simandre-sur-suran – polémique Le festival viking confronté aux démons du nazisme
Du 21 au 24 juillet, le Ragnard Fest s’annonce comme l’un des temps forts de l’été. Mais la présence de groupes sulfureux alimente la controverse. Au grand dam de l’organisation qui réfute tout amalgame.
« Perseverare diabolicum » comme dirait un sataniste latiniste. L’an dernier, la venue de Nokturnal Mortum au Ragnard Fest de Simandre-sur-Suran, avait déjà causé souci en raison de l’attirance du groupe ukrainien pour la mouvance NSBM. Traduisez National socialist black metal.
Du 21 au 24 juillet 2016, non seulement les ténébreux Nokturnal Mortum reviennent hanter les bords du Suran, mais ils seront accompagnés de barbares sulfureux.
Comme les Polonais de Graveland, inspirés par les mythologies germaniques. Sur une photo de 1999, l’un exécute le salut nazi… Voir aussi Kroda, Ukrainiens férus de folklore enneigé, apparentés à Thor ou à raison au NSBM. En 2009 à Varsovie, les brigades d’extrême gauche Antifa avaient attaqué l’un de leurs concerts.
Et puis Naer Mataron. Lorsqu’il ôte ses oripeaux de bourreau de Lucifer, le bassiste Kaïadas redevient Giorgos Germenis, député au Parlement grec sous les couleurs d’Aube Dorée, le parti qui se lève à l’Est de la droite extrême. Accusé d’avoir agressé des vendeurs de rue en 2012, Germenis s’est encore retrouvé dans la rubrique faits divers en 2013, après avoir menacé le maire d’Athènes avec une arme à feu !
« Des concerts sans problème »
« Sauf que le guitariste de Naer Mataron lui, est d’extrême gauche et que Germenis n’a jamais utilisé la musique pour mettre en avant Aube Dorée, rétorque Franco Gianelli, le directeur du Ragnard Fest.
On l’a dit des millions de fois. On n’a jamais eu et on n’aura jamais de groupes qui feraient l’apologie d’une quelconque haine.
Ceux que vous citez donnent des concerts partout, sans que cela pose problème.
Nulle part, il n’y a volonté de prôner des idées aussi abjectes.
S’il faut disséquer l’histoire de tous les musiciens, on n’en sort plus. »
Il serait effectivement trop simple et terriblement injuste de réduire le Ragnard à un ramassis de fachos.
L’an dernier, à part un accroc au début du concert de Nokturnal Mortum, l’événement s’était déroulé dans une ambiance clean et bon enfant que lui envieraient certains matches de foot.
L’immense majorité des métalleux s’arrachent leurs longs cheveux lorsqu’ils voient leur musique dévoyée par quelques nazillons.
À eux de faire le tri entre les groupes qui tutoient la ligne noire.
Franco Gianelli. directeur du Ragnard Fest
« Nulle part, il n’y a volonté de prôner des idées aussi abjectes. »
Marc Dazy
Une « fasci-nation » équivoque
Le bras tendu d’un Bowie échappé des « Damnés » de Visconti, les insignes du IIIe Reich de Lemmy Motörhead, la croix gammée de Sid Vicious ou les obsessions concentrationnaires de Joy Division, entre provocs’et transgressions, les cas de « fasci-nation » équivoque sont légion dans l’histoire du rock.
Dans le black metal, le côté obscur du Mordor fait partie du jeu. Le genre s’en réfère au Seigneur des anneaux (Tolkien lui-même fut traité de fasciste !), aux mythologies slaves et scandinaves, aux cultes occultes des dieux païens (d’où le « pagan rock ») et à celui du super-bon aryen. La frontière est mince avec l’imagerie nazie qui a habilement détourné ces symboles. Risque de dérapage d’autant plus sensible pour les groupes de l’Est grandis dans les ultranationalismes de l’après URSS.
Où finit le Viking, où commence la bête ? C’est toute la question. « On est là pour donner l’info, invite Franco Gianelli. Que les gens sachent ce qu’est un Viking, Odin ou le paganisme et qu’ils ne laissent pas quelques crânes rasés s’emparer de ces valeurs. »
M. D.