo de Fasc est directement inspiré de celui du Rexisme, le mouvement de Léon Degrelle (en médaillon). Remercions quand même Colin de ne pas avoir trop persévéré dans le rap, c’était gênant.
Pour l’anecdote, on peut signaler au passage un feat d’un autre rappeur d’extrême droite, Yves Alphé alias Goldofaf, sur le titre de Fasc « Atlantide », consacré au prétendu foyer de la société originelle des Aryens. Rien d’étonnant en soi, puisque le frère de Goldofaf, Viannet Alphé, est lui-même un bon copain des FTP.
- Yves Alphé, alias Goldofaf, en train de faire la promo de FTP : normal, il a posé sa voix sur un morceau de Fasc, et son frère un ami du groupe…
Le négationnisme de Fasc se retrouve d’ailleurs dans une chanson des FTP,« Leçon d’histoire », qui commence par ces mots sarcastiques : « Françoise votre maîtresse vous a inculqué tant d’erreurs, Qu’elle cède sa place à Cohen ! » et qui évoque l’affaire Dreyfus et la Shoah sur le même ton… Philippe s’en explique dans une interview faite pour Rivarol en juin 2013 : « Cette chanson, « Leçon d’histoire », est emblématique de notre disque. (…) il est clair que le sujet de l’éducation “nationale” est connexe à beaucoup d’autres qui ont tous pour clé de voûte la domination du lobby qui n’existe pas… »
- Le 1er mai 2015, Marion Maréchal Le Pen fait la promo d’un album des FTP, à la pochette pourtant sans aucune ambiguïté.
Les FTP sont le dernier groupe a être produit par Patriote production avec deux albums, l’un en 2010, l’autre en 2013. Ce label fait aussi de la vente par correspondance qui diffuse pour l’essentiel des groupes de rock identitaire français, mais aussi du matériel de propagande : des t-shirts en soutien au mouvement grec Aube dorée ou reprenant le logo de la division SS Charlemagne, des autocollants islamophobes, l’insigne du Parti franciste, etc.
Certains membres du groupe joignent aussi les actes à la parole, puisque Tanguy et Philippe se revendiquent sympathisants du Renouveau français (RF).
LE RF était un groupuscule directement issu de la Garde Franque (GF), un sous-marin de l’Œuvre française au sein du Front National de la Jeunesse (FNJ), la structure jeune du parti de Jean-Marie Le Pen, rassemblant des militants sur une ligne nationale-catholique réactionnaire. La volonté de Marine Le Pen de mettre sous contrôle le mouvement de jeunesse du FN, ainsi que des faits divers sordides poussent la GF s’auto-dissoudre en novembre 2005 pour mieux réapparaître un mois plus tard sous le nom Renouveau Français. Le Renouveau français va utiliser comme structure légale l’Association St Michel Archange, basée à Paris, qui publie la revue L’Héritage, dont la couverture du premier numéro annonce la couleur : elle reprend une affiche de la Légion française des Combattants, créée en août 1940 par le régime de Vichy ! À notez que dans le numéro suivant, on trouve un entretien de Patriote production, le label des FTP.
- La couverture du premier numéro reprend une affiche de la Légion française des Combattants, créée en août 1940 par le régime de Vichy, dont l’historien Jean-Marie Guillon précise que « ses militants ont été les artisans les plus convaincus de la Révolution nationale ».
Mais l’une des particularité du RF est de revendiquer son racialisme, comme il s’en explique dans l’une de ses plaquettes de présentation : à propos de la défense de l’identité nationale, le RF précise que cette dernière est aussi « physique », en regrettant que « ce dernier point est l’un des plus délicats à aborder du fait du terrorisme intellectuel né de la révolution de 1945 » et que ce « critère ethnique » permet pour cette raison de distinguer « les véritables nationalistes » (comme le RF) des « nationaux-républicains » (comme Marine Le Pen).
Le RF prétend offrir une préparation intellectuelle aux cadres pour le mouvement nationaliste de demain, en particulier avec la mise en place d’universités d’été, mais c’est surtout par son activisme et parfois sa violence qu’il va séduire les jeunes nationalistes en mal d’action. Ainsi, dès 2006, le RF participe aux attaques menées par l’extrême droite contre des étudiants grévistes en 2006 à la Sorbonne lors du mouvement anti-CPE [1].
C’est surtout quelques années plus tard, lors du mouvement homophobe contre le mariage pour tous, que le RF va se faire remarquer dans les cortèges, pile au moment où les FTP connaissent leur période “faste” si l’on peu dire.
En 2015, on retrouve Tanguy des FTP au congrès du GUD, qui avait invité les néonazis grecs d’Aube dorée et belges de Nation, et les néofascistes italiens de Casapound.
Deux ans plus tard, il rencontre d’ailleurs Steven Bissuel, le patron du GUD de l’époque : les FTP annonce qu’une partie des recettes de leur concert du 23 septembre 2016 sera redistribué au [Bastion social que Bissuel vient de lancer.
Six mois plus tard, le groupe semble confirmer son engagement du côté nationalistes-révolutionnaire en étant à l’affiche d’un concert qui s’est déroulé le 7 octobre 2017 avec In Memoriam et ZetaZeroAlfa, dont nous vous avions parlé ici.
En 2018, rappelons-nous que les FTP affichent publiquement leur soutien aux responsables de la mort de notre camarade Clément Méric, les néonazis Esteban Morillo et Samuel Dufour, qui passent alors en procès.
Mais les FTP reviennent vite dans le giron national-catholique. La même année, pour la sortie de son troisième album, le groupe est invité par Thierry Bouzard, le référent anti-IVG de Civitas, dans son émission musicale sur TV LIbertés.
Deux ans plus tard, c’est justement à la “Marche pour la Vie” à Paris le 20 janvier 2019, une manif contre le droit des femmes à disposer de leur corps organisée chaque année à cette période, que les Francs-Tireurs Patriotes sont invités sur l’estrade installé au Trocadéro le temps de quelques chansons.
Malgré ce dernier mini-concert improvisé, le groupe semble à bout de souffle. Deux ans plus tard, en 2019, dans une interview pour le quotidien national-catholique Présent, le groupe annonce la sortie d’un nouvel album qui ne verra jamais le jour. Le groupe fait ensuite un concert lors de l’université d’été d’Academia Christiana, mais depuis deux ans, à notre connaissance, plus rien (en même temps le Covid est passé par là).
Ainsi, avec cette invitation d’Auctorum, le groupe fait son come-back : espérons que ce soit le dernier… Au moins pour nos oreilles !