https://journals.openedition.org/terrain/14232#tocto1n13
[…] Les milieux que nous avons étudiés prônent l’« affirmation ethnique ». Ils considèrent que les différences culturelles sont fondées biologiquement, et que leur mélange ne peut être qu’une source de décadence. Selon eux, la « race indo-européenne » est menacée par un certain nombre de périls – un « ethnocide », selon une expression empruntée à l’anthropologue Robert Jaulin –, parmi lesquels se trouvent l’islamisme, l’immigration perçue comme une colonisation ethnique de l’Europe, le métissage et l’impérialisme anti-européen des Américains. La solution résiderait alors dans une défense de l’identité raciale, une « ethnopolitique » à l’échelle de la race blanche. Ils souhaitent faire appel à la « conscience ethnique » des Européens, c’est-à-dire à la supposée conscience individuelle et collective de ces derniers. Il s’agit de défendre les identités biologique et culturelle des Européens, condition indispensable au maintien de la race blanche dans l’histoire des civilisations.
- 18 Parmi les participants de ce colloque « Défense de l’Eurosibérie », organisé par Tierra y Pueblo, l (…)
- 19 La conférence était organisée par le journal russe de tendance néo-païenne Ateheu. La déclaration f (…)
37Concrètement, cette ethnopolitique se manifeste par la promotion d’un grand ensemble européen « blanc » de Brest à Vladivostok, qui s’attache à développer une conscience ethnique. Elle tente de mettre en place une synergie européenne, qui pourrait ensuite s’étendre aux défenseurs non européens de la « race blanche ». C’est ainsi que différents groupuscules se sont réunis en Espagne en novembre 2005 pour un colloque intitulé « En defensa de Eurosiberia18 », tandis qu’une conférence internationale sur « L’avenir du monde blanc » était organisée du 8 au 10 juin 2006 à Moscou19. À l’issue de cette dernière, un « Appel de Moscou » entraîna la création du réseau identitaire Conseil des peuples d’origine européenne, qui donna à son tour naissance à la Coordination identitaire européenne (cie) qui regroupe des groupuscules allemands, autrichiens, espagnols, flamands, français, italiens, portugais, russes, serbes, wallons et québécois. Ce conseil prétend remplacer l’Organisation des Nations unies (onu) par l’Organisation des Nations identitaires (oni).
38Les diverses thèses archéologiques, linguistiques, philologiques, biologiques, raciales que nous venons de voir ont été réfutées par les spécialistes de ces domaines. Ainsi, Bernard Sergent (2005) refuse de parler de race en ce qui concerne les Indo-Européens. Il parle à leur sujet d’une « synthèse ethnique entre au moins des populations préhistoriques locales, c’est-à-dire dont les racines remontent entre autres, sur place, jusqu’aux temps paléolithiques et, par ailleurs, des immigrants porteurs d’une langue indo-européenne dont l’imposition au pays et l’évolution locale aboutirent aux langues historiquement attestées » (Sergent 2005 : 18). De fait, les spécialistes condamnent l’assimilation des Indo-Européens à un groupe racial déterminé, assimilation abusive fréquente dans les milieux d’extrême droite et largement diffusée par Hans F. K. Günther et ses disciples, dont Jean Haudry.
39L’originalité des auteurs ici évoqués est d’offrir une synthèse : reprenant les idées de Tilak, les mélangeant aux thèses racialistes nordicistes de Günther, à la mythologie comparée de Dumézil et à l’ésotérisme formulé par Evola, en minimisant les références à des auteurs nazis sans pour autant les rejeter, ils sont à même d’élaborer une nouvelle anthropologie nordiciste.